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bien ; mais s’il vient à être atteint gravement, on verra apparaître les convulsions, les phénomènes ataxo-adynumiques terminaux de toute maladie, accidents qui peuvent résulter non seulement d’une néphrite secondaire, mais aussi d’une insuffisance urinaire de la période agonique ; par exemple, dans le cas où, le cœur venant à faiblir, la pression artérielle n’est plus suffisante pour faire fonctionner le filtre rénal. L’agonie est une intoxication ; tous les signes qu’on a notés chez les agonisants l’attestent, depuis la contraction pupillaire, qui apparaît de bonne heure, jusqu’à la convulsion finale et au dernier spasme (Bouchard).

Dans toutes les maladies il n’y a pas d’intoxication spéciale, et on ne peut dire qu’il existe un poison tétanique, pneumonique, etc. En général, on se trouve en présence d’une fraction d’auto-intoxication urémique due h la désassimilation fébrile exagérée et à l’insuffisance fonctionnelle du rein. Pouvtant il existe des maladies ayant un poison spécial engendré par la vie des microbes ou par le trouble qu’ils causent dans la vie des cellules normales luttant contre eux. Telle est la maladie du pus bleu, étudiée par Charrin, dans laquelle un bacille, découvert par Gessard, fabrique une substance bleue, isolable, peu toxique, il est vrai, la pyocyariine. Tel est surtout le choléra, d’après Bouchard qui, tout en admettant sa nature infectieuse, refuse au bacille-virgule de Kocn la production des symptômes par sa simple présence dans l’intestin. Il agit en produisant un alcaloïde que notre savant professeur a vu cristalliser en longues et fines aiguilles. L’injection des urines des cholériques prouve qu’il s’agit d’une intoxication spéciale, dans laquelle le myosis est tardif, tandis que la cyanose ou coloration bleuâtre de la peau est précoce ; les crampes musculaires, la réfrigération, la diarrhée sous forme de purée blanchâtre et l’albuminurie permettent de dire que, si les urines des cholériques ne donnent pas le choléra, elles en provoquent tous les symptômes. À l’autopsie, on ne retrouve aucun bacille-virgule dans l’intestin ; la substance trouvée dans l’urine peut donc être seule incriminée.

Les maladies de la nutrition générale forment le dernier groupe des maladies pouvant produire l’auto-intoxication. Le diabète servira de type. À l’état normal, 1 pour 1.000 de sucre dans le sang ne produit aucun trouble ; mais, à partir de 3 pour 1.000 (Cl. Bernard), de 5 pour 1.000 (Pavy), il devient toxique, et c’est bien là une auto-intoxication qui agit en déshydratant les tissus par exosmose exagérée. À l’article acétonémie nous avons donné l’explication de la mort rapide des diabétiques tombés dans le coma, et les expériences de M. de Gennes prouvant qu’il s’agit encore d’auto-intoxication.

Les indications thérapeutiques qui découlent de ces notions générales peuvent se résumer sous trois chefs ; empêcher le poison de se former ; en empêcher l’absorption ; en favoriser l’élimination ou le détruire par un antidote. Sans faire ici la thérapeutique de chacun des cas, nous pouvons dire que l’alimentation appropriée, l’antisepsie intestinale et l’antisepsie générale, quand elle sera possible, suriout l’entretien et la stimulation méthodique des fonctions du rein, sont les principaux moyens de réussite.

— Bibliogr. Professeur Bouchard, Leçons sur les auto-intoxications dans les maladies (Paris, 1887).

AUTOMAGNÉTISME s. m. (ô-to-ma-gnéti-sme, gn mil — du gr. autos, soi-même ; et de magnétisme). Pouvoir de se magnétiser soi-même et de magnétiser involontairement les autres : Régnier, l’aventurier gui contribua à la chute de Metz, avait été atteint, disait-il, d’une terrible maladie devant laquelle tous les médecins avaient échoué, et que le célèbre docteur baron Dnpotet avait reconnue pour être /’automagnétisme. (Eudora Soulié.)

  • AUTOMATISME s. ta, — Physiol. Théorie

d’après laquelle les actes de l’organisme vivant sont produits grâce à une impression ou une excitation préalable sans l’intervention d’une spontanéité primitive quelconque.

