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lés soupçons, par l’exagération de leurs apfomtements mensuels de 200 livres turques, et on disait qu’ils toachaient ainsi le prix de l’assassinat d Abd-ul-Aziz. Une jeune femme, qui était alors Kalfa-Nanoum, c est-à-dire surveillante du harem du sultan, racontait

qu’elle avait vu un des assassins s’échapper par la fenêtre, et qu’elle le reconnaissait dans l’un des trois domestiques. Abd-ul-Hamid, dès son avènement, ordonna qu’il fût fait une enquête rigoureuse. Elle aboutit à la constatation des faits suivants.

Dès la déposition d’Abd-ul-Aziz, par iradé impérial de Mourad, il avait été formé, en dehors du conseil des ministres, une commission exécutive, pourvue de pouvoirs illimités. Elle était composée en grande partie des mêmes personnages qui avaient arraché de force à Abd-ui-Aziz l’acte d’abdication. Elle comprenait : le grand vizir Méhémet - Ruschdi-Pacha ; Midhat-Pacha, président du

conseil ; Hussein-Avni-Pacha, ministre de la guerre ; Ahmet-Kaïserli-Pacha, vieux soldat qui depuis s’illustra dans la guerre contre les Russes ; le cheik-ul-islam ou chef suprême de la religion, Kairoullah-Effendi ; enfin deux beaux-frères du sultan actuel, Abd-ul-Hamid : Méhémet-Nourri-Pacha-Damat, etMahmoud-Djemal-ed-dîn-Pacha-Damat. (Damât est un titre générique signifiant « beau-frère », que l’on donne a tous les personnages quiépousentune princesse de la famille impériale. Nourri-Pacha avait épousé Fatimi-Sultane, fille d’Abd-ul-Medjid, et sœur consanguine d’Abd-ul-Hamid ; Mahmoud-Pacha

était le mari de Djémilé-Sultane, également fille d’Abd-ul-Medjid.) Or, l’enquête démontra que la commission avait ordonné le meurtre et que les deux pachas-damats, dont l’un était grand maréchal du palais, s étaient spécialement chargés de l’exécution. Arrêtés et pressés de questions, les trois domestiques soupçonnés, Mustapha-Pehlevan, Mustapha-Djezairii, deux anciens lutteurs, hommes à figures bestiales et de corpulence athlétique, plus un veilleur de nuit, du nom de Hudji-Ahmet, avouèrent immédiatement leur participation au crime. On acquit de plus la certitude que cette commission avait décidé non seulement la mort d’Abd-ul-Aziz, mais celle de presque tous les princes de la famille impériale : ils devaient être empoisonnés dans un banquet. Au dernier moment, Mourad, effrayé d’une telle série de meurtres, aurait dissuadé ses cousins d’assister au repas et s’en seraittenu au seul assassinat d’Abd-ul-Aziz, l’unique personnage qui, en réalité, pouvait lui porter ombrage. Quand l’enquête s’ouvrit, deux des membres de la susdite commission, Hussein-Avni-Pacha et Ahmet-Kaïserli-Pacha étaient morts ; le procès de Ruchdi-Pacha, malade en province, fut remis, et Kairoullah-Effendi, le cheik-ul-islam, alors en pèlerinage à La Mecque, dut à sa situation particulière de comparaître plus tard devant un tribunal spécial. On s’assura de tous les autres accusés. Midhat-Pacha, gouverneur de Syrie, essaya de

se réfugier au consulat de France, dont l’accès lui fut refusé, et dut se rendre prisonnier à Constantinople. Tous les pachas et autres personnages de quelque importance, impliqués dans l’affaire, nièrent jusqu’au bout y avoir eu la moindre participation ; on ne put connaître les détails du meurtre que par les agents subalternes qui l’avaient exécuté.

Aussitôt après son abdication forcée, Abdul-Aziz avait été interné au palais de Top-Capou, puis de là dans celui de Férié, dépendance du grand palais de Tchéragan.

