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de la situation politique, économique, intellectuelle, morale de la France au lendemain du coup d’État, et d’un historique des principaux événements européens auxquels se trouva mêlée la politique impériale jusqu’au commencement de l’année 1858. Rien de plus exact que le tableau tracé par MM. Ténot et Dubost de l’état des esprits dans l’armée, la magistrature, le clergé catholique, à la Bourse, chez les boutiquiers, parmi la bourgeoisie, grande et petite, et les classes ouvrières au moment de l’installation du second-Empire. Quelle jubilation, surtout à la Bourse, au début du règne ! • Quel beau temps 1 quel épanouissement ! Alors commença la danse des millions. La France était riche. Trente années de paix, de liberté féconde, de gouvernement étroitement surveillé avaient accumulé les épargnes. On les amorça ; elles mordirent. On en vit débuter avec quelques centaines d’ècus empruntés et donner peu après, des millions en dot a leurs filles, La fièvre de la spéculation, de l’enrichissement à tout prix fut contagieuse. Quelle tentation, d’ailleurs, que le spectacle de ces fortunes rapides, improvisées en quelques mois I Tout Paris avait vu certain personnage politique plus connu avant le Deux décembre des huissiers que des agents de change, acheter, peu après l’événement, une terre d’un demi-million sur ses économies. Les membres du gouvernement provisoire de la République avaient quitté le pouvoir moins riches qu’en le prenant ; on pourrait citer par centaines ceux qui, insolvables sous la République, étaient déjà riches au jour de la proclamation de l’Empire. •,

Quelle jubilation aussi dans le demi-monde I En même temps que la fureur de l’enrichissement à tout prix, la soif de jouissances miitérielles, du luxe, des plaisirs sensuels*, suivait une effrayante progression, le monde interlope débordait dans la société parisienne. Le théâtre et le roman en faisaient leurs héroïnes. «La grande cité, dépouillée de sa couronne de penseurs, de poètes, d’orateurs, d’hommes d’État intègres, qui avaient fait de Paris la capitale de 1 Idée, était en train de se transformer en une hôtellerie banale, rendez-vous de plaisir de l’aristocratie opulente et débauchée des deux mondes. »

Rien de plus exact ni de plus complet que l’examen de la constitution impériale, rien qui fasse mieux sentir jusqu’à quel point cette constitution, sous de faux semblants démocratiques, organisait le despotisme et quel leurre elle était pour la souveraineté nationale et les principes de 1789, dont elle était censée s’inspirer. Cette première partie du travail de MM. Ténot et Dubost renferme des portraits pris parmi les principaux personnages de l’Empire, portraits généralement peu flattés, mais fort ressemblants. En voici quelques-uns : «M. Billault, l’un des lieutenants d’Odilon Barrot, converti au pouvoir absolu, après être passé par le républicanisme avancé, le socialisme et le droit au travail, discrédité par ses palinodies, esprit médiocre, embarrassé de son nouveau rôle, peut-être honteux de lui-même.... M. Baroche, également entré dans la vie politique sous les auspices de l’ancien chef de la gauche parlementaire de la monarchie de Juillet, orateur vulgaire, caractère souple, sans élévation,

esprit à tout rabaisser à son niveau

M. Rouher, une des médiocrités qui se rencontraient souvent sur les bancs de la droite réactionnaire de l’Assemblée constituante, n’ayant encore joué qu’un rôle subalterne, orateur verbeux, plaidant le pour et le contre, agile dans son apparente lourdeur. » Tels sont les orateurs du second Empire 1