— Encycl. Historique. Au xvie siècle se dégagea l’idée que les actes vitaux sont du même ordre que les phénomènes physiques et chimiques. Harvey, avec la découverte de la circulation, et Descartes, qui fut aussi un grand anatomiste, avec ses recherches sur les nerfs et les esprits vitaux, ouvrirent la porte aux investigateurs, t Je suis extrêmement impressionne, écrit Descartes à Arnauld, en observant qu’aucun mouvement ne peut s’effectuer dans le corps des animaux et dans mon corps, si ceux-ci ne possèdent tous les organes et instruments au moyen desquels ces mouvements seraient exécutés par une machine. • Et il invente, d’un trait de génie, la théorie des esprits animaux qui sont enfermés dans le cerveau ; une impression vient-elle à ébranler les sens, ces esprits s’écoulent le long des nerfs et mettent tel organe en mouvement. ■ C’est ainsi que l’âme n’est pour rien dans les mouvements de la respiration, de la circulation et dans les mouvements brusques de défense. » N’est-ce pas là notre théorie des actes réflexes ? et le mot lui-même appartient à Descartes, car il j>arle d’« esprits réfléchis >I W’illis le lui em AUTO

prun^era dans son De Anima brutorum. Mais l’exagération de Malebrancne compromit la doctrine ; pour lui les animaux ne sont que de vraies machines ne pouvant éprouver ni plaisir ni souffrance ; s’ils continuent de vivre, c’est que Dieu ne les a pas créés pour les détruire. Il faut donc attendre le xixe siècle avec Magendie, Charles Bell et Marschal-Hall pour connaître par leurs travaux les propriétés centripètes ou centrifuges de l’influx nerveux et le développement de Va notion de l’acte réflexe sur laquelle repose la théorie de l’automatisme. Bientôt, les progrès de l’anatomie font connaître dans la moelle épinière, regardée encore par Charles Bell comme un simple faisceau de fibres, des centres de cellules d’autant plus développés qu’ils correspondent à un organe plus important ; et le microscope montre que ces cellules grises émettent, comme les cellules du cerveau, des tubes nerveux qui se joignent aux faisceaux d’origine cérébrale et en reçoivent d’autres des organes de réception périphériques. Dès lurs, le circuit nerveux est complet ; l’explication des faits expérimentaux devient possible et l’analogie montre que, si les invertébrés ont un chapelet de ganglions semblables à une série de petits cerveaux distincts, les vertébrés ont une moelle qui possède une série de centres plus ou moins autonomes ; le cerveau lui-même, qui commande dans certains cas à ces centres, n’est qu’un amas de ganglions plus volumineux et autrement disposés, mais toujours reliés entre eux, et en rapport direct et médiat avec les conducteurs de la réceptivité ou de la motilité. L’impression initiale, influx nerveux ou mouvement moléculaire, enregistrée par l’appareil récepteur, sera transmise par le nerf centripète à un centre, quelquefois à plusieurs à la fois, puis elle sera renvoyée par le nerf centrifuge à l’organe exécuteur sous forme de réponse motrice. Tel est l’acte réflexe.

Faits. L’ascidie, par sa constitution si simple, nous fournit lexemple le plus élémentaire d’automatisme. Elle se compose

