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connu ensuite que la mort aurait lieu plus promptement si l’air pénétrait, fit usage d’un boulon percé ou terminé à sa partie inférieure par un emporte-pièce.

« Aussitôt que l’animal est tombé, on introduit un jonc ou une petite baguette très-flexible dans le trou que le boulon vient de faire ; la baguette suit l’axe de la moelle épinière et alors le mouvement des membres est totalement arrêté. Tout ceci est exécuté en bien moins de temps qu’il ne faut pour le dire, car il faut à peine de trente à quarante secondes pour l’opération. On pratique immédiatement la saignée, et le sang sort à flots noirs et précipités, indice certain de la mort complète de l’animal. Ce système, dit en terminant M. Barral, a de nombreux avantages ; il permet à un homme de très-moyenne force, même à un jeune homme de quatorze à quinze ans, d’assommer, d’un seul coup de maillet et sans aucun danger, le bœuf ou le taureau à la tête la plus épaisse et la plus dure, et il sera d’une précieuse utilité pour la boucherie de campagne, où il arrive souvent des accidents causés par l’insuffisance des moyens d’abatage ; il abrège les tortures de ces malheureux animaux et supprime tous les inconvénients résultant de l’ancien mode. »

* ABATTRE v. n, — Faire effort de haut en bas sur un levier, pour mettre un appareil en mouvement.

ABA-UJTORNA, comitat de Hongrie, dans le cercle de Kaschau, entre les comitats de Saros au N., de Gœmœr et de Borschod à l’O., de Zemplein au S. et à l’E. ; 3,500 kilom. carrés ; 240,000 hab. Ch.-l., Kaschau. Cette contrée possède des mines de fer, de cuivre, d’opales et produit les vins dits de Tokay.

ABAYTE, rivière du Brésil. Elle prend sa source dans la serra da Marcello (État de Minas-Geraes), coule du S.-O. au N.-O. et se jette dans le San-Francisco, après un cours d’environ 200 kilom.

ABBA, nom de l’Être suprême chez les indigènes de l’archipel des Philippines.

ABBACH, bourg de Bavière, dans le cercle de la basse Bavière, à 12 kilom. S.-S.-E. de Ratisbonne, sur la rive droite du Danube ; 1,500 hab. Sources minérales. Patrie de l’empereur Henri III.

ABBADIE (Vincent), médecin français, né à Pujo (Bigorre) en 1737, mort à Paris vers 1800. Il était chirurgien du duc de Penthièvre et médecin de l’hôpital de Bicêtre. Il a traduit de l’anglais les Essais de Macbride (Paris, 1766, in-12).

ABBADIE (Antoine-Thomson d'), voyageur français, né à Dublin (Irlande) en 1810. Il avait huit ans lorsque son père, qui était originaire des Basses-Pyrénées, l’amena en France. M. d’Abbadie montra de bonne heure un goût très-vif pour les sciences et pour les voyages. En 1835, il obtint de l’Académie des sciences une mission pour le Brésil. S’étant rendu en Égypte à la fin de 1836, il y rencontra son frère et partit avec lui pour l’Éthiopie, qu’il explora de 1837 à 1845 ; de là, il passa dans le pays des Gallas, où il resta jusqu’en 1848. Il revint alors en France, rapportant une foule d’observations et de renseignements pleins d’intérêt, particulièrement au point de vue de la linguistique et de l’ethnographie des peuples qu’il a visités. En 1851, M. Antoine d’Abbadie alla examiner une éclipse de soleil en Norvège. L’année suivante, il fit un nouveau voyage en Éthiopie. De retour en France en 1853, il s’est fixé dans les Basses-Pyrénées. Ce savant voyageur est chevalier de la Légion d’honneur (1850), correspondant de l’Académie des sciences, membre de la Société de géographie, etc. Outre de nombreux articles publiés dans le Bulletin de la Société de géographie, on lui doit : Notes sur le haut fleuve Blanc (1849) ; Résumé géodésique des positions déterminées en Éthiopie. (1859, in-8o) ; Catalogue raisonné de manuscrits éthiopiens appartenant à M. A. d’Abbadie (1859, in-4o) ; Géodésie d’Éthiopie ou Triangulation d’une partie de la haute Éthiopie, par Ant. d’Abbadie (1860 et suiv., in-4o), ouvrage rédigé par M. Radan ; l’Arabie (1866, in-8o) ; l’Abyssinie (1868) ; Douze ans dans la haute Éthiopie (1868, in-8o), ouvrage fort remarquable ; Observations sur la physique du globe (1873, in-4o), etc. — Son frère, M. Arnaud-Michel d’Abbadie, né à Dublin (Irlande) en 1815, fit, en 1833, un voyage en Algérie, à la suite du maréchal Clausel. Trois ans plus tard, il se rendit à Alexandrie, y trouva son frère Antoine, et explora avec lui l’Éthiopie et le pays des Gallas de 1837 à 1845. Il a publié des articles sur ses voyages dans le Bulletin de la Société de géographie, s’est fixé dans les Basses-Pyrénées et s’est beaucoup occupé de l’étude de la langue basque. Nous citerons, parmi ses écrits : Sur le tonnerre en Éthiopie (1859, in-4o) ; Travaux récents sur la langue basque (1859, in-4o) ; Douze ans dans la haute Éthiopie (1868, in-8o). Il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1850.

