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pendantes de sa volonté, ce palais est un des monuments modernes les plus grandioses et les plus imposants, et il justifie l’exclamation que sa vue arracha à l’empereur Nicolas : C’est un rêve de pierre ! C’est également sur les plans de cet architecte qu’ont été construites plusieurs des splendides résidences de campagne de l’aristocratie anglaise. Créé chevalier par la reine, lors de l’inauguration du parlement, Barry a été enterré à l’abbaye de Westminster.


BARRY (Martin), physiologiste anglais, né à Freston en 1802, mort en 1855. Après avoir successivement étudié dans diverses universités de l’Écosse, d’Angleterre, d’Allemagne et de France, il se fit recevoir, en 1823, docteur en médecine à Édimbourg, et s’y établit. Il y exerça, bien que fort riche, la pratique de son art, mais surtout pour soulager les malheureux, et il consacra le reste de son temps aux études scientifiques. La question de l’embryogénie animale ayant attiré son attention, il résolut de porter la lumière sur ce point encore plein d’obscurité. Dans ce but, il se livra à de longs travaux préparatoires, fréquenta les musées et les laboratoires de Wagner, Valentin, Schwann, etc., et fit, au microscope, une longue série d’expériences du plus haut intérêt. En 1839, il présenta à la Société royale de Londres le résultat de ses travaux, et son mémoire, publié dans le recueil de cette société sous le titre de Recherches d’embryologie, lui mérita la grande médaille d’or. Il y montrait comment s’opère le développement de l’œuf et de l’embryon chez les mammifères ; et, le premier, il indiquait avec précision les divers états que présente l’œuf dans la trompe de Fallope, ainsi que la séparation du jaune. Dans d’autres mémoires, insérés dans les Philosophical transactions, dans le New Philosophical Journal d’Édimbourg et dans les Archives de Muller, il étudia successivement « les corpuscules du sang, les fibres musculaires et autres tissus organiques, la formation du chorion, la présence des spermatozoïdes dans l’œuf, etc. » Outre ces importants travaux, qui lui assignent un rang distingué parmi les physiologistes, Barry a publié une relation de son Ascension au Mont-Blanc et une traduction en anglais de l’Ascension du Chimbarazo par de Humboldt, faite sur la prière de ce dernier. Nommé membre de la Société royale de Londres, il recommença, de 1840 à 1855, à voyager pour rétablir sa santé ébranlée par les fatigues du cabinet, et s’établit à son retour dans le comté de Suffolk, où il termina sa vie.


BARRY (sir Edmond), publiciste et magistrat anglais né en 1813, dans le comté de Cork (Irlande). Il fut nommé procureur général de la colonie de Victoria (1850), puis juge à la cour suprême de cette même colonie, et reçut des lettres de noblesse personnelle, en 1860. Placé, bien que catholique, à la tête de l’université de Melbourne en qualité de chancelier, il a beaucoup contribué à la propagation de l’instruction publique en Australie. Outre des Adresses, ou discours officiels sur ce sujet, il a publié un volume d’Essais.


