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en 1458, Charles VII à tenir sa cour de parlement au château de Vendôme, pour le jugement du duc d’Alençon accusé de haute trahison. On connaît l’issue de ce procès (v. Alençon). Le règne du comte François de Bourbon inaugura pour Vendôme une ère de prospérité ; sans parler dès maintenant de l’impulsion artistique qu’y imprima bientôt la Renaissance, à aucune époque le commerce et l’industrie n’y furent plus florissants. « C’est merveille, dit l’ancien historien André Duchesne, du grand trafic de gants que cette ville fait, non-seulement par tout le royaume, mais encore ès contrées voisines. » On le voit, cette industrie vendômoise ne date pas d’hier. Marie de Luxembourg, femme de François, établit, en outre, à Vendôme une fabrique d’aiguilles et fit venir de Flandre d’habiles brodeuses pour former à ce métier les jeunes filles de la ville, qu’elle se plaisait à réunir autour d’elle, dirigeant et partageant leurs travaux. À la mort de François de Bourbon, à Verceil (1495), survenue pendant la campagne d’Italie où il avait suivi Charles VIII, sa veuve dirigea seule le gouvernement du comté pendant la minorité de son fils Charles et ne le laissa point péricliter. François Ier érigea le comté de Vendôme en duché-pairie (1515), en faveur de Charles de Bourbon. Ce premier duc de Vendôme mourut en 1536, gouverneur de la Picardie, d’où il dirigea presque constamment l’administration de son domaine, sans qu’il eût jamais à souffrir de cet éloignement. Antoine de Vendôme, époux de Jeanne d’Albret et, depuis, roi de Navarre, embrassa, comme on sait, avec ardeur la religion réformée ; il établit un prêche à Vendôme ; mais la ville, foncièrement catholique, ne fournit que peu de prosélytes au protestantisme. En 1560, François II, accompagné de Marie Stuart, traversa Vendôme en se rendant de Blois à Paris. Ce fut à Vendôme que se trama en partie, peu de temps après, la célèbre conjuration d’Ambroise (v. ce mot), dans le château même d’Antoine de Bourbon, et c’est en se rendant de Vendôme à Amboise que le plus actif des chefs du complot, La Renaudie, arrêté par les troupes royales, tomba percé de coups après une résistance désespérée. Le rôle que joua Antoine de Bourbon après cette conspiration avortée ne se rattache pas assez à la ville dont nous écrivons l’histoire pour que nous y insistions. Nous dirons seulement qu’aux plus mauvais.jours des guerres de religion Vendôme ne cessa, malgré le mauvais vouloir de ses habitants catholiques, mais grâce à l’énergie de Jeanne d’Albret, d’être un des plus importants quartiers généraux de la religion réformée. Un des heureux résultats de cette ferme administration fut d’empêcher la Saint-Barthélémy d’avoir son contre-coup à Vendôme. La mort de Jeanne d’Albret fit enfin respirer les catholiques vendômois qui, devenant intolérants suivant la coutume, firent fermer le prêche ouvert par Antoine de Bourbon. Les plaintes de Henri de Navarre (depuis Henri IV), héritier du duché, demeurèrent sans effet, et la Ligue acheva bientôt d’allumer dans Vendôme, comme dans la plupart des autres villes de France, une véritable guerre civile. La mort de Henri III y mit heureusement fin ; mais la ville ne se ressouvint de ses anciens engagements que contrainte par un siège long et opiniâtre ; Vendôme pris d’assaut par le roi de Navarre, irrité d’une résistance qu’il considérait avec justesse comme une trahison, fut, pendant trois jours, en proie à des scènes de dévastation et de carnage que Henri IV eut le tort de ne pas arrêter dès le début. Il souilla, en outre, son triomphe en faisant mettre à mort le gouverneur de la ville, Maillé-Benchart. Il s’en repentit, dit-on, ensuite, mais le mal était irréparable ; Vendôme ne se releva jamais du coup que lui porta cette funeste catastrophe ; son industrie s’éteignit pour ne plus revivre ; une partie de la population avait péri dans le siège ; une autre quitta ces lieux désolés, et de nombreux documents officiels des règnes de Louis XIII et de Louis XIV attestent que la misère y alla toujours croissant. On sait qu’en 1598 Henri IV fit à son fils naturel, César, né de la célèbre Gabrielle d’Estrées, donation solennelle du duché de Vendôme. Vingt ans plus tard, le nouveau duc, animé d’un zèle catholique que sa naissance rend assez bizarre à expliquer, fit fermer définitivement le prêche protestant de la ville, qu’il enrichit, en outre, de diverses fondations. En 1725, le duché de Vendôme, par la mort du grand prieur de l’ordre de Malte, frère du célèbre duc de Vendôme, le vainqueur de Villaviciosa (v. ci-après), fut réuni à la couronne. Vendôme prit une part peu active à la Révolution de 1789. Son nom aurait passé presque inaperçu dans les annales de cette grande époque, si le Directoire n’y avait installé, en 1796, la haute cour chargée de juger la prétendue conspiration qui aboutit à la condamnation à mort de Babeuf et de Darthé. Quarante-sept accusés étaient présents. Les deux condamnés, qui se frappèrent, comme on sait, chacun d’un coup de poignard à l’audience, furent traînés tout sanglants à l’échafaud, dressé sur la place d’Armes, en face de l’abbaye de la Trinité, où la haute cour tenait ses séances, et moururent courageusement en criant, au moment suprême : « Vive la République ! » Le 15 décembre 1870, le général Chanzy fut battu à Vendôme par le prince Frédéric-Charles et dut se replier sur Le Mans, pendant que la ville tombait au pouvoir des Prussiens.


