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ABD-EL-MOTTALIB, grand-père et tuteur de Mahomet, né vers 497, mort à La Mecque vers 579. Il porta d’abord le nom d’Amer ; mais Mottalib, son oncle paternel, qui résidait à La Mecque, se chargea de l’élever, en le présentant comme son esclave, d’où il fut appelé Abd-el-Mottalib. Vers l’âge de vingt-trois ans, il succéda à son oncle dans les charges qu’il occupait à La Mecque, ce qui lui offrit l’occasion de rendre d’importants services aux koréischites. Lorsque La Mecque et son temple furent menacés d’une complète destruction par l’approche du roi abyssin Abraha et de son armée, Abd-el-Mottalib se rendit auprès d’Abruha, mais ne put obtenir qu’il renonçât à ses projets. Cependant, une épidémie s’étant déclarée dans l’année abyssine, La Mecque fut sauvée, et les musulmans regardent ce fait comme un miracle. Abdallah, fils d’Abd-el-Mottalib, qui lui avait fait épouser Ainina, mourut bientôt après, et Amina, qui était enceinte, ne tarda pas à mettre au monde un fils, qui fut appelé Mohammed ou Mahomet par la volonté expresse de son grand-père. Six ans plus tard, Ainina mourut, et Mahomet, devenu orphelin, fut recueilli par son aïeul, qui avait pour lui une affection très-vive, et qui disait à tout le monde que cet enfant serait glorifié par Dieu dans le ciel et par les créatures de Dieu sur la terre, comme l’indiquait le nom qu’il lui avait fait donner ; car Mohammed signifie le Glorifié. Lorsque Abd-el-Mottalib mourut, à, plus de quatre-vingts ans, il avait eu de cinq femmes treize fils et six filles, dont les descendants jouèrent un rôle éclatant dans l’histoire de l’Orient.

ABD-EL-REZZAK, fondateur de la dynastie des Sarbedariens, mort vers 1310. Il fut d’abord huissier du sultan Abou-Saïd-Khan et chargé de percevoir les impôts dans le Kirman. S’étant ensuite mis à la tête d’un parti, il attacha à une potence des bonnets, contre lesquels tous ceux qui se déclaraient pour lui devaient lancer des pierres ; c’est de la que vint le nom de Sarbédar, qui signifie tête sur une potence. Bientôt il se rendit maître de Sebbuzzar et fut proclamé souverain ; mais, peu de temps après, il se tua en sautant par une fenêtre, pour échapper à la colère de son frère Muçoud, qui lui succéda.

ABD-EL-WAHAB, fondateur de la secte des wahabis ou wuhabites, né dans les environs de Hillah, sur les bords de l’Euphrate, en 1692, mort en 1787. Après avoir étudié à Ispahan sous des maîtres habiles, il se rendit à Bagdad et à Bassora et se mit à enseigner une nouvelle doctrine religieuse. Il ne reconnaissait pas le Coran comme un livre inspiré ; il disait qu’il est permis de tuer celui par qui on est attaqué, sans recourir à la justice humaine ; il regardait comme un crime de se lier par des vœux ; il voulait qu’on n’adressât de prières qu’à Dieu, sans recourir à l’intercession des créatures, quelque saintes qu’elles fussent, etc. Arar, cheik d’Al-Ahsa, vint bientôt attaquer les nouveaux sectaires à la tête d’une armée ; mais il fut vaincu par Abd-el-Wahab, aux forces duquel vint bientôt joindre les siennes Mekhrainy, cheik de Nedjéran, et les wahabis se rendirent redoutables par leur intolérance et leurs brigandages.

ABDÈRE ou ABDERUS, ami et compagnon d’armes d’Hercule. Il fut dévoré par les cavales enlevées par Hercule au roi Diomède, et dont le héros lui avait confié la garde au moment de partir en expédition contre les Bistoniens. Hercule bâtit en son honneur une ville, qu’il nomma Abdere. Suivant quelques auteurs, Abderus était écuyer de Diomède et fut tué par Hercule, avec son maître, ainsi que les chevaux de ce dernier, qui se nourrissaient de chair humaine.

ABDERHAMAN (Muley), empereur de Maroc. V. Muley Abderhaman, au Grand Dictionnaire (t. XI).

ABDIAS-BEN-SCHALOM, un des rabbins qui se rendirent, dit-on, en Arabie pour discuter avec Mahomet sur les livres de Moïse. Il est question de cette discussion et on en fait connaître le résultat à la fin du Coran imprimé à Zurich en 1543.

