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la couleur noire, c’est-à-dire pour la première rangée, est trente-quatre, et celui qui a. été amené pour la couleur rouge, ou iti seconde rangée, est trente-sept, les pontes qui ont parié sur la noire gagnent, tandis que ceux qui ont joué sur la rouge perdent.- Le banquier annonce ce résulfaten disant : « La rouge perd, à En même temps, il ramasse toutes les mises déposées sur la couleur rouge, et il paye double celles qui ont été faites sur la couleur noire. L’inverse a lieu quand c’est la couleur rouge qui gugne. Quand les points des deux rangées sont égaux, il y a ce qu’on appelle un refait, et le coup est nul, il moins toutefois que ces points ne soient trente ei un : dans ce cas, le banquier, prend la moitié des mises placées sur les deux couleurs. Le premier coup terminé, on procède à un second, et le jeu se continua ainsi tant qu’il y a des cartes. Quand le banquier n’en a plus assez pour compléter un coup commencé, il cède la place àunautrejoueuv. Tout coup commencé et qui ne peut être terminé faute de cartes est nul de plein droit.

Trente et un. Le trente et un se joue entre un banquier et un nombre illimité de pontes, mais, a moins de conventions contraires, chaque ponte devient banquier à son tour. On se sert d’un ou de plusieurs jeux complets, suivantla quantité des joueurs. Les figures comptent pour dix points et les autres cartes pour les points qu elles marquent ; mais, par un privilège particulier, les as valent nu ou onze, à la volonté de ceux qui les possèdent, Les pontes ayant placé devant eux, en argent ou en jetons, la somme qu’ils veulent risquer, celui que le sort a désigné pour tenir la banque le premier mêle tous les jeux ensemble, fait couper par son voisin de gauche, puis distribue à chacun et à lui-même, en commençant par son voisin de droite, trois cartes, en trois reprises, une par une. La distribution terminée, chacun regarde son jeu. La parole appartient au joueur qui est placé immédiatement à la droite du banquier. S’il est content de son jeu, parce que les trois cartes qu’il a reçues forment un point assez rapproché de trente et un, il l’annonce en disant : «Je m’y tiens.» et le droit de parler passe aussitôt au joueur suivant. Si, au contraire, ce premier joueur ne trouve pas son jeu assez bon, il peut l’améliorer en demandant une nouvelle carte, et le banquier lui en, donne une à découvert, qu’il prend sur le talon. Si cette carte ne suffit pas, le joueur est libre d’en demander une ou plusieurs autres, coup sur coup, jusqu’à ce qu’il déclare s’y tenir ; mais si, par suite de ces donnes partielles, son jeu se trouve présenter un nombre do points supérieur à trente et un, il’crève immédiatement et il remet son enjeu au banquier. Alors te Second joueur prend-la parole, puis le troisième, le quatrième, etc., et les choses se passent de la même manière pour chacun d’eux. Le banquier parle le dernier. Comme les pontes, il est libre de s’y tenir ou de se donner une ou plusieurs cartes successives. S’il s’y tient, il abat son jeu, et tous les joueurs en font autant. Il paye à tous ceux qui ont un point supérieur au sien une somme égale à leurs mises, et prend la mise de tous ceux qui ont un point inférieur. A égalité de points entre le banquier et un ou plusieurs ■ joueurs, le coup est nul entre eux et ils se payent en cartes, c’est-à-dire que personne ne paye ni ne reçoit rien. Si, au lieu de s’y tenir, le banquier préfère se donner des cartes, et s’il vient à crever, il paye tout le monde, à l’exception de ceux qui ont déjà crevé. Il arrive assez souvent que, lors de la distribution générale, un pome reçoit trois cartes telles que deux figures et un as, ou deux dix et un as, ou encore une figure, un dix et un as, dont ta réunion forme le point de trente et un ; c’est ce qu’on appelle un trente et un d’emblée. Celui qui a cette chance l’annonce aussitôt, sans attendre son tour de parole, et le banquier lui paye le double de ta mise qu’il a fuite, à moins qu’il n’ait également lui-même trente et un d’emblée, auquel cas, le coup émut nul entre eux, le payement a lieu en cartes. Si le banquier a un point inférieur, après qu’il a régie son compte avec ce joueur, il fait parler les autres comme ci-dessus. Enfin, quand le banquier a trente et un d’emblée, il abat son jeu immédiatement, et tous ceux qui n’ont pas ce point lui payent le double de leurs mises. La banque est terminée lorsque le banquier a fait usage de tout le paquet de cartes. Quand il n’en reste plus assez pour faire le tour, le banquier donne d’abord celles qu’il a dans la main, puis il prend une poignée de celles qui ont servi, mêle, fait couper et achève le coup.

