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distinguaient par des médailles et des symboles. Les unes avaient la médaille de saint Georges, les autres celle de saint Guillaume ; quelques-unes avaient pour symbole un lion, une panthère, etc. Les excès commis par ces coteries, leurs querelles particulières, leurs intrigues, les dévastations dont elles se rendirent coupables, voilà ce qui remplit l'histoire d'Alsace jusqu'à ce que la maison d'Autriche, représentée par Albert II (1418-1439), puis par Frédéric III (1440-1493), eût repris le sceptre impérial. Pendant le règne semi-séculaire de ce dernier, l'Alsace continua à se développer et à grandir dans ses municipalités, dans sa vie artistique et scientifique, sous l'administration des électeurs palatins, dont la puissance s'était singulièrement accrue. Elle fut cependant profondément troublée par la sanglante guerre des Armagnacs, dont la cause était la réclamation par les Suisses des anciens domaines de la maison de Habsbourg sur les bords du Rhin. Après de sanglantes batailles, où Anglais, Français, Lorrains et Écossais vinrent prendre la défense des Alsaciens, Sigismond, comte d'Alsace, vendit au duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, tout ce qui lui appartenait dans le landgraviat d'Alsace, le Brisgau, le Sundgau et le comté de Ferrette. Ces domaines furent placés sous l'administration de Pierre d'Hagenbach, nommé landvogt. C'était un homme vaillant, mais d'un caractère dur et despotique, qui souleva tous les esprits par ses violences. Les principales villes se révoltèrent contre lui ; on s'empara de sa personne, et, après jugement, il fut décapité (1474). Son suzerain, Charles le Téméraire, se prépara aussitôt à venger le landvogt et à punir les rebelles ; mais il échoua contre les courageux Alsaciens, qui le battirent à Granson et à Morat (1476) et rappelèrent Sigismond. Dans ce tableau général de l'histoire alsacienne durant cette période, nous ne parlons point des querelles accidentelles qui, fort heureusement, n'agitèrent qu'une partie des populations. Telle est, dans le Bas-Rhin, la lutte de la famille de la Petite-Pierre (Lützelstein) avec la maison palatine (1447-1452) ; la guerre des Linange avec les Lichtenberg ; celle de ces derniers avec l'électeur palatin et la guerre de Wissembourg avec Frédéric le Victorieux ; dans le Haut-Rhin, l'invasion de la Lorraine par Wersich Boch de Stauffenberg, la lutte entre les Hohenlandsperg et les Hattstatt, la guerre dite Plappartkrieg de Mulhouse, enfin, la lutte entre les cantons suisses et la maison d'Autriche sur le territoire de Mulhouse et dans le Sundgau.

Tous ces conflits n'empêchaient pas néanmoins un grand mouvement artistique et littéraire de se produire. Un habitant de Strasbourg, Gutenberg, avait la gloire d'établir dans cette ville l'imprimerie, qu'il avait inventée ; la cathédrale s'achevait, successivement embellie et complétée par les soins de nombreux architectes constitués en confrérie ; une foule d'autres monuments religieux étaient construits ainsi que des châtaux ; la peinture, représentée par la famille des Schœn, avait son école alsacienne ; enfin, une école d'humanistes s'établissait à Schelestadt, qui devait produire, un demi-siècle plus tard, des érudits et des écrivains d'un mérite éminent, dignes d'entrer en lice avec les génies distingués de la Renaissance.

