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de quarante ans (1562-1602), renferment une foule de détails curieux sur les événements de cette époque. On a supprimé dans la plus grande partie des exemplaires les quatre-vingts dernières pages, qui contenaient des passages trop hardis sur Henri IV, et on les a remplacés par une fin moins longue. Les exemplaires qui n’ont pas subi cette mutilation sont presque introuvables.


VILLEGONTIER (Louis-Spiridion Frain, Comte de La), administrateur français, né à Fougères (Ille-et-Vilaine) en 1776, mort en 1849. Son père était membre du parlement de Bretagne. Admis à l’École polytechnique en 1794, il en sortit un des premiers de sa promotion en 1797. En 1799, il rentra dans la vie privée et resta à l’écart jusqu’en 1815, époque où il fut nommé sous-préfet. Appelé à la préfecture de l’Allier en 1816, il s’y fit remarquer par de sages mesures pendant la disette qui sévit cette même année dans le département, devint préfet d’Ille-et-Vilaine en 1816, pair de France en 1819, et conserva néanmoins sa préfecture jusqu’en 1824. Deux ans plus tard, La Villegontier fut nommé premier gentilhomme de la maison du duc de Bourbon. En 1830, il prêta serment au gouvernement issu de la révolution de Juillet, conserva son siège à la Chambre des pairs, vota contre le bannissement des Bourbons, puis soutint la politique gouvernementale jusqu’à la révolution de 1848. Rendu alors à la vie privée, il se retira à Fougères, où il mourut peu après. — Son frère, Charles-Marie Frain de La Villegontier, né à Fougères (Ille-et-Vilaine) en 1777, mort en 1804, étudia la médecine, se fit recevoir docteur en 1804 et se fit remarquer par sa charité et son dévouement envers les malheureux. Il mourut des fatigues qu’il avaient éprouvées en soignant les malades pendant une épidémie.


VILLEHARDOUIN (Geoffroi de), chroniqueur français, né au château de Villehardouin, près de Troyes, vers 1155, mort en Thessalie vers 1213. En sa qualité d’aîné de sa maison, il succéda à son père dans sa dignité de sénéchal de Champagne sous le comte Thibaut V. Puis, entraîné par l’enthousiasme religieux de l’époque, il s’enrôla dans la quatrième croisade ; mais avant de partir il se rendit avec d’autres députés à Venise, pour obtenir du doge Dandolo la promesse de transporter les croisés en Palestine, moyennant une forte rétribution. Villebardouin, l’orateur de la députation, obtint ce qu’il demandait, et il fut convenu que les croisés viendraient s’embarquer dans cette ville au mois de juin 1202. Peu après son retour en France, Thibaut mourut. Villehardouin proposa alors d’offrir le commandement de la croisade au marquis de Montferrat, qui accepta. Il fut ensuite chargé, avec le comte de Saint-Pol, d’engager les croisés à s’embarquer tous à Venise, ce qu’il ne put obtenir, puis il fut employé comme négociateur auprès d Alexis Comnène pour essayer de mettre un terme aux différends qui s’étaient élevés entre les croisés et le jeune empereur. Il prit ensuite une part brillante à la prise de Constantinople (1204) et reçut de l’empereur Baudouin Ier plusieurs places en Macédoine, avec le titre de maréchal de Roumanie. Après la défaite de Baudouin par les Bulgares, il sauva son armée et servit avec le même dévouement Henri, frère et successeur de ce prince. Villehardouin mourut en Thessalie. Son intéressante Histoire de la conquête de Constantinople ou Chronique des empereurs Baudouin et Henri est un des plus vieux monuments de la prose française. Elle fut imprimée pour la première fois à Venise en 1573. Publiée par Du Cange en 1657, avec une traduction française, un glossaire et des notes très-précieuses, elle a été reproduite dans divers recueils, notamment dans les collections des Mémoires relatifs à l’histoire de France.


VILLEHEURNOIS (Charles-Honoré Berthelot ne La), agent secret des Bourbons. V. La VILLEHEURNOIS.


VILLEJUIF, bourg de France (Seine), ch.-l. de cant., arrond. et à 6 kilom. N.-E. de Sceaux, à 8 kilom. S. de Paris, sur une éminence ; pop. aggl., 1,646 hab. — pop. tot., 1,917 hab. Carrières de plâtre et de pierre de taille ; corderies ; pépinières ; fabrication d’engrais ; commerce de foin et de paille. Ce lieu tire son nom des juifs de Paris, qui en avaient la propriété au moyen âge. Il y eut dans cette localité, le 23 septembre 1870, un combat entre les Allemands et les troupes de Paris.