Une partie de sa maison et de son harem y avait été transférée avec lui. Au palais de Férié attient un corps de garde, appelé Ortakeuï, où le 3 juin 1876, à la nuit tombante, furent introduits, — par un des chambellans du sultan Mourad, Fakri-Bey, agissant selon toute apparence, sur les ordres des deux damats, Mahmoud-Pacha, et Nourri-Pacha, — les trois domestiques dont ils s’étaient assuré le concours, accompagnés de quatre eunuques noirs. Ces hommes passèrent la nuit au corps de garde et les deux pachas-damats y furent vus en longue conférence avec Fakri-Bey ; celui-ci, le lendemain, conduisit les assassina dans l’intérieur du palais. Mustapha-Pehlevan, le principal agent du meurtre, en décrivit ainsi la scène : « Nous nous sommes jetés sur le sultan à nous quatre, dit-il, Fakri-Bey, mes deux compagnons et moi. Nous l’avons étendu sur le divan malgré sa résistance ; Fakri-Bey le maintenait par les épaules. Muslapha-Djezairli et Hadji-Ahmet s’étaient emparés chacun d’une jambe, et moi, armé d’un canif, j’ai coupé les veinesdes deux bras. Deux officiers, Ali-Bey et Nedjid-Bey, gardaient en dehors la porte de la chambre. Nous avons ensuite transporté le cadavre au corps de garde d’Ortakeuï. »

Les débats s ouvrirent à Constantinople, le 27 juin 1881, devant un tribunal composé de trois musulmans et de deux chrétiens et présidé par un ulema, Sourrouri-Effendi, premier président de la cour d’appel. Ils ne révélèrent rien que l’enquête n’eût déjà appris et mirent seulement en lumière l’inexpérience des juges turcs, très embarrassés des formes de la justice française, et ne sachant pas poser les questions propres à éclairer le débat. Ainsi, de la déposition de l’homme qui avait lavé le corps d’Abd-ul-Aziz il résultait qu’outre les coupures au poignet le cadavre portait la trace d’un coup de poignard sous


le sein gauche ; parmi les pièces à conviction figurait une heurka ou veston, en indienne doublée de soie blanche, que portait le sultan le jour du meurtre, et qui était percée d’un trou à la hauteur du sein gauche et de la blessure signalée par le faveur du corps. Il ne fut pas question de cette circonstance capitale qui était eu désaccord avec le témoignage de Mustapha-Pehlevan. Un des eunuques noirs vintaffirmerqu’tl avait vu la scène du meurtre, telle que la décrivait Mustapha, par la porte entrebâillée de la salle ; et d’après le même témoignage du principal assassin, la porte était gardée en dehors par deux officiers. Aucune remarque ne fut faite sur ces contradictions. On ne demanda non plus à aucun des témoins, si affirnaatifs en ce moment, pourquoi ils avaient gardé le silence pendant cinq longues années. L’un des assassins subalternes, Mustapha-Djezairli, qui avait tout avoué dans l’instruction, se rétracta a l’audience et dit n’avoir été placé par Nourri-Pacha près d’Abd-ul-Aziz que pour le garder. Ce fut à peu près le seul incident des débats. Tous les autres accusés persistèrent dans l’attitude qu’ils avaient prise d' ; ibord ; le chambellan Fakri-Bey, les deux officiers du corps de garde, nièrent énergiquement le meurtre. Nourri-Pacha et Mahmoud-Pacha affirmèrent n’avoir point paru ce jour-là à Ortakeuï, ni au palais de Férié ; le dernier nia même l’existence de la commission exécutive qu’avouaient les autres, mais en assurant qu’elle n’avait été instituée que pour l’apurement des comptes du palais et que jamais on n’y avait résolu la mort’d'Abd-ul-Aziz. Midhat-Pacha présenta lui-même sadéfense avec beaucoup de sang-froid et d’adresse.

