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de manière a envelopper complètement les ouvrages.

« L’artillerie, bien que le feu de la place ne fût point éteint, est venue établir ses batteries à quelques centaines de mètres des remparts.

« L’infanterie a partout attaqué les positions avec intelligence et sans hésitation.

« Les marins de la flotte ont montré une vigueur et un entrain remarquables.

« La cavalerie, par sa vigilance, a rejeté constamment les insurgés dans la place ; en plusieurs circonstances, elle a mis pied à terre pour enlever des positions.

« L’intendance est parvenue à ravitailler largement les divisions, même dans Paris ; les troupes à sa disposition se sont fait remarquer dans le transport des blessés et par les soins donnés dans les ambulances.

« La télégraphie civile a été à la hauteur de ses fonctions et a constamment relié le grand quartier général avec les quartiers généraux des corps d’armée et des divisions.

« J’ai eu également à me louer du service du trésor et des postes, qui s’est fait régulièrement.

« Paris, le 30 juin 1871.

« Le maréchal commandant en chef l’armée de Versailles,
« De Mac-Mahon, duc de Magenta.»

Dans la soirée même du 28 mai, le maréchal de Mac-Mahon faisait afficher cette courte proclamation :

« République française.
  « Habitants de Paris,

« L’armée de la France est venue vous sauver. Paris est délivré. Nos soldats ont enlevé à quatre heures les dernières positions occupées par les insurgés.

« Aujourd’hui, la lutte est terminée ; l’ordre, le travail et la sécurité vont renaître.

« Au quartier général, le 28 mai 1871.

 « Le maréchal de France, commandant en chef,
  de Mac-Mahon, duc de Magenta. »

Nous n’avons pas voulu interrompre le développement du remarquable rapport du maréchal de Mac-Mahon, dont on aura certainement remarqué la modération, qui, du reste, s’impose à un document historique de cette importance ; nous y joindrons quelques souvenirs personnels, et nous le compléterons par quelques détails relatifs aux incidents, aux épisodes les plus dramatiques de cette terrible lutte.

