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fourneaux briller, le cuivre des casseroles reluire comme le soleil, au château de Lautenbourg, où les Autrichiens font bombance. » Quelques déterminés passent le fleuve, et cueillent à la baïonnette un bon repas, assaisonné de quelques coups de fusil. Une scène accueillie avec enthousiasme, c’est l’enlèvement de la redoute autrichienne. Marceau achètera aux soldats chaque pièce de canon, six cents livres ; marché conclu, marché tenu ; le bataillon s’ébranle, il s’élance au refrain de la chanson si populaire de Charles Gille, entonnépar Darci er, avec un entrain enivrant,

Dieux ! que c’te r’doute est belle ;

et ces héros à cœur d’enfant, tout heureux des sabots neufs qu’on leur a donnés, s’écrient en courant gaiement à la mort :

V’là l’bataillon d’la Moselle en sabots,
V’là l’bataillon d’la Moselle !

Cependant l’argent du général est refusé, et l’on crie les canons dans le camp : à trois sous le tas ! comme les pommes, aux portes de Coblentz. Nous assistons à un ballet assez original de soldats et de vivandières, avec une entrée d’enfants de troupe, dont quelques-uns sont hauts tout au plus comme le panache du tambour-maître. Puis le bataillon de la Moselle passe dans le Tyrol, mais Marceau n’est plus à sa tête ; une balle l’a frappé mortellement à Altenkirchen, et des funérailles antiques ont honoré le jeune général enlevé à vingt-sept ans « sur les ailes des Victoires dans le ciel des héros. » En Italie, où il retrouve un autre chef, Bonaparte, alors dans toute la fleur de son audace et de son ambition, le bataillon de la Moselle est incorporé à cette année d’Italie, dont chaque étape fut un triomphe.

Au milieu de tous ces faits épiques et surhumains dont le drame est bourré, à travers un dialogue plein d’esprit, de gaieté, calqué sur les épigraphes des lithographies populaires, circule une historiette amoureuse que nous avons négligée à dessein ; le bruit de la fusillade et du canon couvre à chaque instant les soupirs du volontaire républicain. Qu’il nous suffise de dire qu’Armand Maubert épouse Mme  de Rennevée, après toutes sortes de péripéties bien disposées pour toucher les cœurs sensibles, et dont les auteurs se sont habilement servis, ainsi que l’a fait remarquer M. Théophile Gautier, pour transporter l’action du camp des républicains au camp des émigrés, et peindre ainsi les deux faces authentiques de l’époque. « L’effet de ce drame a été immense, poursuit l’écrivain que nous venons de citer. L’esprit qui l’anime est profondément français. La plaisanterie y siffle gaiement, comme un air de fifre parmi des appels do clairons et des roulements de tambours. Cela enivre, exalte, rend fou, et fait comprendre ces airs de Tyrtée, qu’on ne pouvait entendre sans courir aux armes. Dieu merci ! la patrie n’est pas en danger, et l’on n’a pas besoin de courir aux bureaux d’enrôlements volontaires ; mais on courra aux bureaux de location du Cirque. » Une chose que les feuilletons du lundi ont omis de dire, c’est que le drame du Cirque s’est inspiré d’une chanson bien connue, du poëte populaire Charles Gille, mort par le suicide en avril 1856. Cette chanson, intitulée le Bataillon de la Moselle, et intercalée habilement par les auteurs au milieu d’une scène, n’a pas été un des moindres succès du drame. M. Darcier, qui en a fait la musique entraînante et bien adaptée aux paroles, l’interprète avec une verve remarquable.

Mais ne quittons pas le bataillon de la Moselle sans raconter le sujet d’une caricature pleine d’une superbe grognardise, et qui, tout jeune, nous a fait rire comme nous ne rions plus depuis longtemps. Le tableau représente de jeunes conscrits cachés dans un marais jusqu’au dessus de la ceinture. Le commandant arrive, monté sur un énorme percheron : « Soldats, s’écrie-t-il, dans une heure d’ici, il sera huit heures du soir ; demain matin, au lever de l’aurore, les ennemis feront une soudaine apparition ; vous quitterez alors ce poste honorable, et vous les enfilerez tous comme des lapins. Si la République est satisfaite, elle votera à chacun de vous une paire de sabots. »