d’un sac gastrique muni de papilles nerveuses, qui communiquent avec un collier de ganglions situé autour de l’orifice buccal, et émettent & leur tour des filets nerveux qui s’irradient dans la tunique musculaire du sac. Si un corps impropre à la nutrition est attiré par les tentacules, au contact des papilles qu’il irrite, le sac se contracte et rejette le corps étranger. L’impression s’est transformée en un mouvement qui n’est pas plus volontaire que la toux provoquée par une croûte de pain tombée dans le larynx. A la suite de ce fait si simple, la série innombrable des exemples d’automatisme peut être passée en revue à travers tous les genres d’animaux ; et, en allant du simple, au composé, nous arriverons aux phénomènes de l’ordre le plus élevé. Le myriapode coupé en tronçons et agitant ses pattes, le ver de terre dont les segments se tordent sur place, et, dans le règne végétal, les mouvements si curieux des teuillea des sensitives, des attrape-mouches, voilà autant d’actes automatiques, inconscients, dont la cause est toujours évidemment due à une impression extérieure. Certains organes des vertébrés, tous ceux de la vie végétative agissent évidemment d’une façon automatique ; le cœur, l’estomac, l’intestin se contractent, même quand on les a séparés des centres nerveux proprement’dits. L’étude de la moelle épinière séparée du cerveau montre que bien des actes sont du même ordre, depuis les plus simples jssqu’à ceux dont nous admirons la merveilleuse coordination. Pincez la patte d’une grenouille dont la moelle a été coupée au milieu de sa longueur, elle s’agite comme pour repousser l’attaque ; pincez plus fort, les deux pattes vont remuer comme si la grenouille voulait sauter et fuir. Perçoit-elle la douleur cependant ? non, car on a vu des hommes dont la moelle avait été tranchée par accident, et chez lesquels toutes les parties situées au-dessous de la section étaient insensibles. Si l’on décapite une grenouille ou un pigeon en respectant le cervelet et la moelle, les mouvements coordonnés de la natation, du vol, seront aussi bien exécutés que par l’animal intact, pourvu qu’on l’excite en le plaçant dans l’eau ou en le jetant en l’air. À l’époque de l’accouplement, tout objet placé entre les pattes antérieures de la grenouille mâle est saisi et tenu très longtemps, même quand la moelle a été coupée au-dessus et au-dessous du segment d’où partent les nerfs des pattes. On connaît l’expérience delà grenouille décapitée et sur la peau de laquelle on place une goutte d’acide ; avec la patte du même cô é et même avec l’autre, elle se frotte et cherche à se débarrasser de la substance irritante. Et l’on ne peut dire qu’une conscience, même médullaire, préside à ces actes. L’homme paraplégique ne perçoit nulle sensation ; on a vu un soldat blessé à Bazeilles, en 1870 (une balle avait fracassé le pariétal et labouré les hémisphères cérébraux), agir, manger, faire des cigarettes et les fumer, d’une façon absolument automatique, sans avoir nulle conscience, mais à la condition que le contact d’un objet connu vint l’exciter à en faire l’usage habituel. Les actes des animaux ne sont pas plus conscients, et la volition chez eux, comme chez le soldat de Bazeilles, n’est que l’émotion fatale qui précède un acte, émotion produite

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par la sensation. Les sens sont le plus souvent la porte d’entrée de ces excitations ; les besoins tels que la faim, le rut, la sensibilité spéciale qu’on appelle sens musculaire agissent de même et coordonnent les mouvements vers un but. L’abeille privée de ses yeux peut encore voler, mais elle ne va plus droit k la fleur ; le pigeon privé des hémisphères cérébraux peut encore coordonner les mouvements des yeux et du cou pour suivre la bougie qu’on promène devant lui (Longet) ; il peut voir et éviter les obstacles.

L’instinct des animaux trouve une base physiologique définie dans la théorie automatique aidée de la notion à’hérédité, qui explique la transmission aux descendants des perfectionnements acquis dans l’accomplissement des actes coordonnés. Cette uniformité des actes d’individus semblables, leur perfection dès le début de la vie, et l’impossibilité où se trouve, dans bien des cas, le sujet de recevoir une éducation des ascendants, tout prouve qu’il ne s’agit pas d’effets de l’intelligence, c’est-à-dire de l’adaptation raisonnée des moyens à la fin ; la construction des nids, celle des rayons de miel, des galeries de la fourmilière, sont donc autant d’actes automatiques.

L’éducation vient enfin, parla répétition des mêmes actes, si difficiles à accomplir au début, assouplir la coordination des mouvements dans telle, ou telle direction utile ; et nous assistons aux merveilleux résultats du dressage. Inutile d’ajouter que l’hérédité vient encore apporter son aide, et permet la formation par l’homme des races d’animaux serviteurs.

