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cousin du précédent, né en 1642, mort à Paris en 1712. Il entra dans les ordres, s’adonna à la poésie, composa de petits vers, des idylles, des pastorales et écrivit à dix-huit ans un Voyage à l’île d’Amour, en vers et en prose, qui fut publié à Paris (1663, in-12). Ce fut cette composition allégorique qui lui ouvrit, à vingt-quatre ans, les portes de l’Académie française en 1666. Depuis cette époque, Tallemant ne composa plus que des Éloges, des Discours, des Panégyriques, ce qui lui valut des pensions, des bénéfices, les prieurés d’Ambierle et de Saint-Albin, etc. Il reçut en outre une pension de 500 livres, remplit, de 1694 à 1706, les fonctions de secrétaire de l’Académie des inscriptions, fut chargé de la description des résidences royales, de l’intendance des devises et inscriptions des édifices royaux et composa des légendes pour les tableaux que Le Brun peignait pour les grandes galeries de Versailles ; mais ces légendes furent trouvées si mauvaises qu’on donna l’ordre de les effacer. Bien que, dans ses poésies, il sacrifiât à la galanterie et aux grâces mignardes, il se montra plein de zèle pour la religion et prononça un grand nombre de sermons devant les nouveaux convertis mis dans des couvents. Dépourvu de savoir et de goût, écrivain médiocre, il n’a rien laissé qui ne soit profondément oublié. Comme homme, il était aimable et gai et il brillait dans le monde par d’heureuses saillies. Il a publié, outre des éloges et des discours, Remarques et décisions de l’Académie française (Paris, 1698, in-12) ; une traduction française du Ver luisant, de Huet {Paris, 1709 ;, et édité l’Histoire de Louis XIV par médailles (1702, in-fol.).


TALLEMANT DES RÉAUX (Gédéon), écrivain français, surnommé le Brantôme du XVIIe siècle, né à La Rochelle vers 1619, mort en 1692. Après un voyage en Italie, qu’il fit avec l’abbé Tallemant, son parent, il prit ses degrés en droit civil et canonique, par déférence pour son père, qui le destinait à la magistrature, puis il épousa Élisabeth de Rambouillet, sa cousine, qui avait assez de fortune pour lui assurer une position indépendante. Ce mariage lui procura en outre l’avantage d’être reçu dans les salons de l’hôtel de Rambouillet, où il put observer à Son aise les mœurs de la haute société du temps, recueillir les anecdotes des temps passés et celles du jour. Ces anecdotes, sous la plume de Tallemant des Réaux, sont devenues de très-utiles et très-curieux documents pour l’histoire. Né dans la religion réformée, il abjura en 1685 entre les mains du P. Rapin, jésuite. Bientôt des revers de fortune lui firent perdre presque tout ce qu’il possédait, et sa position serait devenue très-précaire si le roi ne lui avait accordé une pension de 2,000 livres. Il fut uni par les liens d’une étroite amitié avec Patru et Maucroix ; celui-ci a dit de lui : « C’etoit un des plus hommes d’honneur, de la plus grande probité que j’aie jamais connus. Outre les grandes qualités de son esprit, il avoit la mémoire admirable, écrivoit bien en vers et en prose, et avec une merveilleuse facilité. Si la composition lui eût donné plus de peine, elle auroit été plus correcte ; il se contentoit peut-être un peu trop de ses premières pensées, car, du reste, il avoit l’esprit beau et fécond et peu de gens en ont autant que lui. Il parloit en bons termes et racontoit aussi bien qu’homme de France. »

La bonne intelligence qui régna longtemps entre Tallemant des Réaux et sa femme fut troublée après la mort de leurs deux filles. Mme des Reaux quitta même quelque temps le domicile commun et se retira à l’abbaye de Bellechasse.

Tallemant était poëte, mais la plupart de ses poésies sont perdues. On ne possède de lui, en vers, que le Madrigal sur la fleur de lis pour la Guirlande de Julie, un sonnet à Conrart, l’épitaphe de Patru, celle de Perrot d’Ablancourt et un épître au P. Rapin. Il travaillait à une Histoire de la Régence, qui ne fut jamais terminée, et dont ses Historiettes n’étaient pour lui que les rognures. Bans ce dernier livre, sur lequel se fonde toute sa célébrité, il raconte un peu sur tout le monde une foule d’anecdotes piquantes, où la décence n’est pas toujours respectée ; mais il le fait d’un style si facétieux, si spirituel et si fin, qu’il sera toujours compté au nombre des bons prosateurs de notre vieille langue. Si quelques esprits libertins lisent les Historiettes pour y chercher des peintures graveleuses, les érudits les liront toujours comme un tableau fidèle des mœurs de l’époque et comme un des monuments de notre langue. V. Historiettes.