BATAKS, peuple de l’île de Sumatra, sur lequel les missionnaires Burton et Ward nous ont donné d’intéressants renseignements. Les Bataks paraissent être une race relativement policée et intelligente ; la justice est en effet assez régulièrement administrée chez eux. Ils n’ont cependant point de code uniforme ; les lois écrites et les usages varient de district à district ; la plupart des délits sont punis par des amendes pécuniaires ; dont le produit appartient au chef du district, qui est en même temps juge. Le vol avec effraction, le vol sur un grand chemin et l’adultère sont punis de mort ; les cadavres des suppliciés, ainsi que ceux des guerriers tués sur le champ de bataille, sont dévorés par le-peuple. La polygamie est permise ; toutefois un Batak a rarement plus d’une femme. Les mariages entre proches sont sévèrement interdits, quelque éloigné que soit le degré de parenté. Les Bataks croient à l’existence d’un Être suprême, qu’ils appellent Debata-Hasi-Asi, et, vraisemblablement par suite d’une réminiscence de la doctrine indoue, ils prétendent qu’après avoir créé le monde, ce dieu en a confié la direction à ses trois fils, Bataraguara, Sori Pada et Mangana Bulan, qui le gouvernent par l’intermédiaire de leurs

BAT

lieutenants ou vakîl (mot d’origine araoe, dérivé de la racine wagal, confier). Chaque village a son prêtre, dont les fonctions consistent à expliquer les livres sacrés, à déterminer les offrandes par le moyen desquelles on peut apaiser la colère des divinités malfaisantes, et à faire connaître les jours heureux, soit en consultant, les tables astrologiques, soit par l’inspection des entrailles de quelque animal, chien, cochon ou oiseau. Ordinairement, le Batak ne s’occupe guère de ses dieux ; il ne s’en inquiète que lorsqu’il veut faire la guerre, commencer quelque entreprise importante, ou bien quand il a éprouvé quelque malheur. En ce cas, il a recours à son datu ou prêtre, pour savoir quel démon il doit apaiser, ou bien quelle victime il doit immoler. La langue des Bataks paraît n’être qu’un dialecte de la langue malaise. C’est surtout par rapport aux substantifs que l’analogie est frappante, plus cependant pour la langue écrite, ou kata-katai-lan, que pour la langue parlée, ou kata-lohop. Les formes grammaticales de l’une et de l’autre sont également simples. Dans la langue des Bataks, on trouve beaucoup de mots empruntés au sanscrit, mais point, ou. du moins fort peu de mots arabes, tandis que la langue malaise renferme, au contraire, une assez notable proportion de. mots arabes introduits par l’islamisme. Les Bataks connaissent l’écriture, et leur système graphique est évidemment dérivé de l’alphabet sanscrit ou devanagari, La direction de l’écriture est de gauche à droite, et il n’existe pas de séparation entre les mots. Chaque consonne porte sa voyelle avec elle. Les Bataks possèdent une littérature assez riche, qui consiste principalement en ouvrages religieux, formules de prières, de cérémonies, de sacrifices, traités sur l’art de la guerre, recueils de médecine empirique et superstitieuse, etc. Les Bataks ont cultivé, non sans succès, la poésie ; leurs vers sont rimes et ordinairement divisés en quatrains, à l’instar des pantouns malais. Souvent se voient des combats poétiques, où des interlocuteurs s’attaquent et se répondent tour a tour, pendant des heures entières, en récitant alternativement des vers. Ces luttes exigent une grande présence d’esprit, et surtout une mémoire sûre et imperturbable, car les réminiscences jouent un grand rôle dans les improvisations rapides faites à haute voix.


BATALHA, bourg du Portugal, prov. d’Estramadure, à 10 kil. S.-O. do Leiria, sur la Lis ; 2, 000 hab. Exploitation de sources salées. Beau couvent de dominicains fondé par le roi, Jean Ierj et destiné à la sépulture des rois de Portugal. Ce magnifique monastère fut commencé en 1388 par Joao 1", vainqueur d’Aljubarrota. On ignore quel fut le principal architecte de ce chef-d’œuvre de l’art gothique, bien que l’on nomme quelquefois Mattheus Fernandès, qui n’en fut que le continuateur. Il faut descendre une douzaine de marches pour être de plain-pied avec le portail de l’église. « Rien ne manque à ce portail, dit M. de Pêne, ni la pensée, ni l’exécution, ni la noblesse dans l’élégance, ni l’élévation dans la grâce. » Les proportions de la façade s’harmonisent parfaitement, et elle est ornée d’une centaine de figures en bas-relief d’un grand mérite. L’intérieur de l’église est d’une simplicité grandiose. De hautes fenêtres ogivales, décorées de beaux vitraux, répandent une lumière douteuse dans la grande nef, où, devant le maître-autel, reposent le roi don Duarte et sa femme, Léonore d’Aragon, dont les statues ont été mutilées en 1808 par les Français. La salle du chapitre forme un carré parfait, dont chaque côté a 20 m. de long. Elle se termine par une coupole en pierres de taille, qui semble suspendue en l’air. Aucun pilier ne la soutient ; elle n’est supportée que par des courbes qui viennent se réunir, au sommet de la voûte, en une large, rosace d’un admirable, travail. Lecloître déploie, dans une médiocre étendue, la plus charmante élégance ; ses fontaines, ses arcades en ogives, ont une grâce et une légèreté infinies. Enfin, la chapelle imparfaite, ainsi Dominée parce qu’elle ne fut jamais achevée, a été bâtie par le roi don Manoel, dans ce style gothique enjolivé, qui semble propre au Portugal.


