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tri, et du gr. sperma, semence). Bot. Qui renferme trois graines.

— s. m. Pharm. Ancien cataplasme.

TRISPLANCHNIQUE adj. (tri-splan-kni-ke — du préf. tri, et de splanchnique). Anat. Syn. de grand sympathique.


TRISSE s. f. (tri-se). Mar. Corde ou palan qui sert à approcher ou à éloigner un canon du sabord.


TRISSEMENT s. m. (tri-se-man — rad. trisser). Cri de l’hirondelle. || Peu usité.


TRISSER v. a. ou intr. (tri-sé). Crier, en parlant de l’hirondelle. || Peu usité.


TRISSER v. a. ou tr. (tri-sé — du lat. tres, trois). Faire répéter jusqu’à trois fois de suite : On a bissé, - même trissé la sérénade. (Chadeuil.)


TRISSINO (Giovan-Giorgio), en français le Trissin, poète italien, né à Vicence en 1478, mort à Rome en 1560. Ayant perdu son père de bonne heure, il ne reçut qu’une éducation tardive et négligée ; mais il répara rapidement le temps perdu et s’attacha particulièrement à l’étude de la littérature ancienne. Dans deux voyages qu’il fit à Rome, il sut se concilier l’estime du monde lettré par ses connaissances étendues dans les lettres et dans les sciences. Toutefois, il n’était encore connu que par quelques essais poétiques, lorsqu’il fit paraître, en 1515, sa célèbre Sophronisbe, la première tragédie raisonnable et purement écrite que l’Europe eût encore vue, et aussitôt sa réputation s’étendit dans toute l’Italie. Cette œuvre conquit à Trissino la faveur de Léon X. Vivant dans une époque où la culture des lettres ne paraissait pas incompatible avec le maniement et l’esprit des affaires, le poète de Vicence fut chargé de missions diplomatiques à Venise (1516), en Danemark et auprès de l’empereur Maximilien, qui lui donna des marques toutes particulières de son estime et l’autorisa à prendre le surnom de Dal velle d’Oro. Après la mort de Léon X (1521), Trissino retourna dans sa ville natale, où il se maria en secondes noces et employa ses loisirs à composer plusieurs écrits relatifs à la poétique, à la grammaire et à l’orthographe. Entre autres réformes grammaticales, il proposa de ne plus confondre les voyelles i et u avec les consonnes j et v. Cette idée fut adoptée ; mais il n’en fut pas de même des autres, qui eurent de nombreux adversaires. Rappelé à Rome par Clément VII en 1523, il dut retourner en mission à Venise, puis reçut l’ordre de se rendre auprès de Charles-Quint, au couronnement duquel il assista à Bologne en 1530. Les dernières années de sa vie furent profondément attristées par des chagrins domestiques. Un fils qu’il avait eu de son premier mariage, jaloux de l’affection dont un fils du second lit recevait des preuves, revendiqua les biens de sa mère et intenta à Trissino un long procès. Condamné et dépouillé de la plus grande partie de ses biens, le vieux poète, accablé d’affliction, se retira à Rome (1549), où il mourut l’année suivante. Trissino était aimé et estimé de la plupart des hommes célèbres de son temps. Il n’entra jamais dans les ordres, comme quelques-uns l’ont prétendu. Aussi ne comprend-on pas par suite de quelle méprise Voltaire, et après lui J.-M. Chénier l’ont fait prélat, nonce et archevêque de Bénévent.

Les Œuvres complètes de Trissino ont été réunies et publiées par Maffei (Vérone, 1729, 2 vol. in-fol.). Les plus remarquables sont les suivantes : Sophronisbe, tragédie, à laquelle il doit surtout sa célébrité, qui a été imitée par les plus grands poëtes modernes. Cette pièce, malgré des imperfections de style et une action languissante, est regardée comme un monument des progrès de l’art ; car l’action en est bien conduite, les caractères sont fermement dessinés, et elle a ramené le théâtre au bon goût, à la raison et à la nature. En outre, cette tragédie a fait époque dans l’histoire de la versification italienne. À l’exception des chœurs et de quelques passages, elle est écrite en vers non rimés (versi scolti), et cette innovation, qu’on lui reprocha d’abord, a été généralement adoptée depuis lors par les écrivains dramatiques de l’Italie, Imprimée pour la première fois à Rome en 1524, Sophronisbe a été rééditée un grand nombre de fois et traduite en français par Mellin de Saint-Gelais (Paris, 1559), puis par Claude Mermet (Lyon, 1584). Trissino a laissé, en outre : une comédie imitée des Ménechmes de Plaute, Gli Simillimi (Venise, 1547) ; un poëme qui lui coûta vingt ans de travail, L’Italia liberata da Goti (1527-1548, 3 vol. in-8o), froide et pompeuse composition, dans laquelle l’érudition remplace l’inspiration poétique, et beaucoup de pièces diverses. Parmi ses œuvres en prose, mentionnons : Dubii grammaticali (Vicence, 1529, in-fol.) ; Grammatichetta" (Vicence, 1529, in-4o) ; Il Caslellano (Vicence, in-4o) ; La poetica (Vicence, 1529, in-fol.) ; Grammatices introductionis liber I (Vérone, 1540, in-12).