Un point important à constater, qui résulte de ce travail, c’est que, sauf deux ou trois défections obscures, le parti républicain garda le respect de lui-même elle culte de son drapeau en face des pompes et des triomphes de l’Empire. Cette fermeté dans les convictions contribua beaucoup plus que l’attentat d’Orsini aux mesures de rigueur ui furent prises en 1853, en vertu de la loi e sûreté générale. Les dispositions draconiennes de cette loi, qui rappelle assez la. loi de majesté sous Tibère, ne sont que trop connues. Aviez-vous défendu le droit et la loi en 1851 ; vous étiez-vous battus pour la République en 1848 et en 1849 ; n’étiezvous pas des amis de l’Empire ? Vous étiez suspects. Aviez-vous fait de la poudre, fabriqué des engins meurtriers ; vous étiez criminels. N’eussiéz-vous même été que détenteurs de cette poudre ou de ces engins, vous n’en étiez pas inoins criminels 1 Telle était la loi. Mais au moins aviez-vous des juges chargés de décider si vous étiez républicains, si vous aviez fait de la poudre, si vous aviez pratiqué des manœuvres soit à l’intérieur, soit à l’extérieur ? Nullement. Le pouvoir même qui se proclamait votre ennemi vous condamnait sans vous entendre, sans rendre votre condamnation publique. Enchaîner, emprisonner, transporter sans droit, sans jugement, en vertu de la loi du plus fort, on l’avait fait avec succès en 1851 et 1852 ; mais ou préféra faire tout cela en vertu d’une loi. Il n’était pas difficile de l’obtenir du Corps législatif, et, du même coup, on le compromettait dans ce qu’on avait dessein de faire. On sait que M. de Morny fut le rapporteur de cette loi inique. Cette tâche lui revenait de droit ; il en était digne a tous

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égards. Ce gentilhomme blasé et d’un état civil douteux, qui avait été l’un des instigateurs et l’exécuteur principal du coup d’Etat, -ne pouvait que se sentir honoré d’être associé d’une façon intime à un acte qui allait en être la consécration. Il s’en acquitta avec une facilité et une ardeur qui gagnèrent sans doute à la Chambre la reconnaissance du chef de l’État. Le projet de loi avait été déposé le 3 février 1858 sur le bureau du Corps législatif ; le 13, le rapport de la commission était parachevé. On sait aussi que, dans la séance du 19 février, la loi passa par 237 voix contre »4, malgré d’éloquents et courageux discours de MM. Legrand, de Pierre, d’Andelarre et Emile Olivier, qui depuis....

Après avoir élucidé ce3 différents points, MM. Ténot et Dubost racontent, par département, les arrestations, emprisonnements et déportations qui eurent lieu avant même que la loi fût présentée au Corps législatif. Ils reproduisent les noms et professions des citoyens arrêtés, les principales circonstances de leur arrestation, le lieu, de leur incarcération ou.déportation. De ces documents, il ’ résulte que plus de 2,000 citoyens honorables, paisibles, inoffensifs, éloignés des affaires publiques depuis l’Empire (plusieurs même de ceux portés sur les listes de proscription étaient morts depuis trois ou quatre ans), furent arrêtés sur des listes datant de 1851. C’étaient pour la plupart des médecins, des avocats, des officiers ministériels, des négociants, de pauvres artisans qui se livraient péniblement à leurs travaux, attendant du temps seul la réalisation de leurs espérances. Il est bon de remarquer aussi, avec MM. Ténot et Dubost, que toutes les mesures dites de sûreté générale furent prises en silence, dans l’ombre. D’une ville à l’autre on ignorait les victimes ; la presse, muette, avait ordre, sous peine de mort, de n’en souffler mot, et personne n’osait, même à voix basse, prononcer les noms des procrits.

