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lutte qui eut lieu entre l’électeur palatin protestant Frédéric V et l’empereur Ferdinand II, dont il était compétiteur au trône de Bohème, Par la lettre de majesté, l’empereur Mathias, en arrivant au trône (1612), avait reconnu aux protestants de Bohême le plein exercice de la liberté de conscience, et ceux-ci en avaient usé pour élever des temples et des écoles. L’empereur, à l’instigation de l’archevêque de Prague, ayant fait démolir ou fermer les temples et les écoles de Klostergrab et de Braunau, les députés des États protestants, réunis à Prague le 23 mai 1618, réclamèrent vivement contre ces actes de violence. On ne tint aucun compte de ces justes réclamations. Profondément irrités, les députés, dirigés par le comte de Thurn, se réunirent en armes dans la salle des délibérations et, à la suite d’une violente altercation avec les conseillers impériaux, ils jetèrent par les fenêtres du château les conseillers Slawata et Martinitz, qui s’étaient attiré la haine des Bohèmes. La défénestration de Prague fut le signal de la guerre de Trente ans. Les Bohèmes prirent aussitôt les armes, sous les ordres du comte de Thurn, déclarèrent la guerre à l’empereur et reçurent des secours des princes de l’Union. Des négociations entamées avec l’empereur Mathias n’avaient point abouti, lorsque ce prince mourut (20 mars 1619). Mathias avait pour héritier l’archiduc Ferdinand de Styrie, connu par son fanatisme religieux et qui posa aussitôt sa candidature à l’empire. Les protestants lui opposèrent comme compétiteur le palatin Frédéric. Ferdinand ayant été élu empereur à Francfort (août 1619), les protestants refusèrent de le reconnaître et proclamèrent empereur l’électeur palatin Frédéric V. Mais ce dernier ne reçut point les secours qu’il espérait de son beau-père, Jacques Ier, et de Bethlen Gabor, prince de Transylvanie. Pendant ce temps, à l’appel de Ferdinand, Maximilien de Bavière prenait le commandement de l’armée de la ligue catholique, faisait mettre Frédéric au ban de l’Empire et entrait dans la haute Autriche, pendant que l’électeur de Saxe et une armée espagnole s’avançaient pour appuyer ses mouvements. Les Bohémiens, après avoir assiégé un moment Vienne, durent se replier et furent vaincus, le 3 novembre 1620, à Weissenberg, près de Prague. Pendant que Frédéric V s’enfuyait en Hollande, la Bohême devenait la proie du vainqueur, qui se livrait à tous les excès. Non-seulement la liberté de conscience y était abolie, mais encore un grand nombre de protestants furent traînés au supplice ; on confisqua leurs biens et plus de 30,000 réformés durent quitter le pays. Cette sanglante persécution s’étendit à leurs coreligionnaires de l’Autriche. À la suite de la bataille de Weissenberg, l’Union s’était dissoute (1621). Mais Ernest de Mansfeld, qui était parvenu à s’échapper de la Bohème, résolut de défendre les États héréditaires de Frédéric. Grâce à l’appui du duc Christian de Brunswick et du margrave de Bade-Durlach, il continua la lutte, fut rejoint bientôt par Frédéric et battit en 1622 à Wiesloch l’armée de la ligue sous les ordres de Tilly. Mais, à la suite d’échecs éprouvés par le margrave et par le duc de Brunswick, Frédéric entra en négociation avec Ferdinand et abandonna ses États ; le Palatinat tomba au pouvoir de Tilly, et la dignité d’électeur palatin, enlevée à Frédéric par la diète de Ratisbonne (1623), fut conférée à Maximilien de Bavière.

Période danoise (1625-1629). Les persécutions de tout genre auxquelles les vaincus furent en butte de la part de Ferdinand et des catholiques et des vues d’ambition personnelle décidèrent, en 1625, le roi de Danemark, Christian IV, à recommencer la guerre et à se mettre à la tête des protestants d’Allemagne. Ayant reçu des subsides de l’Angleterre et des troupes de la Hollande, il entra en campagne. Mansfeld, qui prit le commandement d’une partie de ses forces, fut battu à Dessau (1625), par Wallenstein, commandant en chef de l’armée de l’empereur Ferdinand. Après la mort de Mansfeld et du duc Jean-Ernest de Saxe-Weimar, qui avaient fait trouée à travers la Silésie, Wallenstein alla rejoindre Tilly, qui venait de battre le roi de Danemark et le margrave de Bade. Mais presque aussitôt les deux généraux impériaux se séparèrent. Tilly marcha contre les Hollandais, pendant que Wallenstein allait s’emparer du Mecklembourg, puis assiéger Stralsund (1628). À la suite de ces revers, le roi de Danemark se vit contraint de signer la traité humiliant de Lubeck (12 mai 1629), par lequel il s’engagea à ne plus s’occuper des affaires de l’Allemagne.

