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ternelle. Sept années se sont écoulées. Il y revient comme neveu du jardinier. Sa belle-mère est morte ; son père, qui croit qu’Alexis n’est plus de ce monde, a adopté une jeune orpheline. Il s’intéresse à l’inconnu, lui fait raconter son histoire et s’emploie pour le réconcilier «vec sa famille. Il écrit même une lettre sous la dictée de son fils ; quand il s’agit d’y mettre l’adresse, tout se découvre : Alexis tombe dans les bras de son père, qui lui rend toute son affection et lui donne la main de la jeune orpheline. Il n’en fallait pas davantage pour émouvoir le parterre et inspirer au sensible Dalayrac de petits airs gracieux et tendres.

* ALFA s. m. — Encycl. Le produit connu sous le double nom de spart, qui nous vient d’Espagne, et d’alfa, qu’on lui donne en Algérie, n’est pas, comme on le croit assez généralement, une plante d’une espèce déterminée. Ces deux dénominations s’appti-3uent l’une et l’autre à un certain nombre e graminées ayant l’aspect extérieur des joncs et possédant, comme qualité commune, malgré leur forme très-grêle, une ténacité sans exemple peut-être dan< les tiges des autres végétaux filiformes. L’alfa est depuis très-longtemps exploité en Espagne, et bien avant que le commerce général se préoccupât des avantages que peut offrir ce produit, Marseille et une grande partie du midi de la France étaient inondées des envois de la Péninsule. On employait et l’on emploie encore dans ces pays un grand nombre d’ouvrages de sparterie, et notamment des paniers d’une grande commodité et d’une durée tout à fait exceptionnelle. L’Espagne, qui expédie aujourd’hui ses sparts dans presque toutes les parties de l’Europe, a pour principaux centres de production et d’exploitation Alicante, Santa-Pola, Carthagène, Las Aguilas et Almérie. Ces villes ne se bornent pas, comme autrefois, à expédier leurs produits bruts ; ils font subir au spart un rouissage complet et le transforment en filets, en paniers, en cordages, en chapeaux, en chaussures, en nattes surtout avec lesquelles on confectionne des ouvrages très-divers. Pour les ouvrages de luxe, on donne à la matière des teintes très-variées et très-solides, ha fabrication du papier de spart, qui paraît appelée à prendre une très-grande extension, est k peine établie en Espagne et n’y a pas encore donné de résultats importants. Le crin végétal, qu’on fabrique avec le spart à J.as Aguilas, est de bonne qualité et d’un prix très-minime. Le Spart en nature, tous frais compris, vaut à Bordeaux environ H fr. 50 les 100 kilogr. Pour la fabrication du papier, qui deviendra probablement la principale application de l’alfa, des expériences sérieuses font espérer un rendement supérieur à celui du chiffon lui-même, puisque l’alfa donnerait 73,50 pour 100 de libres à papier. La dureté relative du papier d’alfa serait le seul obstacle à l’extension de cette intéressante fabrication ; mais les spécialistes sont généralement d’avis que cet obstacle n’est pas invincible.

Si le développement prévu de la culture de l’alfa se réalise, cette culture constituera pour notre colonie d’Afrique une importante ressource, car l’alfa occupe, en Algérie, d’immenses étendues de terrain et y croît avec une vigueur inouïe dans les lieux mêmes où toute autre végétation est rendue impossible par l’aridité du sol et l’élévation de la température. Le Sahara et le Tell sont, par . endroits, couverts de véritables et immenses prairies A’alfa. L’exploitation de ce produit, longtemps négligée en Afrique, a acquis unevéritable importance dans les environs d’Arzew. Une fabrique de papier d’alfa a. été établie dans la Mitidja. V. spart, au tome XIV.

ALFADER, le plus grand et le plus ancien des dieux, dans la mythologie scandinave.

ALFANI, nom patronymique de deux peintres italiens du xvr= siècle, Uomenico di Paris Alfatii et Orazio di uomenico Alfani. V. Paris-Alfani, au tome XII.

ALFAQUI s. m. (al-fa-ki). Nom que portent les prêtres maures et les docteurs de la loi musulmane.

ALFAR ou ALFS. V. elfes, au tome VII.

Alfarache (Guzman d’), roman. V. GUZMAN.