En résumé, les Suspects en 1858 forment ud ouvrage consciencieux et utile à consulter pour ta connaissance de l’histoire du second Empire. Les faits étant assez, trop éloquents par eux-mêmes, les deux écrivains sont sobres de réflexions. Pour prouver l’éloquence de ces faits, nous mentionnerons seulement les circonstances de deux arrestations, celles de Georges Tillier à Paris et de Napoléon Lebrun dans le Cher. Georges Tillier, rédacteur du Figaro, - après avoir été traîné de prison en prison, fut jeté à la Roquette, au milieu des condamnés, dont on lui mit le costume. Peu après, chargé de fers, il fut conduit à Marseille en voiture cellulaire, de compagnie avec onze forçats. Il y arriva après soixante-quatorze heures de voyage, malade et crachant le sang. Pendant ce temps, sa mère et sa fiancée, qui habitaient Nevers, étaient purement et simplement emprisonnées. De Marseille, il fut transportéen Algérie et interné à Oran. Quant à Napoléon Lebrun, il ne fut pas transporté : les faits qui suivent n’en expliquent que trop la Iraison. Le 24 février 1858, a sept heures du soir, Lebrun fut arrêté par la gendarmerie dans son domicile, où il était à table avec sa femme, sa fille et sa vieille mère âgée de quatre-vingts ans. La pauvre femme, à la suite de l’arrestation de son flts, mourut de chagrin. Bien que Lebrun se laissât arrêter sans résistance et même fouiller, le brigadier de gendarmerie se rua sur lui et le serra avec une brutalité révoltante. À ce moment, Lebrun s’affaissa et tomba sur le parquet : il était paralysé de tout le côté droit I On le relève, on le place dans une chaise à bras ; il regarde sa main droite, et, la voyant inerte, il dit à son gendre, qui était a la veille de le remplacer comme notaire : « Mon pauvre Albert, je ne pourrai pas vous signer ma démission.» Ce furent ses dernières paroles, et, dès ce moment, sa langue demeura comme Agée dans sa bouche. Le brigadier, qui prétendait que la paralysie était teinte, s’opposa à ce qu on fît venir le médecin, menaçant d’attacher le malade sur la croupe de son cheval, et le fit conduire seul, sans secours, par une nuit glaciale, à Bourges, dans une voiture cellufaire. Là, le concierge de la prison refusa de le recevoir en cet état : la jambe était verte et la victime insensible aux brûlures. La voiture conduisit Lebrun à l’hôtel de l’Europe, où il expira au bout de trois jours !

11 y avait du courage à raconter ces infamies en face de ceux mêmes qui les avaient commises et lorsque la loi de sûreté générale était encore en vigueur ; on venait de l’évoquer lors de l’affaire de la souscription Baudin.

SUSPECTER v. a. ou tr. (su-spè-ktérad, suspect). Soupçonner de mal, tenir pour suspect : Je suspecte fort la fidélité de ce domestique. On suspectait sa doctrine, ses mœurs. Ou reconnut qu’on {’avait suspecté à tort. (Acad.) Si vous ne lui dites pas tout ce que vous penses^ le lecteur est en droit de suspecter tout ce gue vous lui dites. (T. Dojord.)

— Syn. Suspecter, sonpeouoer. Y. SOUPÇONNER.

SUSPENDRE v. a. ou tr. (su-span-drelat. suspendere ; du préf. sus, et de pendere, ^

Fendre. Se conjugue comme Rendre). Fixer en • air et laisser pendant : Suspendre des lustres

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au plafond. Suspendre une lampe. Suspendre une médaille à son cou. Suspendre le corps, la caisse d’une voiture. (Acad.)

On lui lia les pieds, on vous le suspendit.

La FoKTAtWK.

J’admire le réseau fatal aux moucherons. Qu’un insecte suspend autour de nos maisons.

Castel. Les oiseaux dans les bois, par couples réunis, Suspendent aux rameaux la mousse de leurs nids.

Leuierre. J’aidéjàsuspendu dansma chaude demeure [l’heure. Mon bâton et ma montre où j’entends marcher

LAMiRTlHE.

— Faire planer : La responsabilité suspend sur nos têtes- tout un système de châtiments et de récompenses. (F. Bustiat.)

— Discontinuer, interrompre momentanément : Reprendre des poursuites que l’on avait sespkndues. Suspendre les hostilités. Suspendre un travail commencé. Suspendre sa marche. Suspendre son discours. (Acad.) Les maladies suspendent nos vertus et nos vices. (Vauven.) Suivant Homère, les dieux suspendent leurs délibérations et se lèvent de leurs trônes lorsque Apollon parait au milieu d’eux. (Barthél.) Il n’y a jamais, selon nous, une raison suffisante de suspendre la liberté. (Chateaub.) L’ivresse est le plaisir des sens porté jusqu’à une sorte de délire qui suspend l’empire de ta raison. (Latena.)

Au pâtre fatigué la nuit permet enfin De suspendre un travail qu’il reprendra demain.

Laharpe.