ABDJADJA, un des noms de Brahma.

ABDJAVAHANA, un des noms de Siva.

ABDJAYONI, un des noms de Brahma.

* ABDOMEN s. m. — Encycl. L’article un peu court consacré à ce mot dans le Grand Dictionnaire se trouve complété au mot ventre (t. XV).

ABD-UL-AZIZ, sultan de l’empire ottoman, né le 9 février 1830, mort à Constantinople le 4 juin 1876. Il était le second fils du sultan Mahmoud et frère d’Abd-ul-Medjid. Élevé au sérail, il apprit le français et l’anglais, acquit des connaissances assez étendues, surtout pour un prince musulman, et se montra dans sa jeunesse sobre, économe, actif, beaucoup moins efféminé que son frère aîné, il ne s’était pas débilité de bonne heure par les excès des plaisirs voluptueux et il s’était borné, dit-on, à avoir une seule femme. Le vieux parti musulman, irrité de la facilité avec laquelle Abd-ul-Medjid était entré dans la voie des réformes inspirées par la civilisation occidentale, crut qu’Abd-ul-Aziz saurait résister à ces tendances, vit en lui son chef naturel et essaya de le porter au pouvoir par une


conjuration qui eut lieu en 1859, mais qui avorta. Le sultan, convaincu que son frère n’était pour rien dans ce complot, lui conserva son affection jusqu’à sa mort {25 juin 1861), et rien ne prouve en effet qu’il ait pris part à la conjuration. D’après l’ordre de succession établi par l’usage, Abd-ul-Medjid, en mourant, laissa le trône de Turquie à son frère Abd-ul-Aziz, en même temps que son fils aîné, Mourad, devenait l’héritier présomptif de la couronne, dans le cas où son oncle viendrait à mourir.

Le 25 juin 1861, le nouveau sultan prit possession du pouvoir suprême et s’installa au palais de Dolma-Baktché. Si ses premiers actes trompèrent les espérances du vieux parti turc, ils donnèrent de lui l’idée la plus favorable à l’Europe et firent bien augurer d’un règne qui devait finir misérablement. Le 1er juillet, Abd-ul-Aziz déclara solennellement qu’il maintenait le hatti-chérif de Gulhané, le hatti-houmayoun de 1856, promit l’égalité à tous les sujets de l’empire sans distinction de religion, prescrivit l’ordre et l’économie dans les finances et réduisit spontanément sa liste civile de 70 millions de piastres à 12 millions. Il maintint au pouvoir les ministres en exercice, à l’exception de Riza Pacha, qui fut emprisonné comme coupable de dilapidation ; ordonna d’épurer le personnel des fonctionnaires administratifs et judiciaires, fit arrêter le premier chambellan, dont les malversations étaient notoires, et s’attacha à établir une économie sévère à la cour, dont il diminua considérablement les dépenses. Il renvoya les deux cents femmes qui composaient le harem, ne garda au palais que sa femme, sa mère et les sultanes mères de princes, et fit vendre la plupart des diamants, les bijoux, les parures et une foule d’objets précieux, pour payer les dettes de son prédécesseur. Dans une visite qu’il fit à divers établissements publics, il affirma hautement son intention d’introduire le plus vite possible les perfectionnements européens, et dans une entrevue qu’il eut avec l’ambassadeur de France, M. de La Valette, il lui assura qu’il avait le plus vif désir d’accroître le bien-être de tous ses sujets et de faire marcher la Turquie dans la voie du progrès inaugurée par les concessions faites par son père et par son frère. À l’occasion de la cérémonie solennelle pendant laquelle il alla ceindre à la mosquée d’Eyoub le sabre d’Othman, Abd-ul-Aziz amnistia les conjurés de 1859, qui avaient été emprisonnés ou exilés. Contrairement à un usage depuis longtemps établi, il garda auprès de lui son neveu Mourad, au lieu de le tenir enfermé, fit suivre à ses autres neveux les cours de l’École militaire de Constantinople. En outre, par ses ordres, son fils Youssouf Selah-Eddin, né en 1857, fut inscrit comme faisant partie de la garde impériale.