Période suédoise (1630-1635). Grâce à Wallenstein, Ferdinand avait pu vaincre les protestants sans avoir recours à la ligue. Cet exécrable prince mit le comble à son système d’odieuse réaction catholique en publiant, en 1629, l’édit de restitution, en enlevant aux protestants toutes les propriétés ecclésiastiques, en les excluant de la paix de religion et en autorisant les princes de l’Empire à employer la force pour contraindre leurs sujets à être catholiques. Son pouvoir croissant, la terreur que causait l’armée créée par Wallenstein inspirèrent des craintes pour leur indépendance aux princes qui avaient adhéré à la ligue. Se sentant menacés, ils demandèrent à Ferdinand, lors de la diète de Ratisbonne (1630), de diminuer son armée et d’éloigner Wallenstein. En ce moment Richelieu tenait en France le pouvoir entre ses mains. Poursuivant son grand but de l’abaissement de la maison d’Autriche, cet habile politique pensa que l’heure était venue de donner la main aux protestants d’Allemagne et de leur susciter un défenseur dans le brave et aventureux Gustave-Adolphe. Pour donner satisfaction à la ligue, l’empereur Ferdinand venait de licencier une partie de son armée, lorsque le roi de Suède, à la tête de 15,000 hommes, pénétra en Allemagne (juin 1630) et prit Mecklembourg, qu’il rendit au duc dépossédé. Le duc de Saxe-Weimar et le langrave de Hesse-Cassel se prononcèrent alors en sa faveur ; Richelieu, par le traité de Bœrwald (janvier 1631), lui fournit des subsides ; enfin les électeurs de Saxe et de Brandebourg se décidèrent à s’allier à lui. À la tête de forces imposantes, il marcha contre l’armée impériale, commandée par Tilly, et l’écrasa presque complètement près de Leipzig (17 septembre 1631). Pendant que l’armée de l’électeur de Saxe pénétrait en Bohême, Gustave-Adolphe s’emparait successivement de Wurtzbourg, de Mayence, d’Augsbourg, de Munich (mai 1632). Cependant Wallenstein venait de succéder à Tilly, tué au passage du Lech. Après avoir réorganisé l’armée, forcé les Saxons à quitter la Bohême, il marcha contre Gustave-Adolphe et les deux armées se rencontrèrent à Lutzen (16 novembre 1632). Gustave-Adolphe trouva la mort dans cette bataille, où son armée remporta la victoire. Mais alors s’arrêtèrent les succès des Suédois. Les ducs Bernard de Saxe-Weimar et Georges de Brunswick prirent le commandement des armées protestantes. Pendant que le premier faisait la guerre dans la basse Allemagne, le second prenait la Franconie et perdait son temps en expéditions insignifiantes. En 1631, l’armée impériale reprit Ratisbonne, puis battit complètement à Nordlingen (6 septembre) Bernard de Saxe-Weimar et le général suédois Horn. Cette défaite eut pour résultat de détacher de la cause des protestants l’électeur de Saxe et l’électeur de Brandebourg, qui signèrent la paix de Prague avec l’empereur (1635).