Après deux jours de débats, le président les déclara clos. La sentence ne fut prononcée que le lendemain. Les neuf principaux accusés étaient condamnés à mort ; deux autres, un second chambellan du sultan Mourad, Seydif-Bey, et le colonel qui commandait au corps de garde d’Ortakeuï, Izzet-Bey, à dix ans de travaux forcés, comme convaincus d’avoir prêté assistance au complot. Aucun des condamnés ne fut exécuté. Pour les hauts dignitaires, Midhat-Pacha, Nourri et Mahmoud-Damat, leur peine fut commuée en un exil perpétuel à Taif, dans l’Hedjaz, où les rejoignit peu de temps après le chetkul-islam, Kairoullah-Effendi, condamné par un autre tribunal. Traités d’abord assez convenablement, ils furent ensuite privés de

tous soins médicaux et réduits à la ration des simples soldats ; Nourri-Pacha devint fou, Midhat-Pacha et le cheik-ul-islam moururent en 1884.

* ABD-UL-HAMID II, sultan de Turquie.-La guerre turco-serbe ayant fourni à la Russie un prétexte d’intervention dans les affaires ottomanes, Abd-ul-Hamid II résolut de prévenir l’immixtion de l’étranger en prenant l’initiative des réformes. Se rapprochant du parti de la jeune Turquie, il remplaça le grandvizir Ruschid par Midhat-Pacha, et dix jours après (£3 décembre 1876), alors que les puissances se réunissaient à Constantinople pour délibérer sur les affaires d’Orient, un hatli impérial promulgua une constitution portant : indivisibilité de l’empire, irresponsabilité du sultan, égalité devant la loi de tous les sujets de l’empire et admissibilité des chrétiens eux-mêmes aux emplois publics, inviolabilité de la liberté individuelle et du domicile, abolition de la confiscation, de la corvée, de la torture et de la question, liberté de l’enseignement, indépendance des tribunaux ; réforme du budget, décentralisation provinciale, sous réserve des intérêts supérieurs du pouvoir central. ■ Le système représentatif, dit M. de la Jonquière, prenait triomphalement sa place en Turquie par l’institution d’un Sénat, dont les membres étaient nommés à vie par le sultan, et d’une Chambre des députés élue pour quatre ans, au scrutin secret, à raison d’un député pour 50.000 Ottomans. Les Chambres avaient droit de contrôle sur tous les actes du gouvernement, et les ministres étaient responsables devant elles ; mais l’initiative des lois appartenait au gouvernement seul, et le sultan, en vertu de l’article 44, était libre d’avancer ou de retarder l’époque de l’ouverture, de prolonger ou d’abréger les sessions. Midhat ne jouit pas longtemps de sa victoire et ne vit pas fonctionner l'œuvre qu’il avait créée ; le 5 mars 1877, il était renversé par une intrigue de palais, arrêté, jeté à bord d’un vaisseau, exilé sans jugement. Il faut dire aussi qu’il avait profondément blessé le sultan par ses allures autoritaires et l’espèce de tutelle qu’il prétendait lui imposer. En outre, certains familiers du sultan, intéressés à la chute de Midhat-Pacha, ne cessaient de le représenter comme regrettant Mourad V et ne cherchant qu’une occasion de le remettre Bur le trône. > Il est certain que le sultan déchu conservait de nombreux partisans, qui ne craignaient pas, au mois de décembre 1877, d’afficher, dans plusieurs quartiers de Stamboul, des placards demandant la démission du Mahmoud-Pacha, beau-frère et favori du sultan, et que ce personnage avait tout intérêt à maintenir Abd-ul-Hamid dans une sorte de terreur constante pour assurer sa propre influence. Depuis ce temps, Abd-ul-Hamid renonça, sous l’empire de lu peur, aux mesures libérales qui avaient signalé le début de son règne. Le parlement turc, dont le fonction


