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ricordieuse. Au XVIIe siècle, c’est Bossuet qui, dans l’oraison funèbre de Letellier, célèbre la persécution.

Aux canons des conciles, aux bulles et aux décrétales des papes répondent les édits des rois. Saint Louis fait établir l’inquisition en France. Dans ses Établissements, il proscrit les hérétiques, provoque contre eux la délation, interdit, sous les peines les plus rigoureuses, de les assister et de les défendre, promulgue des mesures impitoyables contre les suspects et achève d’anéantir dans le sang la civilisation du Midi de la France. Passez au XVIe siècle, où l’hérésie ne donne pas moins à faire à la piété des rois que dans le XIIIe siècle. Dès 1525, vous rencontrez des lettres patentes de la reine Louise de Savoie, ordonnant de mettre à exécution la bulle de Clément VII, qui livre les biens des luthériens à l’invasion des fidèles catholiques. Les bûchers s’allument, les supplices commencent. Les édits de François Ier, du 29 janvier 1534, du 1er juin 1540, condamnent à mort les hérétiques et ceux qui les recèlent, offrent un prix à la délation et menacent les juges qui seraient coupables d’indulgence. On en vient bientôt aux exterminations en masse ; Mérindol, Cabrières, La Coste sont dépeuplées, livrées au feu, anéanties.

Les édits de Henri II, 16 novembre 1549, 12 février 1552, 24 juillet 1557, donnent pouvoir aux juges ecclésiastiques de faire exécuter leurs arrêts par leurs propres appariteurs.

Sous François II, quatre chambres ardentes sont établies, moyen plus rapide que le tribunal révolutionnaire de vider les prisons par la mort ou l’exil. L’année suivante (1560), après la conjuration d’Amboise, on pend, on noie sans forme de procès. La Loire était couverte de cadavres attachés par six, dix et quinze à de longues perches. Cela valait bien les noyades de Carrier. Les rues d’Amboise furent inondées de sang et les supplices durèrent un mois.

Que dire maintenant de la Saint-Barthélemy, qui fut le plus beau triomphe du terrorisme royal et catholique, et que sont à côté de ces grandes destructions les violences de la terreur révolutionnaire ?

Moins de cent ans s’écoulent, et les persécutions se multiplient sous le grand règne, à cette époque de mœurs élégantes et policées, avec la même cruauté qu’aux temps barbares du moyen âge.

Depuis l’édit du 7 août 1663 sur les enterrements des religionnaires, il se produit d’année en année une série d’actes et dédits qui organisent la persécution la plus cruelle. Nul ne dira jamais ce qu’elle représente de souffrances morales et physiques, de larmes, de sang et de désespoir. Les faits sont suffisamment connus et ont mérité les flétrissures de l’histoire.

Dans le cours du XVIIIe siècle, les édits et ordonnances de 1724, de 1750, de 1757, de 1769, de 1775, de 1778, consacrent, malgré les progrès de l’opinion et de la philosophie, toutes les rigueurs décrétées par les lois antérieures. Les galères, la roue, la potence, les lettres de cachet ne cessent d’être employées pour maintenir la terreur au degré voulu. Enfin, l’esprit nouveau impose au pouvoir l’édit de 1787, qui était presque un édit de tolérance, et contre lequel protesta le clergé.

Et maintenant, qu’à cette tradition funeste on ajoute tout ce qui compose l’ancien régime, toutes les violences, les injustices, les exactions, les actes de tyrannie et de cruauté, etc., et l’on sera peut-être moins tenté de s’arrêter complaisamment sur les détails d’une terreur qui avait tant de causes, de peur de trop rappeler à l’esprit le souvenir de ceux qui l’avaient pratiquée pendant tant de siècles.

Sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans de plus amples développements, il est donc démontré par l’irrécusable histoire que la Terreur, dans ce qu’elle a de plus implacable et de plus odieux, a été pendant plus de mille ans la pratique constante, l’instrument de règne de la monarchie et du catholicisme officiel.

