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TERR

dis terrestre, depuis La Haye jusqu’à Amsterdam. (Volt.)

— Hist. n ;t. Se dit de toutes les espèces animales ou végétales qui vivent ou croissent sur lu terre émergée, par opposition à aquatique, (luviatile, lacustre, marin, etc.

— Bot. Lierre terrestre, Nom vulgaire du gléohome hédéracé.

— s. f. pi. Entorn. Division des myodaires, famille d’insectes diptères.


TERRESTRÉITÉ S. f. (tè-rè-stré-i-térad. terrestre). Scolast. État, qualité de ce qui est terrestre.


TERRESTREMENT adv. (tè-rè-stre-man — rad. terrestre). D’une manière terrestre : Laides, les femmes sont flattées par un amour qui tes fait belles ; vertueuses, un sentiment terrestrkmbnt sublime les porte à trouver je ne sais quelle absolution dans la grandeur même du sacrifice qu’elles font à leur amant. (Balz.)


TERRET s. m. (tèr-rè). Vilic. Cépage du Midi.

— Encycl. Ce cépage est très-répandu dans les vignobles de nos départements du Midi, et notamment dans celui de l’Hérault. On distingue :

lo Le ierret noir, qui est d’une culture si ancienne qu’on n’a aucune notion de son introduction dans le pays. Il est très-fertile et commence à produire dès la troisième année après avoir été planté. On le cultive dans l’Aude, l’Hérault, le Gard et le Vaucluse, sur les coteaux secs ; il produit un bon vin ordinaire, remarquable par sa couleur ; dans les plaines, son produit, plus abondant, a moins de qualité. Les caractères distinctifs du terrée noir sont : les sarments vigoureux, érigés, striés, couleur acnjou, longs, à, nœuds rapprochés ; les vrilles longues et rameuses ; les feuilles de grandeur moyenne, aussi larges que longues, assez fines, à cinq lobes, dont les deux supérieurs sont ordinairement découpés ; les dents irrégulières et courtes ; la face supérieure d’un Vert peu foncé, lisse, l’inférieure feutrée, blanchâtre, à nervures peu saillantes, couvertes elles-mêmes de coion ; le pétiole est court et violacé. La fleur est peu sujette à la coulure. La grappe, volumineuse, pyramidale, ailée, est composée de grains serrés, généralement égaux, d’une belle grosseur, ovalaires, noir rougeâtre, transparents, mais tellement bruinés qu’ils paraissent, à leur surface, gris bleuâtre. Le pédoncule est très-vigoureux, ligneux à sa partie supérieure. Les grains sont juteux et un peu charnus ; leur peau est épaisse et leur saveur légèrement acidulée.

îo Le ierret bourret, qu’on cultive surtout dans l’Hérault et le Gard, a pour caractères distinctifsles sarments trè»-vigoureux, longs, île couleur cannelle, striés, à nœuds rapprochés ; les bourgeons coniques, pointus et iiébourrant asssz tard ; les feuilles, de grandeur moyenne, fines, plus larges que longues, à cinq lobes généralement peu profonds, aux dents irregulières et courtes ; la face supérieure d’un vert peu foncé et lisse, l’inférieure cotonneuse, presque feutrée, tapissée de nervures Unes, d’un blanc jaunâtre. Le pétiole est court. La fleur résiste bien à la couiure. La grappe, très-forte, pyramidale, est munie de grosses ailes qui retombent sur le corps ne la grappe ; les grains sont serrés, généralement égaux, ovalaires, gros, d’un blond rose, et chargés de bruine qui leur donne l’aspect cendré, légèrement violacé ; le pédoncule est court, ligneux dans sa partie supérieure ; les grains sont juteux, quoique charnus, d’une saveur fade, revêtus u’une peau épaisse. Ce raisin ne mûrit que dans les premiers jours d’octobre ; c’est le plus tardif des cépages du Midi ; il fournit un vin absolument incolore, destiné principalement à la chaudière.

30 Le ierret coulaire, sujet à la coulure,

 Le terret blanc, peu cultivé, qui mûrit

tôt et ne résiste pas bien à la pourriture ; il produit de bon vin, mais en trop petite quantité.