ALFARO, ville d’Espagne, province et à 60kilom. E.-S. de Logtono, 5,200 hab. Cette ville, très-ancienne, a joué dans le passé un rôle important ; c’était une des clefs du royaume de Navarre. Quoique bien déchue, il y reste encore des témoignages de sa splendeur passée r des rues larges, propres, bien pavées et six places spacieuses.

ALFATAH ou ALFATH-IBN-KHAKAN, historien et biographe arabe, né U Séville, mort U Maroc en 1134. Il séjourna quelque temps à la cour d’Ati-iba-Yousouf et fut mis à mort par ordre du sultan de Maroc. Il composa une biographie des musulmans célèbres et des poètes arabes de l’Espagne, qu’il intitula : Lieu de récréation pour les yeux, ut dont il fit ensuite un abrégé sous le titre de Kalayid.

ALFELD, ville d’Allemagne (Hanovre), sur la Leine ; 2,400 hab.

ALFENUS VARCS, jurisconsulte romain, qui était célèbre vers l’an 754 de Rome. Il naquit à. Crémone, d’un père cordonnier. Il quitta cette ville, jeune encore, et vint étu SIJPPLE.UENT.

dier à Rome sous la direction de Servius Sulpicius. Il se fit bientôt remarquer par son assiduité au travail, la pureté de ses mœurs, et devint le meilleur élève de Sulpicius. C’est à lui qu’on doit les premières collections de droit civil, auxquelles il donna le nom de Digestes. Ses contemporains l’avaient en grande estime et ses funérailles furent faites aux frais de la république.

ALFEZ (Isaac-Berabbi-Jacob), rabbin juif, né près de Fez en 1013, mort en Espagne en 1103. A l’âge de soixante-quinze ans, il composa un ouvrage connu sous le titre de Petit 2’almud, dont on a fait un grand nombre d’éditions.

ALFHEIM, dans la mythologie Scandinave, la ville céleste, séjour du dieu Frey. C’est là qu’habitent les génies lumineux, les lios-alfar (esprits lumineux). V. elfes, au tome Vil.

ALFIERI (Benoît-Innocent, comte), architecte italien, né à Rome eu 1700, mort à Turin en 1767. Tout en exerçant la profession d’avocat à Asti, il se chargea de faire construire un clocher pour l’église de Sainte-Anne, puis il traça le plan d’un beau palais qui fut élevé sur la place d’Alexandrie. Ensuite Charles-Emmanuel III le chargea de construire l’Opéra de Turin. On lai doit encore plusieurs palais de Turin, la façade de Saint-Pierre à Genève, l’église de Carignan, la tour de Sainte-Anne à Asti, etc.

ALFIROUZABADI, historien et lexicographe arabe, né à Karezoun en 1358, mort à Zébid en 1414. Sa famille était originaire de Firouzabad, d’où vient le nom sous lequel il est connu ; mais il s’appelait en réalité Aiiou Tnber-Mobamined-ibn-Yaeoub. Il Composa

un dictionnaire arabe intitulé le Kamous et qui a servi à Antoine Giggei pour faire son dictionnaire arabe-latin. On doit encore à Alfirouzabadi une Histoire d’Ispahan.

ALFONSE, orthographe donnée quelquefois au nom Alphonse, qui appartient a un grand nombre de personnages. V. Alphonse, au tome 1er et au Supplément.

ALFORD (Michel), jésuite et historien anglais, né à Londres en 1582, mort à Saint-Omer en 1632. On le désigne quelquefois sous les noms de Flood et de Griryib. Après avoir rempli les fonctions de pénitencier à Rome et de recteur de la maison des jésuites à Gand, il fut envoyé à Londres ; mais on l’arrêta au moment où il débarquait à Douvres et on le retint quelques jours en prison. Il alla ensuite remplir la mission dont on l’avait chargé dans la province de Lancastre, puis il retourna sur le continent. On lui doit les ouvrages suivants : Vie de saint Winefrid, traduite du latin, sous le nom de Jean Flood ; Britannia illustrata, siue Lucii, Helenm, Conslaiilini putria et fides (Anvers, 1641) ; Annales ecctesiastici et civiles Britannorum, etc. (Liège, 1663, 4 vol.).