Période française (1635-1648). Les Suédois, sous les ordres de Baner, battirent d’abord en retraite ; mais ayant reçu du renfort, ils marchèrent contre les électeurs qui venaient de faire défection. Après avoir pénétré dans le Brandebourg, Baner dévasta la Saxe, vainquit, à Wittstock, Hatzfeld, qui commandait les impériaux et les Saxons (1636), chassa les Autrichiens de la Hesse, ravagea de nouveau la Saxe, puis se replia devant les forces supérieures de Gallas. Ce fut alors que la France, conduite par le génie de Richelieu, intervint directement en faveur des protestants contre l’Autriche. Par le traité de Saint-Germain-en-Laye, une armée française fut placée (en 1636) sous les ordres de Bernard de Saxe-Weimar, qui chassa Gallas de l’Alsace et mourut au cours de ses succès en 1637. Cette même année, Ferdinand II mourait et était remplacé sur le trône impérial par l’empereur Ferdinand III. Baner, forcé par l’armée de l’archiduc Léopold-Guillaume d’évacuer la Bohême, put bientôt reprendre l’offensive, grâce aux renforts qu’il reçut de la France, de Brunswick et de la Hesse. En janvier 1641, il marcha, avec les Français, sous les ordres de Guébriant, sur Ratisbonne, où était réunie la diète de l’empire, et il s’en fallut de peu qu’il ne s’en emparât. Peu après il mourut. Le général suédois Torstenson, qui lui succéda dans le commandement en chef de l’armée, poursuivit les opérations avec une grande vigueur. Après avoir battu les impériaux à Breitenfeld (1642), il prit Leipzig, puis marcha contre le roi de Danemark, qui s’était rangé du côté de l’empire, et le contraignit à signer la paix (1646). À la suite de nouveaux succès sur Gallas, Torstenson battit Hatzfeld à Jankoff, marcha sur Vienne, entreprit le siège de Brunn, dont il ne put s’emparer, et laissa le commandement à Wrangel. Pendant que le général suédois faisait ces campagnes, les Français, sous les ordres de Guébriant d’abord, poursuivaient contre les impériaux une lutte qui fut longtemps sans résultat décisif. Guébriant fut tué à la prise de Rottwell. En 1644, le duc d’Enghien et Turenne trouvèrent dans Mercy un rude adversaire. Mais après la mort de ce dernier, tué près de Nordlingen (3 août 1645), les Français et les Suédois envahirent la Bavière, qu’ils ravagèrent (1646), et forcèrent l’électeur à abandonner la cause de l’empire. En 1647, Wrangel pénétra en Bohême, puis réunit son armée à celle de Turenne, et ils remportèrent ensemble de nouvelles victoires sur les impériaux. L’électeur de Bavière s’étant joint de nouveau à ces derniers, vit de nouveau ses États dévastés. Enfin, Prague était sur le point de tomber au pouvoir du général suédois Kœnigsmark, lorsque le traité de Westphalie vint mettre enfin un terme à une guerre qui avait dépeuplé et ruiné la plus grande partie de l’Allemagne. Ce glorieux traité donna le premier rang à la France et assura la liberté de conscience pour les protestants, l’indépendance des Provinces-Unies et de la Suisse, etc. Schiller a donné une Histoire de la guerre de Trente ans, qui est un chef d’œuvre.

Trente ans (HISTOIRE DE LA GUERRE DE), par Schiller (Leipzig, 1793). La guerre de Trente ans est sans contredit une des époques les plus curieuses de l’histoire moderne. Elle fut peut-être, plus que toute autre, féconde en événements mémorables, en grands exploits militaires, en vicissitudes singulières et imprévues, en résultats définitifs et importants.Toutes les grandes nations de l’Europe parurent et brillèrent sur la scène, et une petite nation du Nord, conduite par un héros, y jeta plus d’éclat qu’aucune d’elles. Depuis les Romains, la tactique militaire n’avait pas été portée si loin ; jamais avec de petits moyens on n’exécuta de plus grandes choses ; jamais on ne vit une plus brillante rivalité d’illustres capitaines. Dans les armées de l’Autriche, Wallenstein, Buquoy, Mansfeld, Tilly, Gallas, Piccolomini, Papenheim, Jean de Werth ; chez les Suédois, Gustave-Adolphe, le plus grand de tous ; Bernard de Weymar, Baner, Torstenson, Wrangel et bien d’autres, injustement oubliés ; chez les Français, auxiliaires des Suédois et de la ligue protestante d’Allemagne, une brillante succession de grands capitaines, le maréchal Guébriant, Gassion, Turenne. Les petites armées que commandèrent ces illustres généraux présentèrent alors un spectacle singulier. Les soldats ne connaissaient d’autre habitation que les tentes, d’autre patrie que les camps, entraînaient leurs ménages avec eux. On vit souvent jusqu’à quinze mille femmes dans une armée, et pendant ces trente années de guerre naquirent deux ou trois générations de petits soldats qui, soumis à l’éducation la plus guerrière, devinrent bientôt aussi braves que leurs pères. Cette grande époque a trouvé dans Schiller un grand historien. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à trouver dans son livre un tableau fidèle de tous les événements remarquables de cette guerre ; il est bien des côtés que l’auteur a laissés dans l’ombre, d’autres au contraire qu’il traite avec une grande supériorité. Wieland place Schiller à côté de Robertson, et ses contemporains ne se sont point élevés contre cet éloge, mais ils se sont réservé le droit de demander à Schiller pourquoi il avait dédaigné les traditions si remarquables de l’école historique allemande. Dans la patrie de Niebuhr et de Haller, on considère avec raison l’histoire comme une science d’érudition ; on aime à voir discuter les faits, à suivre un auteur dans la recherche du secret d’une négociation politique, et ce sont précisément ces éléments importants que Schiller a négligés. Il a oublié que le but de l’histoire est surtout de rétablir la vérité des faits, de raconter, d’instruire plutôt que de plaire. Le dédain qu’il professe pour l’érudition est frappant ; c’est ainsi que dans son livre la mort même de Gustave-Adolphe ne donne lieu à aucune controverse ; il se contente de parler des soupçons conçus contre le duc de Saxe-Lauenbourg, et il ajoute « qu’un roi qui s’exposait comme un simple mortel a pu trouver la mort comme lui. » Mme de Staël a donc été en droit de reprocher à l’auteur de la Guerre de Trente ans son insouciance au point de vue des faits historiques ; non que l’on puisse relever dans son livre beaucoup d’erreurs ; au contraire, ce qu’on lui reprocherait avec le plus de justice, c’est de s’en tenir à la vérité banale, aux choses connues de tous et, quand parfois il s’en écarte, de ne jamais citer ses sources, donner ses pièces justificatives. La plupart du temps, au lieu de creuser son sujet, il s’abandonne au plaisir de décrire, bien différent en cela de Voltaire, qui joint de grandes qualités de narration à une science profonde, science dont on ne s’est bien rendu compte qu’à notre époque, parce que lui aussi avait négligé d’annoter son livre.