TRISSOPHAÈS s. m. (tri-so-fa-èss). Entom. Genre d’insectes lépidoptères nocturnes, de la tribu des noctuides.


TRISSOTIN, personnage des Femmes savantes, comédie de Molière. C’est le poëte bel esprit, pédant, toujours en quête d’applaudissements, aux petits vers à effets, recherchés, mais vides de sens. Molière en a fait un type immortel de ridicule qui égaya tout Paris aux dépens de l’abbé Cotin, dont il cita textuellement le fameux sonnet à la princesse Uranie, où se trouve ce quoi qu’on die qui causait tant de transport à Philaminte, à Armande et à Bélise :

Ah ! que ce quoi qu’on die est d’un goût admirable !

Mais c’est surtout dans l’inimitable dialogue avec Vadius, le savant, le pédant, l’homme bourré de grec et de latin, que Molière a fait ressortir admirablement les éloges faux et intéressés, la vanité, l’orgueil ombrageux de ces écrivains qui commencent par s’aduler mutuellement pour se déchirer ensuite à propos d’un mot de critique malencontreux :

TRISSOTIN.

Vous avez le tour libre et le beau choix des mots.

VADIUS.

On voit partout chez vous l’itkos et le pathos.
      . . . . . . .

VADIUS.

Allez, rimeur de balle, opprobre du métier !

TRISSOTIN.

Allez, fripier d’écrits, impudent plagiaire !

Ces deux noms ont mérité de passer dans la langue, où ils désignent l’affectation et la fausse modestie du poète, ou le pédantisme, le style lourd et embarrassé, la science mal digérée du savant.

« Vous savez qu’il est aussi difficile d’empêcher un plaideur d’expliquer son affaire, que d’empêcher les trois ou quatre Trissotins qui restent en ce monde de nous réciter leurs
vers et de nous parler de leur gloire, véritable fléau des lecteurs, des journaux, des salons, et souvent de l’Académie. »
                 Alphonse François.

« Voyez ces couples d’êtres difformes où il entre du délateur, de l’histrion et du Trissotin ; s’ils avaient comme peintres l’équivalent de leur mérite littéraire, ils ne gagneraient
pas leur vie à barbouiller des enseignes de village. »
                   L. Veuillot.


TRISSYLLABE adj. (tri-sil-la-be — du préf. tri, et de syllabe). Gramm. Qui est de trois syllabes : Mot trissyllabe.

— s. m. Mot de trois syllabes.


TRISSYLLABIQUE adj. (tri-sil-la-bi-ke — rad. trissyllabe). Gramm. Qui appartient à un trissyllabe.


TRISTACHYE s. f. (tri-sta-kî — du préf. tri, et du gr. stachus, épi). Bot. Genre de plantes, de la famille des graminées, tribu des avénées, comprenant quatre espèces, qui croissent dans l’Amérique tropicale.


TRISTACHYÉ, ÉE adj. (tri-sta-ki-é — du préf. tri, et du gr. stachus, épi). Bot. Dont les fleurs forment trois épis.


TRISTAGME s. m. (tri-sta-gme — du préf. tri, et du gr. stagma, goutte). Bot. Genre de plantes, de la famille des liliacées, tribu des agapanthées, dont l’espèce type croît sur les montagnes du Chili.