TALLEMENT s. m. (ta-le-man — rad. taller). Agric. Action de taller, production des talles : Le tallement des céréales est un des faits les plus importants qui se rapportent à la culture des plantes de cette famille, (M. de Dombasle.)


TALLER v. n. ou intr. (ta-lé — rad. talle). Agric. Pousser des talles, des surgeons : Il est bon que les céréales semées a l’automne aient commencé à taller avant l’hiver. (M. de Dombasle.) Lorsqu’on sème fort épais, les plantes ne tallent pas. (M. de Dombasle.)

— Fig. Produire, se multiplier : Celte famille avait si bien tallé dans le duché, qu’elle y embrassait tous les arbres généalogiques. (Balz.)


TALLEVANE s. f. (ta-le-va-ne). Écon. domest. Pot de grès où l’on met du beurre.


TALLEYRAND, surnom pris, dès le commencement du XIIe siècle, par les seigneurs de la famille des comtes souverains du Périgord. L’un des premiers qui prit ce surnom est Hélie V, qui se distingua par sa haine contre les Anglais, alors maîtres d’une partie de la France, entra dans la ligue des seigneurs français contre Richard Cœur de Lion, duc d’Aquitaine, combattit vaillamment les Anglais, fit hommage de son comté à Philippe-Auguste (1204), se rendit en Palestine et y mourut en 1205. Ses successeurs montrèrent le même attachement à la France. Parmi les plus remarquables, nous citerons les suivants : Roger-Bernard, mort en 1369, reçut de Philippe de Valois, en récompense du zèle dont il avait fait preuve en combattant contre les Anglais, la terre de Montrevel ; mais les Anglais s’étant emparés du Périgord, Roger-Bernard se vit contraint de se reconnaître leur vassal, et le prince de Galles lui rendit la ville de Périgueux. L’année qui précéda sa mort, Roger-Bernard, ainsi que les autres grands vassaux de la Guyenne, secoua le joug de l’Angleterre et revint sous l’autorité du roi de France. — Son fils, Archambaud V, eut de vifs démêlés avec les habitants de Périgueux, qu’il traita comme des rebelles. Ceux-ci en appelèrent au roi de France (1392), qui intervint. Archambaud, après avoir pris les armes pour soutenir ses droits, se soumit au roi, à qui il livra quatre châteaux forts (1394), fit quelque temps après une nouvelle levée de boucliers, fut assiégé et pris par le maréchal Boucicaut, conduit à Paris et condamné par le parlement au bannissement (1395), puis à perdre la tête et son comté (1398). Le roi lui ayant fait grâce de la vie, il passa en Angleterre, où il mourut en 1399. — Son fils, Archambaud VI, obtint du roi le comté de Périgord ; mais, ayant réclamé avec une extrême hauteur Périgueux et enlevé la fille d’un bourgeois de cette ville, le parlement le condamna à la peine du bannissement (1399), et, comme son père, il passa en Angleterre, où il termina sa vie en 1435. Le comté de Périgord, donné au duc d’Orléans, passa, en 1437, à Jean de Blois, puis à Antoine de Bourbon, et fut réuni à la couronne par son fils, Henri IV, en 1589. La branche cadette des comtes de Périgord, dont les membres se sont appelés sires, puis comtes de Grignols, et enfin princes de Chalais et de Talleyrand, s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Nous allons consacrer des notices biographiques aux membres les plus remarquables de cette famille.