I ! Différer, renvoyer k un autre temps : Suspendre l’exécution d’un arrêt. Suspendre un projet de voyage. Suspendre son jugement. L’homme éclairé suspetid l’éloge et la censure.

Gresset.

Il Arrêter, interrompre l’action de : Dieu patient et vengeur suspend quelquefois son bras, mais ne détourne jamais les yeux. (Chateaub.)

"— Priver momentanément de ses fonctions : Suspendre un agent. Suspendre un prêtre. On a suspendu le maire de cette commune. (Acad.) Il Interdire, empêcher de paraître pour un temps : Le droit de suspendre les journaux équivaut, le plus souvent, au droit de les supprimer.

— Comm. Suspendre ses payements, Fermer sa caisse, cesser de payer ses créanciers.

Se suspendre v. pr. Être suspendu : Ce linge, une fois lavé, devra se suspendre sur cette corde.

— Se tenir suspendu : Se suspendre à une branche, à une corde.

J’aimais a me suspendre aux lianes légères.

Lamartine.

— Fig. S’attacher, se tenir, se montrer : Notre imagination se suspend aux ailes brillantes de l’espérance, qui vole sans cesse dans le riant avenir. (Ch. Nod.)

Dans quel air vivent-eliea, Ces paroles sans nom, et pourtant éternelles, Qui ne sont qu’un délire, et depuis cinq mille ans Se suspendent encore aux lèvres des amants ?

A. de Musset.

Se suspendre aux lèvres de quelqu’un, L’écouter avec une attention avide.

— Allua. littér. Suspendre in harpe, sa lyre nui saule» de ta rive, Allusion à la captivité des Juifs sur les bords de l’Ëuphrate, exil dont les douleurs sont exprimées d’une manière si touchante dans le cantique Super flumina Babylonis. Y. captivité de Babylone.

« Chateaubriand, pèlerin de la mélancolie, va ravir aux échos de Sion le secret des tristesses divines. Après lui, Lamartine, comme Salomon après David, iris plus grands que leurs pères, détache la harpe d Israël suspendue sur les fleuves de Babylone, et, penché sur l’Océan des âges, il chante les inconsolables ennuis de l’exil éternel.»

FÉLICIEN MaLLEFILLB.

« Enfant des époques tranquilles et ordonnées, l’ancien théâtre ne convenait plus guère à ce moment des agitations, des révolutions, des essais et des troubles en toute chose ; il fallait absolument que le génie français cherchât une route nouvelle, ou bien, n’en trouvant pas, qu’il suspendit sa vieille lyre aux saules de VEuphrale. > Là > nous nous sommes arrêtés, et nous avons pleuré au souvenir de Jérusalem.»

J. Janin.

SUSPENDU, UE (su-span-du, û) part, passé du verbe Suspendre. Soutenu en l’air et pendant : Un lustre suspendu au plafond. La plupart des peuples de la partie méridionale de l’Amérique couchent les enfants nus, sur des lits de coton suspendus. (Baff.) Les fleurs mâles du coudrier se manifestent sous la forme de chenilles suspendues aux branches. (B. de St-Pierre.)

Ma harpe détendue Aux voûtes de Selma se taisait suspendue.

De Fontaheb, Le cerisier montre aux yeux éblouis Ses fruits murs suspendus en groupes de rubis.

MlCHAUD.

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Comme une lampe d’or, dans l’azur suspendue, La lune se balance aux bords de l’horizon.

Lamartine.

— Soutenu en l’air par une causé et dans une situation quelconque : Les nuées sont suspendues en l’air. Les corps célestes sont sus "pendus sur nos têtes- Un morceau de fer demeure suspendu à unepierre d’aimant. (Acad.) Les nuées qui volent au-dessus de nous sont des espèces de mers suspendues pour arroser les terres. (Fén.)

— Qui plane, qui reste en suspens, mais menaçant :

11 bravera l’arrêt suspendu sur sa tête.

V. Httoo.

— Dont le sens, inachevé, est tenu en suspens : Phrase suspendue.

— Qui est en suspens, hésitant, irrésolu s

■ ■ •... Son cceur éperdu Entre deux passions demeure suspendu.

Boii.eau.