TRISTAM ou TRISTAN (Nuño), navigateur portugais, mort en 1447. Il partit en 1440 de Lisbonne pour aller explorer les côtes d’Afrique, pénétra dans l’intérieur des terres par le point de la côte appelé au XVIe siècle Porto do Cavaleiro, puis s’avança jusqu’au cap Blanc et retourna alors en Portugal. L’infant dom Henri, charmé de ce voyage, en adressa la relation au pape Nicolas V et obtint de ce pontife une bulle lui concédant tous les territoires qu’il pourrait faire découvrir en Afrique. Sur la demande de l’infant, Nuño Tristan entreprit un second voyage en 1443, dépassa le cap Blanc, parvint à l’île d’Arguim et en ramena des esclaves qu’il vendit à Lagos. En 1446 et en 1447, il reprit encore une fois la mer, s’avança au delà du rio de Ouro, essaya de remonter le fleuve, fut assailli par des nègres et succomba en combattant, ainsi que la plupart de ses compagnons.


TRISTAMIE s. f. (tri-sta-mî). Norn donné autrefois par les teinturiers à une couleur analogue à celle du pain bis.


TRISTAN s. m. (tri-stan), Entom. Nom vulgaire d’un papillon du genre satyre.


TRISTAN (Louis), généralement connu sous le nom de Tristan l’Hermite, grand prévôt de Louis XI, né en Flandre dans les premières années du XVee siècle, mort dans un âge avancé. Il servit contre les Anglais sous Charles VII, monta à l’assaut de Fronsac avec 49 gentilshommes et fut créé chevalier sur la brèche par Dunois. Il se distingua également sous Louis XI, qui le nomma grand prévôt de son hôtel et qui le menait partout avec lui. Implacable exécuteur des vengeances de son maître, il apparaît dans l’histoire comme une des plus sinistres physionomies de l’ancienne monarchie. Toutefois, la légende et le roman se sont beaucoup exercés sur lui. Il est bien vrai, cependant, que le genre de supplice qu’il employait le plus souvent, supplice tout oriental, était de faire jeter à la rivière ses victimes enfermées dans un sac sur lequel était écrit : « Laissez passer la justice du roi. » Des historiens affirment qu’il fit mourir ainsi plus de 4,000 personnes. Louis XI se plaisait à appeler Tristan « son compère », familiarité qui caractérise à la fois et le monarque et le ministre, digne d’être l’ami d’un tel prince. Le grand prévôt laissa en mourant à son fils des biens considérables notamment la principauté de Mortagne en Gascogne.


TRISTAN (Louis), peintre espagnol, né à Tolède en 1586, mort dans la même ville en 1640. Il eut pour maître Theotocopulos, dit le Grec, dont il sut s’assimiler les qualités, tout en évitant de tomber dans ses défauts. Tristan devint ainsi un artiste de grand talent, et ce fut lui que Velasquez choisit pour maître de préférence à tous les artistes d’alors. Un dessin pur et correct, une composition claire et vivante, un coloris gracieux et frais caractérisent ses compositions, qui sont fort estimées. On cite parmi ses meilleures productions une Cène pour les hiéronymites de la Sesta, les tableaux devenus célèbres qui décorent le grand autel d’Yepes (1616) ; le portrait du cardinal de Sandoval, archevêque le Tolède ; la Trinité (1626) ; Moïse frappant le rocher et Jésus au milieu des docteurs de la loi, deux chefs-d’œuvre, que l’on conserve à Madrid.


TRISTAN (Jean), sieur de Saint-Amant, numismate, né à Paris vers 1595, mort dans la même ville en 1656. Sa fortune patrimoniale lui permit d’acheter une charge de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi et de consacrer ses loisirs à l’étude de la numismatique, qui était devenue pour lui une passion. Convaincu de sa supériorité sur tous les numismates de son temps, il ne pouvait supporter la moindre critique, de sorte que sa vie fut bientôt remplie par une suite de querelles sur différents points d’érudition. Tristan, dont le savoir était réel, avait formé la plus belle et la plus nombreuse collection de médailles qu’on eût encore vue en France. Nous citerons de lui : Commentaires historiques contenant l’histoire générale des empereurs, impératrices, césars et tyrans de l’empire romain (Paris, 1635, in-fol.), ouvrage qu’il continua jusqu’à l’empereur Jovien (Paris, 1644, 3 vol. in-fol.) ; Ad Sirmondum epistola (Paris, 1650, in-8o), Antidotum, sive Defensio adversus querulam J.-Sirmondi responsionem (Paris, 1650, in-8o) ; Antisophisticum, sive Defensio secunda (Paris, 1651, in-8o) ; Lettres écrites de Rome par M. de La Motte-Hermont sur le sujet d’un libelle intitulé Il Bonino (Paris, 1650, in-4o) ; Traicté du lys, symbole divin de l’espérance (Paris, 1656, in-4o).