VILLÈLE (Guillaume-Aubin de), prélat français, né à Caraman en 1770, mort en 1841. Élevé du séminaire de Saint-Sulpice au début de la Révolution, il émigra peu après, reçut la prêtrise à Dusseldorf, puis se retira à Vienne. De retour en France en 1802, il s’adonna à la prédication. En 1817, il fut nommé évêque de Verdun, mais ne prit point possession de son diocèse. Louis XV11Î, qui l’avait entendu prêcher, lui donna en 1820 le siège épiscopal de Soissons, d’où il passa en 1824 à l’archevêché de Bourges et reçut, cette même année, un siége à la chambre des pairs. Après la révolution de Juillet 1830, il tint rigueur au nouveau gouvernement, se confina dans son diocèse et refusa, en 1839, la croix de la Légion d’honneur. Lorsque don Carlos, forcé de quitter l’Espagne où il avait fomenté une longue guerre civile, fut interné à Bourges, l’archevêque Villèle lui offrit d’habiter son palais et reçut de lui le grand cordon de Charles III.


VILLÈLE (Jean-Baptiste-Séraphin-Joseph, comte de), homme d’État français, cousin du précédent, né à Toulouse le 14 août 1773, mort dans la même ville le 13 mars 1854. Il entra de bonne heure dans le corps royal de la marine et fut embarqué sur une corvette d’instruction, à bord de laquelle il fit un premier voyage à Saint-Domingue, sous les ordres du contre-amiral de Saint-Félix, un de ses parents. De retour à Brest, il repartit presque aussitôt pour l’île de France. Les événements de 1793 le surprirent dans cette colonie, où il remplissait les fonctions d’aide-major de la division navale, et lorsque, à la suite du mouvement révolutionnaire, M. de Saint-Félix fut obligé de se réfugier à l’île Bourbon, M. de Villèle ne voulut pas se séparer de son protecteur. À peine arrivé à Bourbon, le jeune marin s’éprit d’une créole, aussi recherchée pour les qualités de son esprit que pour sa fortune ; il obtint sa main et s’établit dans l’île, où il se rendit acquéreur d’une vaste propriété, dont il ne tarda pas à doubler la valeur par une administration bien entendue. Ses intérêts personnels ne l’absorbèrent pas cependant tout entier. Par son intelligence et la fermeté de son caractère, il se montra utile à son pays d’adoption, et quand le choix de ses nouveaux compatriotes l'appela à l’Assemblée coloniale, il s’y fit remarquer par son activité et son entente des affaires. En 1807, M. de Villèle réalisa sa fortune, revint en France et se fixa dans son domaine de Marville, près de Toulouse, occupé exclusivement de travaux agricoles. Là, dit M. Boullée, « M. de Villèle n’entretint avec l’administration impériale d’autres rapports que ceux auxquels l’appelait la qualité de conseiller général de la Haute-Garonne, qui lui avait été conférée à son retour. L’énergie de son caractère se signala par la résistance qu’au commencement de 1813 il opposa à l’exaction de l’emprunt forcé dont le gouvernement avait entrepris de frapper illégalement les principaux propriétaires ; le préfet, déconcerté par cet acte inattendu d’opposition, n’osa passer outre. Villèle salua avec un vif empressement la restauration du régime royal ; mais défavorablement affecté, comme beaucoup d’autres esprits, du projet de constitution adopté provisoirement par Louis XVIII, sous le titre de déclaration de Saint-Ouen, et pénétré des lacunes et des insuffisances de ce projet, il en combattit les dispositions dans un écrit où il se prononça ouvertement pour un retour complet au régime antérieur à 1789. Cette opinion, que l’auteur devait bientôt réformer, grâce à une salutaire expérience, fut peu remarquée au milieu du déluge de pamphlets que fit éclore la récente émancipation de la presse ; mais c’est un fait digne d’observation qu’une thèse aussi chimérique ait servi de point de départ à un des esprits les plus sensés et les plus pratiques de l’époque contemporaine. » Quoi qu’en dise M. Boullée, ce travail ne passa pas inaperçu. Il appela sur M. de Villèle, qui depuis longtemps d’ailleurs entretenait des relations avec les émigrés, l’attention des Bourbons, et après la seconde Restauration le duc d’Angoulême le nomma maire de Toulouse. Il se fit remarquer dans l’exercice de ces fonctions, que la réaction rendait si difficiles, par un esprit de conciliation digne des