Un des premiers actes d’Abd-ul-Aziz fut de reconnaître le royaume d’Italie, de conclure des traités de commerce avec la France et l’Angleterre et d’accorder à la Moldavie et à la Valachie le droit de former une assemblée législative unique et de n’avoir qu’un seul ministère. Le Monténégro s’étant soulevé contre la Turquie, Abd-ul-Aziz envoya contre les insurgés Omer-Pacha, qui les vainquit et leur imposa la paix (22 septembre 1862). Cette même année, le sultan fit un voyage en Asie. À Brousse, il donna une forte somme pour la reconstruction de l’église grecque et, pour encourager la sériciculture, il exempta d’impôts pendant trois ans tous ceux qui feraient de nouvelles plantations dans le pays. Voulant que la Turquie fût représentée à l’Exposition universelle de Londres en 1862, il donna de larges subventions pour subvenir aux frais occasionnés par l’envoi des produits turcs. L’année suivante, il fit d’énormes largesses à l’armée, dont il voulait s’assurer le dévouement. Dès cette époque, on put remarquer qu’il avait rompu avec le système de sages économies, inauguré à son arrivée au pouvoir, et on le vit bientôt s’enfoncer de plus en plus dans cette voie déplorable. Pour rétablir le crédit de l’État et faire un appel fructueux aux capitaux de l’Europe, le sultan, de concert avec Fuad-Pacha, devenu grand vizir en 1862, publia pour la première fois le budget présumé de l’empire, ordonna le retrait du papier-monnaie (22 octobre 1862), la création d’une cour des comptes (1803) et l’établissement de la banque de Constantinople. En même temps, on concéda des chemins de fer, on accorda des privilèges à l’industrie, on annonça qu’on voulait définitivement transformer l’empire et on contracta presque annuellement des emprunts, dont le montant fut employé en dépenses presque toutes improductives. En 1863, Ismaïl-Pacha, devenu vice-roi d’Égypte, se rendit à Constantinople pour demander l’investiture du sultan, et quelque temps après celui-ci fit un voyage en Égypte. En 1864, Abd-ul-Aziz favorisa l’émigration des Cucassiens qui, vaincus par la Russie, demandèrent un asile à la Turquie et allèrent, en grand nombre, s’établir en Bulgarie. À diverses reprises, notamment en 1804, 1865 et 1866, le sultan eut à réprimer des troubles qui éclatèrent dans la Turquie d’Asie. Au mois de mai 1866, il consentit, sur la demande du vice-roi d’Égypte, à ce que, contrairement à la loi d’hérédité musulmane, la transmission du trône d’Égypte se fît en ligne directe du père au fils, au lieu de se faire en ligne collatérale.


