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continué avec un grand succès de vogue la publication des almanachs dont son père était chargé : l’Almanach comique, l’Almanach pour rire et l’Almanach du Charivari. En 1869, il a créé, avec le dessinateur Grévin, l’Almanach des Parisiennes, publication pleine d’humour, de gaieté et de fines observations, qui, à la troisième année, atteignit le tirage de 30 000 exemplaires. Enfin, il est l’auteur d’un ouvrage en 4 volumes, la Nouvelle vie militaire. C’est une œuvre où la vie du soldat est esquissée d’une façon très-alerte et où domine sans cesse la note patriotique.

HUASCOLITE s. f. (u-a-sko-li-te). Minér. Sulfure de plomb et de zinc ressemblant beaucoup à la galène.

HUBAULT (Gustave), historien, né à Paris en 1825. Lorsqu’il eut terminé ses études, il se prépara à l’enseignement de l’histoire et il entra dans l’Université. M. Hubault professe, depuis plusieurs années, l’histoire au lycée Louis-le-Grand. On lui doit un certain nombre d’ouvrages classiques, notamment : Histoire de France (1852, in-12), avec Marguerin ; Cadres d’histoire de France (1860, in-8o), avec le même ; Atlas pour servir à l’histoire des guerres de la liépublique et de l’Empire (1860, in-4o) ; les Grandes époques de la France (1803, 2 vol. in-12) ; Histoire de France du moyen âge et des temps modernes (1864, in-12) ; Atlas de géographie et d’histoire (1865, in-4o) ; Histoire des temps modernes (1806, in-12), avec Marguerin ; Histoire de France à l’usage des écoles primaires (1873-1875, 2 vol. in-12) ; Histoire de France et histoire générale depuis 1789 (1874, in-12) ; Notre histoire en cent pages (1875, in-12), etc.

* HUBBARD (Arthur), avocat et publiciste français. — Depuis 1872, il a repris l’exercice de sa profession d’avocat. Au mois de novembre 1874, il se porta candidat au conseil municipal de Paris dans le quartier Saint-Lambert (XVe arrondissement) ; mais il échoua au scrutin de ballottage contre M. Maublanc. Le 6 janvier 1878, il a de nouveau posé sa candidature républicaine dans le même quartier, et, cette fois, il a été élu conseiller municipal par 1 277 voix. Outre les brochures que nous avons citées, il a publié les Principes sociaux, essai de philosophie municipale (1874, in-12).

* HUBBARD (Nicolas-Gustave), économiste français, frère du précédent. — Il a été, en 1871, rédacteur de la Nation souveraine. Au commencement de 1876, M. Gustave Hubbard a été attaché comme secrétaire a la commission du budget de la Chambre des députés, qui l’a envoyé en Angleterre pour y étudier le mécanisme de l’impôt sur le revenu. Outre les ouvrages que nous avons cités, il a publié : Histoire contemporaine de l’Espagne (1869, 2 vol. in-8o) ; Lettres d’un volontaire (1871, in-8o) ; le Budget de trois monarchies et le Budget de la liépublique (1873, in-12) ; Histoire de la littérature contemporaine en Espagne (1875, in-12) ; De la création d’une caisse d’État pour les épargnes des classes laborieuses (1875, in-16).

HUBBARD (John-Gellibrand), économiste anglais, né en 1805. Entré dans la carrière commerciale et chef d’une maison importante, M. J. Hubbard a publié diverses brochures sur des questions de finances : Vindication of à Fixed Duty on Corn (1842) ; The Currency of the Country (1843), traité destiné à montrer les bons résultats d’une banque d’émission unique. En mai 1859, élu membre de la Chambre des communes par le collège de Buckingham, il a gardé son siège jusqu’au bill de réforme de 1868, qui a supprimé ce collège. Il a été alors nommé député-lieutenant pour le bourg de Buckingham, position qu’il occupe actuellement, en même temps que celle de directeur de la Banque d’Angleterre.