— Arrêté, différé pour un temps : Tous mes travaux champêtres sont naturellement suspendus. (Volt.) Un dénoûment suspbnduj’kï- qu’au bout, et imprévu, est d’un grand prix. (Fonten.) Dans l admiration, la surprise, t’étonnement, tout mouvement est suspendu, on reste dans une même attitude. (Buff.) Sous le règne des tyrans, toutes les lois morales sont comme suspendues. (Chateaub.) La vie animale de la mai-motte est naturellement suspendue une partie de l’année. (F. Pillon.)

Le fatal sacrifice est encor suspendu.

Racine.

— Privé momentanément, par mesure disciplinaire : Être suspendu de ses fonctions. Être svspendd. il Interdit momentanément : Le lendemain, le club communiste fut fermé et son journal suspendu. (D. Stem.)

Voiture suspendue, Voiture dont le corps ne porte pas directement sur les essieux, mais sur des ressorts interposés.

Pont suspendu, Pont dont le tablier est soutenu par des chaînes ou des câbles.

Être suspendu aux lèvres de quelqu’un, L’écouter avec une attention avide : Comment t c’est là cet enchanteur qui tenait tout un peuple suspendu k ses lèvres ! (Th. Gaut.)

— Mus. Accord suspendu, Celui qui renferme une suspension.

— Bot. Se dit de la graine dont le sommet est dirigé vers la base de la loge qui la renferme.

SUSPENS adj. (su-span — du lat. suspensu3, participe passé du verbe suspendere, qui est le type du verbe français suspendre. La locution française en suspens représente exactement la locution latine in suspenso, quia la même signification). Suspendu : Les Français divisèrent leur armée, afin qu’une partie campée devant les ennemis les tint suspens. (Cl. Fauchet.) Le comma tient le sens en parlie suspens. (Dolet.) il Vieux en ce sens.

— Dr, canon. Interdit, frappé de suspense : Un prêtre suspens, déclaré suspens. Il est suspens de fait et de droit. (Acad.)

— Loc. adv. En suspens, Dans l’incertitude, l’hésitation, l’indécision : Je suis en suspens de ce que je dois faire. Vous me laissez en suspens. Ne me tenez pas en suspens. Nous étions en suspens. (Acad.) Le doute est l’irrésolution d’un esprit en suspkns entre des opinions contraires. (Marmontel.)

Par des ressorts nouveaux, sa politique habile Tient l’Europe en suspens, divisée et tranquille.

Voltaire. Il Non résolu, non terminé, interrompu : Celle affaire est demeurée en suspens.

SUSPENSE s. f. (su-span-se — rad. suspens). Dr. canon. Censure par laquelle un clerc est privé, ou pour un temps ou pour toujours, de l’exercice des ordres, des fruits de son bénéfice ou des fonctions de son office ou de sa dignité : Encourir la suspense, fl État d’un ecclésiastique frappé par cette censure : Un prêtre qui dit la messe pendant sa suspense devient irrégulier. (Acad.)

— Ane. législ. Charte de suspense, Charte royale, en vertu de laquelle tout procès intenté à une personne absente pour le service ou par les ordres du prince demeurait en surséance jusqu’il son retour.

— Encycl, « IS est du bon ordre, dit Bergïer, qu’un clerc réfractaire aux *lois de l’Église et de ses supérieurs puisse être puni par la privation des avantages et des privilèges qu’il a reçus de l’Église elle-même ; cela est nécessaire pour le contenir dans son devoir, pour réparer le scandale qu’il peut avoir donné et pour l’empêcher de le continuer ; telle a été la discipline de l’Église dès les premiers siècles. »

Dans les décrets que l’on appelle Canons des apôtres, qui ont été faits par les conciles du ne et du m* siècle, la suspense est exprimée par le mot segregare, qui signifie séparer ou écarter ; un clerc pouvait l’encourir pour une faute très-légère, par exemple, pour s’être moqué d’un estropié, d’un sourd ou d’un aveugle. La suspense perpétuelle était nommée déposition ou dégradation, et alors un clerc était censé réduit à l’état de simple laïque.

Cette peine avait aussi différents degrés ; quelquefois on privait seulement un clerc pour quelque temps des distributions ma-