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base, et qu’on place dans le pavillon. Celle de la trompette est un petit tube en bois que l’on place dans l’ouverture inférieure.

On connaît l’effet sourd et lugubre que produit le crêpe noir dont on recouvre les tambourb dans les cérémonies funèbres ; ce crêpe peut parfaitement être considéré comme une sourdine d’une nature particulière. Jadis, quand on voulait obtenir sur les timbales un effet analogue, on agissait de même et l’on étendait dessus un linge, un voile quelconque ; aujourd’hui, pour ce dernier instrument, on emploie un autre procédé au lieu des baguettes sèches dont on se sert d’habitude, c’est-à-dire des baguettes à tête de bois ou simplement recouvertes d’un parchemin, on se sert de baguettes dont la tête est entourée d’une petite éponae. Néanmoins, la formule qu’on employait autrefois a persisté, et lorsque le compositeur vent obtenir et indiquer un effet de sourdines sur les timbales, il continue d’écrire, comme par le pnssé timbales voilées.

L’emploi des sourdines est toujours à l’orchestre d’un effet très-agréable et très-heureux, lorsqu’on n’en abuse pas. Il est d’ailleurs, le plus souvent, commandé par la situation.

SOURDIS (François d'Escoubeau, cardinal de), prélat français, né en 1575, mort il Bordeaux en 1628. Fils du marquis d’Alluye, il était par sa mère, Isabelle Babou de La Bourdaisière, cousin de Gabrielle d’Estrées. Il suivit d’abord la carrière des armes sous Je nom de comte de La Chapelle-Bertrand, fit un voyage à Rome avec le duc de Nevers, puis déposa l’épée pour entrer dans les ordres. La maîtresse du roi, Gabrielle d’Estrées, se chargea de sa fortune, lui fit donner un riche bénéfice dans le diocèse de Rodez .et, bien qu’il ne fût encore que diacre, elle obtint pour lui, grâce aux sollicitations faites par Henri IV auprès du pape, le cardinal chapeau de en 1598. L’année suivante, d Escoubleau, qui avait pris le nom de cardinal de Sourdis, fut nommé archevêque de Bordeaux et reçut la prêtrise quelques jours avant d’être sacré par le cardinal de Joyeuse. A Rome, où il se rendit en 1600, un farceur, interprète du peu de considération dont jouissait le cardinal, écrivit sur la porte de son palais les mots suivants, dans lesquels il faisait un double jeu de mots sur le uom de Sourdis et sur celui de sa ville archiépiscopale « Il cardinale Sordido arcivescovo di Bordello. De retour à Bordeaux, il fonda un grand nombre de maisons religieuses, un hôpital et une chartreuse. En 1605, il retourna à Rome, où il prit part à l’élection de Léon XI. b :n t610 le cardinal de Sourdis, se trouvant à Paris au moment de l’assassinat de Henri IV, accourut auprès du roi et lui donna l’absolution. Cinq ans plus tard, il célébra a Bordeaux Je mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche et convoqua un concile provincial dans cette ville en 1624. Le cardinal de Sourdisse rendit particulièrement fameux par son caractère entier, tracasser, par ses audacieux empiétements sur l’autorité civile et par ses démêlés avec le parlement de Bordeaux. Il fit démolir en 1602 un autel sans balustrade qui se trouvait dans la cathédrale ; le chapitre protesta et voulut faire rétablit fautel, mais l’archevêque chassa les maçons et les chanoines, qui,dans la bagarre, furent mal traités. Le chapitre en appela alors au parlement, qui ordonna le rétablissement de l’autel et nomma des commissaires chargés de veiller à l’exécution de son arrêt. Sourdis lança l’excommunication contre lei commissaires et contre les traçons appelés à reconstruire l’autel, et le parlement lui enjoignit de lever l’excommunication, sous peine de 4,000 écus d’amende, puis demanda a Henri IV son éloignement de Bordeaux, où il troublait la paix publique. De son côté, l’archevêque en appela au pape Clément VIII, qui approuva sa conduite, et le roi, pour mettre un terme au conflit, écrivit au parlement de suspendre les poursuites parce qu’il se réservait la connaissance de cette affaire. En 1606 survint un nouveau conflit, Sourdes ayant excommunié un prêtre nommé Prenner parce qu’il avait refusé de se rendre dans sa cure, celui-ci en appela au parlement, qui déclara l’excommunication abusive et nulle et ordonna à l’archevêque de lever l’excommunication, sous peine de 4,000 livres d’amende et de saisie de son temporel. La lutte entre le cardinal et le parlement prit un caractère d’extrême violence ; alors Henri IV intervint encore, et parvint à étouffer l’affaire ; mais le curé excommunié dut faire amende honorable à l’archevêque. En 1615, le parlement ayant condamné ù ta peine de mort un gentilhomme nommé Castaignet, convaincu n’avoir commis des crimes horribles, Sourdis prit fait et cause pour le condamné et obtint sa grâce ; mais, sur les remontrances énergiques du parlement, la grâce fut révoquée. A Cette nouvelle, le cardinal, à la tête d’une troupe, se reudit à la prison, en fit enfoncer la porte, tuer le concierge et enleva Castaignet qu’il conduisit dans son château de Lormon. Le roi fut vivement irrité de cet acte de rébellion contre la loi et un décret de prise de corps fut lancé contre le cardinal, qui s’échappa et fut exilé. Mais, peu de temps après, l’exil fut révoque et Sourdis rentra triomphalement à Bordeaux.