C’est dans les portraits surtout que se révèle le talent de Schiller ; il a peint de main de maître tous les nombreux personnages de ce long et terrible drame : le caractère inflexible et sombre du barbare destructeur de Magdebourg, Tilly ; l’âme ardente et le bouillant courage de Papenheim ; le génie, l’orgueil et l’ambition de Wallenstein ; la mollesse du sybarite unie à la bravoure du soldat, dans Baner ; tous les talents militaires s’alliant avec toutes les qualités du prince, avec toutes les vertus du simple particulier, dans Bernard de Weimar, le plus grand général des alliés après Gustave-Adolphe, et mourant à l’âge de trente-six ans ; enfin Gustave-Adolphe lui-même, éclipsant tant de grands hommes par la supériorité de son génie militaire, par l’ascendant de ses vertus, par la grâce de sa modestie. Schiller peint surtout le héros suédois par ses discours et ses actions ; il le peint aussi par l’enthousiasme dont les peuples sont saisis à son approche et qu’ils font éclater à son passage. Même après sa mort, à la bataille de Lutzen, ses soldats ne purent être vaincus. Le tableau de cette bataille de Lutzen, celui de la bataille de Leipzig, de l’attaque terrible du camp retranché de Wallenstein par les intrépides Suédois, qui y furent écrasés ; celui du pillage et de l’incendie de Magdebourg, sont pleins de verve, de vigueur et d’intérêt.

Schiller composa son Histoire de la guerre de Trente ans pour le Calendrier historique des dames, que publiait le libraire Goeschen. La première partie, qui s’étend jusqu’à la bataille de Breitenfeld, parut en 1791 ; retardé par une maladie, il ne put mettre dans le Calendrier de 1792 qu’un très-court fragment auquel il ajouta, sous le nom de Portraits, les biographies peu étendues de trois personnages qui figurent dans son histoire, la landgrave de Hesse-Cassel, Amélie-Elisabeth ; l’électeur Maximilien de Bavière et le cardinal de Richelieu. Le reste de l’ouvrage fut publié en 1793.

Les meilleures traductions françaises de la Guerre de Trente ans sont celles de Mahier de Chassat (1820, 2 vol.), de Mlle  de Carlowitz (1846), ouvrage couronné par l’Académie, et surtout celle de M. Régnier (1860), dans la collection complète des œuvres du poëte.