* HUBERT-DELISLE (Louis-Henri), administrateur et homme politique français. — Il était membre du conseil général de la Gironde, où il siégeait avec les bonapartistes, lorsque ces derniers le portèrent candidat au Sénat dans ce département le 30 janvier 1876. M. Hubert-Delisle donna son adhésion au programme impérialiste que M. Bénie venait d’exposer à Bordeaux dans une réunion électorale, puis il publia une circulaire électorale dans laquelle il dit : « Mes affections politiques vous sont connues. Elles seront celles de toute ma vie. Mon dévouement à l’ordre, mon respect à la loi ne laissent aucun doute dans votre esprit, et l’illustre maréchal n’aura pas de plus ferme soutien de son autorité jusqu’à ce que la loi redonne à la nation le droit imprescriptible de se prononcer sur son sort. » Elu sénateur le premier sur quatre par 365 voix, il alla siéger dans le groupe dit de l’Appel au peuple et vota constamment conire les lois politiques adoptées par la majorité républicaine de la Chambre des députés. Cet admirateur du coup d’État et des proscriptions du 2 décembre, du régime qui avait imposé à la France un despotisme odieux, devait naturellement applaudir au coup d’État parlementaire du 16 mai 1877 et à la résurrection du gouvernement de combat contre les républicains. Le 22 juin, il vota pour la dissolution de la Chambre des députés. Lorsque la France eut réélu une grande majorité de députés républicains, il se joignit aux sénateurs qui encouragèrent le pouvoir exécutif à résister à la volonté du pays et, le 19 novembre, il vota l’ordre du jour présenté par M. de Kerdrel contre la nomination d’une commission d’enquête parlementaire par la Chambre des députés.

HUBERT DU BOURG, homme de guerre anglais du XIIIe siècle. Il descendait d’un frère utérin de Guillaume le Conquérant et il servit sous Richard Cœur de Lion. Il était gouverneur du château de Falaise lorsque le duc Arthur de Bretagne y était enfermé, et il chercha vainement à détourner de la tête du jeune prince le triste sort que lui réservait Jean sans Terre. Il resta néanmoins fidèle au roi, administra ses principaux domaines et signa avec lui la grande charte en 1215. Devenu grand justicier après la mort du comte de Pembroke, pendant la minorité de Henri III, il soumit les barons rebelles, devint comte de Kent en 1227 et épousa une sœur du roi d’Écosse. Mais il avait un ennemi mortel dans Pierre Desroches, évêque de Winchester, qui parvint à le faire enfermer à la Tour de Londres sous une accusation de concussion et de magie (1232). Toutefois, il fut rendu à la liberté vers la fin de sa vie, et la faveur royale le fit même rentrer au conseil.

* HUBNER (Joseph-Alexandre, baron de), diplomate autrichien. — En 1867, il fut remplacé à l’ambassade d’Autriche à Rome. Il employa ses loisirs à écrire un ouvrage historique, qui parut à Paris sous le titre de Sixte-Quint, sa vie et son temps (1870, 3 vol. in-8o). En 1871, le baron de Hübner fit un voyage autour du monde. S’étant rendu à New-York, il traversa les États-Unis, puis il visita le Japon, la Chine, la Cochinchine, l’Inde et revint en Europe par le canal de Suez. Ce voyage a été raconté par lui dans un ouvrage intéressant, intitulé : Promenade autour du monde (1873, in-8o). Le succès de ce livre, qui abonde en observations prises sur le vif, a été très-grand et la 5e édition, illustrée de gravures, a été publiée en 1875 (2 vol. in-12). Le baron de Hübner a été nommé en 1877 membre associé de 1 Académie des sciences morales et politiques de Paris.

HUBNÉRITE s. f. (u-bné-ri-te). Miner. Tungstate manganeux, trouvé près du lac Erié et à Nevada.

HUCHÉE s. f. (u-ché ; h asp.). Action de hucher, d’appeler en criant, à la chasse.

HUCHEM s. m. (u-chèmm ; h asp.). Ichthyol. Variété de salmonidés, qui se trouve en Bavière.