SOURDIS (Henri d'Escoubeau), prélat français, tière du précédent, né en 1593, mort à Auteuil en 1645. Sa vie se entre deux fonctions partagea qui semblent s exclure, les armes et les dignités ecclésiastiques. Il entra jeune dans les ordres, reçut de riches bénéfices et fut sacré en 1623 évêque de Maillezais. Sourdis, que le cardinal Richelieu chargea pendant quelque temps de gouverner sa maison, suivit, en 1628, Louis XIII au siège de La Rochelle et eut dans ses attributions la direction des vivres et l’intendance de l’artillerie. Après la mort de son frère, il lui succéda comme archevêque de Bordeaux (1629). En 1633, il accompagna le roi dans la campagne de Piémont fut chargé d’extirper l’hérésie dans la vallée de Praelle et devint commandeur de l’ordre du Saint-Esprit. Ce fut à cette époque qu’il commença a remplir du bruit de ses querelles avec d’Epernon, gouverneur de Bordeaux, le royaume, l’Eglise et la cour. Richelieu, en donnant l’archevêché de Bordeaux à de Sourdis, qui était sa créature, avait eu principalement en vue, dit-on, de contre-balancer l’autorité du vieux duc. Lorsque, en 1633, de Sourdis revint à Bordeaux, la discorde se mit aussitôt entre l’archevêque et le gouverneur. Sourdis se plaignit de la façon dont il avait été reçu, puis des mauvais traitements que les gardes du duc avaient fait subir h ses officiers de bouche chargés d’acheter du poisson. En même temps, il protesta par ministère d’huissier contre le droit que s attribuait d’Epernon, comme captal de Buch, d’empêcher tont individu d’acheter du poisson avant qu’il n’eût fait lui-même ses achats. Peu aprés, par ordre du duc, le lieutenant de ses gardes, sous prétexte de demander au prélat de reconnaître ceux des soldats du duc dont il avait a se plaindre, arrêta le carrosse dans lequel se trouvait de Sourdis, revêtu de ses ornements pontificaux. Celui-ci, furieux, s’élança hors de sa voiture, gagna a pied son palais, convoqua ses chanoines et ses curés et déclara que le lieutenant Naugas avait encouru l’excommunication. Le duc d’Epernon, à qui il envoya une députation pour demander une réparation, envoya promener )a députation. L’archevêque ordonna alors des prières publiques pour la conversion du gouverneur, frappa dexcommunication tout prêtre qui dirait la messe dans son palais, et saisit de l’affaire le cardinal de Richelieu. De son cûté, d’Epernon réunit un certain nombre de prêtres qui déclarèrent l’excommunication illicite et fit défense de tenir aucune assemblée extraordinaire à l’archevêché. A cette nouvelle, Sourdis sortit de son palais épiscopal et parcourut la ville en criant a A moi, mon peuple, il n’y a plus de liberté pour l’Egliso. » Informé que l’archevêque provoyuait un soulèvement contre lui, d’Epernon, furieux, marcha à sa rencontre, saisit brusquement le prélat par le bras, l’apostropha violemment et le frappa de sa canne. Sourdis parvint à se dégager, déclara le gouverneur et ses gardes excommuniés ipso facto et lança l’interdiction sur les églises de la ville. Le cardinal de Richelieu se prononça pour l’archevêque, et le duc d’Epernon reçut l’ordre de se retirer dans son château de Plassac. Toutefois, après le maringe du fils de d’Epernon avec une parente de Richelieu, celui-ci arrangea l’affaire et le gouverneur de la Guyenne consentit, malgré son orgueil, à faire quelques actes de soumission chrétienne.