Il est évident que plus on s’élève vers l’homme, plus la direction mtentionnelle du cerveau devient prédominante, plus l’automatisme diminue ou semble diminuer. Sans doute, l’homme possède l’automatisme viscéral : le cœur, l’estomac, l’intestin, les muscles respirateurs fonctionnent automatiquement ; les lèvres de l’enfant exécutent des mouvements de succion dès qu’on y place un objet quelconque. Mais le cerveau peut modifier les mouvements de la respiration, les arrêter, les soumettre à un rythme musical ; on a vu des individus pouvant suspendre quelques instants les battements de leur cœur. Pour ce qui est des autres mouvements, l’homme doit tout apprendre ; c’est à l’éducation qu’il doit la coordination des mouvements de la marche, de la phonation articulée ou parole. L’instinct est au contraire très rudimentaire chez lui. Huxley a su établir un parallèle entre l’automatisme primitif des animaux et l’automatisme secondaire acquis, l’habitude, susceptible toutefois d’acquérir une grande perfection.

L’action de marcher peut devenir tout à fait inconsciente ; on a vu des soldats exténués dormir réellement en marchant ; les esclaves indous peuvent dormir sans cesser d’agiter leurs grands éventails en cadence. L’action directrice des sens s’exerce en effet parfois en dehors de la conscience, par exemple dans l’action de lire en dirigeant sa marche, de jongler en lisant attentivement, comme Robert Houdin pouvait le faire ; les doigts du pianiste qui déchiffre sa partition ne se contractent en mesure que par un automatisme acquis.

Comme Laycoek l’a montré le premier, le cerveau a une action réflexe propre, analogue à celle des centres inférieurs, mais dont la nature est déterminée par les modifications qu’apportent» son mécanisme primitif les habitudes héréditaires et acquises ; et ces actes physiques ou intellectuels sont aussi automatiques que la marche ou tout autre acte inconscient. Une impression matérielle fait surgir une idée, qui s’enchaîne avec une autre. Il nous est impossible d’empêcher le retour des idées que certaines personnes ou certains lieux évoquent ; aversion, désir, peine, plaisir, nous n’y pouvons rien ; l’association d’idées se produit automatiquement, elle n’est qu’une classe d’actes cérébraux réflexes. Les récents progrès de l’étude de l’hypnotisme et de la suggestion montrent que les fonctions du cerveau sont encore plus dissociables que l’anatomie ne peut le faire prévoir ; on arrive à réduire le sujet à l’automatisme le plus complet ; son organisme ne fonctionne plus que dans un sens déterminé et par une impulsion inconsciente pour lui-même et voulue par une autre (v. HYPNO-TISME, suggestion). N’avons-nous donc pas, pour diriger l’activité cérébrale, quelque chose d’analogue à ce qui dans le cerveau lui-même dirige l’activité des autres centres ? N’existe-t-il aucune spontanéité ? Bien des physiologistes répondent négativement ; mais la question reste encore aujourd’hui dans le domaine de la philosophie pure, discutant le libre arbitre et le déterminisme.

Automne (i/), peinture de M. Puvis de Chavannes, qui a figuré au Salon de 1885. C’est une variante du tableau du musée de Lyon, exécuté par l’artiste en 1864. • Cet Automne, dit Henri Havard, se résume en trois personnages, trois femmes. Une d’elles, celle de gauche, est assise enveloppée dans une draperie gris-bleu ; celle de droite, vue de dos et presque nue, reçoit, appuyée contre un arbre, les fruits cueillis par la troisième ; cette dernière, debout et vue de face, occupe le milieu de la composition. Voila ca ou’il nous est permis d indi AUTO

quer ; mais ce que la plume ne peut exprimer, c’est le calme, la sérénité qui se dégagent de cette scène primitive ; c est le rêve, 1 hallucination qui, dès qu’on la contemple un instant, nous saisissent et nous transportent dans un monde nouveau, dans des sphères supérieures ; c’est le sentiment de paix et de grandeur qui vous émeut et vous retient, i L’œuvre est telle, qu’un juge d’humeur tout a fait opposée, M. Octave Mirbeau, se rallie pleinement aux conclusions de M, Havard : « On ne peut rien imaginer, dit-il, de plus noble, de plus chaste dans les attitudes, de plus pur dans les lignes, de plus délicat dans la coloration douce. C’est d’un art exquis, élevé, dominateur. •

  • AUTONOMIE s. f. — Encycl. Polit. Autonomie communale. Cette expression signifie