VENDÔME (César, duc DE), appelé César Monsieur, fils aîné de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, né au château de Coucy (Picardie) en 1594, mort en 1655. Légitimé en 1595 et créé duc de Vendôme en 1598, il reçut en même temps le gouvernement de Bretagne et fut fiancé à la fille du duc de Mercœur. En 1610, Henri IV lui donna rang immédiatement après les princes du sang. Pendant la minorité de Louis XIII, il se posa comme un des chefs des mécontents, tenta de soulever sa province, puis se soumit. Il fit ensuite la guerre aux réformés, leur prit Clérac en 1622, contint la garnison de Montauban et contribua à la soumission de Montpellier. Engagé avec le grand prieur, son frère, dans la conspiration de Chalais, il fut emprisonné pendant quatre ans (1626-1630) à Vincennes et n’en sortit qu’en se démettant de son gouvernement de Bretagne et en partant pour l’exil. Rentré en France, il fut accusé (1641) d’avoir tenté de faire empoisonner Richelieu, dut s’exiler de nouveau et ne revint qu’après la mort du cardinal. Regardé comme l’une des têtes du parti des importants, il fut enveloppé dans la disgrâce du duc de Beaufort, son fils. En 1650, il fit sa paix avec Mazarin, reçut le gouvernement de Bourgogne, la surintendance de la navigation, contribua à la pacification de la Guyenne, prit Bordeaux (1653) et mit en fuite la flotte espagnole devant Barcelone (1655). « C’était, dit Le Vassor (Histoire de Louis XII), un mince capitaine, qui ne sut jamais se faire craindre ni se faire estimer. » Selon Mme  de Motteville, il avait beaucoup d’esprit, mais aucune intelligence militaire ni politique.


VENDÔME (Louis, duc DE), fils aîné du précédent, connu sous le nom de duc de Mercœur jusqu’à la mort de son père, né en 1612, mort à Aix en 1669. Il servit sous Louis XIII en Piémont, puis en Hollande, où il se distingua sous les yeux de son père, pendant l’exil duquel il s’éloigna de la cour. En 1649, il leva un régiment de cavalerie, fut nommé vice-roi de Catalogne et commandant des troupes françaises, épousa (1651) Laure Mancini, nièce de Mazarin, devint commandant de la Provence, où il apaisa des troubles, commanda l’armée de Lombardie (1656) conjointement avec le duc de Modène et résista aux attaques du cardinal Trivulce. C’était, au reste, un général médiocre et de peu de valeur. Après la mort de son épouse, il entra dans les ordres et fut créé cardinal en 1667.


