Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 15, part. 4, Vl-Zz.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée
1204 VOYA VOYA VOYA VOYA

quand elle prend pour organe vox populi, est assez mal écoutée, et qu’on ne se gène pas pour lui dire : Taisez-vous, impertinente, vous êtes une factieuse. »

Victor Ducange.

« Vox populi, vox Dei, » avait répondu Danton, en entendant le premier coup de tocsin du 2 septembre, à un député qui le pressait d’intervenir en faveur des victimes. »

Lanfrey.

Le régime représentatif a élevé aujourd’hui le vieil adage, vox populi, vox Dei, au rang d’article de foi politique. »

Michel Chevalier.

« Le maître avait dit : « Quand vous serez plusieurs ensemble, mon esprit sera avec vous. »  » Le christianisme primitif se montra toujours fidèle à cette parole divine. Il a compris que le vrai sanctuaire de l’Esprit saint est la foule, le peuple, la société : Vox populi, vox Dei. »

Vacherot.

Quand il fut question d’introduire en France l’industrie des toiles peintes, toutes les manufactures du royaume jetèrent des cris de détresse. La ville d’Amiens se distingua entre toutes les autres par son indignation et son éloquence. Elle envoya au ministre une adresse qui se termine par ces paroles : « Au reste, il suffit, pour proscrire à jamais l’usage des toiles peintes, de rappeler que tout le royaume frémit d’horreur quand il entend annoncer qu’elles vont être permises : Vox populi, vox Dei. »

Jules Simon.

VOY (SAINT-), bourg et comm. de France (Haute-Loire), cant. de Tence, arrond. et à 19 kilom. E. d’Yssingeaux, sur un affluent du Lignon ; pop. aggl., 95 hab, — pop. tôt., 8, 522 hab.

VOYAGE s. m. (voi-ia-je ou vo-ia-je. Ce mot répond par sa structure au latin viaticum, qui signifie proprement argent de voyage, de via, voie, chemin, mais qui est employé déjà avec l’acception moderne de cheminement dans Venantius Fortunatus. Le latin viaticum est aussi le type du français viatique). Action de se transporter du lieu où l’on était dans un lieu éloigné : Faire un voyage, un long VOYAGE, un grand voyage, un petit voyage. voyage au Levant, dans le Levant, à Naples, en Italie, en Afrique. voyage par mer, par terre. voyage en voiture, à cheval, en poste, en aérostat. voyage autour du monde. Le but, le terme d’un voyage. Les voyage usent le corps comme les équipages. (Mme de Sév.) Il n’y a point de meilleure école de sagesse que celle des voyages. (La Mothe-le-Vayer.) Les voyages se composent uniquement de départs et d’arrivées. (De Custine.) Un voyage prouve moins de désirs pour ce que l’on va voir que d’ennui de ce que l’on quitte. (A. Karr.) || (Séjour dans un lieu où l’on ne fait point sa demeure ordinaire : Le voyage de la cour à Fontainebleau sera de trente jours. Il est du voyage de Compiègne. Mon voyage à ma terre sera de six semaines. (Acad.)

— Par ext. Allée et venue d’un lieu à un autre : J’ai fait vingt VOYAGES ckez lui sans le trouver, lima fait faire plusieurs VOYAGES inutiles. || Allée ou venue qu’on fait faire a un homme de peine, à un commissionnaire : Ce crocheteur, ce charretier a fait deux voyages pour moi. Il faut payer ses voyages. (Acad.)

— A signifié Fois, reprise, et est encore usité en Provence dans ce sens.

— Fig., Série d’actions que l’on accomplit successivement, et qui aboutissent à un terme : La vie est un voyage. Il faut s’approvisionner, se préparer pur l’étude pour le Long voyage de la vieillesse. (Delille.) Il faut consulter ceux qui ont fait le voyage de la vie, car on ne peut avoir d’expérience qu’au retour. (Mme de Staël.) L’avare arrive toujours au terme du voyage sans avoir complète ses provisions. (Ch. Nod.) || Excursion, digression : Un système est un voyage au pays de la vérité. (De Bonaldi)

Voyage de long cours ou au long cours, Grand voyage sur mer.

Voyage d’outre-mer, Voyage que les chrétiens entreprenaient autrefois pour faire la guerre aux musulmans.

— Fam. Faire le voyage de l’autre monde, le grand voyage, Mourir.