TERRETTE s. f. (tè-rè-te — dimin. de terre), bot. Nom vulgaire du gléchome hédéracé ou lierre terrestre.


TERREUR s. f. (tè-reur — lat. terror, de terreo, pour terseo, craindre, être saisi de terreur, lequel représente la racine sanscrite tras, craindre, trembler, qui est restée également dans le persan tarsidan, craindre ; grec treo pour treso, craindre ; russe trusiti, craindre, triasti, faire trembler, secouer, etc.). Sentiment profond de crainte, inspiré par la considération d’un danger ou d’un mal : Être glacé de terreur. Inspirer la terreur. répandre partout la terreur. Faire régner la terreur. Les cris militaires redoublent la terreur. (D’Ablanc.) Il se répand autour des trônes certaines terreurs qui empêchent de parler aux rois avec liberté. (Fléchier.) Le règne de la terreur doit être uniquement attribué aux principes de la tyrannie. (Mme de Staël.) Les terreurs de la vie future sont, pour les prêtres, des opinions auxiliaires. (B. Const.) Quand vingt mille prisonniers s’égorgeaient pour amuser Néron, n’était-ce pas là de la terreur sur une grande échelle ? (Chateaub.) Le propre du soleil levant est de nous faire rire de toutes nos terreurs de la nuit. (V. hugo.) La justice, et non la multiplicité des châtiments, produit seule une terreur salutaire. (Bignon.) La terreur est une force ; elle a sa majesté. (Balz.)

— Personne ou objet qui inspire la terreur : Ce général est la terreur des ennemis. Ce gendarme est la terreur des braconniers. Pierre était l’appui de tous les princes, comme Charles en avait été la terreur. (Volt.) Si la mort est l’espoir du pauvre, elle est la terreur du riche. (Foissae.)

Terreur panique, Terreur soudaine et sans sujet : Vous écoutez une terreur panique, et nous nous opposerions vainement à votre dessein. (Le Sage),

Je l’ai voulu défendre Des paniques terreurs qui l’avaient pu surprendre. Corneille.

Remplir tout de la terreur de son nom, Se faire redouter partout. Se dit ordinairement d’un conquérant.

— Syn. Terreur, alarme, appréhension, etc. V. ALARME.

Terreur (la). Il sera toujours facile de calomnier la Révolution française en feignant de confondre son principe avec les combats terribles qu’elle eut à soutenir pour l’appliquer.

Ses adversaires de toute nuance, constitutionnels, girondins convertis à l’Empire, puis à la monarchie, nobles, prêtres, émigrés, plébéiens engraissés de biens nationaux, parvenus de haute ou basse bourgeoisie, scribes de parti, tous ont écrit contre elle des mémoires, des pamphlets, de prétendues histoires où la haine déborde, où le mensonge éclate à chaque ligne.

Si du moins ces écrivains avaient voulu simplement prouver que tous les partis, dans leurs luttes trop souvent implacables, sont sujets à des excès qu’on doit réprouver, nous serions bien volontiers avec eux ; mais ils ne frappent jamais que d’un seul côté, sans faire la moindre allusion aux violences des partis contraires, aux trahisons, aux complots sans cesse renaissants, aux périls de la patrie, qui nécessitaient évidemment de grandes mesures. Il eût apparemment fallu, suivant ces théoriciens, ne pas se défendre, tendre la gorge au couteau, laisser périr le peuple et la nation. Ils représentent constamment la Terreur comme un système, tandis qu’en réalité elle ne fut qu’un accident, une tradition, une habitude d’ancien régime, dont la France nouvelle, dans la guerre à mort à laquelle elle était obligée de faire tête, n’a pas eu la puissance de s’affranchir. En un mot, ils n’ont évidemment pour but que de provoquer à la haine de la Révolution, en la présentant exclusivement sous ses côtés douloureux, qui affligent ses amis les plus sincères, mais qui n’effacent pas sa grandeur.

Les attaques incessantes des séides du passé, la lutte entre deux principes inconciliables, car aucune capitulation n’était possible entre la France ancienne et la France moderne, les intrigues de la cour, les trahisons successives de Mirabeau, de Dumouriez et d’autres, la connivence des pouvoirs constitués, et surtout de la royauté, avec l’ennemi du dedans et du dehors, préparèrent de loin le régime de la Terreur. La nécessité, pour la Révolution, de se mettre elle-même en état de siège était impérieuse ; attaquée comme elle l’était, il ne lui restait qu’à vaincre ou à périr.