nement avait pourtant été satisfaisant, fut bientôt dissous et l’on revint aux antiques traditions de l’empire (14 janvier 1878), c’est-à-dire qu’au lieu de songer uniquement a la Turquie, le sultan se considéra comme le chef spirituel du monde musulman : de là son attitude en Tunisie, en Égypte, partout, en un mot, où se trouvèrent aux prises l’islam et la chrétienté. À l’extérieur, la guerre d’Orient (v. Tcrquiis) fut défavorable à la Porte, qui vit son territoire démembré et son prestige amoindri parle traité de Berlin (v r^j mot). Abd-ul-Hamid II aurait pu faire de grandes choses et continuer l'œuvre d’Abd-ul-Medjid ; mais il n’eut pas l’énergie nécessaire pour résister k son entourage et persévérer dans ses premières intentions. C’est en se mettant à la tête du parti de la jeune Turquie, qu’il aurait enrayé, peut-être, la décadence de l’empire fondé en Europe par les armes de Mahomet II.

ABD-UL-KÉRIM-PACHA, général ottoman, né k Tschirhan (Roumélie) en 18u, mort à Rhodes en février 1885. Dès l'âge de dix-sept ans il prit part à la guerre contre la Russie et s’y distingua de telle sorte, que le sultan Mahmoud) envoya compléter à Vienne son instruction militaire. Après son retour en Turquie, il servit successivement en Mésopotamie, dans le Diarbekir et reçut pendant la guerre de Crimée un commandement en Anatolie, où il organisa des recrues et fut élevé à la dignité de muchir. Sous le ministère de Hussein-Avni-Pacha, Abd-ul-Kérim s’occupa activement de réorganiser l’armée. En 1866, il prit part à la guerre du Monténégro, dans laquelle par une marche savante il fit su jonction avec Omer-Pacha, Après la mort d’Aali-Pacha (1871), il reçut le portefeuille de la guerre. Investi du commandement du £* corps d’armée en 1875, il fut chargé peu après de comprimer l’insurrection bulgare. Le 5 mai 1876, Abd-ul-Kérim remplaça Dervich-Pacha comme ministre de la guerre pour la seconde fois. Nommé, au mois de juillet suivant, serdar-ekrero ou généralissime des trois corps d’armée envoyés contre la Serbie, il procéda dans ses opérations avec une extrême lenteur, qu’on attribua au mauvais état de sa santé. Après avoir perdu son temps à Kuiajevatz et autour d Alexinatz, il finit

Îar tourner les positions ennemies. Pendant e cours de ces opérations, il avait été remplacé par Rédif-Pacha comme ministre de la guerre (septembre 1876). Lorsqu’en 1877 éclata la guerre entre la Russie et la Turquie, bien qu’impotent au point de ne pouvoir monter à cheval, Abri-ul-Kérim reçut le commandement en chef de l’armée du Danube. Au lieu de se porter en avant, il laissa les Russes passer le Danube (juin) et les Balkans (juillet), prendre Sistova et Nicopolis, et compromit gravement, par son inertie, le sort de la campagne dans la Turquie d’Europe. Destitué et remplacé par Méhémet-Ali-Pacha (21 juillet), il fut conduit à

Constantinople, où l’on instruisit son procès, ainsi que celui du ministre de la guerre, Rédif-Pacha, dont il avait exécuté les ordres. Mais le sultan ordonna de surseoir à la procédure et Abd-ul-Kérim-Pacha fut envoyé à l.emnos. Depuis cette époque, il ne fit plus parler de lui. Il passa les dernières années de sa vie, exilé à Rhodes, où il s’éteignit au commencement de février 1885.