— Philol. Récit d’un voyage vrai ou feint : Ma foi, je crois que lorsque Cyrano de Bergerac fit son VOYAGE dans la lune, il en avait déjà un quartier dans la tête. (Ménage.) Pour bien écrire un voyage, il faut un littérateur avec des qualités de peintre, ou un peintre avec un sentiment littéraire. (Th. Gaut.)

— Anc. pratiq. Frais de déplacement qu’on allouait à l’une des parties ou à des témoins : Taxer les voyages.

— Franc-maçonn. Nom donné à certaines épreuves que l’on fait subir à ceux qui veulent entrer dans l’ordre, ainsi qu’aux adeptes qui veulent passer d’un grade inférieur à un grade supérieur.


Encycl. L’histoire de tous les voyages serait l’histoire de la géographie et des relations de tous les peuples entre eux. Nous ne pouvons point tenter ici une œuvre d’une étendue si considérable ; nous nous contenterons de présenter brièvement aux lecteurs les hommes qui, par leurs découvertes géographiques ou leurs connaissances des peuples étrangers, ont le plus aidé aux progrès de la science et à la connaissance des différentes races qui peuplent le globe. Les premiers voyageurs sont ces peuples qui, à une époque très-ancienne, se séparant de la grande famille, allèrent chercher une patrie à travers des régions inconnues. Les seuls monuments que nous conservions de ces premiers voyages ne subsistent plus que dans la langue et la religion, et il fallait, pour les y découvrir, que deux sciences nouvelles naquissent du génie humain, la philologie comparative et la mythologie comparée. Dans les premiers temps et pendant tie longs siècles, les hommes ne formèrent que des tribus errantes qui cherchaient, pour ainsi dire, un domicile. Mais une fois qu’elles furent fixées, peu à peu elles éprouvèrent le besoin de se reconnaître et de se fréquenter. De là, les rapports qui s’établirent entre elles. Un fait qui apparaît dans toute l’histoire grecque, c’est sa préoccupation de l’Orient. La Grèce s’y sentait rappelée comme par un confus souvenir, un vague instinct de race qu’elle ne se définissait pas à elle-même. Cette tendance vers l’Orient est naïvement exprimée, en mainte occasion, par sa mythologie et par sa Fable, car il faut bien reléguer dans la Fable la tradition du voyage des Argonautes qui firent voile vers la Colchide. La guerre de Troie, où l’on vit 100, 000 Grecs se diriger en Asie sur 1, 200 navires, inaugura pour le monde une période nouvelle. L’Occident et l’Orient se sont connus dans les plaines de la Troade. Plus tard, les philosophes grecs, Thaïes, Pythagore, Anaximandre, Leucippe, Héraelide, Xénophane, Anaximène, voyagèrent dans l’Orient à la recherche des grandes traditions de 4a sagesse. Homère aussi, le mendiant divin, fut un voyageur, comme son Ulysse, qui visita Chypre, la Phénicie, l’Egypte et la Libye. Mais le premier qui vraiment vint resserrer entre les Grecs et les Orientaux les liens de l’antique parenté oubliée, c’est Hérodote av. J.-O.), qui visita les colonies grecques du Pont-Euxin, Suse, Babylone, Tyr, l’Egypte et la Cyrénaïque. La place qu’occupé Marco Polo dans les temps modernes, Hérodote l’occupe dans les temps antiques. Ils marquent l’un et l’autre un moment dans l’histoire humaine. A partir d’Hérodote, les voyages se multiplient. Déjà les vaisseaux, phéniciens parcouraient en tous sens la Méditerranée ; ils s’étaient risqués dans l’océan Atlantique et peut-être avaient par mer abordé dans l’Inde. Le moment arrive des expéditions tentées dans un but scientifique ou commercial. Sataspes, sous le roi Xerxès, se propose de faire le tour du monde, mais il ne va pas au delà des colonnes d’Hercule.