ALFORD (Henry), poëte et érndit anglais, né à Londres en 1810. Il fit ses études à l’université de Cambridge, puis s’occupa de théologie, devint pasteur de l’Église anglicane et alla remplir des fonctions pastorales dans le comté de Leicester (1835). Par la suite, il est devenu successivement professeur d’humanités à Cambridge, examinateur de philosophie à l’université de Londres, pasteur de la chapelle de Quebee-Street, dans cette ville (1853), et doyen de la cathédrale de Canterbury (1S58). M. Alford s’est fait connaître comme un prédicateur distingué et comme un écrivain de talent. Outre un grand nombre d’articles publiés dans divers recueils, des mémoires et des sermons, on lui doit : Poèmes et fragments poétiques (Cambridge, 1831) ; VÉcole du cœur (1835, 2 vol.), pottiue souvent réédité ; les Poètes de la Grèce (lS4i) ; des éditions du texte grec de VAncien Testament (1844) et du Nouveau Testament (1853), avec des notes, etc.

ALFRED II, roi d’Angleterre de la dynastie saxonne, suivant quelques auteurs. Il descendait d’Alfred le Grand et était fils du roi Ethelred IL II vint en Angleterre vers 1042, après la mort du fils et du petit-fils de Canut le Grand. Parti de Normandie avec une Hotte de 50 voiles, il se prépara à faire valoir ses droits à la couronne ; mais le comte God-win, ministre et beau-frère du monarque qui venait de mourir, s’était fait proclamer régent du royaume et avait désigné comme roi Édouard, prince faible et débonnaire, sous le nom duquel il comptait régner. Alfred fut assassiné, et son compétiteur, soutenu par Godwin, monta sur le trône.

ALFRIC, AELFRIC ou ELFRIC, surnommé Abbas et Grammaticus, écrivain anglo-saxon de la seconde moitié du xe siècle. On croit qu’il fut abbé de Saint-Albans et de Cerne, dans le Dorsetshire, et qu’il fut pendant très-peu de temps évêque de Viltac, aujourd’hui Salisbury. Il composa plusieurs ouvrages religieux en anglo-saxon, une grammaire et un glossaire anglo-saxons, un manuel d’astronomie, etc.

ALFRIDARIE s. f. (al-fri-da-rî). Astrol. Science par laquelle on donne successivement le gouvernement de la vie à chaque planète pendant un certain nombre d’années.

ALGAZZALI, philosophe arabe, né en Perse, où son père était marchand de toiles de coton, d’où lui vint son nom, car gazzal en arabe signifie coton. Il fut chargé de I

diriger l’école de Bagdad, quitta cet emploi pour faire le pèlerinage de La Mecque et revint fonder un collège à Visapour. Il fut un des chefs de la s> été des ascharites ou orthodoxes, et il composa un grand nombre d’ouvrages, dont les plus importants sont : Mahassid al Falasifa ou la Tendance des philosophes ; il y traite de la logique, de la physique et de la métaphysique ; Tehafat al Falasifa ou la Destruction des philosophes.

ALGÉBAR s. m. (al-jé-bar). Nom arabe de la constellation d’Orion.

ALGECIRAS. V. Algestras au Grand Dictionnaire (t. 1er, page 200).

ALGÉDI s. m. (al-jé-di). Nom arabe d’une étoile de la constellation du Capricorne.

ALGEMESI, ville d’Espagne, province et à 32 kilom. de Valence, à 458 kilom. de Madrid par le chemin de fer, à 3 kilom. de la rive gauche du Jucar ; 4,500 hab.

ALGENIB s. m. (al-jé-nib). Nom arabe d’une étoile de la constellation de Pégase.

* ALGER. — Le siège épiscopal d’Alger (suffragant d’Aix), créé en 1838, a été érigé en archevêché le 9 janvier 1867. Les suffragants de l’archevêque d’Alger sont les évêques de Constantine et d’Oran. La population d’Alger s’élève aujourd’hui à 52,706 hab. Cette ville compte 18,210 citoyens français ; 7,098 juifs naturalisés pur le décret du 24 octobre 1870, 11,013 indigènes musulmans sujets français et 16,379 étrangers. Son enceinte bastion née est protégée par les forts Babazoun, de Vingt-Quatre-Heures, Matifou, de l’Eau, des Anglais, de Pescade et surtout par le fort National, ci-devant fort de l’Empereur. V. Algérie, ci-après.