BATAN, île de l’Océanie, dans l’archipel des Philippines, au N.-E. de Luçon, par 20° 30’de lat. N. et 120° de long. E. Superficie:132 kil. carrés. Riches mines de houille.


BATANÉE ou BASAN, petite contrée de l’ancienne Palestine, à l’E. du Jourdain, entre la rivière Jabbok au S. et l’Hermon (Anti-Liban) au N. Elle était comprise dans la demi-tribu de Manassé, et était arrosée par le Hieromax. La contrée appelée de nos jours El Botthin, sans correspondre à aucune division précise, rappelle la désignation de Batanée, dont elle occupe le territoire.


BATANGAS, ville de l’Océanie, dans l’archipel des Philippines, ch.-l. de la prov. de son nom dans l’île de Luçon, sur la côte méridionale ; 22, 000.hab. On y remarque le palais de l’alcade, l’église paroissiale, le couvent des augustins et l’hôtel de ville. Il La province du même nom, bornée au S. et à l’O. par la mer de Chine, à l’E. par la prov., de Tayabas, au N.-E. par celle de Loguna, mesure 80 kil. du N. au S. et 110 kil. de l’E, à l’O. ; le sol, couvert de montagnes, présente encore les traces de plusieurs volcans éteints. Élève de bétail. On y trouve une assez grande quantité de buffles, sangliers, cerfs, singes et porcs-épics.


BATANOME s. m. (ba-ta-no-me). Comm. Sorte de toile du Levant.


BATARA s. m. (ba-ta-ra). Ornith. Genre de passereaux, voisin des fourmiliers, qui habite l’Amérique et l’Afrique ; il est syn. de thamnophile ; On doit réunir aux vrais bataras le vanga strié, (P. Gervais.) Les bataras ne font que sautiller lorsqu’ils sont par terre, et restent presque toujours perchés. (De Ste-Croix.)

— Encycl. Le genre batara (thamnophilus de Vieillot) appartient à l’ordre des passereaux de Cuvier, famille des pies-grièehes, ou famille des.collurions de Vieillot. Batara est le nom donné à ces oiseaux par les habitants du Paraguay, où ils vivent. D’Orbigny trouve plus naturel de les grouper avec les fourmiliers qu’avec les pies-grièches. Ce sont des oiseaux buissonniers par excellence, comme l’exprime le nom thamnophilus ; ils vont toujours sautillant sur les branches basses des buissons ; ils ne descendent guère à terre que pour y saisir les insectes dont ils font leur nourriture, et ils remontent sur les branches pour les manger. Les mâles, au temps des amours, font entendre des gammes bruyantes, auxquelles les femelles répondent par des sons moins prononcés; mais il est fort difficile^de les apercevoir, parce qu’ils se tiennent toujours cachés dans les fourrés les plus épais. Ce genre a pour caractères:un bec fort, droit, arrondi en dessus, courbé a son extrémité ; mandibule inférieure concave en dessous d’abord, puis bombée jusqu’à ia pointe ; pieds forts, tarses et doigts allongés et terminés par des ongles larges et très-arqués ; ailes courtes, à rémiges étagées ; queue le plus souvent longue et large. Les mâles ont le dessus de la tête noir, et leurs couleurs sont en général variées dé noir et de blanc ou de gris; les femelles sont, brunes ou |rousses, variées de teintes plus claires. D’Orbigny les distingue en espèces nombreuses, dont les principales sont:le grand batara ou thamnophilus major ; le batara rayé ; le vanga ou batara gris ; le vanga ou batara roux ; le vanga strié huppé ; le fourmilier tachet ; le fourmilier gorgeret ; le fourmilier moucheté; le batara à coiffe (thamnophiluspileatus), etc. Toutes ces espèces forment trois groupes : ceux des bataras à grande queue, à courte queue et a bec grêle ; ce dernier groupe se confond avec les formiciwra de Swainson.


