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tenait a ses idées sur le luxe, qu’il détestait ii la manière de Caton. On connaît son mot à propos de courtisans brillamment vêtus :• « Voilà des gens qui portent leurs moulins et ldurs fermes sur le dos. » Suivant lui, le luxe n’était propre qu’à énerver les individus, corrompre les familles, etc. D’où lui vint la pensée persistante de le réprimer par des règlements somptuaires. La France, disait-il, ne devait pas être le royaume des «colifichets, s Le roi, qu’il voulait entraîner dans ces sortes de réglementations, toujours inutiles, eut le bon sens de lui résister. Mais l’opiniâtre ministre revenait toujours à la charge. Ami dévoué du roi, il ne craignait pas de se mettre en opposition avec lui quand la bien public lui paraissait l’exiger. Il ne craignait pas de résister à Henri IV, et souvent avec une franchise rude et sévère ; et son austérité puritaine ne faiblit jamais devant les caprices et les exigences des favorites. Nous en avons cité un exemple plus haut à propos de la marquise de Verneuil.

Outre sa charge de surintendant et de conseiller du roi, il fut successivement nommé duc de Sully, gouverneur de la Bastille, grand maître de l’artillerie et des fortifications, grand voyer de France, capitaine des eaux et rivières, gouverneur du Poitou, de Mantes, etc.

Toutes ces charges lui rapportaient dos revenus énormes. On sait quel était son faible pour la thésaurisation. Ses ennemis l’accusèrent même de péculat ; mais, en l’absence de renseignements précis, il est difficile de se prononcer. La cardinal de Richelieu a laissé sur lui cette note qui semble se rapporter à cette question délicate : • On peut assurer avec vérité que les premières années de ses services furent excellentes ; et si quelqu’un ajoute que les dernières furent moins austères, il ne saurait soutenir qu’elles lui aient été utiles sans l’être beaucoup à l’Etat. »

Sully avait en tête beaucoup d’autres projets de réformes excellentes sur lesquelles il a laissé des notes qui concernent le» finances, la guerre, les affaires du royaume, les affaires étrangères, etc. Partout on y voit l’administrateur sévère et vigilant, l’ennemi des dilapidations, des folles dépenses, des abus de toute nature, l’homme d’État préoccupé d’imprimer aux affaires publiques une marche prompte, régulière, honnête, enfin d’améliorer toutes les parties de l’administration.

Après le meurtre de Henri IV (1610), il conserva peu de temps le pouvoir, ne voulant point ployer devant le favori Concini, et il se démit successivement de ses principales charges, non sans en tirer de grasses indemnités, car il conserva jusqu’à la fin de sa vie cette passion de l’argent qui fait tache dans un tel caractère. Chose singulière, et qui peint bien les bigarrures de l’ancien régime, ce protestant rigide, qui ne voulut jamais abjurer sa religion, était pourvu de trois abbayes et de bénéfices ecclésiastiques pour l’abandon desquels il reçut plus de 250,000 livres.

Pour rappeler un mot bien connu, il pensait sans aucun doute que l’argent catholique « sent toujours bon. »

Il survécut plusdetrenteannéesàHenrilV, passant la plus grande partie de l’année dans ses terres, occupant l’activité de sa verte vieillesse à la rédaction de ses mémoires et aux soins de son gouvernement du Poitou. En 1634, Louis XIII le nomma maréchal de France.

Autre contradiction piquante : cet ennemi acharné du luxe menait dans ses châteaux un train quasi royal, avec l’éclat princier do la haute vie féodale. Au moment où Richelieu portait de si terribles coups à la féodalité, Sully en était, pour ainsi dire, le dernier représentant, lui qui cependant ne l’avait pas ménagée. Il avait des écuyers, des gentilshommes, des pages, des compagnies de gardes françaises et suisses, etc. Une grosse cloche annonçait ses promenades ; toute sa « maison » faisait la haie sur son passage ; sa femme avait des dames et demoiselles d’honneur, etc. Enfin, c’était une petite cour plus que seigneuriale.

Toutefois, ce faste extérieur tenait surtout à ce qu’il était naturellement vain et orgueilleux, «glorieux, " comme disaient ses contemporains. C’était un des côtés de ï ; on caractère. Dans sa personne et dans ses vêtemeDts, il avait conservé la simplicité calviniste, qui tranchait si singulièrement avec le luxe éclatant de l’époque. Rappelons ici, à ce propos, une anecdote charmante et bien connue.