Outre le jeu qui précède, il en existe encore un autre que l’on appelle aussi trente et un, et qui en diffère complètement. Il est question de ce dernier au mot coktunt, nom sous lequel on le désigne le plus ordinairement.

Trente et quarante, roman de M. Edmond About (1859, in-12). Le héros, le capitaine Biuerliti, est le type achevé de l’homme désagréable, grâce à son humeur impérieuse

et à son caractère dominateur. C’est un vrai tyran domestique. Il lient sous clef sa fille Emma, comme un avare cache son trésor, pour s en réserver la jouissance, mais il ne se doute pas des stratagèmes dont les amou TreN

reux sont capables. Le comte de Miranda, un noble italien, s’est épris d’Emma ; la jeune fille n’a’pas été insensible k sa passion. Bitterlin, qui soupçonne quelque chose, cadenasse de plus en plus sa tille ; elle fait semblant de tomber malade et le médecin ordonne de la faire voyager. En route, Miranda essaye d’apprivoiser Bitterlin ; mais plus il témoigne de déférence, plus il est pris en grippe. L’amoureux perd finalement la tète en se voyant surpris à une table de trente et quarante par le capitaine, qui a exposé publiquement ses principes sur le jeu, il prend la fuite. Le capitaine, persuadé que le comte a fui par, peur de lui, ne veut cependant pas lui faire perdre son argent. Il tient d’abord machinalement son jeu, puis, en dépit de ses principes, s’y intéresse, se passionne et fait si bien que tout en maugréant il fait sauter la banque. Tandis que le capitaine court à l’hôtel pour lui remettre les 121,2-JO francs qu’il vient de lui gagner, Miranda, qui a son plan, court kla gare et part pour Paris. Alors commence une singulière chasse : le débiteur court uprès son créancier pour le forcer à rentrer dans son argent. Bitterliu cherche partout le comte ; celui-ci prend plaisir à l’égarer. Enfin il se laisse rejoindre, mais i.l refuse l’argent ; Bitterlin s’obstine, le comte s’entête et lui répond qu’il ne veut pas plus de son argent que de sa fille, s’il la lui offrait. « Vous insultez Mlle Bitterlin, rugit le capitaine, nous nous battrons. » « Nous nous battrons, » riposte le comte. Sur le terrain il se laisse contraindre à épouser Emma et voilà les deux amoureux réunis. Mais un jour le capitaine apprend par hasard que toute cette aventure est une comédie habilement machinée où il a joué le rôle de dupe. Sacr, va-l-il s’écrier, étouffé par la colère ; il n’a pas le temps d’achever son exclamation et tombe frappé d’une attaque

•d’apoplexie foudroyante.

Cette histoire amusante est racontée avec beaucoup do verve et d’entrain. M. E. About a depuis tiré de cette historiette une vaudeville, le Capitaine Bitterlin, inférieur au roman.