ABBAS III, dernier schah de Perse de la dynastie des Sophis, né en 1732, mort en 1736. Il était fils de Thahmasp II, et il fut couronné dans son berceau, à l’âge de huit mois (1732), par Thahmasp-Kouly-Khan, l’ancien chamelier qui devait régner sous le nom de Nadir-Schah. Thahmasp-Kouly-Khan prit d’abord la régence et ensuite le titre de schah, à la mort d’Abbas, mort qui ne fut peut-être pas naturelle, bien qu’il soit reconnu que l’enfant était d’une constitution maladive.

ABBAS-PACHA, vice-roi d’Égypte, né à Djeddah en 1816, mort en 1854. Il était petit-fils de Méhémet-Ali et fils de Tossoun-Pacha. Élevé au Caire, il reçut une éducation toute musulmane, devint un ardent sectateur de l’islamisme et fit à diverses reprises le pèlerinage de La Mecque. À la mort d’Ibrahim-Pacha (1848), qui venait d’être chargé du pouvoir, Abbas devint vice-roi d’Égypte. S’étant rendu à Constantinople pour y recevoir l’investiture d’Abd-ul-Medjid, il manifesta son antipathie contre les réformes inspirées par les idées européennes, en refusant de mettre en vigueur en Égypte le hatti-chérif de Gulhané et le tanzimat. Il finit néanmoins par s’exécuter, après avoir obtenu de la Porte l’abandon du droit de grâce relativement aux sujets égyptiens. Un de ses premiers actes, en revenant en Égypte, fut de renvoyer les Français que Méhémet-Ali avait pris à son service et d’écarter l’élément européen, qui lui inspirait une vive répugnance. Il réduisit ensuite l’effectif des troupes de terre et de mer et le nombre des fonctionnaires, ce qui lui permit de diminuer les impôts, et employa des sommes importantes en fondations musulmanes et en établissements hospitaliers. Il rejeta le projet de barrage du Nil, accepté par son prédécesseur, mais consentit à laisser établir une ligne télégraphique entre Suez et Le Caire et concéda à une compagnie anglaise le droit de construire un chemin de fer entre Le Caire et Suez. Lors de la guerre d’Orient, il envoya à Abd-ul-Medjid un corps de 25,000 hommes, qui combattit contre les Russes. Peu de temps après, Abbas-Pacha fut étranglé par deux mameluks. C’était un prince cupide, violent, intempérant, qui préférait au séjour des villes la vie du désert. L’acte le plus méritoire de son règne est la suppression de la chasse aux nègres que Méhémet-Ali faisait faire chaque année sur les confins de la partie méridionale de ses États.

ABBASSA ou ABASSA, sœur d’Haroun-al-Raschild, qui la donna pour épouse à Djafar, l’un des Barmécides. V. ce dernier mot.

ABBATE (Niccolo dell'), peintre italien, né à Modène en 1509, mort en 1571. Il eut pour maître Ruggiero Ruggieri, qui aida le Primatice à orner de peintures le château de Fontainebleau. Il a laissé à Bologne, dans les salles et sur les plafonds de l’Institut, plusieurs fresques qui rappellent la manière du Primatice et qui représentent des sujets empruntés à l’Odyssée. Il les peignit de concert avec Pellegrino Pellegrini, et elles ont été gravées par Buratti. Un tableau de Niccolo dell’ Abbate, représentant le Mariage de sainte Catherine, se trouve au Musée français.