Mandé parfois à la cour pour aider le gouvernement de ses conseils, il y venait sans rien changer dans son costume et vêtu à. la mode du règne précédent. Naturellement, cet homme d’un autre âge excitait la risée des courtisans, qui s’attirèrent un jour devant Louis XIII cette rude leçon ; « Sire, quand le roi votre père, de glorieuse mémoire, me faisait l’honneur de m’appeler pour m’entretenir des affaires de l’État, au préalable il faisait sortir les bouffons. »

D’ailleurs, si Louis XIII lui demandait des conseils, il se gardait bien de les suivre, et le vieux ministre n’eut jamais aucune influence sur la marche des affaires.

Sully rmurut le 22 décembre 1641, à son

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château de Villebon. Il était âgé de quatrevingt-deux ans.

Jusqu’à son dernier jour, le souvenir de Henri IV fut comme une religion pour lui. Leur amitié est restée populaire ; elle fut à peine troublée par intervalles par quelques nuages rapidement dissipés. Ce n’est pas que le roi ne fût parfois choqué des rudesses de son grand ministre, surtout en ce qui concernait ses maîtresses et ses dépenses ; mais il ne lui gardait jamais longtemps rancune. À propos d’une de leurs réconciliations, on connaît le mot charmant et d’une vraie tendresse, bien humaine et non princière, qu’il lui adressa ; Sully avait mis un genou en terre : « Relevez-vous, Rosny, dit le prince, on croiroit que je vous pardonne. ■>

Une autre fois, Sully refusait de couvrir les prodigalités royales de Gabrielle d’Estrées, la maîtresse adorée ; il fut même choquant et plein de roideur ; Gabrielle était outrée. Mais le premier feu passé, Henri finit par lui donner raison, ’ en disant à la belle indignée : « Je me passerais mieux de dix maltresses comme vous que d’un serviteur comme lui. »

Enfin ce «serviteur» impérieux eut la hardiesse de déchirer, un jour, en présence du roi, une promesse de mariage que ce prince avait follement faite à Mlle d’Entraigues.

Les aspérités de son caractère, sa rudesse ej. son orgueil, au moins autant que ses réformes, avaient fait à Sully un grand nombre d’ennemis, et, chose singulière, même parmi ces classes rurales qu’il avait tant favorisées. C’est à ce point, qu’après sa retraite les paysans, en certaines contrées, arrachaient, en haine de lui, les ormes qu’il avait fait planter au bord des routes. Il y avait dans cette irritation le souvenir de certaines mesures fiscales. Mais la postérité a jugé l’œuvre dans son ensemble, et la popularité s’est définitivement attachée au nom du ministre de Henri IV, qui, malgré ses erreurs et ses fautes, n’en a pas moins, par ses travaux, frayé la voie au génie de Colbert.

Il a laissé des mémoires très-précieux pour l’histoire du règne de Henri IV, sous le titre d’Économies royales (édition originale, 1634-1662, 4 vol.). L’abbé de l’Ecluse en a donné, en 1745, une édition refondue, remaniée et travestie en style moderne, mais où !e texte original a subi des mutilations et des altérations graves. Les Économies royales ont été insérées dans les Mémoires relatifs à l’histoire de France, de M. Petitot. La forme de cet ouvrage est singulière, autant que le style original en est âpre et redondant ; ce sont les secrétaires de Sully qui sont censés raconter à leur maître sa propre vie : ■ Vous avez fait ceci, vous avez dit cela, etc. » Voyez, d’ailleurs, l’article économies royales.

M. P. Clément a donné une bonne biographie de Sully dans ses Portraits historiques (Paris, 1855, 1 vol. in-12).

Sully, par M. Ernest Legouvé (1873, 1 vol. in-12). Le ministre de Henri IV, malgré la grandeur du rôle qu’il a joué, n’a pas fourni aux historiens le sujet de nombreuses études biographiques. Celle que M. Legouvé lui a consacrée offre moins les mérites d’un travail d’ensemble sur le rôle et l’action du personnage politique que les avantages d’une causerie sur le caractère et les habitudes de l’homme qui a contribué si puissamment à la prospérité de la France. Les anecdotes qui y fourmillent sont tirées de documents originaux, tels que les Économies royales, les Mémoires de Bassompierre, l’Histoire de De Tkou. Elles sont écrites en un style dont la saveur est empruntée aux sources excellentes où elles ont été puisées. Nous en citerons quelques-unes.