On doit déplorer que la Révolution n’ait pas eu la puissance de répudier cette tradition sanglante et qu’elle se soit servie des armes fabriquées par ses ennemis ; mais l’étude des faits démontrera à tous les esprits impartiaux qu’en tout état de cause la Terreur ne fut pas, comme on l’a prétendu, un système prémédité de gouvernement, mais un fait de guerre, une sorte d’explosion, un retour funeste aux traditions anciennes ; en outre, qu’elle avait été préparée par des siècles d’oppression, provoquée par des attaques furieuses, surexcitée par des périls sans exemple au milieu de circonstances effroyablement exceptionnelles ; des actes sans nombre prouvent combien la Révolution était profondément humaine ; ce fut la rage de ses ennemis qui la rendit terrible.

Le régime de la Terreur proprement dit, qui d’ailleurs avait déjà ses antécédents dans les mesures de résistance prises successivement au cours de la Révolution, date du 6 septembre 1793.

Les esprits étaient surexcités au plus haut point par une série d’événements trop connus pour qu’il soit nécessaire de les énumérer. Nous ne rappellerons que les plus récents : les révoltes fédéralistes et royalistes, outre l’éternelle Vendée, l’assassinat de Marat, Lyon en pleine révolte, Toulon livré aux Anglais, le pays inondé de faux assignats par les émigrés et les Anglais, la coalition de toute l’Europe contre nous, de nouveaux revers en Vendée et aux frontières, les crises produites par l’agiotage et l’accaparement, les trahisons, les complots, les périls, tout contribuait à exalter les âmes et à soulever les colères. Les royalistes, convaincus que la France allait être écrasée par l’Europe, se répandaient en manifestations provocatrices, au sein même de Paris, dans les théâtres et partout. Lorsque les leurs livrèrent Toulon (27 août), ils avaient montré une joie impudente. Cet acte monstrueux de trahison jeta la France républicaine dans un tel accès d’exaspération que les modérés mêmes réclamèrent des mesures de la dernière énergie, des moyens de terreur. Ce mot formidable avait déjà été prononcé, et par un indulgent, Danton.

La situation s’assombrissait de plus en plus. Les subsistances arrivaient lentement et difficilement ; outre d’infâmes manœuvres d’accaparement, chacun, craignant la disette, la faisait en entravant la circulation des grains. Eu ces grandes crises, le travail chômait ; de plus, beaucoup de familles étaient privées de leur soutien : le mari était en Vendée ou aux frontières, la femme cousait pour les ateliers de la guerre, mais était obligée de passer une partie des nuits à faire queue aux portes des boulangers, pendant que les enfants attendaient un morceau de pain.

Ces souffrances, cette position navrante donnaient prise aux royalistes qui, par des manœuvres ténébreuses, poussaient à un mouvement populaire, tactique d’ailleurs imprudente et qui ne pouvait que tourner contre eux. Mais il y avait, en outre, beaucoup d’autres causes d’agitation, et notamment la misère et la faim, qu’on essayait de conjurer par l’établissement du maximum, qui fut successivement appliqué à toutes les marchandises de première nécessité.

Le 4 septembre, des rassemblements d’ouvriers envahirent la place de Grève, en criant : Du pain ! du pain ! L’irritation était telle que la Commune même semblait menacée. Son procureur, Chaumette, harangua la foule, mais, malgré sa popularité, ne parvint que difficilement à la calmer. Il fallut la promesse des mesures les plus énergiques, qui devaient être demandées à la Convention.

Le lendemain, en effet, Pache, maire de Paris, suivi de la Commune, d’une députation des jacobins et d’une foule nombreuse, se présenta à la barre de l’Assemblée. La Convention, fort excitée elle-même, traduisit en décrets les demandes des pétitionnaires. Sur les motions de Moïse Bayle, de Billaud-Varenne, de Danton, de Léonard Bourdon, etc., et sur le rapport de Barère, elle plaça la terreur à l’ordre du jour et décréta : 1° la création d’une armée révolutionnaire, composée de 6,000 hommes et ayant pour mission de parcourir les campagnes, de comprimer les accapareurs et les aristocrates, d’assurer la circulation et l’arrivage des subsistances ; 2° la peine de mort contre l’agiotage sur les assignats, contre les prêtres rebelles, etc. ; 3° la division du tribunal révolutionnaire en quatre sections pour accélérer les jugements ; 4° le rapport du décret qui interdisait les visites domiciliaires pendant la nuit ; 5° le renvoi de Brissot et autres girondins devant le tribunal révolutionnaire ; 6° l’épuration, par le conseil de la Commune, des comités révolutionnaires établis partout pour la surveillance et l’arrestation des suspects ; 7° l’indemnité de quarante sols aux citoyens pauvres qui assisteraient aux assemblées de section, réduites à deux par semaine. Cette mesure avait pour but d’empêcher les contre-révolutionnaires d’agir seuls au nom du peuple dans les réunions de section.