ABBATE ou ABBATI (Balde-Angelo d'). médecin italien, né à Gubbio au xvie siècle. Il exerça la médecine à Gubbio, puis à Pesaro, où il devint premier médecin du duc d’Urbin. On a de lui : Opus præelarum concertationum (Pesaro, 1594, in-4o) ; De admirabili viperæ natura (Raguse, 1589, in-4o).

ABBATE dell' Épée (l'), opéra italien, musique de J. Mosca ; représenté à Naples en 1826. Ce fut le dernier opéra écrit par le fécond compositeur napolitain dont les ouvrages, fort médiocres pour la plupart, défrayèrent pendant vingt ans les principales scènes de l’Italie. À l’apparition du Barbier de Rossini, Mosca prétendit, et prouva presque, que le jeune maestro s’était approprié le procédé du crescendo appliqué au rhythme dont il avait le premier fait usage dans un de ses opéras joué, en 1811, et ayant pour titre : I Pretendenti delusi. Rossini a fait comme Molière ; il a pris son bien où il l’a trouvé.

ABBA-THULLE, chef de l’Île de Courouraa, dans l’archipel des îles Pelew, né vers 1740. Ce chef, qui ne fut connu des Européens qu’à l’occasion du naufrage de l’Antilope sur les côtes de l’île qu’il gouvernait, était, s’il faut en croire les relations, doué de toutes les vertus que peut posséder le chef d’une nation et se faisait adorer de son peuple. Il reçut très-affectueusement le capitaine Henri Wilson et l’équipage naufragé de l’Antilope (1783). Quand ils partirent, il leur confia l’un de ses fils, pour le faire élever à l’européenne ; mais celui-ci mourut à Londres de la petite vérole (1784).

ABBATIA (Antoine d'), poète et avocat au parlement de Toulouse, né dans cette ville au xviie siècle. Il remporta plusieurs prix aux Jeux floraux et publia plusieurs recueils de poésies : le Triomphe de l’églantine (Toulouse, 1682, in-4o) ; le Triomphe de la violette (Toulouse, 1684, in-4o) ; le Triomphe du souci (Toulouse, 1689, in-4o).

ABBATINI (Antonio-Maria), compositeur de musique italien, né vers 1605, mort en 1675. Il était directeur de la musique de Saint-Jean-de-Latran, à Rome, et il a laissé un grand nombre de morceaux d’église publiés de 1630 à 1670.

ABBATUCCI (Jacques-Pierre-Charles), magistrat et homme politique français, né à Zicavo (Corse) en 1792, mort à Paris en 1857. En sortant du prytanée Napoléon, il alla étudier le droit à Pise (1808). Après la chute de Napoléon (1815), il sollicita du nouveau gouvernement une sous-préfecture. Dans une lettre qu’il écrivit à ce sujet au marquis de Rivière, commissaire de Louis XVIII en Corse, il disait : « Mon grand-père est mort il y a deux ans, après avoir perdu au champ d’honneur trois fils, dont l’un général de brigade, émule et ennemi de Bonaparte, mourut à l’âge de vingt-cinq ans et laissa à sa famille pour héritage la haine implacable de cet homme. » En 1816, il fut nommé procureurdu roi près le tribunal de Sartène et, trois ans plus tard, il devint conseiller à la cour d’appel de Bastia. Magistrat désormais inamovible, M. Abbatucci se jeta dans l’opposition libérale avancée, applaudit chaleureusement à la révolution de Juillet et fut nommé, en septembre 1830, par Dupont de l’Eure, président de chambre à la cour d’Orléans. Cette même année, il fut élu député en Corse et il alla siéger à la Chambre auprès de La Fayette et de Laffitte. En 1831, son mandat ne lui fut pas renouvelé ; mais, en 1839, le collège électoral d’Orléans l’envoya à la Chambre des députés. M. Abbatucci soutint le cabinet de M. Thiers (1840), puis il fit une opposition des plus acharnées au ministère Guizot. Lors de la campagne réformiste (1847), il présida, à Orléans, un banquet, dans lequel à prononça un discours qui lui mérita les applaudissements de l’opposition la plus avancée. En février 1848, il fut de ceux qui se prononcèrent pour qu’on fît, malgré les ordres du pouvoir, le banquet du XIIe arrondissement. « Ne pas aller au banquet après l’avoir provoqué, dit-il, c’est manquer à un rendez-vous d’honneur et commettre une insigne lâcheté ; » et, le 22 février, il signa la mise en accusation du ministère Guizot. Après la révolution de 1848, M. Crémieux, ministre de la justice, le nomma conseiller à la cour d’appel de Paris (2 mars), puis conseiller à la cour de cassation (22 mars). Aux élections pour la Constituante, il obtint, comme candidat républicain, une double élection en Corse et dans le Loiret. M. Abbatucci opta pour ce dernier département. Membre du comité de législation, dont il devint président, il vota d’abord avec les républicains modérés, se prononça contre le droit au travail, contre les deux Chambres, et, après le vote de la constitution, qui déclarait toute fonction publique rétribuée incompatible avec le mandat de représentant, il se démit de ses fonctions de conseiller pour rester député. Après la nomination de Louis Bonaparte comme président de la République, il devint un de ses partisans déclarés et ne tarda pas à oublier complètement qu’il avait été libéral pour s’inféoder à la politique de réaction suivie par l’Élysée. Réélu à l’Assemblée législative dans le Loiret (13 mai 1849), il vota d’abord avec la majorité réactionnaire, puis il s’en sépara pour soutenir les projets ambitieux du chef de l’État. Après l’attentat du 2 décembre 1851, M. Abbatucci fit partie de la commission consultative. Le 22 janvier 1852, M. Rouher s’étant démis du portefeuille de la justice à la suite de la publication du décret qui confisquait les biens de la famille d’Orléans, M. Abbatucci fut désigné pour lui succéder, et, le 2 décembre suivant, il reçut un siège au Sénat. Cet ancien libéral, devenu un des agents les plus actifs d’un régime de compression odieuse, conserva le ministère de la justice jusqu’à sa mort.