plus grands éloges. Mais l’effervescence était grande ; les ressentiments d’une population longtemps comprimée se montrèrent impérieux et inexorables, et malgré tous ses efforts M. de Villèle ne put empêcher l’assassinat du général Ramel. Mais si le crime répugnait à son âme honnête, M. de Villèle n’était pas exempt de passions et de rancunes, et lorsqu’au mois de septembre 1815 il alla représenter sa ville natale dans cette Chambre, contre-partie exacte de celle qui l'avait précédée, il prit place au milieu de cette majorité exaspérée par les Cent-Jours, et il vota avec elle ces mesures fatales qui devaient jeter le gouvernement dans la réaction. Grâce à une argumentation pleine de précision et de lucidité, le député de la Haute-Garonne conquit bientôt un réel ascendant sur son parti et sur l’Assemblée entière. À l’occasion du projet de loi qui affectait aux rôles de 1815 le recouvrement des quatre premiers douzièmes des contributions, comme à propos de la reconstitution des compagnies départementales, M. de Villèle attira sur lui l’attention de tous les hommes politiques par l’habileté avec laquelle il développa les théories de décentralisation qui n’ont cesse de constituer le fond de son programme politique. Les débats de la loi électorale présentée par M. de Vaublanc vinrent augmenter son importance parlementaire. Membre de la commission, il s’éleva avec énergie contre le système des électeurs de droit, que soutenait le ministère, et il n’eut pas de peine à démontrer que livrer les élections aux fonctionnaires c’était les mettre à la merci, à la discrétion absolue du pouvoir. Le projet de M. de Vaublanc ayant été renvoyé à une commission, M. de Villèle en fut le rapporteur, et il développa devant la Chambre un contre-projet qui, tout en maintenant les deux degrés d’élection, composait les collèges cantonaux de tous les citoyens âgés de vingt-cinq ans et payant 50 francs de contributions directes, et limitait le taux de 300 francs aux électeurs des collèges départementaux, dont le nombre était fixé à trois cents. La pensée de M. de Villèle était de donner pour appui au parti royaliste les classes inférieures, où ce parti rencontrait moins d’hostilité que dans la bourgeoisie. Ce projet, au dire de M. Boullée, posant les vrais principes du régime parlementaire, ne fut admis ni sans réclamation ni sans mutilation par la Chambre des députés, et celle des pairs le rejeta comme entaché d’aristocratie, résultat fort inattendu et qui produisit une perturbation profonde au sein de la Chambre élective. Villèle s’étant rendu auprès du roi l’organe de cette alarmante situation, le ministère entra en négociation avec les chefs de la droite ; mais il ne sortit de ces conférences qu’une résolution par laquelle la Chambre réprouvait tout renouvellement partiel capable d’affaiblir ou de déplacer sa majorité. On sait ce qu’il en advint. Le 5 septembre, Louis XVIII prononça la dissolution de la Chambre, M. de Villèle fut réélu, et il retrouva dans la nouvelle Chambre une centaine des membres de l’ancienne majorité. « Alors, dit M. Artaud, il fit preuve d’une haute capacité par la manière dont il sut organiser son parti, le discipliner, harceler le ministère en adoptant le rôle des minorités et en prenant la défense des libertés publiques. Ainsi il attaqua avec force, en 1817, l’influence de l’administration en matière électorale, la censure et la liberté individuelle, le cumul et l’élévation des traitements, la centralisation, qu’il représenta comme la source de tous les maux, les emprunts, qu’il assimilait à des impôts, le recrutement, etc. Ce n’était pas seulement à la tribune qu’il attaquait le ministère ; dans la presse, le Conservateur était le principal organe de son opposition. Ses premières impressions au sujet de la charte de Louis XVIII étaient, on le voit, singulièrement modifiées. « Je ne puis dire, écrivait-il à cette époque, que mon parti aime beaucoup la charte, dont il connaît les imperfections et lacunes ; mais nous nous y attachons de plus en plus comme au seul titre qui nous autorise à nous occuper des intérêts de notre pays. » La mort du duc de Berry ayant poussé le roi aux mesures extrêmes, M. de Villèle ne refusa pas son appui au pouvoir ; il