* ALGÉRIE. — Histoire. Nous avons dit, au tome Ier du Grand Dictionnaire (v. Alger, Algérie), comment la France, outragée dans la personne de son représentant, fut, en 1830, amenée à s'emparer des États barbaresques, et nous avons, pas à pas, suivi l'armée française depuis son débarquement à Sidi-Ferruch jusqu'en 1857, époque à laquelle le maréchal Randon soumit définitivement la Kabylie, ce dernier rempart de la résistance. Depuis, et bien que notre conquête n'ait pas été en péril, de nouvelles insurrections ont éclaté sur divers points. En 1859, une expédition au Maroc du général Martimprey nous a coûté, sans résultats, plusieurs milliers d'hommes. En 1864, une querelle avec les tribus de marabouts de l'extrême sud a causé un soulèvement sur le Tell oranais et dans la partie méridionale de la province d'Alger. Plus heureux qu'habiles, nous sommes restés maîtres d'une situation compromise par des gouverneurs inexpérimentés, et, jusqu'en 1870, les Arabes, réduits à la famine par suite de l'incurie et de l'ignorance de l'administration, se sont contentés de mourir de faim pour la plus grande gloire des bureaux arabes et du régime militaire. Arrive 1870. À l'annonce de nos désastres, des tribus nomades, depuis de longues années refoulées au delà de nos frontières du Sud, s'enhardissent jusqu'à faire irruption sur notre territoire et cherchent à recommencer la lutte. Elles sont repoussées. Mais ce mouvement a pour résultat de montrer les faibles ressources dont nous disposons dans la colonie. Le dernier régiment est appelé d'Afrique à l'armée de Chanzy. En face des indigènes, nous n'avons plus, pour maintenir l'ordre, que des mobiles et des mobilisés sans instruction et sans armes, et ce sont les hommes sur lesquels nous croyions pouvoir compter le plus qui se révoltent.

L'insurrection débuta par une mutinerie des spahis d'Aïn-Guettar, qui refusèrent de partir pour la France et regagnèrent leurs tribus. Ce fut le signal. Aussitôt diverses tribus de l'Est se soulevèrent. Souk-Ahrras et El-Milia furent bloqués. L'agitation gagna même le cercle de Tebessa. Cette fois encore nous réussissons à réprimer l'agitation, et tout semble rentrer dans l'ordre; mais ce n'était qu'une accalmie, et l'insurrection recommença bientôt, organisée, puissante.

Le 15 mars 1871, à la voix de Mokrani, bach-aga de la Medjana, la révolte éclate en même temps dans les deux provinces d'Alger et de Constantine, et elle se répand comme une traînée de poudre dans la Kabylie tout entière. Le vieux marabout El-Haddah se range sous le drapeau de Mokrani, et la lutte prend dès lors un caractère essentiellement religieux. À peine avait-on eu le temps, à Alger, de réunir quelques bataillons, que les Kabyles menaçaient déjà la plaine de la Mitidja ; mais un engagement qui eut lieu le 22 avril nous donna l'avantage, et 2,000 hommes bien commandés mirent en fuite les indigènes. Ce succès inespéré donna au général Lallemand le temps de réunir quelques forces, avec lesquelles il débloqua successivement Tizi-Ozou et Dellys, pacifia la vallée de l'Oued-Sibaoun et reconquit les hauteurs du Jurjura. En même temps, des colonnes moins importantes, opérant sur le flanc droit, délivraient Béni-Mansour, livraient à l'Oued-Soufflat un brillant combat dans lequel fut tué le bach -aga Mokrani, promoteur et chef de l'insurrection, dégageaient Dra-el-Mizan, amenaient la soumission complète de l'Oued-Sahel et du versant sud des montagnes, et venaient, le 24 juin, se réunir à la colonne Lallemand pour débloquer Fort-National et écraser l'insurrection kabyle.