VENDÔME (Louis-Joseph, duc DE), général français, fils aîné du précédent, connu d’abord sous le nom de duc de Penthièvre, qu’il porta jusqu’à la mort de son père, né en 1654, mort en 1712. Il suivit Louis XIV dans l’invasion de la Hollande, combattit sous Turenne et fut blessé à Altenheim. Nommé brigadier du roi en 1677, il fit en cette qualité la campagne de Flandre, se distingua aux sièges de Condé et de Cambrai, reçut le brevet de maréchal de camp (1678) et le gouvernement de la Provence en 1681. Promu lieutenant général et chevalier des ordres en 1688, il se couvrit de gloire dans quatre campagnes successives, aux sièges de Mons, de Namur, au combat de Leuse et surtout à celui de Steinkerque, fut envoyé en Italie en 1693, sous les ordres de Catinat, contribua à la victoire de Marsaille, reçut en 1695 le commandement de l’armée de Catalogne et prit Barcelone dans la même année. Envoyé en Italie pour réparer les fautes de Villeroy, il se laissa surprendre à Luzzara (1702) par le prince Eugène et ne rendit la victoire indécise qu’à force de courage et de présence d’esprit. Il n’avait pas, au reste, les qualités nécessaires pour combattre un tel adversaire. Vaillant et hardi, il manquait de prévoyance et était incapable de méditer et de préparer de grandes opérations militaires. Toutefois, il obtint quelques succès brillants dans le Tyrol et en Piémont, commit beaucoup de fautes à la sanglante bataille de Cassano, fut envoyé en Flandre en 1708, ne sut pas s’opposer à la jonction du prince Eugène et de Marlborough et perdit la bataille d’Oudenarde. Après cette déplorable campagne, il fut chargé d’aller secourir Philippe V, effaça l’impression des revers qu’il avait essuyés et remporta la victoire décisive de Villaviciosa (1710). Il mourut deux ans après, dans une expédition en Catalogne, d’une indigestion de poisson, dit Saint-Simon. Le duc de Vendôme est aussi connu par son cynisme, sa malpropreté, sa goinfrerie et ses vices que par ses victoires. On sait à quelle étrange admiration, manifestée publiquement pour certaine partie du corps de Vendôme, Alberoni dut son élévation.


VENDÔME (Philippe, dit le Prieur DE), général français, frère du précédent, né en 1655, mort en 1727. Il entra encore enfant dans l’ordre de Malte, fit ses premières armes au siège de Candie (1669), où il donna des preuves d’un grand courage, prit part à la campagne de Hollande sous Louis XIV, servit sous Turenne en Allemagne, fut nommé maréchal de camp en 1691 et se distingua au siège de Namur et aux combats de Leuse et de Steinkerque. Devenu grand prieur de France et lieutenant général (1693), il concourut aux victoires de Catinat en Italie et à celles de son propre frère en Catalogne. Disgracié en 1706, pour s’être tenu éloigné du combat à l’affaire de Cassano, il se retira à Rome, où il séjourna cinq ans, rentra en faveur et recouvra ses bénéfices. Rétabli au palais du Temple, il y mena la vie la plus fastueuse et se fit remarquer par la licence de ses mœurs. Au reste, il aimait les lettres et les arts. La Fare, Chaulieu, Palaprat vécurent dans son intimité.


VENDÔME (François), duc de Beaufort. V. Beaufort.


VENDÔME (Matthieu de). V. Matthieu.


VENDÔME (abbé DE). V. Geoffroi.


Vendôme (place), célèbre place de Paris, située dans le Ier arrondissement, à laquelle on arrive du côté nord par la rue de la Paix et du côté sud par la rue de Castiglione. L’origine de cette place remonte au règne de Louis XIV. Un arrêt du conseil, du 2 mai 1686, rendu sur la proposition de Louvois, alors ministre et surintendant des bâtiments, décréta l’établissement dans le faubourg Saint-Honoré d’une grande place, tant pour la décoration de Paris que pour la facilité des communications dans ce quartier. Louvois se mit à l’œuvre et acquit l’hôtel de Vendôme, situé rue Saint-Honoré, au débouché de la rue de Castiglione. La démolition de cet hôtel n’ayant mis à découvert qu’un emplacement jugé insuffisant, Louvois eut l’idée d’acquérir et d’abattre de même le couvent des capucines. Les travaux d’aménagement de la nouvelle place Vendôme, alors place des Conquêtes, purent ainsi être poursuivis. La pénurie des finances, conséquence de guerres perpétuelles, et la mort subite de Louvois les suspendirent jusqu’en 1699, époque où Louis XIV, par lettres patentes du 7 avril, chargea directement le corps municipal de les reprendre, lui abandonnant en don l’emplacement acquis et les matériaux déjà rassemblés, à la condition unique d’édifier la place sur un plan autre que le plan primitif de Louvois. Ce plan primitif consistait à faire de la place Vendôme un carré environné de bâtiments destinés à recevoir la bibliothèque du roi, les différentes Académies et à former les hôtels des monnaies et des ambassadeurs extraordinaires. La ville accepta le traité et sous-traita elle-même moyennant la somme de 620,000 livres, fixant à 1701 l’achèvement des travaux, qui furent immédiatement repris et menés avec beaucoup de vigueur. Mansard en donna le dessin. La place Vendôme, carrée, présente néanmoins des pans coupés à chaque angle et, par le fait, huit façades. La décoration de ces façades se compose d’un ordre corinthien élevé sur un soubassement. Au-dessus de l’entablement corinthien sont des lucarnes de pierre de formes variées. Les pans coupés angulaires se composent d’un avant-corps de trois arcades et de deux arrière-corps d’une arcade chacun. Le tout, couronné de frontons, est d’un effet imposant et magistral.