Tout en déplorant le caractère implacable de ces luttes, comme on gémit sur les maux de la guerre, on n’en doit pas moins reconnaître qu’une nation, comme un individu, a le droit de se mettre en état de légitime défense et même de recourir aux moyens extrêmes pour sauver son indépendance et sa liberté. Et qui pourrait nier qu’à cette époque ce fût une question de vie ou de mort pour le pays et pour ses institutions nouvelles ?

On pourrait d’ailleurs établir l’échelle proportionnelle de la lutte, la gradation, la progression constante d’efforts que la Révolution dut opposer à ses ennemis. À chaque réaction correspond un mouvement de résistance nationale, et cela depuis le commencement de la grande crise ; aux insolences de la cour, la séance du Jeu de paume ; aux menaces de coups de force, la prise de la Bastille ; au banquet provocateur des gardes du corps, les 5 et 6 octobre ; aux manœuvres factieuses des prêtres, les lois de répression de la Législative, puis de la Convention ; au refus de sanction des décrets nationaux et au renvoi brutal des ministres patriotes, le 20 juin ; aux trahisons avérées de la cour, le 10 août ; à la prise de Verdun, le 2 septembre ; à l’armée de Condé, l’armée révolutionnaire ; à la coalition, le comité de Salut public, etc.

La terreur, c’est-à-dire la défense à outrance, était donc, par la force des choses, inévitable et fatale. Une nation ne se résigne pas plus à la mort qu’un individu, et moins encore, et, dans ces moments de suprême péril, il n’y a rien de fort extraordinaire à ce que la France ait suivi l’exemple de tous les temps et qu’elle ait eu recours à une dictature de désespoir, qui était en quelque sorte la mise en état de siège de tout le pays.

Quant aux actes terribles de cette période, on ne les déplorera jamais assez, au nom de l’humanité et des principes, au nom même des institutions nouvelles, dont l’application en fut compromise. Mais qui oserait nier que, si la Révolution n’eût pas été attaquée avec tant d’acharnement, enveloppée de complots et de trahisons, elle n’eût pas donné ce spectacle au monde ? Laissée à elle-même et au développement régulier de ses forces, elle eût vraisemblablement fondé ce gouvernement libre que la France attend depuis si longtemps.

« Nous regardons, dit l’historien Macaulay, comme une règle sans exception que la violence d’une révolution correspond au degré de mauvais gouvernement qui a produit cette révolution. »

Est-ce que la royauté, en effet, dans tout le cours de son histoire, ne fut pas une longue terreur ? Qui pourrait énumérer la série des violences et des crimes commis impunément pendant tant de siècles, et les actes habituels de despotisme brutal, et les massacres, et les assassinats particuliers, et la Saint-Barthélémy, et la révocation de l’édit de Nantes, et les dragonnades, et l’asservissement, l’écrasement séculaire des classes inférieures, etc. ? Le détail échappe à l’histoire, même à l’érudition. Les rois savaient bien fermer la bouche à qui aurait pu parler ; ils faisaient partager leur inviolabilité à leurs complices. Au seul mot de raison d’État, l’histoire s’incline ; elle ne retrouve ses scrupules que lorsque les révolutions parlent de salut public.

Et qu’est-ce donc aussi que la terreur révolutionnaire à côté de la terreur religieuse, à côté de l’inquisition ? Qu’est-ce donc que les excès de l’une, que, certes, nous ne voulons pas justifier, qu’est-ce donc, dit Michelet, « devant ces millions d’hommes pendus, rompus, ce pyramidal bûcher, ces masses de chair brûlées, que l’autre a montées jusqu’au ciel ? Dans une seule des provinces d’Espagne, un document authentique établit qu’en seize années l’inquisition brûla 20,000 hommes.... Mais pourquoi parler de l’Espagne, plutôt que des albigeois, plutôt que des vaudois des Alpes, plutôt que des bégards de Flandre, que des protestants de France, plutôt que de l’épouvantable croisade des hussites et de tant de peuples que le pape livrait à l’épée ?