Le plus ancien livre de voyage que nous connaissions paraît être le Périple du navigateur carthaginois Hannon. Ce navigateur, chargé par ses compatriotes d’entreprendre un voyage au delà des colonnes d’Hercule et de fonder des villes phéniciennes sur les côtes de la Libye occidentale, prit la mer avec vaisseaux. Ayant franchi le détroit qui sépare l’Europe de l’Afrique, il longea les côtes de la Libye, fonda un établissement important dans une île, qu’il nomme Cerné et que l’on croit être l’île d’Arguin, puis il navigua encore pendanfvingt-six jours ; mais le manque de vivres le força de rentrer à Carthage. On ne s’accorde pas sur le lieu qui fut le point extrême de son voyage. Les uns croient qu’il ne dépassa pas la Sénégambie ; d’autres, qu’il alla jusqu’au cap des Trois-Pointes. La relation de son voyage, qu’il écrivit en carthaginois, fut placée par lui dans un temple ; elle fut dans la suite traduite en grec ; c’est cette traduction qui nous est parvenue. « Les Grecs et les Romains, dit Walckenaër, marins peu entreprenants et qui jamais n’osèrent dépasser le cap de Nun, ne crurent pas à la navigation d’Hannon et s’en moquèrent comme on s’est moqué de la relation de Marco-Polo avant que les progrès des découvertes vinssent en confirmer les détails. Les premiers modernes, tels que Ramusio, qui publièrent les relations des découvertes des Portugais sur la côte d’Afrique furent frappés de leur analogie avec la relation d’Hannon, et lui accordèrent une attention que l’incrédulité de Mêla et de Pline lui avait refusée. » Il y a dans le Périple d’Haunon des faits choquants et inadmissibles ; mais ils ne suffisent pas pour faire rejeter la relation tout entière. Quant à l’époque où s’accomplit ce périple, les avis sont très-divers. Suivant les uns, il remonterait au xe siècle av. J.-C., tandis que d’autres ne le placent pas plus loin que l’an 300. L’opinion la plus probable est celle de Bougainville, qui le place au ive siècle av. J.-C.

Un autre voyage très-célèbre chez les Grecs fut celui de Pythéas, que l’on croit avoir vécu au ive siècle avant notre ère. Il franchit les colonnes d’Hercule et, tournant au nord, atteignit le cap Finistère, traversa la Manche, séjourna en Bretagne, en Danemark, en Suède et s’arrêta a l’île de Thulé (probablement l’Islande). Les deux ouvrages


dans lesquels il consigna ses observations ne sont pas venus jusqu’à nous. Ils étaient, intitulés : De l’Océan et Périple de la terre. Les anciens, et surtout Strabon, ont fait à ces écrits de nombreux emprunts. Vient ensuite le voyage du navigateur Cretois Néarque, que des bouches de l’Indus Alexandre envoya jusque vers l’Euphrate, pour visiter les côtes de la Perse, et dont Arrien nous a donné le journal. On peut consulter avec fruit, sur ce voyage, l’ouvrage de William Vincent, intitulé le Voyage de Néarque. Un autre périple grec d’une bien moins grande importance nous est parvenu : c’est le voyage de Scylax sur les côtes de l’Europe, de l’Asie et de la Libye. Il est antérieur à Alexandre et probablement du IVe siècle avant notre ère.

Les livres de voyages, rares chez les Grecs, le furent encore plus chez les Latins. Nous n’en pouvons citer qu’un, l’Itinéraire de Rutilius ; mais il est précieux au point de vue littéraire. Rutilius Numatianus était Gaulois d’origine ; il fut maître des offices et préfet du prétoire sous l’empereur Honorius. Vers l’an 420, il partit de Rome pour la Gaule, et fit par mer le voyage dont il a raconté les incidents dans un poëme en vers élégiaques. La barque qui le portait touchait à terre chaque soir. Il visitait tous les objets curieux qui lui étaient signalés au passage. Ses descriptions présentent des traits heureux. Les jeux de mots, les antithèses, la déclamation sont les défauts de cette œuvre. En général, l’auteur, suivant M. Villemain, n’a point d’ordre et ne se propose point de but ; il se rappelle l’impression des lieux parcourus, et tour à tour décrit et déclame.

Au moyen âge, ce sont des Juifs et des Arabes qui continuent la littérature des voyages, Abou’l-Kasem-Mohammed ou Ibn-Haukal, voyageur arabe du xe siècle, quitta Bagdad en 942 et visita une grande partie du monde musulman. Il recueillit des observations sur la géographie, l’histoire, le commerce, les mœurs et les coutumes des habitants, puis les consigna dans un ouvrage intitulé : les Routes et les royaumes (Al-Mesalik we al-Memalik). Benjamin de Tudèle, rabbin espagnol du xiie siècle, voyagea dans le dessein de visiter les synagogues de l’Europe et écrivit la relation de ses voyages en hébreu sous le titre d’Excursions (Masahoth). Au xive siècle, le Maure Batuta parcourut l’Orient et alla même jusqu’en Chine. Ses voyages, très-curieux, ont fait le sujet d’un livre de Kosegarten, intitulé : De Muhammede Ebn Batuta, Arabe Tingitano, ejusque itineribus commentatio academica (Iéna, 1818, in-4o).