BÂTARD, ARDE adj. (bâ-tar, ar-de. — Ce mot, qui primitivement s’écrivait bastard, comme le prouve la présence de l’accent circonflexe, est formé du radical bas, joint au mot, également celtique, tars (extraction). Roquefort, dans son glossaire, assure que l’on disait autrefois fils de bas, frère de bas, pour bâtard. Nous trouvons, en gallois, basdarz ; en irlandais, basdard ; en écossais, basart ; en breton, bastart et bastard. L’italien et l’espagnol ont conservé la forme primitive dans bastardo). Qui est né de parents non mariés l’un à l’autre : Un enfant bâtard. Une fille bâtarde.

Il faut être bâtard, pour coudre sa misère
Aux misères d’autrui
A. de Musset.

Vos mères aux laquais se sont prostituées ;
Vous êtes tous bâtards.
V. Hugo.

— Dégénéré ou altéré : Une race bâtarde. Un olivier bâtard. La reinette bâtarde. C’est une espèce de guitare bâtarde, où il faut arrondir les bras et faire saillir la hanche, invention de l’empire, pour faire poser les femmes à la grecque. (F. Soulié.) Un ordre secret du roi le pria de le reconnaître, sous peine de Bastille éternelle, à cause de je ne sais quel commerce de monnaie bâtarde. (F. Souiic.) || Sans caractères tranchés : La Picardie est une contrée bâtarde, où le langage est sans accentuation, et le paysage sans caractère. (Ste-Beuve.) Les régimes qu’on croise ne produisent que des gouvernements bâtards. (É. de Gir.) || Tenant à la fois de deux choses contraires ou opposées : Les Martyrs, d’après certains critiques, appartiennent au genre bâtard du poème en prose. L’expérience le fit renoncer à ce rôle mixte et bâtard. (Ste-Beuve.) Le mélodrame est un genre bâtard. (Chésurolle.)

— Prov. L’hiver n’est pas bâtard ; s’il ne vient tôt, il vient tard, Tôt ou tard, il fait toujours froid en hiver.

— Techn. Sucre bâtard, ou substantiv. bâtard, Sucre dont le sirop a été fourni par des résidus de raffinage. || Pâte bâtarde, Pâte de boulangerie entre dure et molle.

— Art milit. Épée bâtarde, Épée pouvant également servir à une ou à deux mains.

— Mar. Tout à fait semblable de dimensions et de formes : Deux canots bâtards. || Pièces bâtardes, Nom donné à deux canons montés tribord et bâbord du coursier. || Hunier, canot bâtard, Hunier, canot de grandeur moyenne, qui peuvent remplacer, au besoin, le grand ou le petit hunier, le grand ou le petit canot. || Voile bâtarde, Sur les galères, Grande voile qui ne s’emploie qu’avec un temps presque calme. || Marée bâtarde, Fausse marée, petite marée, marée des quadratures, par opposition aux grandes marées des syzygies.

— Archit. Porte bâtarde, Porte intermédiaire entre la porte cochère et la petite porte : Une petite porte bâtarde donnait entrée à cette sombre maison. (Balz.) Au tintement réitéré d’une sonnette, une porte bâtarde s’ouvrit. (E. Sue.)

…… Ici, je suis de garde.
Et je ne puis t’ouvrir que la porte bâtarde.
Regnard.

— Mus. Mode bâtard, Nom donné, dans le plain-chant, aux modes hyperéolien et hyperphrygien, qu’on avait rejetés des modes authentiques et plagaux.

— Calligr. Écriture bâtarde, ou simplement bâtarde. V. BÂTARDE.

— Pathol. Qui ressemble à une maladie, sans en avoir tous les caractères essentiels : Une pleurésie bâtarde.

— Hortic. Plante bâtarde, Plante sauvage ou non greffée : De la laitue bâtarde. Un rosier bâtard. || Plante qui porte le nom d’un genre auquel elle n’appartient pas.

— Écon. agric. Vache bâtarde, Vache dont le lait diminue à une seconde portée. || Laine bâtarde, Laine de seconde tonte.

— Hist. nat. Croisé, produit par des sujets qui appartiennent à des espèces ou à des variétés différentes : Un chien bâtard de dogue et de mâtin. Un oiseau de chasse bâtard.