L’année suivante, il accorda & ce prince le titre de khédive et le droit de dicter, sans en référer à la Porte, les règlements relatifs à l’administration de l’Égypte, au transit, à la douane, à la poste, etc., le tout moyennant certaines compensations en argent et en envois de troupes. Ces troupes étaient devenues nécessaires au sultan pour comprimer l’insurrection nationale qui avait éclaté en Crète en 1866 et qui était favorisée par les Grecs. Cette insurrection, dont nous avons parlé ailleurs (v. Crète, tome V) occupa vivement l’Europe et ne put être étouffée qu’au prix des plus grands efforts en 1868. En 1867, le gouvernement d’Abd-ul-Aziz se signala par plusieurs réformes importantes. Il promulgua la loi qui permettait aux étrangers de posséder des propriétés foncières, la loi qui donnait le droit de succession sur les terres domaniales, la loi sur les vakoufs (biens possédés par le clergé musulman), laquelle restreignait les privilèges des mosquées ; enfin, il remania les subdivisions administratives de l’empire, qui fut partagé en vingt-sept vilayets. Cette même année, à l’occasion de l’Exposition universelle, le sultan fit un voyage à Paris, avec une suite nombreuse, puis alla visiter à Londres la reine d’Angleterre. À la suite de ce voyage, pendant lequel il dépensa des sommes considérables, Abd-ul-Aziz créa un conseil d’État, qu’il inaugura en mai 1868, en prononçant un discours sur la nécessité pour la Turquie de se régénérer en adoptant les progrès de la civilisation et de l’industrie européennes. Le vieux parti turc, de plus en plus irrité contre lui, ourdit en 1868, pour le renverser, une conspiration qui fut découverte. Cette même année, la misère, l’oppression des Turcs et les vexations dont ils étaient l’objet de la part des Circassiens poussèrent les Bulgares à une insurrection qui fut réprimée avec la plus grande cruauté. Pendant ce temps, le sultan fondait à Galata un lycée sur le type des lycées français, et un observatoire météorologique. En 1869, la cour suprême de l’empire faisait paraître la première partie d’un projet de code civil inspiré par l’esprit moderne. Les défaites de la France pendant les années 1870-1871 permirent à la Russie d’exiger, par le traité de Londres du 13 mars 1871, la suppression des clauses les plus importantes du traité de Paris. Ne trouvant plus d’appui dans la France et dans l’Angleterre, Abd-ul-Aziz chercha à ménager la Russie, dont il subit l’influence. En 1873, il reconnut l’indépendance de l’Égypte, qui n’eut plus qu’un tribut à lui payer et dont le khédive fut investi du droit de gouverner le pays à sa guise, de conclure des traités avec les puissances étrangères, de contracter des emprunts sans l’autorisation de la Porte, etc. Cette même année, le sultan eut l’idée de faire en Turquie ce qu’il avait autorisé en Égypte, de modifier la loi de succession au trône et d’y appeler son fils au détriment de Mourad, son neveu ; mais il trouva la plus vive résistance chez le cheik-ul-islam et n’osa passer outre. Cependant les finances de la Turquie étaient dans l’état le plus pitoyable. Grâce à une succession d’emprunts contractés en 1862, 1863, 1864, 1865, 1866, 1867, 1869, 1870, 1871, 1872, le sultan était parvenu à payer l’intérêt de la dette. Un nouvel emprunt fait en 1873 ne put être couvert. On put constater alors combien était grande l’illusion de ceux qui, sur la foi de réformes annoncées et promises, avaient cru que l’empire se régénérait. Aucune d’es réformes n’avait été sérieusement appliquée. Le personnel administratif avait laissé intacts tous les abus ; l’impôt continuait à être aussi mal assis que mal reparti, et les mesures vexatoires auxquelles étaient en butte les administrés continuaient à maintenir une irritation permanente dans la population. Quant à l’argent des emprunts, il avait été dilapidé. Le sultan, qui, à ses débuts, avait fait une réforme radicale dans les dépenses du palais, n’avait pas tardé à revenir sur cette sage mesure. Il avait rétabli le harem, puisé à pleines mains dans le trésor pour ses dépenses personnelles de plus en plus immodérées, et il en était arrivé à ne plus s’occuper que de satisfaire ses goûts et ses passions. En 1875, son ministre des finances dut réduire de moitié le payement des coupons de la dette intérieure et extérieure et paya l’autre moitié en bons produisant 5 pour 100 d’intérêt, avec l’illusoire promesse d’un remboursement en cinq ans. Cette mesure produisit la plus vive impression en Europe, où elle atteignait une foule de créanciers de la Turquie. Quant à Abdul-Aziz, il s’en émut si peu, qu’au moment même où le trésor était complètement vide il commandait au célèbre fondeur allemand Krupp trois canons monstres, coûtant chacun un demi-million. Pour pourvoir au déficit, le gouvernement augmenta les impôts, déjà vexatoires. Il en résulta, en Herzégovine et en Bosnie, une insurrection qui éclata en 1875 et que le gouvernement fut impuissant à comprimer. Abd-ul-Aziz, dans l’espoir de calmer la révolte, promit des réformes dans des firmans du 1er septembre et du 2 octobre 1875, annonça que le quart supplémentaire de la dîme ne serait pas perçu, que les arriérés d’impôts seraient abandonnés aux contribuables, etc. ; mais ces promesses n’eurent aucun effet. Les grandes puissances, par une note rédigée par le ministre Andrassy (30 décembre 1875), ayant exigé des réformes sérieuses,