HUCHER (Eugène-Frédéric-Ferdinand), archéologue français, né à Sarrelouis en 1814. Il entra à dix-neuf ans dans l’administration de l’enregistrement et fut successivement receveur à Tournon, premier commis de direction à Châteauroux et au Mans et vérificateur dans la Sarthe. En même temps, il se livrait avec ardeur à son goût pour les études archéologiques et il dessinait et gravait des planches pour quelques ouvrages dont il écrivait le texte. Ayant été mis à la retraite, M. Hucher a été nommé directeur du inusée archéologique du Mans. Il est correspondant du ministère de l’instruction publique pour les monuments et les travaux historiques, inspecteur de la Société française d’archéologie, membre correspondant de la Société des antiquaires de France, etc. En 1862, il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur. Indépendammentde nombreux articles insérés dans le Bulletin monumental, la Revue numismatique, l’Annuaire de la Société de numismatique, etc. on lui doit les ouvrages suivants :Essai sur les monnaies frappées dans le Maine (1845, in-4o) ; Sigillographie du Maine (1S53, in-8 » ) ; Des enseignes de pèlerinages (1854, in-8o) ; Études sur l’histoire et les monuments du département de la Sarthe (1856, in-8o) ; Histoire du jeton au moyen âge (1858, in-8o), avec M. Rouyer ; De l’art au XIXe siècle et de ses applications à l’industrie (1864, in-8o) ; Calque des vitraux peints de la cathédrale du Mans (1804, in-fol.) ; l’Art gaulois ou les Gaulois d’après leurs médailles (1865-1874, 3 vol. in-8o) ; Vitraux peint de la cathédrale du Mans (1868, in-fol.) ; Catalogue du musée archéologique du Mans (1869, in-8o) ; le Tombeau de Charles VI comte du Maine, à la cathédrale du Mans (1873, in-8o) ; Jubé du cardinal Philippe de Luxembourg à la cathédrale du Mans (1875, in-fol.) ; le Saint-Graal ou le Joseph d’Arimathie, publié d’après des textes et documents inédits (1875-1870, 2 vol. in-12), etc.

HUCHIER s. m. (u-chié ; h asp. — rad. huche). Celui qui faisait des huches, et en général celui qui travaillait le bois. || Vieux mot.

* HUCQUELIERS, bourg de France (Pas-de-Calais), ch.-l. de cant., arrond, et à 18 kilom. N.-E. de Montreuil-sur-Mer ; pop. aggl., 677 hab. — pop. tôt., 694 hab.

HUDSON1TE s. f. (ud so-ni-te — de la rivière Hudson). Miner. Variété de pyroxène provenant de la rivière Hudson.

* HUELGOAT, bourg de France (Finistère), ch.-l. de cant., arrond. et à 40 kilom. N.-Est de Châteaulin ; pop. aggl., 735 hab. — pop. tot., 1 327 hab.

HUÉMAL s. m. (u-é-mal). Mamm. Animal d’une race éteinte, qui se trouvait au Chili.

HUEUR s. m. (u-eur ; h asp. — rad. huer). Celui qui hue, qui fait des huées.

  • HUGEL (Charles-Alexandre-Anselme, baron de), voyageur et naturaliste allemand. — Il est mort à Bruxelles en 1870.


HUGELMANN (Jean-Gabriel), journaliste, né à Vergny-Saint-Salmon en 1830. Fils d’un tailleur, il fut élevé à l’école mutuelle de Tours, puis il vint à Paris. Il adressa alors des odes à Louis-Philippe et à M. de Rothschild. Peu après, la révolution de 1848 étant survenue, il prit la parole dans les clubs et parvint, malgré son extrême jeunesse, à se faire élire capitaine de mobiles. Cette même année, il fut condamné à un an d’emprisonnement pour attaque à la propriété et outrage à un ministre des cultes. Ayant été envoyé en Algérie, il subit à Bône une nouvelle condamnation. Au bout de quelque temps, il parvint à s’échapper de prison, gagna l’Espagne et se rendit à Madrid. Là, il épousa une actrice et fonda un journal français, dans lequel il se montra un chaud partisan de Napoléon III. Le journal la Iberia ayant attaqué l’impératrice Eugénie, Hugelmann provoqua le rédacteur et se battit avec lui. Comme il l’avait espéré, le duel fit du bruit. Napoléon III en fut informé. Ayant appris ce qu’était Hugelmann, il lui envoya M. Belmontet, qui lui remit une épingle en son nom et l’engagea à venir à Parts. Celui-ci s’empressa d’accourir, et le lendemain de son arrivée il reçut le décret qui lui accordait sa grâce. Doué d’une rare audace, fécond en ressources, Hugelmann parvint à fonder la Revue des races latines. En même temps, il publia quelques livres et écrivit des pièces de théâtre. En 1858, il fut mis en faillite ; mais cette affaire, de mince importance à ses yeux, ne le désarçonna en aucune façon. Dans un ouvrage intitulé la Quatrième race (1863, 2 vol. in-8o), il fit l’apologie de la famille des Bonaparte, ce qui accrut encore les sympathies qu’on avait pour lui en haut lieu. Vers cette époque, il devint rédacteur du Journal de Bordeaux, feuille impérialiste. Plus tard, il se lança dans les affaires, fit de nouveau faillite en 1867, ce qui ne l’empêcha pas de se faire décorer d’un grand nombre d’ordres étrangers, et devint rédacteur en chef du Nain jaune. Après la révolution de 1870, Hugeimann se rendit à Londres. Grâce à l’argent qu’il savait toujours se procurer, il fonda dans cette ville la Situation, journal bonapartiste auquel collabora son ami, M. Clément Duvernois, et il entra en relation avec l’ambassadeur de Prusse. Après l’armistice (1871), il revint à Paris, où il chercha a s’occuper de nouvelles entreprises de journaux. À cette époque, un banquier nommé Larivière, qui lui avait fourni de l’argent à Londres, était détenu par suite d’une condamnation. Il s’entremit pour lui faire obtenir sa grâce et reçut de Mme Larivière une somme de 3, 000 francs. Sans moyens d’existence connus, on le vit mener un grand train, dépenser des sommes relativement considérables avec des actrices et figurer comme témoin dans le scandaleux procès de la rue de Suresnes (février 1873). Le mois suivant, il devint directeur politique de l’État, journal dont il fit une feuille bonapartiste, À la fin de cette même année, il fut de nouveau mis en faillite. Traduit le 25 mars 1874 devant le tribunal correctionnel de la Seine sous l’inculpation d’escroquerie, de banqueroute, de bris de scellés et de chantage, le champion de la quatrième race fut condamné, le lendemain, à cinq années de prison et 2, 000 francs d’amende. Il fit appel de ce jugement, mais le jugement fut confirmé. Outre la Quatrième race, M. Hugelmann a publié : l’Espagne et ses derniers événements (1856, in-8o) ; des drames, le Fils de l’aveugle (1857), Jean Bart (1858), la Moresque (1858) ; une féerie, le Cri-cri (1859) ; une féerie en cinq actes, les Vins de Bordeaux (1863) ; le Salut, c’est la dynastie (1870, in-8o) ; les Tyrtéennes, poésies politiques (1872, 2 vol., in-8o), etc.