Tour à tour et tout à la fois soldat, diplomate, grand maître de l’artillerie, ministre de la guerre, ministre des travaux publics, ministre de l’agriculture, ce qui caractérise surtout Sully, ce n’est pas la complication, la multiplicité de ses rôles, « c’est d’avoir acquis une gloire éternelle, dit M. Legouvé, en servant la gloire d’un autre, c’est d’être devenu un grand homme rien qu’en étant le second d’un grand roi. » Qu’aurait été Henri IV sans Sully ? Personne ne peut le dire, tant le ministre complétait le roi. Henri avait une grande force d’initiative, le don d’intuition, une activité prodigieuse et une fécondité d’idées intarissable ; mais il était peu instruit et peu laborieux ; être assis deux heures sur une chaise lui semblait chose insupportable. Sully, au contraire, était lent par force d’esprit autant que par lenteur naturelle, et infatigable au travail. L’un devinait tout, l’autre approfondissait tout. Surgissait-il dans la pensée du roi quelque dessein, il appelait aussitôt son ministre pour le lui communiquer et savoir son opinion. Que faisait Suily ? Il lui demandait deux jours pour lui répondre, et, au bout de quarante-huit heures, il apportait un travail où tout était élucidé, préparé.

Rien de plus touchant que le commencement de la liaison de ces deux hommes. Sully était encore enfant quand son père le fit appeler pour lui annoncer qu’il partait pour Paris et qu’il allait l’emmener. « Je veux, lui dit-il, vous présenter à la reine de Navarre et vous donner en sa présence à son fils. Ayez soin de préparer, et de préparer vous seul, sans le secours de votre précepteur, une harangue où vous lui offrirez votre ser SULL

vice et votre personne. » Henri avait alors seize ans ; il fut émerveillé du petit discours de cet enfant qui venait s’offrir à lui, et, l’ayant embrassé, lui jura, foi de prince, qu’il l’aimerait toujours. Sully aimait plus tard à se rappeler ces circonstances. « J’ai eu, racontait-il, un grand diable de précepteur, nommé Labrousse, qui se mêloit de faire des nativités et qui, après avoir vu quej&vois l’honneur d’être né le même jour que léwince de Navarre, un 13 décembre, à la fête de sainte Luce, m’a assuré avec grand serment qu’infailliblement le prince seroit roi de France, qu’il régneroit glorieusement et m’appelleroit aux plus hautes dignités. Je lui resterai donc fidèle par affection pour lui et par intérêt pour moi. »

Lorsque le roi de Navarre eut pris les armes pour conquérir le trône de France, Sully le suivit et se fit bientôt une réputation d’homme de guerre. Son courage était ardent et calme tout à la fois. Un jour, au siège de La Charbonnière, que Sully dirigeait comme grand maître de l’artillerie, Crillon voulait faire une reconnaissance ; Sully refusait, disant que les arquebusades des ennemis étaient trop redoublées et trop piquantes, « Quoi, mordieu ! mon grand maître, s’écria Crillon de sa voix gouailleuse, craifnez-vous les arquebusades en la compagnie e Crillon ? Jarnidieu I puisque je suis ici, elles n’oseroient approcher. Allons faire cette reconnoissance. — Eh bien, monsieur, répliqua Sully en riant et en branlant la tête, allons ! Vous voulez que nous disputions à qui sera le plus fouî En bien, je vous forcerai à être le plus sage. » En effet, il le prit par la main et le conduisit dans la plaine, où les balles sifflaient et pleuvaient dru comme grêle. « Jarnidieu 1 dit Crillon, ces coquins, à ce que je vois, n’ont point d’égards au bâton de grand maître, non plus qu’à la croix du Saint-Esprit, et ils seroient capables de nous estropier. Gagnons au plus vite le chemin couvert, car, par le corps Dieu 1 je vois bien que vous êtes bon compagnon ; partant, je me dis pour toujours votre serviteur et veux que nous fassions amitié ensemble. • Depuis, Crillon garda toujours du courage de Sully une haute opinion, et c’était un juge sévère en cette matière.