ABBATUCCI (Charles), homme politique, fils du précèdent, né à Paris en 1816. Il étudia le droit, se fit recevoir avocat et fut nommé, en 1848, par le gouvernement provisoire, substitut du procureur de la République à Paris. Lors des élections pour l’Assemblée législative (mai 1849), il fut élu représentant du peuple en Corse, et, comme son père, il se montra dévoué à la politique réactionnaire de Louis Bonaparte. Après le coup d’État de 1851, il devint maître des requêtes (1852), puis il siégea au conseil d’État de 1857 jusqu’à la fin de l’Empire. Il rentra alors dans la vie privée. Le 9 juin 1872, les électeurs de la Corse l’envoyèrent siéger à l’Assemblée nationale en remplacement de M. Conti, qui venait de mourir. Il alla siéger dans le petit groupe des bonapartistes et vota constamment avec la majorité réactionnaire. Le 24 mai 1873, il contribua au renversement de M. Thiers, puis il appuya la politique de combat, s’abstint lors de la constitution du septennat (19 novembre 1873), vota pour le cabinet de Broglie, le 16 mai 1874, contre la proposition Périer relative à l’organisation des pouvoirs publics, pour la proposition Maleville demandant la dissolution de l’Assemblée, contre la constitution républicaine du 25 février 1875, etc. Pendant l’exercice de son mandat, il ne se fit guère remarquer que par ses interruptions fréquentes et bruyantes. Lors des élections du 20 février 1876 pour la Chambre des députés, il posa sa candidature dans l’arrondissement de Sartène (Corse), mais il échoua contre le docteur Bartoli, candidat républicain.

ABBATUCCI (Séverin), homme politique français, né à Zicavo (Corse) en 1821. Il débuta dans la vie politique en 1852 et fut élu comme candidat officiel au Corps législatif, puis fut successivement réélu aux élections de 1857, de 1863 et de 1869. M. Séverin Abbatucci fit partie, comme secrétaire, du bureau de la Chambre. Il vota toutes les mesures de réaction et de compression présentées pur un pouvoir qui devait être si fatal à la France, ne jouant, du reste, dans les rangs de la majorité qu’un rôle très-effacé. En 1867, il s’associa aux efforts de M. Gavini pour faire abroger la loi qui interdisait le port d’armes aux Corses et affirma sur l’honneur qu’il n’y avait plus de bandits dans l’île. Rendu à la vie privée par la chute de l’Empire, il reparut sur la scène politique aux élections pour l’Assemblée nationale (8 février 1871). Dans la profession de foi qu’il adressa alors aux Corses, il déclara qu’il était « plus que jamais dévoué à la dynastie impériale, dont les malheurs donnaient une nouvelle force à ses sentiments. » Élu député, il vota les préliminaires de paix, l’abrogation des lois d’exil, la loi municipale, se prononça contre la loi départementale, etc. Le 17 août 1871, il donna sa démission de député. Dans une lettre écrite à ses électeurs, il annonça que sa démission était un acte d’abnégation, ayant pour but de permettre aux Corses d’envoyer à l’Assemblée « l’éloquent orateur dont la voix puissante fera reluire enfin la vérité. » Par cette métaphore, M. Abbatucci désignait M. Rouher, qui fut, en effet, élu député en Corse en janvier 1872.