BARRY (Bernard-François), peintre français contemporain, né à Marseille en 1813, commença par exercer le métier de coiffeur. Entraîné bientôt par sa véritable vocation, il suivit assidûment les cours de l’École des beaux-arts de sa ville natale, et reçut de M. Aubert, alors directeur de cette école, les premières leçons de peinture. Il exposa, à Marseille, en 1838, un Intérieur de forge et un Naufrage. Il se rendit ensuite à Paris et entra dans l’atelier de Gudin, Deux marines (Effet de brouillard et Bateaux de pêche) qu’il exposa, pour son début, au Salon de 1840, lui valurent une médaille de 3e classe. À partir de cette époque, il a pris part à presque toutes les expositions qui ont eu lieu à Paris. Nous citerons, parmi ses ouvrages les plus importants : Combat de l’Eurotas et de la Clorinde, en 1814 (Salon, 1841) ; Sortie du port de Marseille (effet de soleil couchant) et Pêche au thon par les Catalans (Salon, 1843), qui ont obtenu une médaille de 2e classe ; Chantier de construction de Marseille lors de la mise à l’eau du navire le Comte-de-Paris (Salon, 1844) ; la Reine Victoria arrivant en vue du Tréport, tableau commandé par Louis-Philippe (Salon, 1845) ; la Pêche aux bogues (tableau appartenant au musée de Lyon) et Vue de l’anse du Pharo (Salon, 1846) ; deux épisodes du Combat naval de Punto-Obligado (musée de Versailles) et François Ier visitant le château d’If (Salon, 1848) ; les Naufragés et le Coup de vent (Salon, 1848) ; Après la tempête, Sortie du port de Marseille, effet du soir (Salon, 1849) ; Navire échouant sur les rochers du Pharo (Salon, 1852) ; Entrée du port de Marseille, le Nouveau parlement de Londres (Salon, 1855) ; Réception à Marseille du cardinal Patrizzi (Salon, 1857) ; Napoléon III recevant la reine Victoria à Cherbourg (Salon, 1859), tableau appartenant, ainsi que le précédent, au musée de Marseille ; Vue de Marseille prise de la résidence impériale (Salon, 1861) ; deux Vues du canal de Suez (Salon, 1863) ; Ruines de Karnac et Vue de la première cataracte du Nil. Ces deux derniers tableaux représentent des épisodes du voyage du prince Napoléon en Égypte. M. Barry a exposé une foule d’autres tableaux dans sa ville natale, où son talent de mariniste est des plus estimés. Peu de peintres connaissent mieux que lui l’art d’asseoir un navire sur les eaux ; il dessine à merveille tous les détails du gréement et sait donner aux vagues du mouvement, de la transparence et cette qualité essentielle que M. Théophile Gautier appelle la liquidité. En général, il aime, comme W. Van de Velde, à peindre les calmes et à faire flotter sur la mer endormie de légers brouillards ; ses marines, d’une facture délicate et soignée, gagnent ainsi en harmonie, en finesse, en poésie, ce qu’elles perdent en animation.


BARS, ville de l’empire autrichien (Hongrie), comitat de Bars, au S.-E. d’Aranyos-Maroth, sur le Gran, jadis ville libre royale. || Bars (comitat de), province administrative de Hongrie, dans le cercle de Presbourg, ch.-l. Aranyos-Maroth ; 140,900 hab. Son territoire, montagneux au N. et assez boisé, est fertile en grains et vins.


BARS (comte DE), diplomate et patriote polonais, mort vers 1816. Compagnon d’armes de Kosciusko dans la guerre avec la Russie, il se signala par sa valeur et son patriotisme, participa à la délivrance de la Pologne et à l’expulsion des Russes, puis il fut chargé par le conseil suprême du gouvernement insurrectionnel d’une mission près de la République française en 1794. Lorsque Kosciusko eut été écrasé par des forces supérieures, et que la Pologne, malgré les plus vigoureux efforts, eut été obligée de retomber, broyée et sanglante, sous le joug odieux de la Russie, de Bars quitta la France et se retira en Suisse. Il y vécut dans l’intimité de Kosciusko, lorsque ce grand citoyen vint s’y établir en 1814, et il y termina sa vie.


BARSABAS (Joseph, saint), disciple de Jésus-Christ. Il fut présenté par saint Pierre pour remplacer Judas parmi les apôtres ; mais son compétiteur Mathias lui fut préféré. On ne sait rien de certain sur sa vie et sur sa mort. On croit, toutefois, qu’il subit le martyre et eut la tête tranchée.


BARSABAS (Jude), disciple de Jésus-Christ, frère du précédent, selon les uns, et, selon d’autres, de Judas Thaddée, fut choisi par les apôtres et par l’Église de Jérusalem pour accompagner Paul et Barnabé à Antioche.


BARSAC, comm. du départ. de la Gironde, arrond. de Bordeaux ; pop. aggl. 1,518 hab. — pop. tot. 2,958 hab. — Vins blancs très-renommés.


BARSANIENS s. m. pl. (bar-sa-ni-ain). Sectaires du VIe siècle, appelés aussi semidulites. Ils niaient la divinité de Jésus-Christ, et l’unique sacrifice qu’ils admettaient consistait à prendre, du bout du doigt, de la fleur de farine qu’ils portaient à leur bouche.


BARSANUPLIUS, moine et anachorète de Palestine, qui vivait vers le milieu du VIee siècle. Il est auteur d’un certain nombre d’écrits ascétiques par demandes et réponses, ouvrages dont la plupart sont encore inédits. Ils sont conservés dans les diverses bibliothèques d’Europe, et, entre autres, dans celle de Paris. Evagre raconte la vie de ce saint personnage, qui s’était renfermé dans une cellule des environs de Gaza, où il passait pour faire un grand nombre de miracles.


BARSCA s. m. (bar-ska). Ichthyol. Poisson du genre saumon.