Les chrétiens du moyen âge, à partir des croisades, répandirent dans l’Occident des notions sur les contrées orientales et particulièrement sur la terre sainte ; mais ils les mêlèrent au récit des événements militaires ou politiques, et ne les reunirent pas dans des ouvrages spéciaux. Vers la même époque, on dut au génie du commerce l’un des voyages les plus importants qui aient jamais été entrepris, le voyage de Marco Polo. Il est assez étrange qu’on ne sache pas en quelle langue fut écrit le texte primitif de cette relation. Les uns penchent pour le latin, d’autres pour l’italien ; mais cette dernière opinion paraît devoir être abandonnée. Le comte Baldelli Boni a, en effet, démontré, dans les prolégomènes de son ouvrage intitulé Il Milione di Marco Polo (Florence, 1827, 2 vol. iu-4°), que le plus ancien texte italien aujourd’hui connu, remontant à 1309, est la traduction d’une rédaction française antérieure. Cette rédaction française du livre de Marco Polo fut donnée par Alarco Polo lui-même, en 1307, à Thiébault de Cépoy, représentant à Venise de Charles de Valois, fils du roi Philippe le Hardi ; Jehan, fils aîné de Thiébault, remit à Charles de Valois une copie de l’original, et il en donna aussi des copies à ceux de ses amis qui les lui demandèrent. Elle porte pour litre : Livre des merveilles du monde. En voici le début : « Pour savoir la pure vérité de diverses régions du monde, si prenez ce livre et le faites lire ; si y trouverez les grandismes merveilles qui y sont escriptes de la grant Hermenie (Arménie) et de Perse, et des Tartares et d’Inde, et de maintes autres provinces, si comme notre livre vous contera tout par ordre apertement ; de quoi messire Marc Pol, sage et noble citoien de Venise, raconte pour ce que il le vit. Mais nuques y a des choses que il ne vit pas, mais il l’entendit d’hommes certains par vérité. Et pour ce mettrons-nous les choses veues pour veues, et les entendues pour entendues, à ce que nostre livre soit droit et véritable, sans nul mensonge. Et chascuns qui ce livre orra ou lira, le doie croire, pour ce que toutes sont choses véritables. » Le Livre des merveilles du monde contient donc une description historique de l’Asie orientale, contrée dont auparavant l’Europe soupçonnait a peine l’existence. Marco Polo partit pour l’Orient à l’âge de quinze ans, en 1271. Il y accompagnait son père et son oncle, qui, commerçants riches et entreprenants, avaient poussé vers leurs entreprises jusqu’en Perse et qui, ayant obtenu la faveur du grand khan de Tartarie, avaient été par lui envoyés en mission près du pape. Quand ils revinrent près du khan, « et quand il vit Marc, qui estoit joenes bacheler, si demanda qui il estoit : Sire, dist son père, il est mon filz et vostre homme. — Bien soit-il venu, » dit le seigneur » Le jeune Marc s’habitua bien vite