Comme on l’a vu plus haut, l’armée de Versailles avait commencé à pénétrer dans Paris le dimanche 21 mai ; toutefois, les quartiers les plus rapprochés, tels que ceux de Grenelle et de Vaugirard, l’ignoraient encore le lundi au lever du jour. Vers huit heures du matin, dans la rue Lecourbe, qui fait suite à la rue de Sèvres, on vit les boutiques se fermer précipitamment et chacun rentrer chez soi à la hâte. Quelques personnes surprises interrogent : « Qu y a-t-il donc ? — Ils sont là, sur la place Beuret. — Qui donc ? — Les Versaillais. » En un clin d’œil, la rue devient complètement déserte. Bientôt, en se penchant de côté au coin des fenêtres qui ont accès sur la rue, on aperçoit une colonne d’infanterie qui s’avance, précédée de ses éclaireurs, tenant le chassepot à la main. Le moment est solennel ; on n’entend que le bruit cadencé des pas de la troupe, puis la voix des officiers qui crient : « Fermez vos fenêtres. » Presque à l’entrée de la rue Lecourbe s’élève une méchante barricade, construite la veille par deux ivrognes et quelques gamins du quartier. À peine a-t-elle 1 mètre de hauteur, et on ne s’attend à aucune défense ; on raille presque la circonspection des soldats. « Qu’ont-ils donc à marcher ainsi à pas de loup ? Ne voient-ils pas qu’il n’y a absolument rien à craindre ? » Mais voilà que, brusquement, trois coups de fusil éclatent derrière la barricade ; c’est le signal de la fusillade ; les balles sifflent aussitôt, ainsi que dans la rue de Vaugirard, parallèle à la rue Lecourbe. Ce ne fut d’ailleurs qu’une affaire de dix minutes, au bout desquelles les rues étaient complètement occupées. Avant de se lancer plus loin, la troupe (c’était le 71e de ligne) fit halte pendant quelques instants ; puis les fenêtres s’ouvrirent et les habitants commencèrent à descendre dans la rue et à se mêler aux soldats, qui paraissaient calmes, mais résolus. Un capitaine adressa la parole au rédacteur de cet article. « Le quartier est-il tranquille ? Pensez-vous qu’il y ait quelque chose à craindre ? — Oh ! absolument rien, répondis-je ; cependant, je ne réponds pas d’un acte isolé, d’un coup de tête d’un exalté ou d’un fou. — Parfaitement. Puis le régiment se remit en marche ; mais ce jour-là et les suivants, de nouvelles troupes ne cessèrent de défiler ; infanterie, cavalerie et artillerie passèrent alternativement à des intervalles plus ou moins rapprochés. Tous ces soldats étaient silencieux et semblaient regarder les habitants avec une certaine défiance. À mesure qu’un quartier était occupé, un factionnaire, le fusil chargé, était posté à chaque coin de rue, et, dès qu’on s’en approchait, sans aucune mauvaise intention assurément, on était certain d’entendre retentir le cri : « Au large ! » Le soir surtout, il fallait se tenir sur ses gardes ; une simple distraction eût pu coûter cher. Cependant, nous n’avons pas entendu dire qu’il y ait eu un seul malheur à déplorer sous ce rapport ; assez d’autres épisodes sanglants allaient terrifier la population ; la lutte ne faisait que commencer. La première affaire vraiment sérieuse fut ce qu’on pourrait appeler le siège de la gare du boulevard Montparnasse (chemin de fer de Versailles, rive gauche). Une batterie établie au bas de la rue de Rennes, cribla de boulets la façade ; à chaque instant, dès le mardi 23, une bande de malheureux prisonniers, ouvriers en blouse, individus à paletot plus ou moins élégant, femmes jeunes ou vieilles, descendait le boulevard de Vaugirard, escortée par des soldats, et était dirigée sur l’École militaire. Là, qu’en faisait-on ? Que de bruits sinistres se répandaient discrètement à cet égard ! Mais aussi quel degré de confiance leur accorder ? On connaît le rôle de l’exagération dans d’aussi terribles circonstances. La gare ne fut occupée par les troupes que le mercredi 24 ; ce même jour, au Luxembourg, une poudrière sauta avec un fracas épouvantable. Sous la violence de la commotion produite par cette catastrophe, les plafonds des magasins du Grand Dictionnaire, situés tout auprès, s’effondrèrent entièrement ; Mme  Larousse fut même blessée par la chute d’un volet. Quelles angoisses, d’un autre côté, pour M. Larousse ! À quelques mètres de l’imprimerie, des magasins, du manuscrit du Grand Dictionnaire, se dressait une barricade ; à gauche, à quelques mètres encore, au coin de la rue Vavin et de la rue Bréa, trois maisons étaient en flammes ; l’imprimerie faillit aussi être incendiée par les fédérés ; heureusement un de leurs chefs était typographe, et cette coïncidence sauva le Grand Dictionnaire d’un irréparable désastre. Ce fut la journée la plus terrible : le soir, d’immenses lueurs rougeâtres et sinistres illuminaient tout Paris ; l’Hôtel de ville, les Tuileries, le Palais de justice, la préfecture de police, le ministère des finances, la cour des comptes, la Légion d’honneur étaient en flammes ; c’était un spectacle d’une horreur grandiose. Le vent emportait au loin des débris enflammés ou calcinés ; jusque dans la rue Lecourbe, et plus loin encore, on pouvait saisir au passage ou recevoir dans ses mains des feuilles de papier carbonisées, mais dont l’écriture était encore parfaitement lisible, et qui provenaient de la cour des comptes, peut-être même du ministère des finances.

Il nous faut aborder maintenant le récit du massacre des otages. Ce fut Gustave Chaudey, honnête et ferme républicain, qui tomba le premier sous les balles des assassins (v. Chaudey, dans ce Supplément). Vient ensuite l’exécution des dominicains d’Arcueil. Un d’eux, échappé au triste sort de ses compagnons, l’abbé Grancolas, raconte ainsi ce sanglant épisode :

« Le vendredi 19 mai, un membre de la Commune, suivi du gouverneur de Bicêtre et du sieur Serizier, à la tête du 101e bataillon fédéré, s’est présenté à l’école Albert-le-Grand vers quatre heures et demie du soir et nous a tous emmenés, les religieuses à la préfecture de police et plus tard à Saint-Lazare, les Pères dominicains, les professeurs du collège au fort de Bicêtre, où l’on nous a jetés dans une casemate, après nous avoir dépouillés de tout, et même de nos bréviaires.