En 1636, lorsque éclata la guerre avec l’Espagne, Sourdis fut nommé directeur du matériel de l’armée et chef des conseils du roi en l’armée navale. Il fit preuve dans ces fonctions, peu compatibles avec sa dignité ecclésiastique, de courage et d’habileté, chassa les Espagnols des lies Sainte-Marguerite, les battit à Gattari, mais éprouva quelques revers qui le firent disgracier. Ou commença même contre lui une instruction, qui fut abandonnée après la mort de Richelieu (1642). A partir de cette époque, de Sourdis se retira à Bordeaux qu’il nequittaguère que pour aller présider à Paris l’assemblée du clergé de France. Sa Correspondance a été publiée par Eugène Sue (1839, 3 vol. in-4o).

SOURD-MUET, SOURDE-MUETTE s. Personne sourde et muette, surtout celle qui est sourde de naissance, et qui, n’ayant pu entendre parler, n’a pu apprendre à parler elle-même : Les SOURDS-MUETS pensent, mais seulement par images. (De Bonald.)

— Adjectiv. Des enfants SOURDS MUETS. Une femme SOURDE-MUETTE.

— Encycl. Considérations générales. La plupart des médecins et des instituteurs qui ont traité la question de la surdi-mutité se sont bornés à dire que la mutité provient de ce que l’enfant est venu au monde privé de l’ouïe, ou bien de ce qu’il a perdu l’usage de ce sens dès les premières années de la vie.

L’intervention du sens de l’ouïe dans l’apprentissage de la parole est donc tout à fait indispensable, et la raison physiologique en est que l’ensemble des mouvements nécessaires à la production des sons ne peut être dirigé, d’une manière intelligente, que par l’intermédiaire du sens auquel ces mouvements s’adressent.

Le développement intellectuel et moral du sourd-muet qui n’a pas reçu d’instruction a été l’objet des appréciations les plus opposées de la part des philosophes et des instituteurs : les uns, exagérant la portée et les conséquences funestes de l’infirmité, ont fait


du sourd-muet un simple automate incapable de s’élever lui-même à la moindre notion intellectuelle ; les autres, méconnaissant les résultats inévitables de la surdi-mutité, ont fait aux sourds-muets une part tellement belle, leur ont accordé une aptitude et des compensations si grandes, que, si on les écoutait, la condition de sourd-mttet serait enviable. Il est évident qu’il y a là exagération des deux côtés. La surdi-mutité n’est pas toujours le résultat d’une affection locale limitée au sens de l’ouïe. Souvent cette affection a son siège dans le cerveau, et toute l’économie se trouve plus ou moins empreinte du vice qui a entraîné la surdité : la scrofule sous toutes ses formes, la phthisie, pour ne citer que ces deux affections, se rencontrent plus fréquemment chez les sourds-muets que chez les autres individus.

Voici, d’ailleurs, les conclusions que M. Edouard Fourme, médecin à l’Institut national des sourds-muets, pose dans un remarquable ouvrage intitulé : Physiologie et instruction du sourd-muet (Paris, 1868).

1° Le sourd-muet est celui qui, faute d’entendre, ne peut pas apprendre à parler.

2° L’infériorité relative du sourd-muel tient à plusieurs causes toujours à la privation du sens de l’ouïe, et parfois à l’état diathésique qui, en produisant la surdité a pu provoquer des altérations dans les autres organes, et particulièrement dans le cerveau.

3° Les facultés intellectuelles .et morales du sourd-muet sont, en principe, les mêmes que celles de l’entendant partant.

4° Le sourd-muet, avant toute instruction, possède un langage qui lui permet d’acquérir les notions les pius variées dans le monde physique, intellectuel et moral.

5° Il appartient donc aux instituteurs, non pas de défricher l’intelligence du sourd-muet, mais de la développer, de l’enrichir, en adoptant la marche naturelle qu’elle a suivie jusque-là.