Ces mesures, qui donnaient des moyens de terreur d’autant plus effrayants qu’ils étaient vagues et peu précisés, furent complétées par la fumeuse loi des suspects (v. ce nom), adoptée le 17 septembre, sur le rapport de Merlin (de Douai), un modéré. Étaient réputés suspects les partisans avérés de la tyrannie ou du fédéralisme, les ex-nobles qui n’auraient pas manifesté leur attachement à la Révolution, etc.

En outre, le comité de Salut public fut complété par l’adjonction de deux hommes d’une énergie terrible, Billaud-Varenne et Collot-d’Herbois, et le comité de Sûreté générale réorganisé avec de nouveaux membres : Vadier, Guffroy, David, Amar, Lebon, etc.

Le 10 octobre, le comité de Salut public fit présenter par Saint-Just un projet qui reliait ensemble tous ces décrets et qui établissait, jusqu’à la paix, le gouvernement révolutionnaire.

Concentration des pouvoirs, énergie des mesures, tel était désormais le mot d’ordre.

La révolte de Lyon domptée, Toulon repris, la coalition repoussée, les contre-révolutionnaires contenus, la Vendée vaincue, tels furent les résultats. On a dit, il est vrai, qu’ils eussent été obtenus sans ces moyens désespérés : question historique qu’on débattra longtemps encore. Mais, dans tous les cas, ce n’était pas l’opinion des hommes du temps, même les plus modérés. Apparemment que, vivant au milieu des périls, sous le feu de l’ennemi, ils étaient aussi compétents sur ce qui convenait au salut public que les écrivains qui, tant d’années plus tard, jugeaient paisiblement les événements du fond de leur cabinet.

La période de la Terreur fut marquée par l’exécution de la reine et des girondins, des répressions terribles à Lyon, Bordeaux, Marseille, en Vendée, etc., des emprisonnements de suspects, de nombreuses condamnations à mort par les tribunaux révolutionnaires, enfin par de nouvelles discordes entre les républicains, par la proscription de révolutionnaires ardents, ceux qu’on a nommés les hébertistes, ainsi que par celle des indulgents, c’est-à-dire Danton et ses amis.

Mais, comme compensation à ces scènes terribles, comme consolation de tant d’événements tragiques, il faut rappeler, pour l’honneur de la patrie, et les éclatantes victoires de la République contre l’étranger, et la pacification de l’intérieur, et les grandes créations de la Convention nationale dans toutes les branches de l’administration publique : préparation du code civil, du système décimal et de l’uniformité des poids et mesures, inauguration des télégraphes, grands travaux sur l’éducation nationale, sur le développement des sciences et des arts, institution du grand-livre de la dette publique, réforme du calendrier, fondation des premières écoles dans les communes, suppression des loteries, propagation de la langue française dans les départements dont les habitants pariaient divers idiomes ou patois, abolition définitive de l’esclavage dans les colonies, projet (bientôt réalisé) pour la fondation de l’École polytechnique et de l’École normale, etc. L’énumération serait trop longue et ne serait pas à sa place ici.