Trente ans ou la Vie d’un joueur, mélodrame en trois actes et en prose, de V. Ducange et Dinaux (théâtre de la Porte-Saint-Martin, 19 juin 1827). Ce vieux mélodrame est un des plus célèbres et des mieux réussis du genre. Au moment où la scène s’ouvre, le héros, Georges de Germany, n’est âgé que de vingt-cinq ans ;’mais il a déjà la brusquerie, l’irritabilité et le mauvais ton. d’un habitué de la roulette. La première scène nous conduit in médias res ; nous sommes dans une maison de jeu. L’or roule sur une table entourée de joueurs avides. Leurs joies, leurs inquiétudes, leurs disputes, leur désespoir, contrastent avec l’impassibilité des banquiers. Un malheureux est ruiné : il sort un pistolet à la main. Arrive Georges : il jette sur le fatal tapis le prix d’un écrin destiné à sa future. Tout est englouti en un instant. Cependant, il doit se marier, des que le jour reparaîtra, et il faut des diamants à sa femme. Warner, son ami et son corrupteur, se charge de lui en faire trouver. On le voit ensuite conduisant Amélie à l’autel. À peine est-il marié qu’on vient l’arrêter comme soupçonné d’avoir volé un écrin en sortant de la maison de jeu. Coiîvaincu d’avoir joué et accusé de vol devant son père, il est frappé de la malédiction du vieillard, qui meurt de douleur en prédisant au fils parricide qu’il sera mauvais mari et mauvais père. Quinze ans s’écoulent et nous retrouvons le joueur plus passionné et plus démoralisé. Sa figure, ses manières, ses costumes se sont dégradés comme son intelligence. "Sa position est désespérée : ses meubles viennent d’être saisis ; sa femme passe ses jours et ses nuits dans les larmes ; sa vie est un supplice ; pas un instant de bonheur ou seulement de répit. Cependant, épouse tendre, dévouée et courageuse, elle ne veut point se séparer du père de son fils. Elle a su mettre à l’abri la moitié de sa dot pour assurer l’existence d’une tête si chère. Mais Georges a fait des faux : l’éeh ; it’aud l’attend s’il ne retire au plus tôt ses billets, et il exige que sa femme lui abandonne le reste de sa dot. La malheureuse mère est encore obligée d’obéir, et elle a en outre la douleur d’avoir fourni de nouveaux aliments à la funeste passion de son mari. Cette fois, la fortune le.favorise et il donne une brillante fête. Quelle scène horrible doit la terminer 1 Georges est allé jouer chez un ambassadeur à l’instigation de Warner. Celui-ci, qui aime Amené, s’introduit dans sa chambre à coucher et veut lui faire violence. Un bruit soudain le force à se cacher : c’est le mari qui revient. Il met par hasard le pied sur une épée que Warner a laissée tomber. Aussitôt, la jalousie s’empare de lui, et il est prêta percer le cœur de sa femme. Tout à coup, un paient accourt pour faire évader Georges, qu’on va arrêter pour ses faux. Warner, sortant à propos de sa cachette, accuse le parent d’être le séducteur d’Amélie, et l’innocent est assassiné. Poursuivi comme faussaire et comme meurtrier, Georges est sorti dé" France avec sa femme. Albert, leur fils, a été adopté par un oncle d’Amélie. Après avoir traîna une vie errante et misérable pendant dix ans, les deux époux se sont établis eu Bavière dans une pauvre cabane isolée. Là, depuis deux années, Geor ÎREN

ges se fait craindre et détester de tout le monde. Enfin, réduit à la dernière misère, il vient mendier à la porte d’une auberge. Un voyageur lui donne à déjeuner et le prend pour guide moyennant deux florins. La vue de l’or inspire au joueur une horrible pensée, qu’il repousse d’abord ; mais il y revient, résiste pendant quelque temps, et enfin la Cupidité l’emporte et il assassiné le voyageur. Le crime accompli, il revient auprès de sa femme, à laquelle il annonce qu’il leur faut quitter le pays. On le chasse ; mais il a de 1 or, qu’il a trouvé, dit-il. La moitié les conduira jusqu’à Munich, quant à l’autre moitié..., le sort n’est pas toujours contraire. A ce moment, un homme paraît à la porte : c’est Warner en haillons. La même fatalité l’a frappé ; il mendie aussi, et ses" crimes l’ont forcé à s’expatrier. Les deux scélérats se reconnaissent. Georges est prêt à punir Warner de toutes ses perfidies ; mais celui-ci le calme en lui apprenant qu’il a trouvé un moyen de faire sauter toutes les banques d’Italie. À ce mot, Georges sourit et se rapproche... Mais il faut beaucoup d’orl que faire ? Ils vont attendre les voyageurs au passage. Arrive un jeune militaire qui cherche ses parents, pour leur apporter un million. Un million ! dit Warner 1 Et aussitôt, nouveaux projets de meurtres, d’abord combattus par Georges, qui finit bientôt par se laisser convaincre. Ils assassinent le jeune homme, mettent le feu à la cabane et s’enfuient. On les arrête, on les confronte avec le cadavre, et Georges reconnaît qu’il a tué son fils Albert.

C’est là, sauf un grand nombre de détails que nous avons omis forcément, un des drames les plus complets et. les plus vigoureux qui aient jamais été mis à la scène. On se rappelle 1 immense succès qu’il a obtenu. Une foule de scènes pathétiques, de situations déchirantes et d’elfayantes catastrophes portent la pitié et la terreur au plus haut degré. La vérité est partout nue, odieuse, épouvantable ; mais on ne saurait en blâmer 1 auteur. Le vice dépeint est horrible, les résultats sont horribles ; le tableau ne pouvait pas être couleur de rose. Ce ne sont pas les leçons agréables qui corrigent. Le style de ce drame est généralement pur, ferme et rapide, bien que parfois inégal ; mais on y voit bon nombre de ces expressions trouvées, qui résument admirablement toute une situation. Le rôle du joueur fut un des plus grands succès de Frédérick Lemaître.