prêta même, en royaliste ultra qu’il était, le secours de sa parole aux lois qui suspendirent la liberté individuelle et mirent cinq journaux eu état de surveillance. Les deux lois furent votées. La majorité imposa alors au cabinet MM. de Villèle et de Corbière, comme ministres sans portefeuille ; mais bientôt, mécontente de la marche timide et incertaine de ce cabinet, elle le renversa pour en composer un formé des hommes qui avaient sa confiance. C’étaient, avec M. de Villèle, MM. de Peyronnet, Matthieu de Montmorency, le duc de Bellune, de Clermont-Tonnerre et le général Lauriston. Ici commence la longue administration de M. de Villèle, administration rendue difficile par les imprudences et les exagérations de ceux-là mêmes qui, tout en se disant les amis du gouvernement, le poussaient à sa perte. La soif de la liberté se faisait sentir, et de tous côtés l’agitation régnait dans les esprits. Des mouvements révolutionnaires se produisirent à Saumur, à La Rochelle et sur d’autres points. Cette fois encore la liberté eut ses martyrs. Aux embarras d’une situation intérieure profondément troublée vint s’ajouter la guerre d’Espagne, et il est juste de dire que M. de Villèle, soutenu dans sa résistance par l’opinion publique, par l’industrie et le commerce, fit tout ce qui était en lui pour l’éviter ou l’éloigner. Appelé à la présidence du conseil, il essaya plusieurs fois de ramener à un sentiment plus vrai des intérêts des deux pays soit les cortès, soit Ferdinand VII. Ses tentatives échouèrent des deux côtés. Les événements se pressaient en Espagne ; le discours de la couronne dut parler de guerre, et tout se prépara pour une expédition prochaine. Mais il fallait obtenir de la Chambre les crédits nécessaires pour se mettre en campagne. L’opposition fut vive, et nous avons fait ailleurs îe récit des débats auxquels cette situation donna lieu (v. Manuel). M. de Villèle présenta la question à un point de vue tel, que la droite, renforcée de tous les esprits timorés, et le nombre en était grand, vota l’emprunt avec enthousiasme. Le langage du président du conseil fut modéré, il faut en convenir ; mais M. da Villèle eut le tort impardonnable de ne pas intervenir de son influence et de son autorité dans l’incident qui amena l’expulsion du député Manuel. L’histoire le rendra responsable de ce coup d’État parlementaire. La guerre d’Espagne ne fut pour l’armée française qu’une marche triomphale, et ce succès marqua pour l’opinion royaliste une époque d’exaltation sans précédent. Les élections de 1824 amenèrent 410 députés dévoués quand même. L’opposition ne comptait que 19 membres. C’est alors que l’on vit se former ce bataillon des trois cents que M. de Villèle faisait facilement manœuvrer à la voix et au geste. Louis XVIII ouvrit, le 24 mars 1824, la dernière session législative de son règne. M. de Villèle résolut de profiter de l’heureuse issue de la guerre d’Espagne et du résultat des élections dernières pour faire voter un projet de conversion des rentes, lié dans sa pensée à l’indemnité des émigrés, que les chefs royalistes exigeaient impérieusement comme gage d’alliance avec le cabinet. Pour trouver le milliard de l’indemnité, le ministre offrait aux porteurs de rentes l’alternative du remboursement de leur capital ou de la conversion de leurs titres à un intérêt plus modéré. Le 5 pour 100 avait atteint le pair à la fin de 1823, et la tendance à la hausse était des plus prononcées. L’amortissement se trouvait obligé de racheter au-dessus du pair des rentes vendues au-dessous de 100 francs. La combinaison imaginée par M. de Villèle excita une très-grande sensation, non-seulement chez les rentiers, mais parmi les antagonistes personnels du ministre et dans le parti libéral, froissé par l’affectation impopulaire du produit éventuel de cette opération. L’opposition de gauche usa de toutes ses ressources pour attaquer le projet, et aucun des députés dévoués ne prit la parole pour le défendre. M. de Villèle dut déployer toute l’adresse de son argumentation pour venir à bout de la majorité ; encore n’obtint-il que 238 voix contre 145. À la Chambre des pairs, où il était loin d’exercer la même influence, son projet fut rejeté par 194 voix contre 128. Ce fut pour