BARSE s. f. (bar-se). Boîte d’étain dans laquelle s’expédie le thé de Chine.


BARSET s. m. (bar-sè — dimin. de bar). Ichthyol. Petit bar.


BARSIM s. m. (bar-simm — nom arabe). Bot. Espèce de trèfle, originaire de l’Asie, et cultivée autrefois dans le midi de la France.


BARSINE, fille d’Artabase, l’un des vingt satrapes de l’Asie, épousa un général de Darius, Memnon le Rhodien, celui qui, seul peut-être, aurait pu sauver le royaume de Perse, et qui périt à la bataille d’Arbelles.

Prise avec la femme et la fille de Darius, elle devint la maîtresse d’Alexandre, et, comme elle était d’une beauté extraordinaire, elle fut la première, dit Plutarque, qui fit connaître les plaisirs de l’amour au fougueux adolescent qui allait conquérir cent nations en l’espace de dix années.

Barsine eut d’Alexandre un fils, auquel fut donné le nom d’Hercule, et qui, avec son frère Arrhidée, son autre frère Alexandre Ægos, et toute la race du conquérant, périt bientôt par le glaive.

Deux sœurs de Barsine furent mariées par Alexandre : l’une à Ptolémée, fils de Lagus, et l’autre à Eumène.


BARSOTTI (Thomas-Gaspard-Fortuné), professeur de chant, né à Florence en 1786. Appelé en 1809 à Compiègne pour donner des leçons de piano et de chant aux enfants de la reine d’Étrurie, Barsotti se fixa à Nice lorsque l’empereur relégua à Rome l’infante d’Espagne, et occupa dans cette ville le poste de maître de chapelle et d’organiste de la cathédrale. En 1815, il se rendit à Marseille et fonda, quelques années après, un cours de chant pour les femmes et un cours de musique au collège. Une école gratuite de musique fut établie en 1821, à Marseille, sur la proposition de M. Barsotti, qui en fut nommé directeur, et qui, dans ces fonctions, montra autant d’intelligence et de goût artistiques que de dévouement.

Barsotti a publié quatre airs variés pour piano, six nocturnes à deux voix, un Domine salvum à trois voix et une méthode de musique à l’usage de l’école gratuite de Marseille.


BARSOWITE s. f. (bar-so-vi-te — de Barsowisky, nom de lieu). Minér. Nom d’un silicate d’alumine et de chaux, qui a été trouvé dans les sables aurifères de Barsowisky, dans l’Oural, et que l’on range parmi les wernérites.


BARSUMA, métropolitain de Nisibe et hérétique célèbre, mort en 489. Il se fit l’apôtre fervent du nestorianisme, proclama la nécessité du mariage pour les évêques, les prêtres et les clercs, s’appuyant sur cette parole : Melius est nubere quam uri. Barsuma fit mettre à mort son antagoniste Babuceus, évêque de Séleucie, et se livra, avec le concours de Sirouz, roi de Perse, à une guerre acharnée contre les partisans de l’Église d’Orient.


BARSZCZ s. m. Art culin. Nom d’un potage très-usité en Pologne, et qui est fait avec du jus de betterave, des morilles, des oignons, des poireaux et un mélange de viande de bœuf, de charcuterie, de gibier et de volaille.


BART (Jean), né à Dunkerque le 21 octobre 1650, mort le 27 avril 1702. Cet illustre marin, dont le souvenir est resté si vivant dans la mémoire du peuple, et des gens de mer, et qui est devenu un type, une personnification, comme Bayard pour la chevalerie, n’était pas précisément fils d’un pêcheur, comme on l’a répété, mais appartenait à une famille de marins dunkerquois dont plusieurs membres étaient parvenus à des grades supérieurs. On a même prétendu qu’un de ses arrière-grands-oncles, passé en Allemagne dans le XIIIe siècle, se serait élevé à la dignité de grand maître de l’ordre Teutonique ; mais c’est là une tradition fort douteuse. Il est peu de héros auxquels on n’ait fait ainsi, après coup, une généalogie plus ou moins fabuleuse. Cornil Bart, le père de Jean, fut un de ces vaillants corsaires comme Dunkerque en a fourni un si grand nombre dans toutes nos guerres maritimes. Embarqué dès l’âge de douze ans, Jean Bart devint, quelques années plus tard, second maître à bord d’un brigantin qui portait le nom peu épique de Cochon gras, et qui avait pour mission de croiser dans la Manche et de surveiller les mouvements des Anglais. Vers 1666, il alla servir dans la marine hollandaise sous l’illustre Ruyter, prit part aux guerres contre les Anglais et revint à Dunkerque avec le grade de second lieutenant, au moment où la guerre éclatait entre la Hollande et la France (1672). Ce fut alors qu’il commença sa carrière de corsaire, d’abord comme second, puis comme capitaine, et pendant six années, jusqu’au traité de Nimègue (1678), ses courses audacieuses contre les vaisseaux hollandais, ses exploits et ses prises se multiplièrent à l’infini ; sa renommée se répandit jusqu’à la cour.