TALLEYRAND-PÉRIGORD (Hélie DE), cardinal, fils d'Hélie VII, comte DE PÉRIGORD, né à Périgueux en 1301, mort en 1364. Destiné dès l’enfance à l’état ecclésiastique, il dut à son instruction, à ses talents et surtout à sa haute naissance un avancement rapide. Archidiacre de Périgueux et abbé de Chancelade, il fut, à vingt-trois uns, nommé évêque de Limoges, passa en 1328 au siège d’Auxerre et reçut en 1331, de Jean XXII, le chapeau de cardinal. À partir de ce moment, Talleyrand-Perigord joua un rôle considérable dans l’Église et exerça une grande influence dans le sacré collège. À la mort de Jean XXII (1334), il se trouva le chef des cardinaux français qui l’emportèrent dans le conclave sur la faction italienne et contribua successivement à la nomination de quatre papes : Benoît XII, Clément VI, Innocent VI, Urbain V. Après l’excommunication lancée contre l’empereur Louis V (1346), il parvint encore à faire nommer à sa place Charles de Luxembourg, à la suite de violents troubles excités dans Avignon par les divisions des cardinaux, qui faillirent même en venir aux mains. Accusé avec son neveu, Charles de Duras, de complicité dans le meurtre d’André, mari de Jeanne de Naples (1345), il ne se vit délivré des poursuites intentées contre lui près du saint-siége qu’après la réconciliation île la reine Jeanne avec son beau-frère, Louis de Hongrie, en 1352. Quatre ans plus tard, le pape Innocent VI l’envoya en qualité de légat en France. Le cardinal de Périgord se rendit auprès du roi Jean, fit d’inutiles efforts pour l’amener à relâcher le roi de Navarre, le suivit à Poitiers (1356), s’interposa entre les armées française et anglaise sur le point d’en venir aux mains, obtint un armistice de vingt-quatre heures, mais ne put amener les deux partis à un accommodement. Après la désastreuse bataille de Poitiers, le cardinal fut envoyé à Londres pour solliciter la liberté du roi Jean, et n’obtint d’Édouard III qu’une trêve de deux ans. En 1361, il se rendait auprès de Charles le Mauvais afin de négocier la paix entre lui et le régent, lorsqu’il fut arrêté par un chef de routiers, Arnaud de Cervoles, qui demanda pour sa rançon 40,000 écus et les obtint du pape Innocent VI. Sous le pontificat d’Urbain V, que le cardinal de Périgord avait puissamment contribué à faire élire (1362), ce dernier continua à exercer une grande influence et à jouer un rôle capital. Sur les entrefaites, le roi de Chypre, Pierre Ier, s’étant rendu à Avignon pour implorer l’assistance du souverain pontife contre les musulmans, Urbain résolut de prêcher une croisade, dont le roi Jean devait être le chef et Talleyrand le légat ; mais cette croisade resta à l’état de projet, et peu après le cardinal et le monarque moururent. Talleyrand, qui, suivant l’expression de Pétrarque, trouvait plus beau de faire des papes que de l’être, s’était enrichi dans le commerce et acquit la réputation du politique le plus capable de son temps et de l’homme le plus instruit dans les lettres profanes ; il protégea les lettres et fut l’ami de Pétrarque. Il aimait le luxe, la dépense, le plaisir et il était loin d’avoir une vive piété.


TALLEYRAND (Henri DE), comte DE CHALAIS, né en 1599, décapité à Nantes en 1626. Élevé avec Louis XIII, il se distingua sous ses yeux aux sièges de Montpellier et de Montauban et devint le favori de ce prince. Il paraît que, dès cette époque, il songea à s’insinuer dans la confiance de Gaston d’Orléans, frère du roi, et les mémoires du temps vont même jusqu’à le représenter comme l’espion de Richelieu auprès de ce prince. Ce qui paraît certain, c’est que son amour pour la duchesse de Chevreuse l’engagea dans toutes les intrigues contre le cardinal. Il se joignit aux jeunes seigneurs qui voulaient empêcher le mariage, désiré par Richelieu, de Gaston avec Mlle de Montpensier. Après l’arrestation du maréchal d’Ornano (1626), il entra dans un complot contre la vie du cardinal et s’engagea à porter le premier coup ; mais le commandeur de Valençay, à qui il avait confié ce projet, le dissuada vivement de l’accomplir, et Henri de Talleyrand, qui était aussi léger qu’ambitieux, qui n’avait ni l’audace ni la constance nécessaire pour exécuter ses hardis desseins, alla tout révéler à Richelieu, lui promettant d’amener Gaston à épouser Mlle de Montpensier et de conduire ce prince à Nantes, où l’union devait être célébrée. Toutefois, sous l’influence de la duchesse de Chevreuse, il résolut bientôt d’empêcher ce mariage et prépara avec Gaston un plan de rébellion armée. Sur les entrefaites, un de ses anciens amis, devenu son rival auprès de Mme de Chevreuse, le comte de Louvigny, eut vent de ce complot et s’empressa de le dénoncer à Richelieu. Arrêté à Nantes, le comte de Chalais ne put désarmer ses juges, même en se soumettant à tous les aveux qu’on exigeait de lui, et fut condamné à mort. Ses amis avaient fait cacher l’exécuteur, dans l’espoir que le moindre délai pourrait le sauver ; mais on trouva un malfaiteur qui consentit à remplacer le bourreau. Cet homme, n’ayant pas l’habitude de se servir du glaive, s’arma d’une doloire, dont il frappa trente-quatre fois l’infortuné Chalais avant de séparer la tête du tronc (1626).