* ABBAYE s. f. — Encycl. On sait que le monachisme nous vient de l’Orient. Le long retard que cette plaie sociale mit à envahir l’Europe occidentale pouvait faire penser que le caractère général des peuples occidentaux, aussi bien que la nature particulière du climat, mettait un obstacle invincible à cet envahissement. Toutefois, lorsque l’institut monastique se fut implanté chez nous, il y fit, grâce peut-être à des circonstances politiques qui le favorisaient, des progrès si rapides, si effrayants, qu’on put croire que les Occidentaux, rebelles jusque-là à la vie contemplative, avaient méconnu leur véritable instinct, et que l’Occident était fait pour être transformé en un immense monastère. À un moment, la vie monastique devint si honorée, la vie du siècle dédaignée, méprisée à un tel point, qu’il parut que le monde chrétien, voué au célibat religieux, était prochainement destiné à s’éteindre dans le silence des cloîtres.

Dans cette prodigieuse invasion de couvents, de monastères, d’abbayes qui couvrit si rapidement le sol de l’Europe, il n’est pas bien facile d’établir une démarcation certaine entre le monastère et l’abbaye et de délimiter ainsi le sujet dans lequel doit se renfermer cet article. Il ne paraît pas qu’à l’origine une distinction réelle ait existé entre des maisons désignées cependant par des noms différents. Ce qui semble établi, c’est que les monastères qui portèrent plus tard le titre d’abbayes furent d’abord appelés domeries, comme qui dirait maisons seigneuriales dans l’ordre spirituel. Ceci fait soupçonner, en faveur de l’abbaye, une sorte de prééminence sur les autres maisons religieuses, prééminence que les faits ne justifient pas toujours. Plus tard, le titre d’abbaye semble plus particulièrement attribué à des monastères plus riches, plus puissants que les autres monastères. Un trait qui peut passer pour caractéristique, c’est que la plupart des abbayes, à peu près toutes, possèdent des maisons secondaires portant le nom de prieurés et administrées par des prieurs sous la dépendance de l’abbé. En somme, la différence du nom est la principale distinction entre une abbaye et un monastère, de même que le nom seul distingue un royaume d’un empire, un duché d’un comté, etc. Il faut remarquer, du reste, que l’immense majorité des abbayes appartient aux divers ordres de la grande famille de Saint-Benoît. Il paraît donc qu’on a, dans ces ordres, adopté le titre d’abbé, qui veut dire père, pour désigner le supérieur hiérarchique, sons avoir eu tout d’abord l’intention d’établir une différence d’attributions avec les supérieurs, prieurs, recteurs, etc., des autres ordres monastiques. Plus tard, les richesses et la puissance exceptionnelles acquises par les maisons de Saint-Benoît, les privilèges surtout que leur prodiguèrent les princes, établirent cette supériorité qui distingua les abbés des autres chefs monastiques.

Les premiers moines, avons-nous dit, nous arrivèrent d’Orient, et naturellement, ils nous en apportèrent toutes faites les règles conventuelles, car, au moment où le monachisme naissait chez nous, il avait déjà pris, dans son lieu d’origine, toute son extension. Ceci explique en partie le rapide développement des communautés religieuses d’Occident ; elles furent mises en possession immédiate d’Une organisation qui avait exigé, en Orient, de longs tâtonnements. Les monastères furent d’abord des communautés exclusivement laïques, complètement dépendantes de l’évêque diocésain. Le service divin y était fait par un prêtre choisi par l’évêque et représentant naturel de ses droits, ministre de ses volontés, surveillant dont le zèle ne tarda pas à devenir gênant. Pour se soustraire à cette sujétion, quelques communautés demandèrent à l’évêque de conférer la prêtrise à un de leurs moines, qui devint naturellement leur chef. Cet exemple fut imité et finit par s’étendre à tous les monas-