Le règne de Maximilien, si brillant au point de vue littéraire, constitue un véritable temps d'arrêt, une halte pacifique entre les troubles compliqués du XVe siècle et la lutte simplifiée, mais terrible, du XVIe et du XVIIe. Lorsque éclata le mouvement de la Réforme, l'Alsace devint l'une des contrées les plus tourmentées par les dissensions religieuses. Accourant à la voix des disciples de Luther, les paysans se formèrent en bandes, dont quelques-unes obéissaient à des chefs qui, comme François de Sickingen , ne soutenaient la Réforme que pour s'approprier les richesses du clergé catholique, dont Luther attaquait l'opulence. Ces soulèvements donnèrent en peu de temps ,une grande importance à la religion nouvelle. Strasbourg devint un centre pour les protestants et leur servit de refuge. Calvin y fut reçu bourgeois en 1539 et y enseigna durant deux ans dans un collège fondé par les magistrats pour former des savants capables de tenir tête aux docteurs de l'Église romaine. Nous ne pouvons, dans un résumé aussi rapide, que présenter un tableau général et succinct de ces luttes grandioses dont l'Alsace fut un des principaux théâtres. Lorsque Charles-Quint, débarrassé pour un temps de ses guerres avec la France et voulant arrêter en Allemagne les progrès du protestantisme, eut imposé, en 1549, le rétablissement du culte catholique, il ne put vaincre en Alsace les résistances des partisans de Luther. La paix même de Religion, publiée à Augsbourg en 1555, ne put les arrêter, et ils finirent par triompher. La religion réformée se répandit dans la basse Alsace. Une longue et terrible lutte s'établit entre Jean-Georges de Brandebourg, représentant des idées protestantes, et Charles de Lorraine, défenseur du catholicisme. Les princes protestants formèrent, sous le nom d'Union évangélique, une ligue dont l'électeur palatin était le chef. Leurs troupes ravagèrent l'Alsace jusqu'à ce que le traité de Wilstett, conclu par le duc de Lorraine, vînt mettre fin à ces désastreuses et sanglantes guerres de religion.

Mais l'Alsace ne jouit pas longtemps de la paix. En 1619, l'élection de l'électeur palatin, Frédéric V, comme roi de Bohême, par les mécontents de ce pays, et l'imprudente acceptation de ce prince avaient donné le signal de la guerre de Trente ans. Nous ne pouvons suivre les diverses phases de cette sanglante tragédie, à laquelle l'Alsace servit de théâtre durant de longues années. Successivement saccagée par les vainqueurs ou les vaincus, qui envahirent cette province, elle fut encore violentée dans ses principes religieux. Après les défaites de Frédéric V et la retraite d'Ernest de Mansfeld, espèce d'aventurier qui se jeta en 1621 sur l'Alsace et saccagea villes et châteaux, Léopold, évêque de Strasbourg, devint maître du pays et y rétablit la religion catholique dans ses anciennes prérogatives. Enfin, Gustave-Adolphe vint relever en Allemagne le parti protestant. Strasbourg le considéra comme un sauveur. Agissant comme État souverain, indépendant de l'empereur et de l'empire, cette ville lui demanda des secours, reçut garnison suédoise et promit des soldats, des vivres et des munitions (1600). Cependant, Gustave-Adolphe mourut. Les Suédois se maintinrent pendant quelque temps avec avantage dans le pays ; mais, peu à peu, le parti catholique reprit le dessus et l'empereur victorieux dicta la paix de Prague (1633). Ce fut alors que Richelieu, entrant dans la querelle et mettant toute son énergie à soutenir les protestants, maintint les Suédois en Alsace. Il fit déclarer la guerre à l'empereur, et les hostilités, qui paraissaient toucher à leur terme, se ranimèrent plus-vives que jamais. Nos généraux prêtèrent leur appui au duc de Saxe-Weimar, qui commandait les Suédois. Cette guerre terrible, qui forma la réputation et dévora la vie de tant de capitaines, leur survivait toujours, alimentée par la rivalité des principes qui l'avaient fait naître. Enfin, grâce aux victoires dont Turenne et Condé illustrèrent la minorité de Louis XIV et le ministère du cardinal de Mazarin, la balance pencha en faveur de la France, et le traité de Munster ou de Westphalie (1648) lui assura, entre autres avantages, la possession de l'Alsace. À aucune époque de l'histoire ce malheureux pays n'avait offert le spectacle d'une désolation plus grande. Depuis 1632, l'Alsace avait été constamment sillonnée en tous sens par les armées des deux partis belligérants. Plus d'une localité avait été prise et reprise cinq ou six fois (par exemple, Ensisheim, dans le Haut-Rhin). Dans beaucoup de villages, il ne restait pas pierre sur pierre et les habitants avaient complètement disparu. Aussi la guerre des Suédois (der Schwedenkrieg) est-elle restée dans tous les souvenirs comme un terme synonyme des plus. grands fléaux qui puissent frapper l'individu, la famille et la nation, et la-superstition populaire a longtemps peuplé de spectres les lieux où ces étrangers avaient établi leurs demeures.