TRENTE, anciennement Tridentum ou Tridentinum, en allemand Trient, en italien Trento, ville des États autrichiens (Tyrol), ch.-l. de cercle, sur l’Adige, à 186 kilom. S. d’Insprück ; 16,000 hab. Évêché, séminaire, gymnase ; tribunaux de Ire instance et de commerce ; filatures, fabriques de tabac, commerce de soie et de vin. Trente est une ville tout italienne, bien que ta population y parle une sorte d’allemand. Elle est vaste, peu peuplée, et dans beaucoup de ses rues l’herbe croît comme dans un champ. On rencontre de tous côtés de grandes habitations, véritables palais dont la façade, d’architecture riche et ornée, est le plus souvent décorée de peintures ; mais leurs possesseurs se sont appauvris ; ces nobles demeures paraissent négligées, et plusieurs sont en ruine. Le vieux château où siège l’administration locale n’est guère mieux conservé, mais il a un grand caractère. On y remarque, entre autres beaux édifices, la cathédrale, l’église de Saint-Pierre, l’église Sainte-Marie-Majeure, dans laquelle fut tenu le célèbre concile œcuménique dont nous parlons plus bas ; le collège, l’hôtel de ville, son vieux et énorme château, ses murailles flanquées de vastes tours rondes. Cette ville, qui passe pour avoir été fondée par les Étrusques, fut successivement au pouvoir des Gaulois, des Goths, des Lombards, des empereurs, des ducs de Bavière. Au XIIIe siècle, l’évêché de Trente fut érigé en évêché-principauté de l’empire. Il embrassait tout le territoire dont Trente est le chef-lieu. L’évêque-prince de Trente siégeait à la diète de Ratisbonne ; il avait une juridiction séculière sur tout son diocèse, où la justice se rendait en son nom. Après la paix de Lunéville, l’évêché fut sécularisé (1802). Les Français s’emparèrent de Trente en 1796 et 1797. Plus tard, Napoléon en fit le chef-lieu du département du Haut-Adige, et, à la suite des événements de 1814, cette ville entra dans les possessions de l’Autriche.


Trente (le concile de). À ses débuts, la société chrétienne se présente au sein du monde païen sous la forme d’une démocratie religieuse, dans laquelle la papauté se montrait à peine. Les premiers conciles, appelés conciles apostoliques parce qu’ils se tinrent sous la direction des apôtres, conciles qui auraient dû, ce semble, servir toujours de type aux conciles subséquents, se composèrent des apôtres eux-mêmes, qui étaient les évêques, des anciens, qui étaient les prêtres, et des simples fidèles, dont les femmes elles-mêmes n’étaient point exclues. Placuit apostolis et senioribus cum omni Ecclesia, est-il dit, par exemple, dans les Actes (XV) à l’occasion du troisième concile apostolique tenu à Jérusalem.

Trois siècles se passèrent ainsi, pendant lesquels la démocratie chrétienne vainquit et absorba le monde antique par sa doctrine, par sa morale et par ses martyrs. Mais voici le concile de Nicée, et déjà les choses changent de face. Le monde romain, au temps du concile de Nicée, se divise, évêques et fidèles, en deux parties à peu près égales : les uns veulent que le Christ soit une créature d’ordre supérieur, antérieure à notre univers, mais ne soit qu’une créature, doctrine à laquelle saint Paul paraissait, dans ses épîtres, assez favorable ; les autres veulent qu’il soit Dieu lui-même, étant le Verbe divin, consubstantiel au Père. Le César, devenu chrétien, qui règne à Constantinople a grande hâte de voir se calmer, pour dominer plus librement les masses, les passions religieuses qui agitent son empire. Il convoque le concile de Nicée et même y assiste en personne ; peu lui importe le parti qui sera vainqueur, pourvu qu’une réponse soit donnée. Pourtant il paraît incliner vers la consubstantialité du Verbe incarné, à la suite de l’évêque de Rome, astre étrange, présageant les tempêtes dans le firmament de l’aristocratie épiscopale, parce qu’il est le successeur du plus vieux des apôtres, auquel Jésus fit un jour l’honneur du grand jeu de mots : « Tu es Pierre ; sur cette pierre, » et le reste. On fait un symbole dont la parfaite orthodoxie chrétienne pourrait être critiquée puisque, renversant l’ordre logique du premier chapitre de l’Évangile selon saint Jean, ce symbole qualifie Jésus lui-même, et non le Verbe seulement, de « Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, consubstantiel au Père, » ce qui ne peut convenir, d’après la dogmatique rigoureuse du christianisme, à l’homme dans le Christ. Mais n’est-ce pas le concile aristocratique lui-même qui fait l’orthodoxie ? L’empereur a