étymologiquementi l’état dans lequel les communes sont leurs propres législatrices, se gouvernent elles-mêmes en toute liberté •. Si Vautonomie communale était absolue, il n’y aurait plus d’État, ou plutôt chaque commune étant, au lieu d’une partie, un tout, formerait un petit État indépendant, une petite république qui aurait son gouvernement, ses lois propres, qui pourrait sans doute contracter avec les autres communes pour telles ou telles fins, même former avec elles une ligue permanente, mais ne relèverait d’aucune autorité supérieure. En un mot, la nation se trouverait dissoute, morcelée en communes souveraines. Il n’est pas besoin de dire que le patriotisme ne peut s’accommoder d’une pareille décomposition de la nation en ses éléments ; il ne peut même en envisager l’idée qu’avec horreur. Il est vrai que les théoriciens du système ne manquent pas d’ajouter que l’unité nationale détruite serait, ensuite, rétablie par le libre contrat, par la libre fédération des communes. Ainsi comprise, l’autonomie communale paraît avoir été l’idéal politique, autant qu’on y peut saisir un idéal, de l’absurde et coupable insurrection communaliste de 1871.

On peut opposer l’histoire à cette théorie de l’autonomie communale absolue. Les républiques grecques de l’antiquité étaient des communes souveraines : elles n’ont jamais pu s’unir entre elles par un lien solide de fédération ; les plus puissantes Se sont disputé l’empire sur les autres ; il n’y a pas eu d’État grec, de nation grecque. La rivalité de ces communes souveraines a été une source de divisions et de guerres sans fin ; par ces divisions et ces guerres, elles se sont affaiblies mutuellement, et elles ont fini par perdre cette souveraineté dont elles étaient flères et jalouses, parce qu’elles n’avaient voulu en sacrifier aucune partie pour se donner l’unité et la force d’une nation. C’est ce qu’a remarqué un écrivain favorable au système communaliste et plein d’admiration pour les républiques grecques dont il a écrit l’histoire, M. Louis Ménard. « Les Grecs, dit-il, sont la seul peuple qui ait essayé de fonder la société politique sur le principe de liberté. C’est leur plus beau titre de gloire, mais c’est aussi. la principale cause de leur faiblesse. S’ils n’ont jamais réussi à former une nation, c’est parce qu’ils n’ont jamais voulu sacrifier à une autorité quelconque la moindre parcelle de leur autonomie communale. La religion seule pouvait servir de lien entre les communes ; mais la diversité des croyances était aussi une conséquence de la liberté. Chaque peuple consacrait ses légitimes prétentions k l’indépendance par le culte de ses héros et de ses dieux protecteurs, » Et plus loin : « Les Grecs avaient réalisé la cité, qui est la molécule sociale : ils ne surent pas s’élever à l’idée de nation. Leur patriotisme ne dépassa pas les murs de la cité ; même devant un ennemi commun, ils ne s’aperçurent pas qu’ils étaient un peuple. L’isolement des cités autonomes les rendit impuissantes contre des adversaires, inférieurs sous tous les autres rapports, mais joignant à la supériorité du nombre la force que donne l’unité politique. >

M. Louis Ménard n’a peut-être pas assez considéré que ce qui n’a pas permis aux Grecs de former une nation, c est précisément l’intensité du sentiment communal. Ils étaient Grecs par la race et par la langue ; politiquement, ils étaient Athéniens, Spartiates, Thébains, etc. Pour former une nation, il eût fallu changer le siège de la souveraineté, la placer en dehors et au-dessus de la commune. Le principe de l’autonomie communale était incompatible avec un pareil changement, qui ne pouvait d’ailleurs être réalisé qu’au moyen du système représentatif, c’est-à-dire d’un pouvoir législatif constitué par délégation. Or, toutes leurs idées, tous leurssentiments, toutes leurs traditions, toutes leurs habitudes politiques les éloignaient du système représentatif.

Nous n’insisterons pas davantage sur le principe de l’autonomie communale absolue, qui est une conception politique évidemment rétrograde. Ce principe a d’ailleurs très peu de partisans sérieux. Les démocrates qui partent en France d’autonomie communale, donnent à cette expression le sens relatif de large franchise municipale. Ils n’entendent pas dire que la commune soit souveraine ; s’ils veulent reculer les limites de son autorité, ils ne prétendent pas les supprimer ; ils n’admettent pas qu’elle soit le seul groupement social, le seul objet de la science politique ; ils donnent place, dans leur système