aux usages de la cour mongole, « Il apprist si bien la coustume des Tatars et leurs languages, et leur lettres et leur archerie, que ce fut merveilles… Si que, quant le seigneur vit que il estoit si sages, et de si beau et bon portement, il l’envoia en un message en une terre où bien avoit six mois de chemin. Le joene bacheler fist sa messagerie bien et sagement. Et pour ce que il avoit veu et seu plusieurs foiz que le seigneur envoioit ses messages par diverses parties du monde, et quand ils retornoient ils ne li savoient autre chose dire que ce pourquoy ils étoient alé, si les tenoit touz à folz et à nices. Et leur disoit : « Je ameroie miex. ouïr les nouvelles choses et les manières des diverses contrées que ce pourquoi tu es alez ; car moult se deleitoit à entendre estranges choses. Si que, pour ce, en alant et retornant, il (Marc Pol) mist moult entente de savoir de toutes diverses choses, selon les contrées, à ce que, à son retour, le peust dire au grant khan. » Ainsi, c’est dans l’intention de plaire au grand khan et de satisfaire sa curiosité que Marco Polo étudia les contrées lointaines où il fut envoyé en mission, c’est-à-dire le Tonkin, la Chine et la Cochinchine. C’est à ce désir que sont dues les observations d’où naquit le livre qui changea si profondément les idées géographiques de l’Europe. Citons encore, à ce sujet, Walckenaër : « Comme chaque jour les notions sur les pays décrits par Marco Polo confirmaient, de plus en plus ce qu’il avait dit, les cosmographes les plus instruits s’en emparèrent, et, malgré la brièveté et le peu d’ordre de ses descriptions, ils dessinèrent d’après elles sur leurs cartes, comme d’après les seules sources authentiques, toutes les contrées de l’Asie, à l’orient, du golfe Persique et au nord du Caucase et des monts Himalaya, ainsi que des côtes orientales d’Afrique. La science se trouva régénérée, et, quoique imparfaite et grossière, elle fut en harmonie avec les progrès des découvertes et les langues usitées à cette époque. On vit paraître pour la première fois sur une carte du monde la Tartarie, la Chine, le Japon, les îles de l’Orient et l’extrémité de l’Afrique, que les navigateurs s’efforcèrent dès lors de doubler. Le Cathay, en prolongeant considérablement l’Asie vers l’est, fit naître la pensée d’en atteindre les côtes et de parvenir dans les riches contrées de l’Inde en cinglant directement vers l’occident. C’est ainsi que Marco Polo et les savants cosmographes qui les premiers donnèrent du crédit à sa relation ont préparé les deux plus grandes découvertes géographiques des temps modernes : celle du Cap de Bonne-Espérance et celle du nouveau monde. Les lumières acquises successivement pendant plusieurs siècles ont de plus en plus confirmé la véracité du voyageur vénitien, et lorsque enfin la géographie eut atteint, au milieu du XVIIIe siècle, un haut degré de perfection, la relation de Marco Polo servit encore à d’Anville pour tracer quelques détails du centre de l’Asie. » Cette appréciation si élogieuse n’a rien d’exagéré. Les rapports adressés aux souverains de l’Espagne par Christophe Colomb prouvent, en effet, qu’il était sous l’influence des opinions suggérées par le livre de Marco Polo et que dans toutes les terres dont il faisait la découverte il voyait des dépendances du Cathay, c’est-à-dire de la Chine.

Ce fut sous Jean II, roi de Portugal, que Barthélémy Diaz et son frère Pierre parvinrent à doubler le cap de Bonne-Espérance, et sous le roi Emmanuel que Vasco de Gama fit la conquête des Indes. D’un autre côté, Ferdinand et Isabelle la Catholique, les souverains espagnols, venaient, par le génie de Christophe Colomb, de prendre possession du nouveau monde, où abordèrent peu de temps après lui Alonso Ojeda et Americ Vespuce, qui découvrirent le continent lui-même, et Vincento Pinçon, qui découvrit le Brésil. C’est donc aux Portugais d’abord, puis aux Espagnols que l’on doit les grands voyages maritimes qui font la gloire de cette époque et les intrépides navigateurs qui firent faire de si grands progrès à la science géographique. Digne continuateur des souverains qui l’avaient précédé, Charles-Quint favorisa également les hardies entreprises des navigateurs. Par ses ordres, Magellan entreprit, en 1519, l’expédition fameuse qui devait la première faire le tour du monde. Magellan mourut en route, laissant son nom à un détroit ; mais le voyage de circumnavigation fut terminé par l’amiral Sébastien Cano, qui prit le commandement après lui. En récompense de ce fait, l’empereur anoblit Cano, et ses armes se composèrent du globe terrestre avec ces mots en exergue : Primus me circumdedisti. Sous Philippe II, Fernandez de Quiros et Alvar de Mendana découvrirent les îles de Salomon et la Polynésie en partie.

Vers ce temps parut un livre que l’on peut regarder comme la première histoire générale des voyages. Il avait pour titre : Novus orbis regionum ac insularum veteribus incognitarum (Bâle, 1532, in-fol.). L’auteur de cette compilation était Grynaeus ; il y avait réuni à la relation de Marco Polo les documents que l’on possédait sur les expéditions de Christophe Colomb, d’Améric Vespuce, de Fernand Cortez, etc.

Bientôt une grande émulation saisit les nations de l’Europe ; toutes, l’Angleterre en tête, voulurent suivre l’exemple du Portugal et de 1’Espagne. Ce fut par l’ordre du roi