« Jeudi dernier, 25 mai, vers huit heures du matin, au moment où la garnison quittait le fort en toute hâte, un officier est venu nous dire : « Vous êtes libres ; seulement, nous ne pouvons vous laisser entre les mains des Versaillais ; il faut nous suivre aux Gobelins ; ensuite, vous irez dans Paris, où bon vous semblera. »

« Le trajet fut long et pénible ; des menaces de mort étaient à tout instant proférées contre nous par la populace. Arrivés à la mairie des Gobelins, on ne veut plus nous laisser libres. « Les rues ne sont pas sûres, nous dit-on ; vous seriez massacrés par le peuple. » D’abord, on nous fait asseoir dans la cour intérieure de la mairie, où pleuvaient les obus ; puis un nouvel officier arrive et nous mène à la prison disciplinaire du secteur, avenue d’Italie, n° 38. Dans l’avenue, nous apercevons le 101e avec son chef, le sieur Serizier ; nous étions ses prisonniers.

« Vers deux heures et demie, un homme en chemise rouge ouvre brusquement la porte de la salle ou nous étions enfermés et nous dit : « Soutanes, levez-vous ! on va vous conduire aux barricades. » Nous sortons. À la barricade, les balles pleuvaient avec une telle intensité que les insurgés l’abandonnèrent.

« On nous ramène à la prison disciplinaire, sur l’ordre du colonel Serizier. Nous nous confessons une dernière fois, et le Père prieur nous exhorte tous à bien mourir.

« À quatre heures et demie environ, nouvel ordre du sieur Serizier. Cette fois nous partons tous, Pères, professeurs et domestiques, entourés par des gardes du 101e, qui chargent devant nous leurs armes. À la porte extérieure de la prison, le chef du détachement nous crie : « Sortez un à un dans la rue ! » Puis le massacre commence. J’entends le Père prieur dire ; « Allons, mes amis, pour le bon Dieu ! » et c’est tout.

« J’ai survécu, avec quelques professeurs et domestiques, à cette épouvantable fusillade. Une balle avait traversé mon pardessus sans m’atteindre. Je pus me jeter dans une maison ouverte sans être vu. Là, une femme me fit prendre à la hâte les vêtements de son mari, et je restai chez elle jusqu’au moment où arrivèrent les soldats du 113e de ligne, qui me reçurent dans leurs rangs avec le plus grand empressement. Un chef de bataillon, dont je regrette de ne pas savoir le nom, me donna même un sergent et quelques hommes pour aller reconnaître nos chères victimes.

« Vous savez le reste. Nous n’avions pas retrouvé le corps du Père Captier, prieur de l’école Albert-le-Grand, et je conservais l’espoir qu’il aurait pu, comme moi, se sauver.

« Hélas ! lui aussi, une des plus belles et des plus nobles intelligences de son temps, il était massacré !

« Je n’en pouvais plus. Hier, un des survivants, M. Résilliot, accompagné d’un jeune homme, M. Barrally.qui nous avait offert ses services avec le plus noble empressement, se rendit aux Gobelins pour réclamer les corps recueillis la veille par les bons Frères des écoles : là, ils trouvèrent M. le maire et M. le curé d’Arcueil, déjà prévenus, ainsi que M. l’abbé Delare, aumônier de l’hospice Cochin.

« Les corps (douze en tout) furent transportés, dans la soirée, à l’école Albert-le-Grand, par permission expresse du maréchal Mac-Mahon. »

C’était là une exécution odieuse, révoltante, et que ne pouvait pas excuser, lors même qu’on le croirait fondé, le soupçon d’espionnage qui courait parmi le peuple contre les dominicains d’Arcueil. On sait, d’ailleurs, avec quelle facilité, dans les grands périls, le peuple se laisse aller à voir partout des espions et des traîtres.

Au massacre des dominicains en succédèrent d’autres.

L’exécution qui produisit le plus d’émotion fut celle de l’archevêque de Paris et de ses compagnons. Voici en quels termes elle fut racontée par l’abbé Escalle, aumônier du 1er corps de l’armée française, dans son rapport adressé au général Ladmirault. L’aumônier vient de rappeler la découverte, à la Roquette même, des corps de M. Surat, premier vicaire général, de M. Bécourt, curé de Bonne-Nouvelle, et de deux laïques.