M. de Villèle un grave échec ; mais il était trop soutenu pour se retirer. Il aima mieux se séparer de M. de Chateaubriand, qui avait hautement désapprouvé le projet, et il obtint sans peine du roi l’éloignement de ce conseiller incommode. Le Journal des Débats et la Quotidienne prirent en main la cause du ministre tombé en défaveur, et alors commença contre M. de Villèle une guerre acharnée dont la royauté devait plus que lui supporter les conséquences. L’opposition de ces deux journaux fut si vive que le gouvernement s’empressa de rétablir la censure. Sur ces entrefaites, Louis XVIII mourut ; Charles X monta sur le trône, et M. de Villèle, qui depuis longtemps s’était attaché à gagner la confiance du comte d’Artois, fut plus que jamais l’homme indispensable. M. de Villèle ne fit rien du reste pour empêcher toutes les mesures antilibérales qui ont si tristement marqué le règne du dernier des Bourbons : entrée des évêques au conseil d’État, invasion des jésuites, loi du sacrilège, congrégations autorisées par simple ordonnance, projet sur le droit d'aînesse et les substitutions. On alla jusqu’à demander la remise des registres de l’état civil au clergé et la célébration du mariage religieux avant l’acte civil et comme condition indispensable de ce dernier. M. de Villèle sentait combien le ministère était compromis par toutes ces intrigues ; mais, au lieu de protester par une retraite honorable, il ajouta à tous ces actes odieux en profitant de la disposition d’une majorité plus royaliste que le roi pour demander de nouveau l’indemnité des émigrés. Oubliant que l’étranger n’était venu en France qu’à la prière de ceux qu’il servait, M. de Villèle osa prononcer ces paroles : « Sans l’émigration de nos princes, qu’aurions-nous eu en 1814 et après les Cent-Jours à opposer aux armées de l’Europe établies dans la capitale ? Nous aurions fini par rejeter l’étranger au dehors, je n’en fais aucun doute ; mais au prix de combien de sang, de combien de dévastations ? Notre affranchissement de l’étranger, sans convulsions et sans honte, nos libertés publiques, le retour de la paix générale, la prospérité et le bonheur dont nous jouissons, nous le devons à l’émigration qui nous a conservé nos princes. » Et le milliard fut voté ! Est-il surprenant après cela que l’opinion publique ait rejeté sur M. de Villèle la responsabilité des fautes commises sous son ministère et n’ait pas tenu toujours compte des quelques efforts tentés par lui pour faire adopter certaines mesures libérales, comme l’émancipation de Saint-Domingue, par exemple ? L’opinion publique n’a été que juste. Si M. de Villèle a cherché à soutenir le crédit de l’État, s’il a essayé de seconder le mouvement commercial et industriel, s’il a tenté d’amener l’Espagne à reconnaître l’indépendance de ses colonies d'Amérique, il s’est aussi montré peu scrupuleux sur les moyens de conserver son pouvoir, il a persécute la presse, il a laissé commettre les assassinats politiques dont le général Berton et les quatre sergents de La Rochelle ont été les victimes. Aussi, lorsque son ministère tomba, il fut permis d'oublier le peu de bien qu’il avait fait, et en présence des maux qu’il avait causés on put le flétrir du nom de ministère déplorable. Le 3 janvier 1828, quelques mois après celle revue où la garde nationale fit entendre ces cris : « À bas les ministres ! À bas les jésuites !  » M. de Villèle fut promu à la pairie. À dater de ce jour, sa carrière politique fut terminée. M. Artaud a porté sur M. de Villèle le jugement suivant, que nous croyons devoir reproduire : « M. de Villèle mit une capacité incontestable au service d’une cause impopulaire. Son administration ne présente qu’une série de concessions arrachées chaque année par la majorité royaliste. C'était pour satisfaire la faction ultra-monarchique, soutenue par la congrégation, qu’on élaborait successivement ces lois rétrogrades dont le souvenir pèse sur le triumvirat Villèle, Corbière et Peyronnet. Comme orateur, il avait la voix nasillarde et des formes disgracieuses, mais une puissance de raisonnement unie à un ton de simplicité qui allait à tous les esprits ; il plaisait à la majorité par le soin avec lequel il s’attachait à répondre à toutes les