— Substantiv. Personne née de parents non mariés ensemble : Un bâtard, une bâtarde. Les bâtards ont droit à la succession du père ou de la mère qui les a reconnus. (Acad.) Louis XIV prévoyait la confusion et les conflits que cette race équivoque de bâtards légitimés pouvait apporter dans l’ordre monarchique. (Ste-Beuve.) Il ne pouvait braver les préjugés du monde, à ce point de faire élever sa bâtarde avec sa fille légitime. (X. de Montépin.) Les biens des moines servaient d’apanage aux bâtards des rois, aux plus honteuses faveurs de leurs maîtresses. (Peyrat.) En vérité, il n’y a que les bâtards, pour avoir du bonheur. (Alex. Dum.)

Un bâtard échappé des pirates du Nord
A soumis l’Angleterre
Voltaire.

Charmant bâtard, cœur noble, âme sublime !
Le tendre amour me faisait sa victime,
Mon salut vient d’un enfant de l’amour.
Voltaire.

Bâtard adultérin, Celui qui est né de deux personnes, dont l’une au moins est mariée, mais qui ne sont pas mariées l’une à l’autre. || Bâtard simple, Celui qui est né de deux personnes libres des liens du mariage.

— Fig. Œuvre qui n’est pas produite par la personne à qui on l’attribue : Il y a des gens qui substituent leurs vers aux miens ; je ne fais pas grand cas de mes vers, mais enfin j’aime mieux mes enfants tortus et bossus que les beaux bâtards que l’on me donne. (Volt.) || Fausse imitation d’un autre objet :

C’est comme un temple grec tout recouvert en tuile ;
Je ne sais quoi d’informe et n’ayant pas de nom,
Comme un grenier à foin bâtard de Parthénon.
A. de Musset.

— Anc. cout. Bâtard de Caux, Cadet sans fortune, parce que, dans la coutume de Normandie, les cadets du pays de Caux n’entraient point en partage avec leurs aînés.

— Antonyme. Légitime.


BÂTARD (LE), poème satirique anglais, de Richard Savage, publié en 1728. L’auteur était fils naturel de la comtesse de Macclesfield, et, dans cette composition fameuse, il devait être mieux inspiré par la triste réalité que par l’allégorie et la fiction. Sa mère, non-seulement ne voulut jamais le reconnaître, elle le poursuivit encore d’une haine implacable, et c’est pour se venger qu’il poussa l’ironie jusqu’à lui dédier, « avec tout le respect qui lui est dû, » son poëme vengeur, dont la première page portait cette sanglante épigraphe empruntée à Ovide : Decet hæc dare dona nocercam. Le Bâtard attendrit toute l’Angleterre, excepté l’orgueilleuse lady ; il est écrit avec une énergie prodigieuse, et l’on sent à chaque vers que l’indignation a enflammé le génie du poëte : facit indignatio versum. « Dans les moments joyeux, dit-il, quand mon imagination était pétillante, ma muse en délire laissait échapper ces mots : Bénie soit la naissance du Bâtard. Dans les sentiers non frayés encore, il se montre comme une comète errante, il n’est pas le fruit de molles complaisances, lui, l’enfant de l’enthousiasme ; il doit fonder à lui seul sa race généreuse, car il n’a rien de quoi il puisse se vanter : il n’est point le dixième propagateur d’une sotte figure, il n’a ni espérances ni exemples de la part de ses parents. La flamme qu’il porte dans son sein n’est pas alimentée du dehors : aussi il est fier du nom brillant de bâtard… il est l’enfant de la nature ; il est seul : son cœur et son esprit lui appartiennent. — Ô ma mère, vous qui ne l’êtes pas, c’est à vous que je dois de si grands privilèges. De tous les devoirs du sang et de la famille, de tout lien naturel, moral et divin, vous avez affranchi mon âme impatiente ; sans aviron, vous m’avez lancé sur l’Océan. Ah ! que j’y aurais perdu, si, détesté par nature et aimé par mariage, j’eusse été une masse vivante et légale qui vous appartînt forcément : j’aurais été votre plat et cher héritier, fardeau de votre vie et but de vos soins, pauvre dans la richesse et petit dans la grandeur, esclave de l’étiquette, un zéro dans l’État, négligeant comme un seigneur mon mérite inconnu, et sommeillant au fauteuil où le hasard m’aurait jeté. Des avantages bien autrement glorieux deviennent le partage du Bâtard, conçu par la tendresse et par une passion sincère. Ferme comme le destin, il s’élance, il surmonte les malheurs et s’élève jusqu’à la lumière. » Mais