Pour compléter le tableau de l'histoire de l'Alsace jusqu'à cette année 1648, nous donnons ici la liste des ducs, comtes et landgraves qui gouvernèrent la province depuis l'année 650.

DUCS D'ALSACE.

Ducs bénéficiaires.

650. Gundon.

656. Boniface.

662. Adalric ou Athic.

690. Adelbert, fils du précédent.

722. Luitfrid, jusqu'en 730.

867. Hugues, fils du roi de Lorraine Lothaire et de Waldrade, jusqu'à 870.

925. Burchard Ier, dont on ignore l'origine.

926. Hermann Ier, fils de Gérard, comte de la France orientale.

949. Ludolphe, fils d'Othon Ier le Grand.

954. Burchard II.

973. Othon Ier, fils de Ludolphe.

982. Conrad Ier, neveu d'Hermann Ier.

997. Hermann II, neveu de Conrad Ier.

1004. Hermann III, fils d'Hermann II.

1012. Ernest Ier, fils de Léopold d'Autriche.

1015. Ernest II, fils d'Ernest Ier.

1030. Hermann IV, frère d'Ernest II.

1030. Conrad.

1039. Henri Ier, fils de l'empereur Conrad II.

1045. Othon II, fils d'Erenfroi, comte palatin du Rhin.

1047. Othon III, fils de Henri.

1057. Rodolphe, fils de Cunon, comte de Rheinfeld.

Ducs héréditaires.

1080. Frédéric de Buren, seigneur de Hohenstauffen.

1105. Frédéric II le Borgne.

1147. Frédéric II Barberousse.

1152. Frédéric IV de Rothembourg , fils puîné de Conrad III.

1169. Frédéric V, deuxième fils de Frédéric Barberousse.

1191. Conrad III de Franconie, troisième fils de Frédéric Barberousse.

1196. Philippe de Souabe, frère des deux précédents.

1208. Frédéric VI, fils de l'empereur Henri VI.

1235. Conrad IV, fils du précédent.

1214. Conrad V ou Conradin, décapité en 1268. Avec lui finit le duché d'Alsace.

COMTES ET LANDGRAVES DE LA BASSE ALSACE OU NORDGAU.

684. Adelbert, fils ainé d'Adalric ou Athic, duc d'Alsace.

690. Ethicon, auteur des maisons de Lorraine et d'Egisheim, frère d'Adelbert. Il meurt en 720.

720. Albéric, fils d'Ethicon.

736. Ruthard, petit-neveu d'Ethicon.

777. Eberhard Ier, fils d'Albéric.

778. Ulric ou Udalric, dont l'origine est inconnue.

864. Adelbert II, d'origine douteuse.

898. Eberhard III, fils d'Eberhard II.

900. Hugues, fils du précédent.

940. Eberhard IV.

951. Hugues II.

984. Eberhard V.

996. Hugues III.

1000. Eberhard VI, frère de Hugues III.

1027. Wesilon, d'origine inconnue.

1035. Hugues IV, fils de Hugues II.

1049. Henri, fils du précédent.

1065. Gérard, fils de Gérard, comte d'Egisheim.

1078. Hugues V, fils de Henri, sans enfant.

1089. Godefroi Ier, fils de Folmar, comte de Metz.

1129. Thierry,. fils du précédent.

1150. Godefroi II , mort en 1178 , sans enfants.

1178. Frédéric Ier, empereur. Il retient le landgraviat.

1192. Siegebert, comte de Werd.

1228. Henni, fils du précédent.

1238. Henri-Siegebert.

1278. Jean Ier.

1305. Ulric, frère de Jean Ier,

1344. Jean II, petit-fils, par sa mère, d'Ulric ; son père était Frédéric d'Œttingen et son oncle Louis.

1359. Jean de Lichtenberg, beau-frère de Jean II, mort en 1365, évêque de Strasbourg. Le titre de landgrave de la basse Alsace est ensuite porté par les évêques de Strasbourg.