Ce fut surtout comme négociateur que Sully fut utile à Henri IV ; car sa circonspection, ses vertus, son intégrité et le grand air sévère qu’il gardait toujours lui donnaient beaucoup d autorité. Il s’entremit aussi quelquefois avec adresse entre les maîtresses du roi et Mario de Médicis, dont le caractère méchant, l’humeur chagrine et taquine causaient à Henri mille tourments. Un jour que le roi avait eu quelque fâcherie avec la reine, il partit à Chantilly sans lui dire adieu. L’après-dlnée, Sully s’en alla au Louvre et trouva Marie de Médicis qui écrivait à Son époux une lettre de reproches remplie d’expressions violentes et d’injures amères. Il déclara à la reine qu’il était impossible qu’elle envoyât une telle lettre. « Eh bien, refaitesla, » répliqua vivement la reine. Sully s’en défendit. « Je le veux, » dit la reine ; et elle le força de recommencer son épître. Quelques jours après, Henri IV prit a. part son ministre et lui dit : ■ J’ai reçu une lettre de ma femme la plus impertinente du monde. Evidemment, ce n’est pas elle qui l’a écrite ; je n’ai pas reconnu son style. Enquérez-vous quel en est l’auteur, afin que je puisse le punir. » Grand embarras de Sully, qui répondit : «Je ne comprends pas, sire, la colère de Votre Majesté. La reine n’a-t-elle pas sujet de se plaindre de vous à cause de M1^ d’Entraigues ? — Cela est vrai, — Eh bien, si cette lettre avait été écrite à bonne intention et pour vous conseiller des choses utiles ?... — Eh I cordieul ce qui m’irrite, c’est que cette lettre, qui contient de dures vérités et me demande un dur sacrifice, a été faite par un de mes ennemis pour me picoter. — Est-il bien certain, sire, que si elle avait été écrite à bonne intention, par un de vos serviteurs, vous ne vous fâcheriez pas ? — Très-certain.

— Alors, sire, ne vous fâchez donc plus, car c’est moi qui ai dicté cette lettre, » Henri IV, stupéfait, se consola, mais il ne changea pas sa manière de vivre.

On sait quel intègre et quel méticuleux financier fut Sully. Il fit presque doubler le revenu des impôts et sut économiser sur tout. On a dit, et Richelieu principalement a insinué, que son désintéressement avait été plus feint que réel. Il reçut effectivement des mains du roi des dons et gratifications considérables, mais il n’en reçut que de lui et avec son agrément. C’est ce qu’atteste le fait suivant. Après la conclusion du traité qui remit Rouen au pouvoir de Henri IV, les principaux de la ville offrirent à Sully un très-beau présent de vaisselle d’argent doré. Le ministre fit porter les objets dans la chambre du roi et lui dit : « Ceux de Rouen veulent me gratifier d’un don d’argenterie ; mais, comme j’ai résolu de ne jamais rien recevoir pour affaires que je pourrais manier, sinon par vos libéralités, j’ni ordonné qu’on apportât ici cette argenterie, afin que Votre Majesté pût en disposer selon son bon plaisir. » Henri IV fut vivement touché d’un tel acte et joignit au cadeau un brevet qui lui en garantissait la possession. Aussi son ministre lui était-il cher entre tous.

Nous laissons à M. Legouvé la responsabilité de son opinion à propos du désintéres SULL

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sèment de Sully, et nous nous en tenons sur ce point à ce qui a été dit dans notre article biographique.

Tous les jours, à quatre heures, en hiver comme en été, Sully était installé dans son cabinet de travail pour « nettoyer le tapis, » c’est son mot, c’est-à-dire pour mettre ordre aux affaires courantes ; a six heures et demie, il s’habillait ; à sept heures, il partait au conseil, et à midi il dînait ; après le dîner, il donnait audience à tout le monde, puis il employait le reste de l’après-midi à ses affaires. Il demeuraitàl’Arsenal, dont il avait la garde. Henri IV venait souvent l’y voir et s’y invitait lui-même à dîner : ■ J’arriverai demain chez vous, et n’oubliez pas le poisson. • Ces jours-là, Sully se départait de son système de frugalité, car il savait que son maître aimait force ragoûts, et il avait soin de le traiter a sa guise. Une fois, peu après son mariage, le roi s’y rendit avec toute sa cour. Sully lui fit faire très-grande chère et s’occupa particulièrement des filles italiennes qui accompagnaient la reine. Après le dîner, le roi le prit à part et lui dit : « Hé I grand maître, voyez donc comme les filles <vhonneur de la reine ont l’œil brillant, les joues empourprées et le rire éclatant ! — Je sais pourquoi, répliqua gravement le ministre.-Qu’est-ce donc ? — Le voici : comme j’avais remarqué que ces jeunes Italiennes appréciaient fort mon vin blanc d’Arbois, j en ai fait remplir toutes les aiguières destinées à contenir de l’eau, de façon qu’elles ont, pendant tout le dîner, trempé leur vin rouge avec du vin blanc. — Ah I bon Dieu I vous les avez grisées I — Un peu ; j’ai pensé que cela égayeroit la fin du repas. >