le sultan déclara dans un iradé solennel, en février 1876, qu’il ferait les réformes demandées pour la Bosnie et l’Herzégovine et qu’il les étendrait à toutes les parties de l’empire. Mais, comme toujours, ce n’étaient là que de vaines promesses. Cependant, à Constantinople, le mécontentement était à son comble. Les softas s’agitèrent, se réunirent pour réclamer des réformes, exigèrent et obtinrent du sultan qu’il destituât le cheik-ul-islam. Abd-ul-Aziz, effrayé, consentit en outre à nommer ministre sans portefeuille Midhat-Pacha, chef du parti de la jeune Turquie et adversaire déclaré du pouvoir absolu (mai 1876). En ce moment, la Bulgarie s’était soulevée, et les bachi-bouzouks et les Circassiens y mettaient tout à feu et à sang ; mais, en Bosnie et en Herzégovine, l’insurrection persistait. Le traitement des fonctionnaires turcs, la solde de l’armée, les comptes des fournisseurs militaires restaient en souffrance ; les corps de troupes en campagne étaient dans le dénûment le plus complet. Quant à Abd-ul-Aziz, il absorbait pour ses fantaisies presque toutes les ressources disponibles et refusait absolument de rien donner des sommes qu’il avait entre les mains. Le 27 mai, le grand vizir Mhémet Rudchi-Pacha, le ministre de la guerre Hussein Avni-Pacha et Midhat-Pacha se réunirent et décidèrent qu’il était temps d’en finir avec le sultan en exigeant son abdication ; toutefois, voulant que cet acte eût une apparence légale, ils consultèrent le cheik-ul-islam Haïrulhah, qui se déclara prêt à signer un fetva, déclarant, au nom de la religion, que le sultan s’était rendu indigne du trône et devait être déposé. Hussein Avni-Pacha fut chargé de prendre toutes les dispositions nécessaires pour l’entreprise. Le 30 mai, les ministres se rendirent auprès d’Abd-ul-Aziz et, à la suite d’un entretien dans lequel ils lui exposèrent la situation, ils exigèrent qu’il signât son abdication. Celui-ci, après être entré dans une violente colère, finit par céder et fut envoyé au palais de Top-Capou, avec sa mère et ses femmes, pendant que son neveu était proclamé sultan des Turc, sous le nom de Mourad V. À partir de ce moment, l’ex-sultan entra souvent dans de grands accès de colère, suivis d’une grande prostration. Le 4 juin, ayant vu sur le Bosphore les stationnaires étrangers se couvrir de pavois, il crut voir dans cette manifestation la preuve de la reconnaissance de son successeur comme empereur des Ottomans. Il effraya alors son entourage par les éclats de sa colère, puis redevint calme, demanda un miroir et des ciseaux pour faire sa barbe et pria sa mère de faire chauffer un bain. Elle était à peine sortie, qu’il ferma à clef la porte du salon dans lequel il se trouvait. Une de ses femmes, ayant frappé et n’ayant point obtenu de réponse, fit enfoncer la porte. On trouva Abd-ul-Aziz étendu sans connaissance sur un sofa inondé de sang ; près de lui gisaient des ciseaux avec lesquels il s’était coupé les veines et l’artère cubitale. Presque aussitôt après, il expira. Selon l’usage, son cadavre fut transporté dans le corps de garde voisin et soumis à l’examen de dix-neuf médecins, dont plusieurs européens, qui conclurent à l’unanimité, dans leur procès-verbal, à la mort par un suicide. Le jour même, le corps d’Abd-ul-Aziz fut déposé dans le tombeau de son père, le sultan Mahmoud. Nous devons dire que le procès-verbal, dressé par les dix-neuf médecins, n’a pas détruit complètement, dans beaucoup d’esprits, les soupçons qui se sont élevés contre la mort volontaire d’Abd-ul-Aziz.

ABD-UL-HAMID Ier, sultan ottoman, né en 1725, mort en 1789. Dernier fils d’Achmet III, il vivait enfermé dans la sérail lorsque, en 1774, à la mort de son frère Mustapha III, il fut proclamé empereur de Turquie. Ce prince, faible et sans talent, arrivait au pouvoir dans les circonstances les plus graves. L’empire, affaibli par des révoltes en Syrie et en Égypte, avait en outre à soutenir la guerre contre la Russie, qui venait de lui faire essuyer de graves défaites. Le nouveau sultan parvint à réunir une armée de 400, 000 hommes, mal disciplinés, commandés par des généraux incapables et ayant à leur tête le grand vizir Mouchzin-Zad-Mohamoud. Celui-ci, bloqué dans son camp de Schumia par le général russe Romauzoff et redoutant de voir son armée anéantie, se vit contraint de signer la paix de Kout houk Kuïnardji (10 juillet 1774), qui assura l’influence russe en Orient et l’indépendance des Tartares de Crimée. Malgré les clauses du traité, le gouvernement russe continua ses empiétements et prépara une flotte à Kherson pour s’emparer de la Crimée. Sur les conseils de la Prusse et de l’Angleterre, Abd-ul-Hamid recommença la guerre et mit à la tête de ses troupes Hassan-Pacha, qui venait de soumettre en Égypte les beys révoltés. La campagne commença par le blocus du Dniester (1788). Les Turcs, battus par Souvarow à Kinburn, non-seulement ne reçurent pas de secours de la Prusse, mais encore se virent attaqués par les Autrichiens, qui entrèrent en Moldavie. Le grand vizir Youssouf repoussa Joseph II ; mais, peu après, les Turcs essuyèrent une écrasante défaite à Otchakof (6 décembre 1788), et les Russes prirent cette ville et Choczim. Abd-ul-Hamid, écrasé par ces revers, mourut peu après, laissant le trône à son neveu Sélim III.