TRISTAN (Flora-Célestine-Thérèse-Henriette), femme de lettres française, née en 1803, morte à Bordeaux en 1844. Elle était fille d’un colonel péruvien au service de l’Espagne, qui avait épousé une Française. Conduite à Paris en 1818, Flora Tristan y épousa l’année suivante un nommé Chazal, dont elle se sépara au bout de trois ans. Elle se rendit alors au Pérou dans l’intention de recueillir l’héritage paternel ; mais, en 1834, elle dut revenir en France sans avoir réussi dans son entreprise. C’est alors que la jeune femme songea à suivre la carrière des lettres, et qu’elle publia, sous le titre de Pérégrinations d’une paria (1835), un ouvrage dans lequel elle dépeignait les misères de la femme dans l’Amérique du Sud. Trois ans plus tard, Flora Tristan fut l’objet d’un grave attentat de la part de son mari, Chazal, qui fut condamné à vingt ans de travaux forcés, pour l’avoir blessée grièvement d’un coup de pistolet, dans un accès de jalousie. Après cette catastrophe, elle publia Méphis ou le Prolétaire (2 vol. in-8o), ouvrage inspiré par les idées saint-simoniennes, puis voyagea en Angleterre, où elle étudia la condition des classes laborieuses. À son retour, elle publia sur ce sujet un livre remarquable, intitulé Promenades dans Londres (1840, in-8o). Elle fit paraître, en même temps, des brochures en faveur de l’émancipation de la femme. Elle se mit en relation avec les chefs des écoles socialistes d’alors, s’attacha principalement à ce qu’il y avait d’immédiatement pratique dans leurs théories, et le résuma dans un volume in-12, Union ouvrière, ouvrage où elle propose aux corporations de travailleurs une association générale dans le but de se soutenir par leurs propres ressources, en créant des écoles pour leurs enfants et des asiles pour leurs invalides et leurs vieillards. Vouée à une sorte d’apostolat, elle déploya une activité fébrile pour le triomphe de son idée, parcourant toutes les villes de manufactures, stimulant elle-même le zèle des ouvriers. Son énergie, sa parole entraînante, sa beauté lui donnaient sur eux un ascendant irrésistible. En 1844, elle obtint des succès sérieux à Lyon, et passa ensuite à Bordeaux, où elle succomba après une courte maladie. Les ouvriers de cette ville lui élevèrent un monument par souscription. Elle avait été très-liée avec l’abbé Constant, l’auteur de la Bible de la liberté, à qui elle avait prodigué des soins dans sa prison. On lui attribue : Mariquitia l’Espagnole (2 vol. in-8o) ; Florita la Péruvienne (2 vol. in-8o). Elle avait publié dans l’Artiste quelques articles sur l’art,


TRISTAN (Nuño), navigateur portugais. V. Tristam.


TRISTAN D’ACUNHA, navigateur portugais. V. Acunha.