HUGGINS (Williams), astronome anglais, né à Londres en 1824. Adonné, au sortir de ses études classiques, à des recherches expérimentales sur le magnétisme, l’électricité, etc., et assez riche pour se constituer un laboratoire de premier ordre, il s’appliqua enfin à l’astronomie et établit à sa résidence de Upper-Tulse Hill un observatoire qui a rendu d’assez grands services à la science. Il a consigné dans les Philosophical Transactions de 1864 le résultat de ses premières recherches, entreprises de concert avec le docteur W.-A. Miller sur l’analyse chimique des étoiles et des nébuleuses, au moyen du prisme, d’après la méthode de Kirchhoff, et il fut élu l’année suivante membre de la Société royale de Londres, où ses travaux reçurent immédiatement l’une des médailles royales mises à la disposition de la société. En 1867, la médaille d’or de la Société astronomique lui fut décernée, conjointement avec son collaborateur. Poursuivant ses recherches, il analysa au spectroscope quatre comètes, puis la planète Coggia et fut ensuite chargé du cours Sur les observations astronomiques à l’aide du spectroscope à l’université de Cambridge. La Société royale de Londres lui fit présent, en 1871, d’un télescope de 15 pouces, construit spécialement pour lui être offert, et l’Académie des sciences de Paris lui décerna en 1872 le prix Lalande. Ses dernières recherches ont porté sur la photographie du spectre des étoiles et il a pu, en 1877, offrir à la Physical Society de Londres la photographie très-nette du spectre de l’étoile A de la Lyre. M. W. Huggins est membre de la plupart des Académies des sciences du continent.


HUGO (Victor-Marie), le plus illustre des poètes contemporains. — Notre époque assiste au couronnement de cette magnifique carrière déjà si remplie et à laquelle aucune des gloires n’aura manqué. Depuis 1873, époque où nous arrêtions la biographie de Victor Hugo, dans le tome IX du Grand Dictionnaire, l’illustre poète a complété une partie importante de son œuvre en publiant la seconde série de la Légende des siècles, mis au jour les premiers volumes d’un grand roman historique et patriotique Quatre-vingt-treize, publié l’Histoire d’un crime, implacable protestation contre le coup d’État du 2 décembre, sans compter un recueil de vers émus et charmants, l’Art d’être grand-père, et, poursuivant parallèlement sa carrière politique, il a été nommé électeur sénatorial de Paris, puis sénateur, et il a pu faire entendre dans l’enceinte un peu sourde de la Chambre haute les accents d’une éloquence qui a gagné en gravité sans rien perdre de son ancienne vigueur. À l’âge où les autres hommes se reposent, Victor Hugo semble recommencer sa vie.