Les hôtels qui environnent la place Vendôme furent bâtis, pour la plupart, pour le compte de fermiers généraux. Le 16 août 1699 eut lieu l’inauguration d’une statue équestre de Louis XIV au centre de la place. Cette statue, œuvre de Girardon, haute de 21 pieds, pesant 60,000 livres, avait été coulée le 1er décembre 1692 par Jean-Balthazar Relier. Louis XIV, à cheval, les rênes d’une main, l’autre étendue, portait l’éternel costume romain en vogue dans l’art du temps. Sur le piédestal, de marbre blanc, se lisaient diverses inscriptions à la gloire du roi-soleil, auxquelles on joignit plus tard des cartels, médaillons et trophées allégoriques : Minerve, l’Afrique, l’Amérique, etc.

Cette statue resta debout près d’un siècle ; la main du peuple l’abattit le 10 août 1792. La place Vendôme vit son nom changé en celui de place des Piques, qu’elle ne quitta officiellement qu’à l’avènement de Napoléon Ier. Quelque temps après, l’empereur conçut le projet du monument dont nous allons parler dans l’article suivant.

Des hôtels qui bordent la place Vendôme, deux sont occupés, l’un par l’état-major de la place de Paris, l’autre par le ministère de la justice.


Vendôme (COLONNE). Le véritable nom de cette colonne est colonne d’Austerlitz ou de la grande armée ; c’est du moins celui que lui avait donné Napoléon ; mais on a persisté à lui donner le nom de la place où elle s’élève, quoiqu’elle n’ait absolument rien de commun avec le bâtard de Henri IV. Elle reproduit les proportions de la colonne Trajane, qui lui a servi de modèle, avec cette différence toutefois que la colonne Trajane est en marbre, tandis que celle-ci est en pierre revêtue de bronze fondu, construction originale que l’on n’avait jamais essayée pour une œuvre de cette dimension. Sa hauteur est de 43m,50, y compris le piédestal et la statue. Sa fondation est de 30 pieds de profondeur et son diamètre de 12 pieds ; 378 pièces de bronze entrent dans le revêtement de l’édifice, et tous les rajustements sont si soigneusement exécutés, qu’on n’en voit aucune trace. Une spirale de bas-reliefs, dont tous les personnages et les accessoires reproduisent les costumes militaires et les armes de l’Empire, déroule autour du fût, en vingt-deux révolutions, les faits d’armes de la campagne de 1805 et forme un développement de plus de 260 mètres. Les personnages principaux sont des portraits. Ces bas-reliefs sont reliés entre eux par un cordon sur lequel est inscrite en relief l’action ou la scène guerrière que représente le dessin. Le fût, dont une couronne à feuilles d’olivier, tressée de bandelettes, forme le tore, mesure 30m,60 de hauteur, sur 3m,90 de diamètre à sa base. Le piédestal, élevé sur une base de granit gris de Corse, dit de Memphis, de 0m,50, a 5m,64 de hauteur et 5m,55 de côté, au nu. Il est orné à ses quatre faces de trophées d’armes et de costumes des armées vaincues ; sur l’attique se dessinent de lourdes guirlandes de chêne, soutenues aux quatre angles par les serres d’aigles colossales, aux ailes à demi déployées et retombant sur le haut de la corniche taillée en forme de congé. Une porte de bronze ciselé, ouverte au sud, donne entrée dans ce piédestal, où commence un escalier à vis de 180 degrés, creusés dans la pierre de la colonne et revêtus de bronze. Cet escalier conduit sur le chapiteau, où un amortissement circulaire, haut de 4m,55, terminé par un hémisphère sculpté, porte la statue de Napoléon.