Trente tyrans (LES). Après la victoire navale d’^Egos-Potainos, qui terminait la guerre du Félopouèse en faveur de Sparte, Lysandre vint assiéger Athènes, en fit raser les murailles et brûler fous les vaisseaux, au son des flûtes et en présence de ses alliés couronnes de fleurs (404). Puis, pour que rien ne manquât à l’humiliation dp l’illustre cité vaincue, il abolit la démocratie, suivant la politique invariable de Sparte, et établit à la tète du gouvernement trente archontes, pour la plupart Lacédémbniens, que l’histoire a flétris du nom des Trente tyrans. Elus sous la pression du vainqueur et du parti triomphant de l’oligarchie, appuyés sur un harmoste délégué par Lysandre, sur une garnison lacédémonienne et sur une troupe de sioaires,

ils signalèrent leur gouvernement par la plus monstrueux despotisme, par le meurtre d’un grand nombre de citoyens, par les confiscations, etc. Les principaux de cette faction étaient Critias et Thrasimènc. Ils furent chassés huit mois après par Thrasybule.

— On a donné aussi le nom de Trente tyrans aux généraux romains qui prirent la pourpre en diverses provinces de l’empire sous Valérien et Gallien (253-268), bien qu’en réalité on n’en ait pu compter que 17. Nous citerons, entre autres, Aureolus, Quieurs, Macrin, Baliste, deux Posthumius, Tetricus, Odenath, etc.


Trente (combat des), livré près de Taupont (Morbihan) le 27 mars 1351. Nous empruntons à M. Pol de Courcy le récit de ce célèbre fait d’armes, digne des héros de l’Iliade. « La guerre civile qui s’était élevée en Bretagne en 1341, à la mort du duc Jean III, entre les deux compétiteurs au duché, Charles de Blois, appuyé par les Français, et Jean de Montfort, soutenu par les Anglais, n’avait rien perdu de sa force dix ans après, c’est-à-dire en 1351. Cependant, les rois de France et d’Angleterre étant convenus d’une trêve en 1348, il ne se livrait pas depuis lors de batailles rangées, mais chaque jour était témoin de quelque engagement particulier. Seulement, il avait été stipulé entre les deux partis que les gens qui ne portaient point les armes, c’est-à-dire les marchands et les cultivateurs inoffensifs, seraient respectés de tous. Au mépris de cette convention, Richard Bembro, capitaine anglais, qui tenait la place de Ploërmel pour la veuve et le fils de Jean de Montfort, se mit à ravager le pays, qu’il remplit de deuil et de misère. Non content de piller les métairies, il en enlevait les habitants, que ses soudards chassaient enchaînés devant eux dans les prisons de Ploërmel, d’où ils ne sortaient qu’après avoir été rançonnés sans pitié. Indigné, Jean de Beaumauoir, capitaine du château de Josselin pour la comtesse de Penthièvre, se rendit à Ploërmel et, reprochant ces excès à Bembro, lui proposa un défi. « Mais, lui dit-il, pour épargner le sang de nos guerriers, vidons notre querelle dans un combat de trente contre trente : c’est assez pour couvrir d’une gloire impérissable la bannière qui triomphera. »

« En apprenant l’emprise projetée, tous les chevaliers ou écuyers de Josselin briguèrent l’honneur de faire partie des trente champions de Beaumanoir, qui n’eut ainsi que l’embarras du choix. Bembro éprouva, pour former son contingent, un embarras tout différent. Il ne put rencontrer dans la garnison de Ploërmel assez d’Anglais pour compléter le chiffre trente, et il fut obligé, pour y atteindre, de prendre des rouliers flamands ou brabançons, et même des Bretons du parti de Jeanne de Flandre, comtesse de Montfort.