Nous ne voudrions certes pas affaiblir l’horreur que peuvent inspirer les luttes sanglantes de ce temps, et les emprisonnements arbitraires, et les condamnations injustes, et les exécutions odieuses ou inutiles, et les violences de Tallien à Bordeaux, de Fréron à Toulon, de Fouché et de Collot-d’Herbois à Lyon, de Carrier à Nantes, et les représailles en Vendée, etc. Mais qu’on songe à l’emportement des passions, à la fureur des attaques, à la grandeur des périls, à la fièvre de ce combat à mort. L’Empire a versé bien autrement de sang en ses immenses hécatombes humaines, en ses folles expéditions, qui n’avaient pas pour excuse l’impérieuse nécessité de sauver les libertés nouvelles et l’indépendance de la patrie. Suivant la remarque de Michelet, le nombre des personnes exécutées à Paris pendant toute la Révolution forme à peine la quarantième partie du nombre des victimes que moissonna la seule bataille de la Moskowa. Qu’on se souvienne aussi des horreurs commises par les Vendéens et par tous les insurgés royalistes, par la réaction triomphante après le 9 thermidor ; qu’on songe enfin aux excès de ce qu’on a appelé la Terreur blanche sous la Restauration.

Comme période historique, la Terreur s’étend du 5 septembre 1793 jusqu’au 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Des historiens complaisants ont répété que Robespierre avait voulu la tempérer, l’enrayer même. Assertion plus que discutable, car il se servit de cette arme terrible pour frapper tous ses adversaires, les hébertistes, puis Danton et ses amis. Ces derniers, immolés comme indulgents, auraient plus de droits à être considérés comme antiterroristes ; car, par une réaction de pitié qui éclate dans le Vieux cordelier de Camille Desmoulins, ils n’eussent pas été éloignés d’ouvrir toutes les prisons, de submerger la France de tous les ennemis de la Révolution. Cet excès d’indulgence eût certainement été aussi funeste que le système d’épuration à outrance du parti robespierriste.

Quoi qu’il en soit, la Terreur avait fini par s’étendre aux républicains ; dans cette fièvre d’épuration, personne n’était plus assez pur, assez orthodoxe ; Robespierre et son parti usèrent cruellement de ce système meurtrier, et ce fut une des causes du 9 thermidor, car il était dans la nature des choses que tous ceux qui se sentaient menacés se liguassent pour se défendre.

Mais, d’autre part, il serait excessif de prétendre, comme on l’a répété si souvent, que Robespierre a créé, a maintenu le régime de la Terreur, qui était dans la fatalité de la situation, comme nous l’avons dit plus haut. Non-seulement la responsabilité ne peut se personnaliser, mais encore elle appartient plus aux événements qu’aux hommes, et en outre elle n’a pas été le fruit naturel de la Révolution, comme les partis de réaction l’ont ressassé avec tant de mauvaise foi, mais simplement un accident de combat.

Quelque temps après la chute de Robespierre, il y eut comme une détente, mais la Terreur ne fît que se déplacer ; ce redoutable instrument tomba dès lors aux mains des contre-révolutionnaires ; la réaction déborda, comme cela était inévitable, car Robespierre et son parti lui avaient ouvert les voies en immolant tout ce qui constituait les grandes forces de la République, la Commune de Paris, les révolutionnaires antireligieux, les dantonistes, etc.

Il n’y avait plus dès lors besoin de la guillotine et des formalités judiciaires ; c’était par le massacre et les assassinats que le royalisme procédait à l’élimination des patriotes dans toutes les parties de la France. On tuait en masse ou isolément, d’une manière suivie, en pleine lumière, dans les rues, sur les places, dans les prisons et à domicile. Les réacteurs eux-mêmes se montrèrent épouvantés de ces orgies de sang, mais sans pouvoir y mettre fin. Au régime du tribunal révolutionnaire avait succédé le règne des assassins. Ce sont ces épouvantables excès de la réaction thermidorienne, qui durèrent si longtemps et ensanglantèrent le pays entier, que certains historiens ont nommés la fin du régime de la Terreur et le triomphe de la modération.