Cette anecdote montre Sully sous un aspect inattendu. Nous voilà loin de la Henriade, et l’on peut voir que le grave ministre était parfois badin, folâtre, même un peu grivois. M. Legouvé a mis presque tout entière sa vie en action, depuis les premiers moments de sa liaison avec Henri IV jusqu’à l’époque où, le maître mort, le fidèle serviteur, près de mourir aussi, tirait de temps en temps de sa poitrine»et baisait une médaille où était empreinte la figure de celui qu’il avait tant aimé,

Soltj (hôtel), célèbre hôtel et l’un des plus anciens de Paris. Il s’élève rue Saint-.Antoine, no 143, k quelques pas de la place Royale et presque en lace de la rue Saint-Paul. Commencé vers 1624 par un sieur Mesme-Gallet, qui acquit deux maisons appartenant à Louis Huant de Montmagny, maisons qu’il fit abattre, la construction en fut arrêtée, le terrain sur lequel la façade était bâtie n’appartenant qu’en partie audit Mesme-Gallet. Quelque temps après, ce dernier fut saisi pour dettes et l’hôtel vendu par décret de 1627. Par la suite, l’édifice s’accrut de diverses propriétés voisines, sous plusieurs propriétaires successifs. Enfin, vers 1629, son propriétaire d’alors, un sieur du Vigean, fit construire l’entrée actuelle et le céda par’ échange à Maximilien de Béthune, duc de Sully, le célèbre ministre de Henri IV, qui chargea Androuet du Cerceau de son achèvement et de son aménagement définitif, après l’avoir agrandi encore par l’acquisition d une maison (petit hôtel Sully, démoli depuis). En 1752, il passa de la famille de Suily k M. Turgot de Saint-Clair, dont il porta le nom jusqu’à la Révolution.

L’hôtel Sully se compose de quatre corps de bâtiments encadrant une cour carrée, avec une façade sur la rue, fort étendue et terminée à ses deux extrémités par deux pavillons à frontons arrondis, ornés de sculptures. Les façades de la cour sont riches et ornées de sculptures nombreuses, représentant des Génies tenant des casques et des armes. Les trumeaux principaux représentent les Saisons ; les fenêtres sont enjolivées de mascarons et de rinceaux curieux. L’hôtel Sully, bien que n’ayant pas encore été dégradé pour les besoins de l’industrie et des particuliers, est loué en détail aujourd’hui, et sa façade sur la rue Saint-Antoine est garnie de boutiques au rez-de-chaussée, de chaque côté de sa porte cochère. Un pensionnat occupe le bâtiment du fond de la cour, derrière lequel s’étend léjardin.

C’est devant l’hôtel de Sully qu’eut lieu, en 1725, la scène scandaleuse à la suite de laquelle Voltaire fut mis si injustement à la Bastille. Voltaire allait dîner très-souvent chez le duc de Sully et y rencontrait le chevalier de Rohan, gentilhomme perdu de dettes et de débauches. Sur un mot sanglant du jeune philosophe, le chevalier lui voua une haine acharnée, et un jour que Voltaire dînait de nouveau chez le duc, on vint le prévenir que quelqu’un le demandait devant la porte de l’hôtel, rue Saint-Antoine. Voltaire □e fut pas plus tôt dans la rue, qu’il fut assailli de coups de bâton par les séides du chevalier. Voltaire, meurtri, remonte chez le duc de Sully, le supplie de se joindre à lui pour le venger ; mais le duc recule devant le bruit et surtout devant le nom des Rohan et répond évasivement. On sait le reste : Voltaire pour avoir voulu se venger lui-même, fut mis à la Bastille et de là passa en Angleterre.

SULLY (Henri), horloger anglais du XVIIIe siècle, mort à Paris en 1728. C’est l’un des artistes qui ont le plus contribué aux progrès de l’horlogerie. Il mérita l’estime de