Sur la recommandation de Vauban, le hardi corsaire, dont le nom était déjà la terreur des armateurs ennemis, fut nommé par Louis XIV lieutenant de vaisseau dans la marine royale (8 janvier 1679). Il servit en cette qualité jusqu’en 1681, époque où Colbert lui fit donner le commandement de deux frégates pour aller croiser contre les pirates de Salé. Cette campagne fut assez brillante, et il ramena 150 Maures prisonniers, parmi lesquels le fils du gouverneur de Salé et d’autres personnages importants. Lorsque la guerre se ralluma entre Espagne et la France (1683), il fit de brillantes croisières dans la Méditerranée, fut nommé, en 1686, capitaine de frégate, et commença dès lors à jouer un rôle éclatant dans l’universelle conflagration de l’Europe. Ce fut lui qui inspira l’idée neuve de réunir des corsaires en escadre, d’en former une division de course composée de frégates légères, d’une marche supérieure, armée d’un équipage nombreux et aguerri, pouvant se subdiviser, s’éparpiller ou se fondre en un seul corps, suivant les circonstances et les besoins, et destinée à ruiner le commerce ennemi, harceler les escadres, les attaquer de front dans l’occasion, pouvant jouer, en un mot, le double rôle d’une flotte légère et d’une armée de ligne.

À cette époque, sa renommée était si bien consacrée, que lorsqu’il s’agissait de quelque expédition aventureuse et téméraire, on en chargeait de préférence l’intrépide marin. C’est ainsi qu’au commencement de 1689, il fut chargé de transporter un chargement de poudre et autres munitions, de Calais à Brest, à travers les croiseurs anglais et hollandais. Il naviguait de conserve avec Forbin, et ils eurent sur leur route de sanglants combats à soutenir ; mais ils remplirent heureusement leur mission. C’est pendant un de ces combats qu’ayant vu son fils (un enfant de dix ans) pâlir aux premières volées du canon, le rude marin le fit attacher au grand mât et l’y laissa jusqu’à la fin de l’action. Ce trait ne semble-t-il pas emprunté à quelque épopée des guerriers barbares ? Cependant Jean Bart n’était point l’homme farouche et inculte que nous représente la tradition populaire. Mais en cette circonstance (si elle est exactement rapportée), outre la fierté de race et le désir d’endurcir son fils aux terribles émotions du métier, peut-être voulait-il agir sur son équipage, l’exalter par un exemple de dévouement au devoir militaire et d’effrayante abnégation. L’enfant devint vice-amiral.

Dans une nouvelle expédition avec Forbin, tous deux furent faits prisonniers dans la Manche, après un furieux combat contre deux vaisseaux anglais, et conduits blessés à Plymouth. Douze jours après, par une nuit de brouillard, ils s’évadèrent de leur prison, se jetèrent dans une yole norvégienne dérobée dans le port, et s’enfuirent avec un autre compagnon et deux mousses. Jean Bart rama presque sans se reposer pendant deux jours et demi, tandis que Forbin, dont les blessures saignaient encore, tenait le gouvernail. Enfin, les hardis fugitifs abordèrent sur la côte de Bretagne, à quelques lieues de Saint-Malo, après avoir fait 56 kil. en moins de quarante-huit heures. Au reste, la résistance héroïque qu’ils avaient faite avant de se rendre avait permis aux bâtiments marchands qu’ils escortaient de gagner le large et d’échapper aux Anglais. Tous deux furent nommés capitaines de vaisseau :