« L’histoire dira que, dans son moment féroce, implacable, la Révolution craignit d’aggraver la mort, qu’elle abolit les supplices, éloigna la main de l’homme, inventa une machine pour abréger la douleur.

« Elle dira aussi que l’Église du moyen âge s’épuisa en inventions pour augmenter la souffrance, pour la rendre poignante, pénétrante, qu’elle trouva des arts exquis de torture, des moyens ingénieux pour faire que, sans mourir, on savourât longtemps la mort.... »

Il est un fait qui doit servir de préface à toute histoire de la Terreur et à la lumière duquel il faut la considérer pour porter un jugement sur elle : c’est que la terreur est essentiellement le système catholique et royaliste. Cette terreur de quatorze mois est la conclusion forcée d’une terreur de quatorze siècles. Il est triste qu’on puisse appliquer à l’histoire de France ce qu’on a dit de celle d’Angleterre, qu’elle devrait être écrite par le bourreau ; mais ainsi l’ont voulu le catholicisme et la monarchie. On nous reprochera peut-être de récriminer. Nous répondrons qu’il est permis de récriminer lorsqu’on n’a, d’ailleurs, nullement la pensée d’éluder la question, et l’on verra que l’examen des faits n’a rien qui nous embarrasse. Nous ajoutons qu’ici la récrimination est de toute nécessité, par la raison que la terreur constamment pratiquée par l’ancien régime est la seule et la plus naturelle explication de la terreur révolutionnaire.

Il est, en effet, une thèse capitale dont la vérité absolue éclate dans l’histoire : c’est que, pour le catholicisme et pour la royauté, l’extermination de leurs adversaires par tous les moyens a été une règle de droit public toujours admise et toujours pratiquée. L’un et l’autre ont invariablement donné la théorie et l’exemple de la terreur. Le gouvernement révolutionnaire, quelque jugement qu’il puisse encourir de la part des philosophes ou des politiques pour n'avoir pas rompu avec le vieux système, n’a fait, jusque dans les plus petits détails, qu’employer les moyens que lui avaient légués la monarchie et le catholicisme, et tourner contre ses deux ennemis leurs procédés séculaires.

On tranche ordinairement la question Sans la discuter ; on raconte la Terreur et on la juge sans même faire allusion aux circonstances dans lesquelles elle se produisit, sans rappeler les longues intelligences de la cour avec les puissances ennemies, les trahisons du roi et de la reine, les conspirations de Coblentz, l’approche des armées étrangères et leur entrée en France, les soulèvements de la Vendée, du Midi, de tant de départements où la guerre civile était fomentée par les prêtres, les nobles et tous les sectaires de l’ancien régime.

Imaginez le triomphe de tous ces éléments ennemis et songez aux sanglantes réactions qui se seraient produites. On peut juger, à la cruauté que montra la Restauration en reprenant possession du pays, quand on pouvait espérer que les haines étaient attiédies, de ce qu’elle aurait été vingt années plus tôt : le manifeste de Brunswick, exécuté au pied de la lettre, les menaces de l’émigration changées en réalité, la Révolution noyée dans le sang, les institutions de la liberté détruites, voilà ce que nous aurions vu dès 1792 sans les hommes qui prirent alors les rênes du gouvernement et qui sauvèrent la France et les conquêtes essentielles de 1789.

Répétons-le, le passé montrait également ce qu’on pouvait craindre et l’histoire, bien incomplète, des siècles écoulés nous retrace des scènes autrement dramatiques que celles de la Révolution et dont, pendant mille ans, ont été le théâtre les bastilles, les galères du roi, les rues de Paris et celles de cent autres villes, les charniers, les montagnes des Cévennes, etc.

Puisqu’on lève aujourd’hui avec tant d’audace l’étendard contre la Révolution, contre les principes de la France nouvelle, il ne faut pas se lasser de dénoncer le terrorisme au moyen duquel le catholicisme, la royauté et les aristocrates ont régné et dont la Révolution seule nous a délivrés. Il s’agissait, à partir de 1792, de sauver les intérêts et les droits nouveaux des représailles d’un monde de privilégiés ; il s’agissait surtout de défendre le territoire et l'indépendance nationale. Il s’agissait uniquement, pour les puissances du passé, d’assurer leur domination exclusive. Le catholicisme frappait, non des conspirations, mais des opinions. Pour les déraciner, il a employé froidement, avec continuité, tous les moyens de terreur, la persécution, l’inquisition, l’emprisonnement des suspects, les condamnations sans interrogatoire, sans défense, la torture préalable, la guerre civile, le massacre en grand.