« Je fis déposer ces corps dans une salle de la maison des jeunes détenus, et je pris les dispositions nécessaires pour que les familles intéressées fussent promptement averties.

« Malheureusement, ce n’étaient pas là les seules victimes de ces misérables qu’avaient à combattre nos soldats. Au dire des habitants du voisinage, les victimes que nous venions d’exhumer avaient été assassinées dans un certain tumulte. Six malheureux otages, délivrés par la pitié des gardiens et voulant fuir une mort qu’ils croyaient certaine, avaient franchi les portes de leur prison ; mais, mal déguisés, connaissant peu les lieux, deux seulement étaient parvenus à sauver leur vie ; les quatre autres, reconnus après avoir fait quelques pas, étaient immédiatement tombés sous les balles à la place même où nous venions de retrouver leurs corps. Les meurtres du 24 et du 26 avaient été commis plus froidement et dans des circonstances tellement révoltantes, que les témoignages les plus irréfragables ont pu seuls m’amener à y ajouter foi.

« Parmi les prisonniers que nos soldats amenaient en grand nombre à la Roquette, il en était un que les gardiens se désignaient avec horreur ; c’était un homme en blouse, de taille moyenne, maigre, nerveux, d’une physionomie dure et froide et qui paraissait âgé d’environ trente-cinq ans. D’après ce qu’on disait autour de lui, cet homme aurait commandé le peloton d’exécution des victimes du 24 et achevé de sa main l’archevêque de Paris. Interrogé minutieusement en ma présence, il fut en effet convaincu de ce crime et sommairement passé par les armes. Il s’appelait Virigg, commandait une compagnie dans le 108e bataillon de la garde nationale et se disait né à Spickeren (Moselle).

« Voici ce qui s’était passé :

« Le mercredi 24, un détachement conduit par ce misérable s’était présenté au dépôt des condamnés, demandant six détenus, qui lui furent livrés ; je n’ai pu savoir ni sur quel ordre, ni par qui ces six détenus furent appelés l’un après l’autre dans l’ordre des cellules qu’ils occupaient. C’étaient :

« Cellule n° 1. M. le premier président Bonjean ; n° 4, M. l’abbé Deguerry ; n° 6, le Père Clerc, de la compagnie de Jésus, ancien lieutenant de vaisseau ; n° 7, le R. Père Ducoudray, aussi de la compagnie de Jésus, supérieur de la maison Sainte-Geneviève ; n° 12, l’abbé Allard, un prêtre dévoué du clergé de Paris, dont tout le monde avait admiré le courage et le zèle au service des ambulances ; n° 23, Mgr l’archevêque de Paris.

« Les victimes, quittant leurs cellules, descendirent une à une et se concentrèrent au bas de l’escalier ; elles s’embrassèrent et s’entretinrent un instant, parmi les injures les plus grossières et les plus révoltantes. Deux témoins oculaires me disent qu’au moment où ils ont vu passer le cortège, M. Allard marchait en avant, les mains jointes, dans une attitude de prière ; puis Mgr Darboy, donnant le bras à M. Bonjean, et, derrière, le vieillard vénéré que nous connaissions tous, M. Deguerry, soutenu par le Père Ducoudray et le Père Clerc.

« Les fédérés, l’arme chargée, accompagnaient en désordre. Parmi eux se trouvaient deux Vengeurs de la République ; çà et là des gardiens tenant des falots, car la soirée était fort avancée ; on marchait entre de hautes murailles, et le ciel, couvert de nuages, était assombri encore par la fumée des incendies qui brûlaient dans Paris. Le cortège arriva ainsi dans le second chemin extérieur de ronde, sur le lieu choisi pour l’exécution.

« On rapporte ici diversement les paroles qu’aurait prononcées Mgr Darboy. Cependant les témoignages sont unanimes à le représenter disant à ces misérables qu’ils allaient commettre un odieux assassinat ; qu’il avait toujours voulu la paix et la conciliation ; qu’il avait écrit à Versailles, mais qu’on ne lui avait pas répondu ; qu’il n’avait jamais été contraire à la vraie liberté ; que, du reste, il était résigné à mourir, s’en remettant à la volonté de Dieu et pardonnant à ses meurtriers.