Jean Bart reprit presque aussitôt la mer, à la tête de plusieurs frégates, et ne tarda pas à tirer une ample vengeance de sa mésaventure, par de nombreuses prises et de nouveaux succès sur les vaisseaux ennemis. En 1690, il commandait la frégate l’Alcyon, qui faisait partie de l’armée navale sous les ordres de Tourville, et il prit part aux opérations qui eurent lieu dans la Manche l’année suivante. Ce fut au retour de cette campagne qu’il renouvela la proposition du projet qu’il avait déjà soumis, de créer une escadre du Nord destinée à détruire le commerce des Hollandais dans le Nord et dans la mer Baltique. Cette fois, on accueillit sa proposition, et lui-même fut chargé de surveiller l’exécution de l’armement. Les préparatifs achevés, il s’agissait de sortir de Dunkerque. La rade était bloquée depuis plusieurs mois par 35 ou 40 navires anglais et hollandais. Jean Bart, qui n’avait que 7 frégates et 1 brûlot, passa à travers la flotte ennemie (juillet 1692), enleva le lendemain 4 navires anglais richement chargés, brûla, quelques jours plus tard, 80 bâtiments marchands, fit une descente en Angleterre, près de Newcastle, détruisit 200 maisons et revint à Dunkerque chargé de prises. Il en repartit bientôt avec 3 vaisseaux de son escadre, courut sur les mers du Nord, dispersa une flotte hollandaise et rentra bientôt, traînant à sa suite 16 navires chargés de grains et autres marchandises. Mandé à la cour avec Forbin, qui servait sous lui, il y parut simple et familier comme à son bord, et fut, pour les femmelettes de l’Œil-de-bœuf, un objet de curiosité et quelquefois de raillerie. « Allons voir, disait-on, le chevalier de Forbin qui mène l’Ours. » Le bon et héroïque marin, un peu rude peut-être dans sa forte bonhomie plébéienne, n’était point cependant, nous le répétons, le personnage trivial et grossièrement burlesque des récits traditionnels. Qui ne connaît toutes les sottes anecdotes dont on a surchargé l’histoire de l’illustre marin : Jean Bart fumant sa pipe dans les appartements du roi, jurant et sacrant, bousculant les plus grands seigneurs, brusquant le roi lui-même (Louis XIV !), tirant son sabre chez le payeur royal et menaçant de le couper en morceaux s’il ne le paye en or, tutoyant les ministres, imaginant de faire doubler ses culottes en drap d’argent pour faire l’élégant, et mille autres contes absurdes qu’il serait oiseux de rappeler ? Ni Saint-Sîmon, ni les Mémoires de Forbin, ni le Mercure, ni aucun auteur contemporain ne disent un mot de ces plates bouffonneries de caserne, qui ne commencèrent à être enregistrées par les écrivains que plus de soixante ans après la mort de Jean Bart, et qui, à cette époque même, furent réfutées par le Mercure (numéro du 17 janvier 1781). C’est surtout Richer, dans sa Vie de Jean Bart, travail qui contient cependant des parties estimables, c’est Richer, disons-nous, qui contribua le plus à accréditer ces historiettes, qu’il accepta sans discernement. À l’exception du sobriquet de l’Ours, Forbin n’en mentionne aucune. Cependant, on remarquera qu’il est généralement assez malveillant pour son ancien commandant ; il a pour lui des dédains de gentilhomme ; il déprécie ses actions autant qu’il le peut et il essaye même de s’en attribuer en partie le mérite ; il tourne en ridicule sa simplicité, ses manières communes, et il n’eût certes pas manqué de s’égayer de ces excentricités, si elles eussent eu quelque réalité. Il est tout à fait certain que ce sont là de pures légendes. Les actions audacieuses de Jean Bart avaient frappé vivement l’imagination populaire et devinrent le thème inépuisable de merveilleux récits, tandis que lui-même se transformait en un type de fantaisie, personnification grotesque du loup de mer, comme La Ramée était celle du soldat. Ces formations de mythes populaires sont fort communes ; mais que penser des historiens qui les adoptent sans examen ? Et que penser aussi de M. Eug. Sue, qui dit à ce sujet dans son Histoire de la Marine : « Si ces anecdotes ne sont pas authentiques, elles méritent de l’être ? » Qu’y gagnerait la mémoire du héros ? C’est montrer vraiment un peu trop de partialité pour les fictions.

Jean Bart était, nous l’avons dit, un homme simple, aux allures un peu populaires ; mais les deux portraits authentiques qu’on a de lui ne donnent nullement l’idée d’un matelot brutal et farouche, ni d’un matamore théâtral. Il était de forte carrure, assez haut de taille, bien fait de corps, avec une physionomie ouverte, les traits accusés, les yeux bleus, les cheveux blonds, le type flamand, suivant