Terreur (HISTOIRE de la), par Mortimer Ternaux (Paris, Michel Lévy, 1862-1869, 7 vol. in-8o). L’ouvrage de M. Mortimer Ternaux peut être considéré à deux points de vue, celui des faits et celui des appréciations. Les faits sont nombreux, habilement groupés, nous pourrions même dire perfidement. L’auteur a eu à sa disposition des documents qui se trouvent dans des bibliothèques généralement fermées au public ; nous voulons parler de la bibliothèque de la préfecture de police et de celle des Archives. On sent, dans l’exposition des faits et dans la manière avec laquelle ils sont présentés, que la main d’un littérateur exercé, la main d’un journaliste y a passé. En effet, M. Mortimer Ternaux n’est pas l’auteur de la partie savante, de la partie historique de son ouvrage. Les recherches qui y sont consignées n’ont pas été faites par lui. Elles ont été faites à peu près exclusivement par M. Ch.-L. Chassin, depuis rédacteur en chef de la Démocratie et auteur du Génie de la Révolution. Pendant de longues années, M. Chassin a éprouvé le sort de la plupart des jeunes écrivains appartenant à la démocratie, il s’est trouvé dans une situation des plus précaires ; aussi ne saurait-on lui faire un crime d’avoir collaboré avec M. Mortimer Ternaux, surtout si l’on considère que M. Chassin n’a fait dans l’Histoire de la Terreur que la partie laborieuse, matérielle si l’on veut, et que c’est à M. Mortimer Ternaux que revient toute la responsabilité des appréciations.

Les appréciations dont M. Mortimer Ternaux accompagne le récit surchargé et exagéré des événements accomplis sous la Terreur sont d’autant plus perfides qu’elles revêtent les apparences d’une prétendue impartialité. La manière de l’auteur que nous étudions est cauteleuse et sournoise ; le style est froid et insinuant. Lorsque l’auteur ne fait aucune appréciation, on doit surtout se méfier de lui ; s’il ne parle pas, c’est qu’il fait parler les faits, c’est qu’il les a groupés, arrangés, ornés, quelquefois même dénaturés en leur enlevant tel ou tel trait ; en sorte que, tels qu’il les présente, ils forment un terrible réquisitoire contre l’ennemie déclarée de M. Mortimer Ternaux ; nous voulons dire la République.

C’est bien à la République qu’il en veut en effet ; loin de manifester une préférence quelconque pour tel ou tel parti, loin de frapper, comme beaucoup d’historiens, tel révolutionnaire au profit de tel autre, il les englobe tous dans la même exécution discrète, qui se déguise parfois sous la forme d’un compliment ou même d’une plainte sympathique.

M. Mortimer Ternaux fait commencer la Terreur de bien bonne heure : au 20 juin ! Cette journée est pour lui la préface des massacres de Septembre, et comme il traite ceux-ci, il traite celle-là. Quel fut donc le crime du peuple au 20 juin ? Il envahit le palais pour indiquer ses volontés au roi, son mandataire infidèle, et quand il eut vu Louis XVI se coiffer du bonnet phrygien, quand le monarque tremblant eut avalé le verre de vin que l’on présentait à sa soif, ce bon peuple, confiant dans les promesses mensongères qu’on lui avait faites, se retira paisiblement. En vérité, où est la terreur dans cette journée ? Elle existait, en effet, dans le palais, où la reine, ses enfants, ses suivants et ses suivantes se cachaient dans les cabinets, derrière les meubles, les rideaux, etc., jugeant des sentiments du peuple par les leurs et n’attendant point de quartier de ces vilains à qui on n’en eût point fait si l’on avait vaincu. Mais le peuple n’était pas encore convaincu des crimes de la cour ; le peuple avait besoin d’autres preuves encore, pour en arriver à se soulever et à faire la journée du 10 août.

C’est sur les journées de Septembre que M. Mortimer Ternaux s’étend avec le plus de complaisance ; il connaît le nom de toutes les « victimes, » et, d’après lui, leur nombre est « énorme. » Nous nous permettrons de douter de l’exactitude de ses renseignements. Tous les historiens de la Révolution française ont voulu, comme M. Mortimer Ternaux, donner le chiffre des « victimes ; » aucun ne s’est trouvé d’accord avec un autre, et on trouve entre eux des différences de plusieurs milliers. Mais peu importe ; si les journées de Septembre ont été un crime, elles seraient un crime alors même qu’elles n’eussent coûté la vie qu’à une seule personne.

M. Mortimer Ternaux parcourt toutes les journées de la Terreur et nous y montre, non pas des hommes cédant à de dures nécessités et sauvant l’unité et le territoire de la France, mais bien nous ne savons quelles bêtes féroces, quels « buveurs de sang, » qui tuent pour avoir le plaisir de tuer, qui se réjouis-