« Au jour fixé pour la rencontre (27 mars 1351), les soixante-deux champions se rencontrèrent autour du chêne de mi-voie. Bembro proposa de rompre la partie sous prétexte qu’ils s’y étaient engagés sans le consentement de leurs souverains, et qu’ils feraient périr beaucoup de braves sans utilité. Beaumanoir répondit que « c’estoit trop tard pensé, et que, puisqu’il avoit pris la peine de venir, il ne s’en retourneroit sans mener les mains et sçavoir qui avoit plus belle amie. »

« Aussitôt les juges du camp firent sortir de la lice tous les gentilshommes des environs venus, sous sauf-conduit, pour être témoins du combat ; les adversaires se rangèrent à chaque bout, sur une seule ligne de front, et au signal des hérauts, « tantôt se coururent sus et se combattirent fortement tout en un tas. » Le premier choc fut funeste aux Bretons, dont plusieurs furent tués ou gravement blessés ; néanmoins, le combat continua avec un acharnement sans exemple jusqu’à ce qu’enfin, épuisés de fatigue, les combattants conviennent d’une suspension d’armes pour se désaltérer et reprendre haleine.

« Pendant cette trêve, Beaumanoir arme chevalier, sur le théâtre même du combat, Geoffroi de La Roche, l’un de ses écuyers, qui, se relevant aussitôt, appelle ses compagnons et provoque les Anglais. Le combat recommence immédiatement, plus terrible que jamais. Bembro cherche Beaumanoir pour se mesurer corps à corps avec lui, mais en ce moment-là même deux Bretons, Alain de Keranrais et Geoffroi du Bois, atteignent le chef anglais et le blessent à mort. L’aventurier allemand Croquart prend sur-le-champ le commandement des Anglais. La mêlée devient plus épaisse et Beaumanoir est blessé à son tour. La perte de son sang, le jeûne, car le baron breton a jeûné, rendent sa soif ardente. Geoffroi du Bois lui crie ces mots sublimes : « Bois ton sang, Beaumanoir, la soif le passera. •

« Beaumanoir oublie sa soif et se jette de nouveau dans la lutte. Du côté des Anglais, tous se tiennent serrés et résistent comme un faisceau au choc des Bretons. Alors, l’un de ces derniers, Guillaume de Montauban, s’avise d’un stratagème qui doit avoir un plein succès. Se tirant à l’écart, il chausse vite ses éperons, monte à cheval et feint de fuir. Beaumanoir l’invective sur sa lâcheté qu’on reprochera à lui et à sa race ; mais Montauban reprend : « Besoignez, Beaumanoir, car bien besoigneray. »

« Il prend en même temps du champ, fait volte-face et se précipite sur les Anglais avec une telle force, qu’il rompt leurs lignes et renverse sept ennemis par terre. Une fois entamés, leur défaite est bientôt achevée, et chaque chevalier ou écuyer breton fait son prisonnier. Robert Knolles et Hue de Caverley, qui firent depuis de belles armes ailleurs, Thomelin Henefort, Croquart, Jean Plaisanton, Raoul et Helcoq, son frère, Repefort et Richard de La Lande sont les uns conduits au château de Josselin, les autres relâchés sur parole. »


Trente ans (guerre de), guerre religieuse, où la politique eut cependant une grande part, qui commença en Allemagne et dura trente années (de 1618 à 1648). On lui assigne pour causes principales l’antagonisme des luthériens et des catholiques et les inquiétudes causées par les envahissements de la maison d’Autriche. Malgré la paix de religion signée en 1555, une implacable hostilité avait continué à se manifester incessamment entre les protestants et les catholiques. L’expulsion des protestants d’Aix-la-Chapelle (1598) et de Donauwerth (1607), les conversions forcées faites par les catholiques, etc., déterminèrent plusieurs princes protestants, ayant à leur tête l’électeur palatin Frédéric IV, à former à Œhringen (4 mai 1608) l’Union évangélique, destinée à défendre leurs coreligionnaires. Le 18 juillet de l’année suivante, des princes catholiques, sous la direction de Maximilien de Bavière, se réunirent, de leur côté, à Munich pour former une ligue catholique, opposée à l’Union. Cette même année, les deux partis furent sur le point d’en venir aux mains au sujet de la succession de Clèves et de Juliers, que se disputèrent la maison protestante de Brandebourg et la maison catholique de Neubourg. La paix fut maintenue ; mais il était évident que la guerre était proche. Un incident qui se produisit en Bohème vint mettre le feu aux poudres, en 1618.

On divise ordinairement la guerre de Trente ans en quatre périodes.

Période palatine (1618-1625). Cette période est ainsi nommée parce qu’elle comprend la