Après ce combat, qui fut une véritable bataille, on croyait la révolte vaincue, quand un soulèvement considérable éclata dans l'ouest de la province d'Alger, chez les Beni-Menasser. En un seul jour, Cherchell était bloqué, une partie de la plaine dévastée et la ligne du chemin de fer comprise entre Adelia et Bou-Medfa sérieusement menacée. Grâce cependant à l'activité déployée par deux colonnes envoyées contre les rebelles, Cherchell et les villages furent débloqués en quelques jours et presque sans engagement. Mais on déposait à peine les armes qu'il fallut les reprendre. Dans la province de Constantine, Si-Aziz, fils du cheik El-Haddah, et le caïd d'Aïn-Tayrount levaient l'étendard de la révolte. Dans quelques jours, elle s'étendit aux cercles de Bousaâda, Bou-Arreridj, Bougie, Sétif, Djidjelli et Batna. Six colonnes mobiles, parties de points opposés, marchèrent contre les insurgés, les poussèrent devant elles, les écrasèrent dans diverses rencontres et finirent par les acculer au Bou-Taleb, où fut livré le dernier et le plus sanglant combat de la campagne. La Kabylie orientale était domptée ; dans l'extrême sud , Bou-Choucha s'était emparé de Tougourth, et les Mokran, conduits par Bou-Mezrag, frère et successeur du bach-aga Mokrani, étaient allés l'y rejoindre. Le général de Lacroix, envoyé à leur poursuite, arrive à Tougourth à la fin de décembre, se porte aussitôt à Ouargla, où les Oulad-Mokran s'étaient réfugiés, met en fuite le cheik, disperse ses partisans et s'empare de Bou-Mezrag. Ainsi s'éteignit cette insurrection dans laquelle plusieurs familles de colons ont été assassinées, où Chassaing, le tueur de lions, a péri, et qui laissera dans les annales de l'Algérie un long et sanglant souvenir.

Pour ne rien omettre, mentionnons une tentative de révolte qui a éclaté en avril 1876 au sud de Biskra à la suite des prédications d'un derviche du nom de Ben-Ayech. Le général Carteret, loin d'imiter ses prédécesseurs, s'est porté dès les premiers jours sur les lieux, et, dans la matinée du 11 avril, il a eu raison de cette velléité de soulèvement. Espérons que, grâce au nouveau régime inauguré par le décret du 24 octobre 1870, nous ne verrons plus se renouveler ces prises d'armes, dont on n'a peut-être pas assez cherché les causes. Les bureaux arabes supprimés et la part de droits et de devoirs également faite aux indigènes et aux Européens, la colonie, jusqu'ici si onéreuse pour la métropole, pourra enfin vivre de sa propre vie et jouir d'une prospérité qu'elle n'a pas encore connue.


Administration. Jusqu'aux derniers temps de l'Empire, et sauf une expérience de quelques mois tentée en 1858, l'Algérie a été, depuis sa conquête, placée sous la direction d'un gouverneur général omnipotent. Dans chaque province, l'administration du territoire civil et du territoire militaire était confiée à un général. de division, qui prenait le titre de général commandant la province. C'était le régime du sabre, et le préfet chargé d'administrer le territoire civil était le très-humble subordonné, comme le vassal du général commandant, et s'il avait sous ses ordres les différents services civils et financiers, il ne surveillait ces services qu'en vertu d'une délégation de l'autorité militaire. Cette subordination des préfets aux généraux avait soulevé de vives réclamations, qui s'étaient manifestées à plusieurs reprises par des pétitions collectives d'abord, ensuite dans le cours de l'enquête dirigée en 1867 par M. le comte Le Hon. Pour donner satisfaction à cet égard à l'opinion publique, un décret du 31 mai 1870 décida que les préfets exerceraient dans les départements la plénitude des pouvoirs administratifs et correspondraient directement avec le gouverneur général sans relever d'aucune autorité. Les pouvoirs administratifs des généraux commandant les provinces étaient limités aux territoires militaires, et ces généraux devaient exercer désormais, dans ces territoires, toutes les attributions dévolues à l'autorité préfectorale. C'était maintenir plus que jamais cette distinction du territoire civil .et du territoire militaire, source de tant de conflits et cause première de tous les abus révélés par l'enquête de 1867.

L'attention du gouvernement de la Défense nationale fut appelée sur cette situation ; le 24 octobre 1870, il fut décrété que les trois départements constitueraient à l'avenir un seul et même territoire, mais il fut ajouté que « néanmoins, jusqu'à ce qu'il en eût été décidé autrement, les populations européennes et indigènes établies dans les territoires dits actuellement territoires militaires continueraient à être administrées par l'autorité militaire. » C'était une réserve commandée peut-être par les circonstances, mais une réserve fâcheuse. Il fallait une solution radicale. On ne sut pas ou on ne put pas la prendre. Cette indécision donna de nouvelles audaces aux partisans de l'ancien système, et, depuis ce décret du 24 octobre, leur influence se retrouve dans toutes les tentatives, qui toutes avortent. En vain, un décret du 24 décembre 1870 décida que dans toute l'étendue du Tell, c'est-à-dire