TRISTAN L’HERMITE (François), poète dramatique français, né au château de Souliers ou Soliers, dans la Marche, en 1601 ; mort à Paris en 1655. Il prétendait descendre de Pierre l’Hermite, qui, comme on sait, prêcha la première croisade, et de Tristan l’Hermite, grand prévôt du roi Louis XI. François Tristan fut, dans son enfance, conduit à la cour et placé auprès du marquis de Verneuil, bâtard de Henri IV. À treize ans, s’étant pris de querelle avec un garde du corps, il eut le malheur de le tuer en duel et s’enfuit à l’étranger, car les édits du temps étaient d’une extrême sévérité à l’égard des duellistes. Le jeune homme passa en Angleterre, où il ne trouva que la pauvreté. Las d’une vie précaire, il résolut de se rendre en Espagne, où se trouvait un de ses parents ; mais, en traversant le Poitou, l’argent vint à lui manquer complètement et il dut accepter les bienfaits de Scévole de Sainte-Marthe, qui le garda plus d’un an chez lui. Grâce à ce dernier, Tristan devint secrétaire du marquis de Villars-Montpezat, qu’il suivit à Bordeaux, où la cour était de passage (1620). Ce fut là que, par le crédit de M. d’Humières, gentilhomme de la chambre du roi, Tristan rentra en grâce et put revenir à Paris. Il y fut attaché, en qualité de gentilhomme, à Gaston, duc d’Orléans, et il employa ses loisirs à rimer des madrigaux et à travailler pour le théâtre. Grâce à l’excellent acteur Mondory, sa tragédie de Marianne (ou Mariamne) eut un succès éclatant (1637). Pourtant cette pièce, dont Corneille estimait le cinquième acte, indique l’enfance de l’art et ne pourrait supporter aujourd’hui la représentation ; mais elle réussit, et d’autres ouvrages de Tristan, qui la suivirent, eurent presque autant de vogue. Dès lors, la réputation de l’auteur fut solidement établie, et, en 1649, il hérita, à l’Académie française, du fauteuil qu’occupait La Ménardière. Tristan était un joueur forcené. Il lui arriva de perdre mille pistoles dans une soirée ; de là de grands embarras, des gênes momentanées et, parfois, un débraillé qui ont fait croire à tort qu’il n’avait ni sou ni maille. Jamais le duc d’Orléans, son maître, ni le cardinal de Richelieu, qui pourtant protégea tant de médiocrités, ne lui firent aucun bien. Ce dernier nourrissait probablement de secrets sentiments de jalousie, et ce qui le prouverait, c’est que Tristan n’arriva à l’Académie qu’après la mort de l’Éminence.

Cependant, le poète n’avait pas manqué de célébrer le grand ministre dans quelques stances, dont une au moins est assez belle :

Votre esprit agissant et fort
          Ne doit point aux erreurs du sort
          Son autorité non commune ;
Et l’habit éclatant dont vous êtes vêtu
N’est pas un de ces biens que jette la fortune,
Mais c’est un de ces biens que donne la vertu.

Vertu n’est peut-être pas le mot propre, appliqué au fameux cardinal, mais « que jette la fortune » est une expression juste et bien frappée.

Tristan se prit d’une vive amitié pour le poëte Quinault, dont les débuts furent difficiles ; il le logea dans sa maison, le fit manger à sa table et l’aida à lancer ses premiers essais.

Quinault s’essaya par une pièce intitulée les Rivales ; mais comment la faire accepter des comédiens ? L’officieux Tristan imagina de la présenter comme sienne ; mais, par malheur, la mèche fut éventée et les comédiens, qui avaient promis cent écus, ne voulurent plus donner que la moitié de cette somme. Après discussion, on tomba d’accord et on convint que l’auteur serait payé au prorata de la recette. Jamais pareil arrangement n’avait été pris jusqu’alors, et ceci est bon à noter.

Tristan l’Hermite, qui mourut poitrinaire à l’hôtel de Guise et fut enterré à Saint-Jean en-Grève, avait légué une somme importante à son ami Quinault, et celui-ci, grâce à ce bienfait, put acheter une place de valet de chambre du roi.

Les petites pièces de vers de Tristan l’Ermite, qu’on trouve dans les recueils de Barbin, de Bruzan de La Martinière et ailleurs, sont loin d’être irréprochables. Tout lecteur de goût les trouve négligées, incorrectes et souvent prétentieuses et emphatiques. Toutefois, quelques-unes ne sont pas sans mérite. Pour en donner une idée, nous en citerons deux, une épigramme et un sonnet. Voici l’épigramme :

Duport à l’aimer me convie
       Et proteste assez hautement
       Que, pour prendre soin de ma vie,
       Il m’a mis dans son testament.
       Mais je me trouve, sur mon livre,
       Plus vieux de quinze ans que Duport.
       Oh ! que j’aurai de bien pour vivre,
       Quinze ou vingt ans après ma mort !

Finissons par ce sonnet burlesque, très-réussi sur l’Enlèvement d’Europe :

Europe, s’appuyant d’une main sur la croupe,
Et se tenant, de l’autre, aux cornes du taureau
Regardoit le rivage et réclamoit sa troupe
Qui s’affligeoit de voir cet accident nouveau.

Tandis, l’amoureux dieu, qui brusloit dedans l’eau.
Fend son jaspe liquide et de ses pieds le coupe
Aussi légèrement que peut faire un vaisseau
Qui le vent favorable a droitement en poupe.

Mais Neptune, envieux de ce ravissement,
Disoit par mocquerie à ce lascif amant