ABD-UR-RAHMAN ou ABD-AR-RHAMAN-KHAN (Serviteur du Dieu miséricordieux), émir actuel d’Afghanistan, né en 1830. Ce prince est le fils de Mohammed-Afaoul-Khan, fils aîné de Dost Mohammed. Il avait, pendant sa jeunesse, conspiré et pris les armes, avec son père Afzoul et son oncle Azim, contre l’émir Schir-Ali. La lutte dura cinq ans, avec des alternatives de succès et de défaites pour les révoltés. Un instant, Abdur-Rahraan put se croire victorieux ; en effet, au mois de mars 1866, il s’empara de Kaboul, renversa Schir-Ali, et fit proclamer émir son père d’abord, puis, après la mort de celui-ci, son oncle Azim. Mais, en 1868, Schir-Ali recommença la lutte, et.puissammentsecondé par son fils Yako’ub-Khan, il l’emporta définitivement sur Azim et sur Abd-ur-Rahman.

Ce dernier se réfugia alors sur le territoire russe. C’est au milieu de l’été de 1869 qu’il fit son entrée à Tashkend, accompagné de trois cents Afghans. Les Russes lui allouèrent une pension annuelle de 25.000 roubles, et préparèrent à Samarkand, pour le recevoir, une maison très vaste, où M. Strouvé, employé de la chancellerie du gouverneur, alla lui rendre visite avec un interprète. Celui-ci a laissé de l’entretien qu’il eut avec Abd-ur-Rahman un récit intéressant qu’a publié la «Novoïé Vrémiat en 1885. « Quand nous entrâmes, dit-il, nous vltnes un homme d’une taille élevée, d’un léger embonpoint, avec une belle barbe noire et des mèches de cheveux qui sortaient de dessous son turban. Il avait un air de santé et de fraîcheur, de

frands yeux noirs, un net droit, des lèvres ten dessinées, qui parlaient en faveur d’une origine aryenne. Les autres Afghans, par leurs traits irréguliers, faisaient songer au typa sémite. Abd-ur-Rahman se leva et nous salua en portant la main au cœur et la tête, ce qui signifiait qu’il nous aimait avec le cœur et nous honorait avec l’esprit. Il portait par-dessus ses vêtements une magnifique pelisse perse doublée de fourrure. • Après les com


pliments d’usage au nom du gouverneur général, M. Strouvé annonça au khan que le général Kaufmann avait ordonné de lui remettre pour les premières dépenses de son séjour mille demi-impériaux. « Et rien de plus ? demanda Abd-ur-Rahman. — Mais que désirez-vous ? — Des armes, de la poudre,

des canons, et au moins un régiment de soldats pour me mettre en campagne contre mon oncle. > Nous répondîmes que ces questions ne nous regardaient pas, qu’il pourrait en parler dans sa première entrevue avec le gouverneur général, lequel ne pourrait pas probablement lui donner de réponse positive avant d’avoir communiqué avec Saint-Pétersbourg. «Oh 1er mais c’est une longue chanson. Je supposais que les choses se passaient autrement chez vous, que le (arim-Padischah (vice-roi, comme on appelle dans l’Asie le gouverneur général du Turkestan) avait des pleins pouvoirs plus étendus. Je vois que je me suis trompé. » En prenant congé, M.Strouvé proposa au khan de lui envoyer des tailleurs, des cordonniers et des marchands de drap. Celui-ci accepta cette offre avec empressement. Quelques jours après, le général Kaufmann rendit visite à Abd-ur-Rahman et le pria à dîner. Ainsi commencèrent entre le khan et le gouverneur russe du Turkestan des relations qui ne cessèrent jamais d’être cordiales et même affectueuses. Un jour, le général fit dire à Abd-ur-Rahman qu’il désirait s’entretenir sérieusement avec lui. « Je voudrais, dit le Moscovite, connaître les intentions du khan. On a fait pour lui presque tout ce qu’on pouvait faire. On lui a accordé des subsides, et il peut vivre tranquillement, soit k Samarkand, soit à Tashkend. Nos relations avec l’Afghanistan sont satisfaisantes jusqu’à présent. Nous sommes en bons termes avec Schir-Ali. Nous souhaitons y persévérer, i — Le khan se troubla. « Je ne croyais pas que le gouverneur général envisagerait ainsi la situation. Je supposais qu’il regardait Schir-Ali comme un usurpateur, qu’il me donnerait les moyens de faire valoir mes droits comme héritier du trône de Mir-Afzoul-Khan, et qu’il m’y aiderait par son influence, comme représentant d’un puissant empire, ainsi que par un secours matériel en armes et en argent. Je ne sais maintenant par quoi commencer.—Commençons par mon influence. Je suppose que le prestige du nom russe n’a pu pénétrer dans l’Afghanistan. Mon influence n’aurait pas de prise sur les Afghans, et même, si je voulais 1 essayer, comment devrais-je m’y prendre î — Très simplement. Nous n’avons qu’a envoyer des proclamations dans le Turkestan afghan, vous de votre côté, moi du mien. Je suis persuadé que le pays se lèverait tout entier pour moi. Mais que signifie un soulèvement sans troupes ni armes ? — Qu’Abdur-Ruhman m’expose en détail ses prétentions.