Le grand poète n’est pas de ceux qui s’isolent et se défendent de chercher leurs inspirations en dehors de leurs propres fantaisies ; il aime au contraire à penser avec la foule et à exprimer les sentiments de tous. La libération du territoire lui a inspiré une page véritablement émue et patriotique (septembre 1873). Par suite de l’évolution parlementaire du 24 mai précédent, l’illustre homme d’État qui avait présidé à cette libération était descendu du pouvoir et l’œuvre qu’il avait si bien conduite recevait son accomplissement sous ceux-là mêmes qui l’avaient renversé. Ils n’osaient s’en attribuer la gloire, tout en en éprouvant une forte démangeaison, mais ils faisaient du moins leur possible pour atténuer des manifestations dont M. Thiers eût recueilli le fruit. L’explosion du sentiment le plus naturel, au départ du dernier soldat allemand, fut partout comprimée ; elle eût troublé ce fameux ordre moral qu’on prétendait faire régner. Dans ces circonstances, Victor Hugo eut le bonheur de parler pour la France entière, forcée au silence, et ses vers, publiés en brochure, furent lus et applaudis partout. Nous nous contenterons de citer un fragment de la première partie du poème, empreint d’une mélancolie que justifiaient assez l’appréhension de l’avenir et le besoin de revanche que tôt ou tard éprouvera la France :

Non, je ne me sens pas délivré. Non, j’ai beau
Me dresser, je me heurte au plafond du tombeau.
J’étouffe ; j’ai sur moi l’énormité terrible.
Si quelque soupirail blanchit la nuit visible,
J’aperçois là-bas Metz, là-bas Strasbourg, là-bas
Notre honneur, et l’approche obscure des combats,
Et les beaux enfants blonds, bercés dans les chimères,
Souriants, et je songe à vous, ô pauvres mères.
Je consens, si l’on veut, à regarder ; je vois
Ceux-ci rire, ceux-là chanter à pleine voix
La moisson d’or, l’été, les fleurs et la Patrie
Sinistre. Une bataille étant sa rêverie,
Avant peu, l’archer noir embouchera le cor ;
Je calcule combien il faut de temps encor ;
Je pense à la mêlée affreuse des épées.
Quand des frontières sont par la force usurpées,
Quand un peuple gisant se voit le flanc ouvert,
Avril peut rayonner, le bois peut être vert,
L’arbre peut être plein de nids et de bruits d’ailes ;
Mais les tas de boulets noirs dans les citadelles
Ont l’air de faire un songe et de frémir parfois ;
Mais les canons muets écoutent une voix
Leur parler bas dans l’ombre, et l’avenir tragique
Souffle à tout cet airain sa farouche logique.

Ces vers devaient coûter à celui qui, avant la funeste guerre de 1870-1871, s’était fait l’apôtre de la concorde, de la fraternité des peuples, et qui avait si bien su montrer dans Paris que les nations ont tout à perdre, rien à gagner à s’entre-déchirer. Mais, ainsi qu’il le dit, les événements ont une logique à laquelle il est difficile de se soustraire. Victor Hugo n’en écrivit pas moins aux membres du congrès de la paix, tout en déclinant leur invitation, une lettre sympathique (septembre 1875) où il leur disait clairement, sous les métaphores accumulées, que la paix ne se décrétait pas, qu’elle était une résultante et qu’on y songerait quand l’Europe aurait repris son équilibre.

En même temps, il se préparait à rentrer dans la vie politique, d’où l’avaient écarté sa brusque démission de député à Bordeaux et son échec à Paris contre M. Vautrain. Il publiait, sous le titre d’Actes et paroles, le recueil des discours prononcés par lui soit à la tribune de la Chambre des pairs, sous Louis-Philippe, soit à celle de l’Assemblée constituante de 1848 et de la Législative, soit dans l’exil, sur les tombes des proscrits ou dans des congrès démocratiques, soit enfin depuis sa rentrée en France. Nous avons consacré dans ce Supplément un article spécial à ce recueil, qui, sous ces trois sous-titres, Avant l’exil, Pendant l’exil, Depuis l’exil (1875, 3 vol. in-8o), comprend toute la vie publique du poète. Chaque morceau est accompagné d’une introduction ou de notes qui, par les actes de l’homme, expliquent ses paroles.