« Ces paroles étaient à peine dites, que le peloton fit indistinctement feu sur les victimes placées le long du mur d’enceinte. Ce fut un feu très-irrégulier, qui n’abattit pas tous les otages. Ceux qui n’étaient pas tombés essuyèrent une seconde décharge, après laquelle Mgr de Paris fut encore aperçu debout, les mains élevées. C’est alors que le misérable qui présidait à ces assassinats s’approcha et tira à bout portant sur l’archevêque. La vénérable victime s’affaissa sur elle-même. Il était huit heures vingt minutes du soir.

« Les corps des six otages arrivèrent vers trois heures du matin au cimetière du Père-Lachaise et furent enfouis pêle-mêle, sans suaires et sans cercueils, à l’extrémité d’une tranchée ouverte tout à fait à l’angle sud-est du cimetière,

« C’est là que je me rendis dimanche, vers huit heures du matin. Nos soldats venaient d’occuper le cimetière ; nous entendions non loin de nous la fusillade des troupes du 1er corps s’emparant des hauteurs de Belleville. Je ne pensais pas qu’il fallût surseoir un seul instant à l’exhumation des restes mortels qui étaient là depuis près de quatre jours. Le général Bruat fut de mon avis.

« Aidé d’un petit nombre de personnes de bonne volonté, je pratiquai les fouilles nécessaires ; nous retrouvâmes les corps sous 1m,50 de terre détrempée par les pluies des jours précédents, et je les mis dans les cercueils que j’avais pu me procurer.

« Le corps de Monseigneur était revêtu d’une soutane violette toute lacérée ; il était dépouillé de ses insignes ordinaires, ni croix pectorale, ni anneau épiscopal ; son chapeau avait été jeté à côté de lui dans la terre ; le gland d’or avait disparu. La tête avait été épargnée par les balles ; plusieurs phalanges des doigts étaient brisées.

« Les corps de M. Bonjean, du Père Ducoudray et des autres victimes portaient des traces de traitements odieux ; le premier avait les jambes brisées en plusieurs endroits ; le second avait la partie droite du crâne absolument broyée,

« Je fis transporter rue de Sèvres, 35, les corps du Père Ducoudray et du Père Clerc ; on déposa dans la chapelle du cimetière ceux de M. Bonjean et de l’abbé Allard ; enfin, j’accompagnai moi-même à l’archevêché, sous l’escorte d’une compagnie d’infanterie de marine, ceux de l’abbé Deguerry et de Mgr Darboy.

« Ce n’est que le lendemain lundi, 29 mai, que je pus me mettre à la recherche des victimes du 26.

« Des renseignements recueillis la veille à la Roquette m’avaient appris que, dans la soirée du 25 mai, quatorze ecclésiastiques et trente-six gardes de Paris avaient été extraits de cette prison et conduits à Belleville, où des bandes de fédérés les avaient fusillés en masse le lendemain. On savait vaguement que l’assassinat avait eu lieu quelque part sur le plateau Saint-Fargeau.

« Quand j’arrivai le lundi matin à Belleville, nos troupes procédaient au désarmement de ce quartier encore très-agité. Nos propres soldats ne pouvaient me donner aucune information, et ce n’est qu’à grand’peine que les habitants, encore pleins de défiance et de colère, consentaient à parler. Je ne tardai pas cependant à acquérir la conviction que le massacre avait eu lieu rue Haxo, dans un emplacement appelé la cité Vincennes.

« Je demandai au colonel de Valette, commandant les volontaires de la Seine, quelques officiers de bonne volonté, et nous nous rendîmes sur le théâtre de ce nouvel attentat.

« MM. Lorras, chef au contentieux de la compagnie d’Orléans, et le docteur Colombel, tous deux comptant de leurs parents au nombre des victimes, s’étaient joints à nous.

« L’entrée de la cité Vincennes est au n° 83 de la rue Haxo ; on y pénètre en traversant un petit jardin potager ; vient ensuite une grande cour précédant un corps de logis de peu d’apparence, dans lequel les insurgés avaient établi leur quartier général.

« Au delà et à gauche se trouve un second enclos, qu’on aménageait pour recevoir une