La terreur n’était pas, pour l’Église officielle, un expédient adopté dans la fièvre du péril ; c’était une théorie, presque un dogme. Tous les conciles qui se sont occupés des hérésies ont invariablement décrété l’extermination des hérétiques. Il serait oiseux d’accumuler ici des exemples ; ils sont suffisamment historiques et connus. Tous les grands conciles ont mis la terreur à l’ordre du jour : celui de Latran en 1215, le plus imposant qui eût jamais été tenu, et « dont l’autorité, dit Bossuet, est si grande, que la postérité l’a appelé par excellence le Concile général ; » ceux de Toulouse en 1229, de Narbonne en 1235, d’Albi en 1254, et tant d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ; toutes ces assemblées, invariablement, ont décrété l’extinction des dissidents par la flamme ou par le fer, ont imposé l’exécution de ces barbaries aux puissances temporelles, sous peine de déchéance et d’excommunication. En matière d’hérésie, on devait procéder sommairement, en secret au besoin. Le concile de Trente, au XVIe siècle, décida « que celui qui tue un homme par l’ordre de Dieu n’est point coupable d’homicide. »

L’Église ayant seule qualité pour transmettre les ordres de Dieu, ses règles sont absolues, ses décisions fermes et stables à jamais, et elles n’ont été rapportées ni même désavouées une seule fois dans le cours des siècles. Jamais l’Église n’a consenti à abjurer l’emploi dos moyens de terreur pour défendre ou restaurer la foi. Innocent III établit l’inquisition en 1198, l’inquisition, dont le but, l’esprit, les formes et les actes ne sont que trop connus et qui opérait encore en Espagne dans les temps modernes. Grégoire IX décrétait que « les biens des hérétiques sont confisqués de plein droit, » et en outre qu’on « peut déclarer un homme hérétique après sa mort, afin de confisquer ses biens. » Le même pape déclarait infâmes et suspendus de leur office tous avocats ou notaires exerçant pour des hérétiques. Cette décrétale n’a jamais cessé d’être appliquée dans les pays où le droit canonique a conservé force de loi, et elle l’a été il n’y a guère plus de dix ans à un avocat de Barcelone qui avait voulu défendre des protestants.

On reconnaîtra que la loi du 22 prairial et le rapport de Couthon, que nous sommes les premiers à réprouver, n’allaient pas aussi loin.

Martin V en 1420, Léon X en 1520, Clément VII en 1528, Paul III en 1536, Paul IV en 1555 et en 1559, ont tous répété l’anathème contre les hérétiques et renouvelé les injonctions aux pouvoirs séculiers d’aider l’Église de leur bras. Pie V, dont on a fait un saint, le héros de M. de Falloux, ne cessa, pendant trois années, dans ses lettres particulières au duc et au cardinal de Lorraine, à la reine Catherine, au roi Charles IX, de pousser au massacre des protestants. Après la Saint-Barthélémy, on illumine à Rome, on fait des processions en signe de joie et Antoine Muret prononce dans l’assemblée des cardinaux, en présence de Grégoire XIII, une apologie du massacre. Au XVIIe siècle, au XVIIIe siècle, les papes et le clergé de France poussent et applaudissent aux rigueurs contre les protestants. En 1787, à la veille de la Révolution, l’assemblée du clergé proteste encore contre l’édit de tolérance.

On remplirait des volumes d’exemples analogues si cela était nécessaire pour démontrer qui a conçu, enseigné, pratiqué, inculqué le système de la terreur, mais il suffit de marquer la continuité des témoignages. Au XIIIe siècle, c’est saint Thomas qui déclare que les hérétiques obstinés dans leur erreur devront non-seulement être excommuniés, mais livrés au juge séculier pour être exterminés. Au XVe siècle, c’est Gerson, réputé pour sa douceur, qui insiste pour qu’on livre Jean Huss à la hache du bras séculier et qu’on l’envoie au feu par une cruauté misé-