COMTES ET LANDGRAVES DE LA HAUTE ALSACE OU SUNDGAU.

673. Rodebert.

722. Eberhard, fils d'Adelbert, duc d'Alsace. Il meurt en 747.

769. Garin.

770. Pirahtilon.

800. Luitfrid Ier, fils de Luitfrid, duc d'Alsace.

828. Erchangier.

829. Gérold.

835. Hugues Ier, fils de Luitfrid II meurt en 837.

837. Luitfrid II, fils du précédent.

864. Hugues II, fils de Luitfrid II.

880. Luitfrid III, frère de Hugues II. Il meurt vers 910.

896. Bernard.

912. Luitfrid IV, fils de Luitfrid III.

953. Gontran le Riche, fils du précédent.

954. Luitfrid V, frère de Gontran.

977. Luidfrid VI.

1000. Othon.

1027. Giselbert.

1048. Beringer.

1052. Cunon.

1063. Rodolphe, fils de Kanzelin, comte d'Altembourg.

1084. Henri.

1090. Othon II, premier comte héréditaire.

1111. Adelbert II, frère d'Othon II.

1141. Werinhaire.

1180. Adelbert III ou Albert le Riche.

1199. Rodolphe II l'Ancien ou le Paisible.

1232. Albert IV le Sage et Rodolphe III le Taciturne, par indivis. Le second meurt en 1247.

1240. Rodolphe IV , fils d'Albert le Sage (c'est l'empereur Rodolphe de Habsbourg).

1273. Albert V, Hartmann, Rodolphe V, conjointement.

1299. Rodolphe VI et Frédéric Ier, fils d'Albert.

1307. Léopold Ier le Hardi, après la mort de son frère Rodolphe.

1326. Albert VI le Sage et Othon III le Hardi, frère de Léopold.

1358.Rodolphe VII, Albert VII et Léopold II, fils d'Albert le Sage.

1386. Léopold III le Superbe, fils de Léopold II.

1411. Frédéric II, frère du précédent.

1439. Sigismond, fils de Frédéric. Il meurt en 1496.

1489. Maximilien, empereur, cousin de Sigismond.

1519. Charles-Quint, petit-fils de Maximilien,

1521. FerdinandIer, frère de Charles.

1564. Ferdinand II.

1595. Rodolphe, fils de Maximilien II.

1626. Léopold, petit-fils de Ferdinand Ier.

1632. Ferdinand-Charles, fils de Léopold.

La paix de Westphalie ne pouvait pas changer instantanément la situation désastreuse où se trouvait l'Alsace. D'ailleurs, des difficultés sans nombre attendaient les vainqueurs. Ce n'était pas en vain que cette magnifique contrée était restée pendant sept siècles au pouvoir des Allemands : par les mœurs, par la langue, par le costume, par les traditions, elle était devenue elle-même allemande, et si une partie de ses habitants se réjouit d'abord de se voir enlevée à la domination germanique qui leur avait causé tant de maux, ce fut avec la secrète espérance que désormais l'Alsace serait considérée comme un pays neutre. Les termes du traité de Westphalie semblaient assez obscurs pour justifier de telles pensées.