TALLEYRAND (Gabriel-Marie DE), comte DE PÉRIGORD, général français, né en 1726, mort en 1795. Comme son père, tué au siège de Tournai en 1745, il suivit la carrière des armes, reçut le brevet de colonel à dix-neuf ans, prit part aux batailles de Fontenoy, de Raucoux, aux sièges de Berg-op-Zoom et de Maëstricht, devint menin du dauphin (1749), gouverneur du Berry (1752), brigadier de cavalerie (1756), et se distingua par sa valeur, pendant la guerre d’Allemagne, à Hastembeck, Crevelt, Lutzelberg. Nommé gouverneur de Picardie en 1770 et commandant général du Languedoc, il reçut le grade de lieutenant général en 1780. Pendant la Terreur, il fut emprisonné, rendu à la liberté au bout d’une année, et il mourut peu après. — Son frère, Charles-Daniel, comte de Talleyrand, né en 1734, mort à Paris en 1788, fut colonel de cavalerie (1761), prit part à la guerre de Sept ans en Allemagne et devint lieutenant général en 1784. Il eut trois fils, dont l’un fut le célèbre Talleyrand, prince de Bénévent.


TALLEYRAND-PÉRIGORD (Alexandre-Angélique DE), constituant, cardinal, archevêque de Reims et de Paris, frère du précédent, né dans cette dernière ville en 1736, mort en 1821. Il fit ses études à Saint-Sulpice, devint successivement aumônier du roi, abbé du Gard, coadjuteur, puis successeur de M. de La Roche-Aymon, archevêque de Reims (1777), introduisit dans son diocèse la race des mérinos d’Espagne, y créa un mont-de-piété qui prêta gratuitement, fit substituer les tuiles au chaume dans les campagnes et fut élu, en 1789, aux états généraux, où il se montra l’ennemi de toutes les réformes. Émigré de bonne heure, il lança de l’étranger de vaines protestations contre la constitution civile du clergé et contre son remplacement par un évêque constitutionnel. En 1808, Louis XVIII, qui l’avait appelé auprès de lui et l’avait admis dans son conseil, le nomma son grand aumônier et l’éleva à la pairie en 1814. Ce prélat, en qui le roi avait une entière confiance, exerça, à partir de ce moment, une grande influence sur les affaires ecclésiastiques et fut chargé, en 1816, de l’administration générale des cultes ; mais peu après le ministère lui enleva ces attributions. À la suite du concordat, signé en 1817 entre le cardinal Consalvi et le duc de Blacas, Talleyrand-Périgord reçut le chapeau de cardinal (1817) et fut élevé au siège archiépiscopal de Paris. Toutefois, comme le concordat fut repoussé par les Chambres, le cardinal ne prit possession de son archevêché que deux ans plus tard, en 1819. Il choisit alors pour coadjuteur M. de Quélen, rédigea un nouveau bréviaire, rétablit les retraites pastorales, réorganisa le chapitre de Saint-Denis, exigea des prêtres de son diocèse la signature du formulaire d’Alexandre VII relativement aux propositions de Jansénius, etc. Ennemi des jansénistes, il protégea de tout son pouvoir la Société de Jésus. Il détestait cordialement son neveu le diplomate.


TALLEYRAND (Élie-Charles DE), prince DE CHALAIS, duc DE PÉRIGORD, fils du général Gabriel-Marie, né à Versailles en 1754, mort à Paris en 1829. Sans avoir fait une seule fois la guerre, il était maréchal de camp en 1791. Il émigra alors, se joignit à l’armée de Condé, avec laquelle il fit la campagne de 1792, revint en France en 1800 et y vécut dans la retraite jusqu’en 1814. À cette époque, il fut appelé par Louis XVIII à siéger à la pairie et fut créé duc de Périgord en 1816. — Son fils, Augustin-Marie-Élie-Charles de Talleyrand, duc de Périgord, né à Paris en 1788, mort dans la même ville en 1862, entra en 1809, comme sous-lieutenant de hussards, dans l’armée de Napoléon, assista à la bataille de Wagram (1809), devint aide de camp du général Nansouty, fit ensuite les campagnes de Russie (1812) et de France (1814), reçut, en 1815, de Louis XVIII le grade de colonel, puis, en 1816, celui de maréchal de camp, devint gentilhomme de la chambre et entra en 1829, à la mort de son père, à la Chambre des pairs. Depuis la révolution de Juillet jusqu’à sa mort, il a vécu dans la retraite.