De tout temps, il doit y avoir eu des sourds-muets ; mais il faut arriver au xve siècle pour trouver le premier exemple d’un sourd-muet instruit. Rodolphe Agricola (1480), professeur de philosophie à l’université d’Heidelberg, dit avoir vu un individu, sourd dès le berceau, et par conséquent muet, qui avait appris à comprendre tout ce qui était écrit par d’autres personnes, et qui, lui-même, exprimait toutes ses pensées par écrit, comme s’il eût eu l’usage de la parole. Ce fait reste isolé ; mais, un siècle plus tard, le problème de la régénération du sourd-muet par l’éducation se pose d’une manière formelle devant le monde savant, et l’on voit bientôt toutes les nations travailler à la solution de ce problème.

En Italie, c’est Jétôme Cardan (1501) qui, à propos de l’observation de Rodolphe Agricola, exprime quelques vues saisissantes sur la possibilité d’instruire les sourds-muels. « Le sourd-muet doit apprendre à lire et à écrire, dit-il car il le peut aussi bien que l’aveugle. Il faut mettre le sourd-muet en état d’entendre en lisant et de parler en écrivant. » Fabrice d’Aquapendente (1517), dans un traité d’anatomie sur les organes de la voix et de la parole, donne quelques indications relatives à l’éducation des sourds-muets. Jean Bonifacio (1547), jurisconsulte et écrivain, dans un traité où il expose l’art d’instruire les sourds-muets, décrit le langage d’action ; il le met au niveau de la parole et le considère comme étant plus riche et plus éloquent. Affinate, Luna, Terri expriment les mêmes vues sommaires.

C’est l’Espagne qui, la première, a produit de véritables instituteurs de sourds-muets. Le premier en date est Pierre de Ponce, bénédictin du monastère d’Ona (1584). Il enseigna la parole et l’écriture avec un tel succès, que ses élèves pouvaient soutenir des discussions en public. Jean-Paul Bonnet, secrétaire du connétable de Castille (1620), se chargea d’élever le frère de ce gentilhomme, devenu sourd à l’âge de quatre ans. Dans un livre intitulé Arte para ensenar a hablar los mudos, il expose le système qu’il a adopté. Il employa simultanément le langage d’action, l’écriture, la dactylologie et l’alphabet gutturo-labial.

L’Angleterre voyait paraître, à la même époque, les travaux de Wallis, professeur d arithmétique à l’université d’Oxford. Dans la préface d’une grammaire anglaise publiée en 1653, Wallis déclare qu’il croit exécuter un travail qui n’a encore été tenté par personne, à sa connaissance. Il veut parler de l’enseignement de la parole aux sourds-muets par des procédés particuliers. L’articulation fut, en effet, son premier instrumeut d’ensaignement mais il l’abandouna bientôt, ayant remarqué que les beaux résultats qu’il avait obtenus étaient plus apparents que solities.

En Hollande, Van Helmont (1692), fils de l’illustre alchimiste et médecin belge, prétendait être arrivé à mettre, en trois semaines, un sourd-muet en état de répondre aux questions qui lui étaient posées, à condition qu’on lui parlât lentement et bouche ouverte. Il publia une Physiologie de la parole et joignit a son ouvrage une série de gravures représentant quelques-unes des dispositions de l’appareil voual. En Hollande aussi, Conrad Ammann, médecins suisse, s’occupa de faire parler les sourds-muets. Il a laissé un traité : Surdus loquens.


En Portugal, Rodriguez Pereira ajouta aux procédés déjà connus un alphabet manuel dont il avait recueilli l’idée dans les colléges d’Espagne.

En Allemagne, nous trouvons également un certain nombre d’instituteurs, entre autres Elia Schulze, Büchner, et Liecwitz qui suivit la méthode de Conrad Ammaun et publia un travail intitulé Dissertatio de voce et loquela.

La France est, de toutes les nations, celle qui s’occupa le plus tard de l’instruction des sourds-muets ; mais il est juste de dire qu’elle produisit l’immortel abbé de L’Epée.