Le gouvernement de l'Alsace fut confié par Louis XIV à Louis de Lorraine, comte d'Harcourt, grand écuyer de France, qui le céda, en 1659, an cardinal Mazarin. Celui-ci mourut avant d'en prendre possession et ce fut son neveu, le duc de Mazarin, qui le remplaça (1661). Dès 1658, un conseil souverain fut installé à Ensisheim pour rendre la justice aux habitants de toute la province, « conformément aux lois et coutumes locales, sans aucune innovation. » Il fut permis de plaider en latin, en français ou en allemand ; les arrêts devaient être rédigés en français ou en latin. En 1662, le duc Armand de Mazarin, ayant convoqué à Haguenau les députés des villes, obtint la reconnaissance solennelle des droits de sa charge. Un décret fut rendu qui exemptait pendant six ans de tout impôt les Français et les étrangers du culte catholique qui viendraient s'établir en Alsace ; enfin, il fut permis aux habitants de venir prendre dans les forêts royales le bois nécessaire pour rebâtir les maisons que la guerre avait détruites. Les habitants résistaient cependant encore à ces avances et les villes, tenant à conserver leurs privilèges, se montraient toutes dévouées à l'empire ; mais la possession de la plus grande partie de l'Alsace fut confirmée à la France par le traité des Pyrénées (1659), puis par la paix de Nimègue (1679), de Ryswick (1697) et de Rastadt (1714). Les derniers landgraves de la haute Alsace reçurent 3,000,000 de livres tournois comme indemnité de leurs droits. Cette concession comprenait, dans le Sundgau, les bailliages de Ferrette, Altkirch, Belfort, Thann, Landser ; les comtés de Ribeaupierre, de Hohenlandsberg et de Blamberg ; les baronnies de Mersebourg et de Froberg plus les deux landgraviats de haute et de basse Alsace ; enfin la préfecture de Haguenau, composée des dix villes impériales : Haguenau, Colmar, Schelestadt, Wissembourg, Landau, Obernheim, Rosheim, Munster, Kaisersberg et Turckheim. Quant à Strasbourg, ce ne fut que plus tard qu'elle fut définitivement incorporée à la France : pendant trente-trois ans elle parvint à maintenir sa neutralité entre la France et l'empire d'Allemagne. Enfin, en 1681, le 30 septembre, grâce aux mesures énergiques de Louvois, grâce surtout aux victoires de Turenne, la ville fut occupée par nos troupes.

Un des premiers soins de Louis XIV fut de fortifier l'Alsace. Il fit construire d'importants ouvrages de défense à Strasbourg, fit élever la citadelle d'Huningue, qui ferma le passage entre Brisach et Bâle et protégea la haute Alsace. Quelques années après , il fortifia Landau. Ces travaux eurent pour résultats de préserver la contrée de l'invasion allemande dans la guerre de 1688 et de favoriser la défense dans la guerre de la succession d'Espagne. Les habitants étaient déjà alors Français de cœur. La prospérité dans leur nouvelle situation, le souvenir peut-être de leur vieille histoire avaient opéré ce rapide changement. Au moment de la réunion, en 1648, l'Alsace tout entière ne contenait pas plus de 250,000 habitants ; les impôts, sévèrement perçus et inégalement répartis, produisaient à peine 1,200,000 francs. Au bout de quelques années, la fortune du pays était doublée et le nombre de ses habitants considérablement accru. En 1789, le produit des impôts se montait à 9 millions, et une population de 700,000 individus payait cette somme, non sans murmurer, mais sans se sentir écrasée comme l'était la génération de la fin du XVIIIe siècle.

Après les guerres du règne de Louis XIV, l'Alsace jouit d'un calme profond, qui fut extrêmement favorable à son développement commercial et intellectuel. Strasbourg, devint le siége de l'intendance de la province, c'est-à-dire le point central de toute l'administration. Le gouverneur y résidait, avec un nombreux état-major, une forte garnison, une nuée de fonctionnaires. Toutefois, cette transformation ne touchait encore que la société aristocratique de la province ; dans la moyenne bourgeoisie protestante, la langue et les mœurs resteront allemandes jusque vers le milieu du XVIIIe siècle. Mais, sous le règne de Louis XVI, le noyau de la société française, formé autour du pouvoir administratif et militaire et autour de la cour souveraine de Colmar, s'était agrandi et avait absorbé la plus grande partie des habitants. Il restait bien encore, sans doute, des bourgeois protestants, des luthériens de vieille roche, revêches aux nouvelles institutions et qui voyaient avec méfiance l'envahissement d'une langue et d'habitudes qui leur venaient sous l'égide du culte romain ; mais ces dernières résistances vont se dissiper sous le souffle puissant de la Révolution française.

En 1789, l'Alsace était une des provinces les plus prospères de la France ; elle avait moins de sujets de mécontentement que toutes les autres. Les plaies des siècles antérieurs étaient cicatrisées, et le commerce