TALLEYRAND-PÉRIGORD (Charles-Maurice DE), prince DE BÉNÉVENT, célèbre homme d’État et diplomate, né à Paris le 13 février 1754, mort dans la même ville le 17 mai 1838. Il était le fils aîné du comte Charles-Daniel. D’après les uns, il naquit pied bot ; d’après d’autres, il avait un an lorsque, sa nourrice l’ayant mis par terre dans un champ pour causer avec son amoureux, un porc lui entama fortement une jambe et un pied. Quoi qu’il en soit, le jeune Maurice se trouva boiteux ; sa famille dut renoncer à lui faire suivre la carrière des armes, et ce fut à l’Église qu’on le destina, sans se préoccuper en rien, selon les mœurs de l’ancien régime, si l’Église était son fait. Élevé au collège d’Harcourt, il en sortit pour entrer au séminaire Saint-Sulpice, puis il suivit les cours de la Sorbonne et alla enfin terminer ses études théologiques à Reims, auprès de son oncle, archevêque de cette ville. Maurice de Talleyrand avait vingt ans lorsqu’il revint à Paris. Il était dans toute la fougue de ses passions, sans nul désir de les comprimer. Spirituel, aimable, ayant une parfaite éducation d’homme du monde, il mena la vie licencieuse des abbés de cour et se livra à toutes sortes de dissipations. Le dévergondage des mœurs était alors tellement passé dans les habitudes du clergé, que rien ne paraissait plus naturel. À vingt et un ans, il fut nommé abbé de Saint-Denis, dans le diocèse de Reims, et obtint plusieurs bénéfices. Peu après, l’abbé de Périgord (c’est ainsi qu’on appelait alors Talleyrand) se lia avec le duc de Lauzun, puis avec Mirabeau, avec Mmes de Flahaut et de Buffon, s’empressa d’aller rendre visite à Voltaire lorsque l’illustre philosophe se rendit à Paris (1778) et obtint, en 1780, le lucratif emploi d’agent général du clergé de France. Ces fonctions le mirent en relation avec de Calonne et lui permirent d’acquérir des connaissances étendues en matière de finances, d’apprendre le maniement des affaires et de se lancer dans des spéculations, grâce auxquelles il put subvenir sans encombre à ses prodigalités. Tout en menant de front les affaires et les plaisirs, le jeune abbé, dont l’esprit était singulièrement ouvert, ne restait pas étranger au mouvement qui entraînait les intelligences à demander, dans l’État, des réformes devenues absolument nécessaires. Dans une lettre qu’il écrivit le 4 avril 1787 à son ami Choiseul-Gouffier, ambassadeur à Constantinople, le futur diplomate prend la défense des projets du comte de Calonne et écrit ces lignes : « Des administrations provinciales et plus de privilèges, c’est la source de tous les biens. Il n’y a rien qui ne puisse être fait par les administrations provinciales et il n’y a pas de changement heureux qui puisse être fait sans elles. Mon ami, le peuple sera enfin compté pour quelque chose. » Le 1er octobre 1788, Talleyrand obtint de Louis XVI, sur les pressantes sollicitations de son père mourant, l’évêché d’Autun, auquel était attaché un revenu de 80,000 livres. Dans cette situation nouvelle, il ne changea rien à son genre de vie. Membre de la réunion des notables au mois de novembre de la même année, il s’y fit remarquer comme un des plus chauds promoteurs des idées nouvelles et devint, à cette époque, l’ami de Necker.

Le clergé de son diocèse nomma Talleyrand député aux états généraux de 1789. Il attira aussitôt sur lui l’attention publique en se rangeant du côté du parti populaire et en se prononçant pour la réunion des deux ordres privilégiés au tiers état, dont les députés se constituaient en assemblée nationale. Se faisant le promoteur de plusieurs réformes, il demanda notamment la suppression des dîmes du clergé et la constitution d’un pouvoir exécutif exercé par des ministres responsables. Devenu membre du comité de constitution, il collabora à la célèbre déclaration des droits, fit décréter l’admission de tous les citoyens aux emplois publics et demanda que les droits de citoyens actifs fussent donnés à tous les habitants du territoire, y compris les juifs. Après la prise de la Bastille, il fit partie de la commission chargée d’examiner les causes du mouvement popu-