L’abbé de L’Epée comprit que, le sens de l’ouïe étant absent chez le muet, il n’était pas logique de songer à lui faire traduire directement la parole ; il imagina de lui faire traduire l’écriture, qui, elle-même, n’est qu’une traduction du langage parlé. Perfectionner, développer le langage mimique primitif, de manière à lui faire représenter toutes les notions qui ont une expression dans notre langue, tel fut le but qu’il ne cessa de poursuivre dans son enseignement. Les instituteurs d’aujourd’hui appellent « intuitive » la méthode de l’abbé de L’Epée ; ils auraient dû lui laisser le nom de méthode naturelle. Cependant, quoique partant d’un principe absolument vrai, celui-ci : que tout signe sonore peut étre représenté avec le même sens par un signe mimique, l’abbé de L’Epée ne tint pas assez compte du génie de formation spécial au langage mimique. Il y a, dans nos langues, d’autres éléments que ca langage ne laisse pas soupçonner ; ce sont tous les mots qui relient entre elles les différentes propositions et sur lesquels reposent l’unité et l’enchaînement du discours, les conjonctions or, donc, si mais, parce que, afin que, quoique, etc., qu’aucun geste ne saurait traduire. Aussi le langage d’action a-t-il sa syntaxe particulière, ou plutôt une construction qui diffère de celle de nos langues parlées. Nous n’avons pas à nous étendre sur les imperfections de la méthode de l’abbé de L’Epée ; nous dirons seulement qu’avant lui le sourd-muet était considéré par la grande masse du public et par l’Etat, dans sa législation, comme un être inférieur, incapable de recevoir la moindre instruction, qu’il l’a élevé au niveau de l’homme parlant et qu’il a accompli cette belle œuvre en établissant l’enseignement sur un principe vrai : possibilité de traduire le signe écrit, avec le sens qu’il représente, en langue mimique. »

Les successeurs de l’abbé de L’Epée, sous prétexte de perfectionnement, ont banni de l’instruction des sourds-muets le langage mimique, et ils l’ont remplacé par un système d’enseignement qui repose sur deux erreurs fondamentales immenses : imbus de cette croyance qu’on peut penser avec les signes de l’écriture sans l’intermédiaire obligé d’un langage physiologique préexistant, ils ont voulu enseigner directement l’écriture nationale au sourd-muet sans le secours du langage mimique ; telle est la première erreur. La seconde est basée sur la croyance à la possibilité de rendre la parole à tous les sourds-muets indistinctement.

L’abbé de L’Epée avait fait école ; un certain nombre d’instituteurs avaient adopté sans contrôle et même avec enthousiasme la méthode du maître : l’abbé Sicard, en France ; les abbés Storck et Nay, à Vienne ; l’abbé Sylvestri, à Rome ; Ulrich, à Zurich d’Arigolo et d’Alea, en Espagne ; Dole et Guyot, en Hollande.

Puis, un jour, on abandonna complétement cette méthode. Bebian, directeur à l’Institut de Paris, lui porta les premiers coups ; Ordinaire, qui lui succéda, enchérit sur la sévérité de Bebian il interdit aux sourds-muets l’usage du langage mimique et exigea qu’ils apprissent la parole articulée. Les résultats furent si déplorables que l’administration, dut intervenir ; alors on adopta une méthode mixte, qui est actuellement encore en vigueur. Cette méthode est constituée par un ensemble de procédés destinés à enseigner notre langue parlée aux sourds-muets.

Ces procédés sont au nombre de cinq : signes mimiques, écriture mimophonie, dactylologie et dessin. On les emploie dans l’ancien comme dans le nouveau monde, et la manière dont on se sert de ces procédés constitue les diverses méthodes d’enseignement, méthodes qui peuvent être réduites à deux, la méthode française et la méthode allemande.

— Méthode française. La méthode française celle qui est en usage à l’Institut de Paris, est caractérisée par l’emploi simultané des moyens que nous venons d’énumérer, mais avec une tendance de plus en plus marquée à laisser de côté le langage mimique, que l’on considère comme un accessoire plutôt gênant qu’utile, et bon tout au plus à établir un moyen de communication entre le professeur et le sourd-muet dans les premiers mois de son éducation. Par contre, on s’attache à donner une importance de plus en plus exagérée à l’enseignement de l’articulation de ta parole. Cette exagération repose sur la méconnaissance de la valeur de la mimophonie et sur le désir immodéré de faire produire au sourd-muet des sons simulant la parole.

C’est une ambition puérile et vaine que