— Je désirerais que le tsar blanc reconnût mes droits au trôna de mon père et me donnât les moyens matériels de les faire valoir par les armes, de la poudre et des troupes. — Combien de troupes vous faut-il ?- Un seul régiment. — Mais c’est presque 4.000 hommes, et cela serait une immixtion directe dans les affaires de l’Afghanistan. L’Angleterre, la première, s’y opposerait.

— Dieu est haut et l’Angleterre est loin, fit en souriant Abd-ur-Rahman. Quant au Pendjab, il sera tout entier pour moi après mon premier succès et la nouvelle que la Russie est avec moi. Un clairon russe n’a qu’à donner le signal sur les monts Himalaya et toute l’Inde se soulèvera.—Quant aux soldats, je les refuse au khan. Il n’a qu’à recruter tant qu’il veut des Kirghis. En ce qui touche les armes, je puis lui prêter des canons et des fusils pris chez les Bokbariens. De la poudre, tant qu’il voudra, mais pas un sou pour conduire l’affaire. C’est mon dernier mot. » Le visage du khan se rembrunit. Il se fit un long silence. • Les circonstances peuvent changer, reprit le général d’un ton radouci, et si un veut plus favorable souffle pour Abdur-Rahman, tout ce que je lui refuse maintenant lui sera donné au centuple. Il ne faut pas se décourager. En politique, il faut savoir attendre le moment favorable. •

L’heure si impatiemment espérée par le prince sonna en 1879. Sir Louis Cavagnari venait d’être massacré à Kaboul avec presque tous l«s membres de la légation britannique. Les troupes anglaises partirent aussitôt de l’Inde pour tirer vengeance de ces assassinats. Le Î4 décembre, Kaboul était

pris, l’Afghanistan investi, et l’émir Yakoub-Khan fait prisonnier. Deux de ses fils prétendirent alors à sa succession : Mousa-Khan, le plus jeune, et Ayoub-Khan, né en 1851. Un des généraux de Yakoub, Mohammed-Djan, ayant réussi à provoquer une insurrection, fut assez heureux pour s’emparer à son tour de Kaboul, chassa les Anglais et fit proclamer Mousa. Mais l’armée anglo-indienne ne tarda pas à reprendre le dessus et rentra victorieuse dans la capitale : c’est à ce moment qu’Abd-ur-Rahman apparut pour faire valoir ses droits. Trois compétiteurs se trouvaient donc en présence ; Mousa, Ayoub, Abd-ur-Rahman ; st il était évident que celui-là triompherait qui aurait la protection de l’Angleterre. Elle accorda la préférence au prétendant qui revenait d’exil, à l’ami du général Kaufmann ; par ce choix ira Êrévu, elle sa proposait d’atteindre un, doubla ut ; détacher des Russeâ un homme qui