Ce colossal édifice fut commencé le 25 août 1806, jour où le ministre de l’intérieur vint, au nom de l’empereur, déposer sur le ciment de la première pierre une boite de plomb qui renfermait des médailles commémoratives de l’événement. Quatre années suffirent à le terminer. Napoléon trouva le temps long. Il était impatient d’y voir mettre la dernière main et gourmandait chaque jour ses architectes pour la lenteur qu’ils apportaient selon lui à leurs travaux, « alors que, disait-il, ni l’argent ni les bras ne leur manquaient. » Une inscription en langue française, gravée sur l’amortissement qui porte la statue, constate le jour où put enfin se montrer à tous les yeux cette colonne si ardemment désirée par le despote. Elle est ainsi conçue :

MONUMENT ÉLEVÉ À LA GLOIRE DB LA GRANDE ARMÉE
PAR NAPOLÉON LE GRAND,
COMMENCÉ LE XXV AOÛT MDCCCVI,
TERMINÉ LE XV AOÛT MDCCCX,
SOUS LA DIRECTION DE D.-V. DENON,
DIRECTEUR GÉNÉRAL,
MM. J.-B. LEPÈRE ET L. GONDOIN, ARCHITECTES.

Le socle est chargé d’une inscription en latin passablement barbare. Au-dessus de la porte d’entrée, dans un cadre soutenu par deux Victoires, on lit ceci :

NEAPOLIO. IMP. AUG.
MONUMENTUM. BELLI. GERMANICI.
ANNO. M. D. CCC. V.
TRIMESTRI. SPATIO. DUCTU. SUO. PROFLIGATI.
EX. AERE CAPTO.
GLORIAE. EXERCITUS. MAXIMI. DICAVIT.

qu’il faut traduire de la manière suivante : « Napoléon, empereur auguste, a dédié à la gloire de la grande armée ce monument fait avec le bronze pris sur l’ennemi, l’an 1805, dans la guerre d’Allemagne, terminée en trois mois sous son commandement. » Alexandre Dumas proposait une autre traduction tout aussi plausible : « Néarque Polion, général d’Auguste, dédia ce tombeau de guerre de Germanicus à la gloire de l’armée de Maxime, l’an 1805, avec l’argent volé aux vaincus, grâce à sa conduite pendant l’espace d’un trimestre. »

Le poids des pièces de bronze qui forment la colonne est estimé 2,000,000 de kilogrammes. La statue primitive qui surmontait le monument, et qui ne fut placée qu’en 1812, était un des chefs-d’œuvre du sculpteur Chaudet. Elle représentait Napoléon en costume d’empereur romain, la tête couronnée de laurier, une main appuyée sur son glaive et tenant dans l’autre un globe surmonté d’une Victoire. Son poids était de 6,554 livres, et sa hauteur de plus de 10 pieds. Les dépenses totales pour la colonne et la statue s’élevèrent à 1,975,417 francs. En 1814, le lendemain de l’entrée des alliés à Paris, on voulut renverser cette image colossale de l’empereur qu’on venait d’abattre. On lui passa au cou un câble, auquel un grand nombre de chevaux furent attelés, et, malgré la précaution qu’on avait prise de scier les jambes au-dessus des chevilles, rien ne vint. C’est que l’angle sous lequel on opérait ne faisait que multiplier la résistance ; il fallut donc y renoncer. Pourtant, un zélé royaliste se présenta et promit de réussir ; c’était M. de Montbadon, chef d’état-major de la place de Paris. MM. de Polignac et de Semallé, qui étaient commissaires du comte d’Artois, l’investirent de tous les pouvoirs nécessaires pour cet objet. Il mit en réquisition Launay, le fondeur de la colonne et de la statue, comme l’homme le plus capable de faire l’opération avec succès. Celui-ci résista ; mais, conduit au quartier général, il reçut un ordre se terminant ainsi : « Ordonnons audit M. Launay, sous peine d’exécution militaire, de procéder sur-le-champ à ladite opération, qui devra être terminée mercredi 6 avril à minuit. » Cet ordre est daté du 4 et signé de Rochechouard, colonel aide de camp de S. M. l’empereur de Russie, commandant la place. M. Pasquier, alors préfet de police, écrivit de sa main sur la pièce : « À exécuter sur-le-champ. » La garde nationale faisait le service auprès du monument. Soit pudeur, soit crainte, on la remplaça par des soldats russes. Launay enleva la statue au moyen de chèvres établies sur le faîte et la descendit