Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 14, part. 2, Scir-Soir.djvu/400

Cette page n’a pas encore été corrigée
SOCI SOCI SOCI SOCI 805


et contre les invasions du dehors. Ainsi, il y a décadence successive, et l’auteur mesure cette déchéance à l’affaiblissement, graduel delà capacité d’abstraire, de généraliser, de comprendre. Quand cette capacité de l’intelligence s’éteint, les anciennes formes de gouvernement, encore debout, se réduisent à de

purs simulacres. Par exemple, l’ancienne langue vit encore, mais le sens des mots se perd ; on cultive une littérature d’imitation, ou se fait une originalité d’emprunt. Tout conspire à la dissolution de la société. Or, si les nations se dégradent en passant par ces trois phases historiques, il n’en est pas de même des individus. Tandis que l’intelligence collective s’éteint, l’intelligence individuelle grandit et se développe. Les individus seuls résistent à la décadence progressive des sociétés, soit comme législateurs, soit comme fondateurs, soit comme conquérants. L’histoire de l’antiquité se développe par l’action des conquérants sur la société. La civilisation part de l’Assyrie pour arriver jusqu’à Rome de conquête en conquête ; plus tard elle continue sa route vers le nord-ouest, s’affaiblissant au midi et se renouvelant par le nord. Mais une époque devait venir où la déchéance des peuples entraînerait celle des hommes, où la corruption des vaincus se communiquerait aux vainqueurs et envahirait le monde. L’esclavage, établi parquelques-uns des conquérants, fut un arrêt de mort pour la société ; impuissance de s’affranchir pour l’esclave, impuissance d’améliorer ou d’émanciper pour le maître. De là, impuissance de la conquête et des lois, lois coercitives, emportées par les mœurs. En même temps, impuissance de la philosophie, faisant de la vertu une spéculation abstraite, inaccessible à la foule ; puis, par indifférence, devenant épicurienne et précipitant la décadence du monde ancien. Alors parut le christianisme, annonçant la rénovation de toutes choses. Le christianisme a, suivant l’auteur, tenu ses promesses : il a ressuscité les sociétés, renouvelé la civilisation ; l’Église a réuni les hommes ; la rédemption s’est accomplie. Le miracle est divin, dit Rosmini, le fait est humain ; on peut l’analyser. Le christianisme condamna la terre, réclama toutes les vertus, s’adressa au cœur, ouvrit des horizons nouveaux, compléta, réhabilita la morale par la charité, vivifia la science, adopta le commerce et 1 industrie, constitua dans l’Église une garantie spirituelle et temporelle pour la société, releva la dignité humaine, assura le véritable gouvernement de l’humanité par les individus (les sages, les prêtres) et plaça le bonheur dans la contemplation de l’inrïni, la béatitude du ciel.

Cette philosophie de l’histoire, ingénieux agencement d’abstractions incohérentes dans la logique des idées, laisse échapper l’histoire elle-même. Cette métaphysique inventive établit deux histoires dans l’histoire, deux traditions dans la tradition : l’une pour la décadence, l’autre pour le progrès ; l’une pour les masses, l’autre pour les individus ; l’une pour le paganisme, 1 autre pour le christianisme. Mais le progrès des sociétés atteste qu’il y a un mouvement unique dans l’histoire, et ce progrès nie la chute du monde ancien. Cette chute originelle étant une fiction, le christianisme n’a plus d’utilité.

Société fratif ai «  « (Là) au *T « e « ièclod après le Grand Cyrus, par Victor Cousin (1858).

Les deux volumes de cet ouvrage continuent lu série d’ouvrages que V. Cousin semble avoir pris à tâche de. omposer sur les femmes duxvue siècle. L’historiographe de Jacqueline Pascal, de M" » * de Longueville, de Mu’e de Sablé, de Mmes de Chevreuse et de Hautefort a voulu pénétrer plus avant dans les régions frivoles d’une grande époque littéraire. Armé de la patience que l’enthousiasme est seul capable de donner, il a lu et médité d’un bout à l’autre le Grand Cyrus de « M » 0 de Scudery et, nouveau Chainpollion, a trouvé la clef de toutes ses allégories, a saisi les moindres détails relatifs soit aux usages, ; soit aux caractères de l’époque. Il a décou— I vert dans un roman tout un monde et croit sincèrement avoir trouvé dans ce nouveau, monde toute une histoire. Cette transformation du roman en histoire est pour lui l’occasion de passer en revue tous les personnages notables d’une époque qu’il aime. Du Grand Cyrus, il tire comme d’un musée fossile une suite de portraits auxquels il rend, en artiste habile, la vie et la jeunesse. « Peut-être, dit Vapereau, Mlle de Scudery elle-même, si elle était admise à visiter la galerie que V. Cousin a peuplée de ses héros antiques, redevenus personnages de cour, trouverait-elle qu’ils ont t’ait plus que changer de vêtements et de nom et qu’en donnant des étiquettes à ses statues on a commis, comme il arrive dans la classification d’un musée, des transpositions et des confusions curieuses. Mais il est un de ses contemporains, Boileau, qui s’étonnerait bien davantage de voir tout ce monde fantastique, qu’il croyait avoir tué pour jamais sous les coups de la satire, s’animer, se mouvoir à la voix et au souffle d’un puissant enchanteur. »

Eu effet, la vogue immense, constatée par Mme de Sévigné, dont ont joui les dix gros volumes du Cyrus vient de ce que tous les personnages de ce roman allégorique sous Louis XIII et la régence d’Anne d’Autriche occupaient la scène du monde. Aussi ne peuton lire, sans sourire, les reproches adressés

SOCI

à l’auteur par Boileau dans son Discours préliminaire sur le dialogue des héros de roman.• « Au lieu, dit-il, de représenter, comme elle le devait, dans la personne de Cyrus, un roi promis par les prophètes, tel qu’il est exprimé dans la Bible, ou, comme le peint Hérodote, le plus grand conquérant que l’on eût encore vu, ou enfin tel qu’il est figuré dans Xénophon, M’ie de Scudery en composa un Artamène plus fou que tous les Céladons et tous les Silvandres, qui n’est occupé que du seul soin de Mandane. ■ D’abord, le sévère critique oublie qu’un romancier n’est pas un historien et, en second lieu, il a tort de prendre le Cyrus de MHe de Scudery pour le petit-fils d’Astyage. Sous son nom c’est le grand Condé dans sajeunesse que l’auteur met en scène, et peut-être bien est-ce de là que Bossuet tira l’idée de sa-fameuse comparaison de Cyrus et du prince de Condé lorsqu’il prononça son oraison funèbre. Boileau y mettait delà bonne volonté pour voir un Céladon dans ce portrait: « Cyrus avait ce jour-là dans les yeux je ne sais quelle noble fierté qui semblait être d’un heureux présage, et il eût été difficile de s’imaginer en le voyant qu’il eût pu être vaincu. Ce prince était d’une taille très-bien faite ; il avait la tête très-belle, et ses cheveux du plus beau brun du monde faisaient mille boucles agréablement négligées qui lui pendaient jusque sur les épaules. Son teint était vif, ses yeux noirs pleins d’esprit, de douceur et de majesté ; il avait le nez un peu aquilin, le tour du visage admirable, l’action si noble et la mine si haute, que l’on peut dire assurément qu’il n’y eut jamais d’homme mieux fait que Cyrus. Dès qu’il avait les armes à la main, ou eût dit qu un nouvel esprit l’animait et qu’il devenait lui-même le dieu de la guerre; son teimjen devenait plus vif, ses yeux plus brillants, sa mine plus haute et plus tière, son action plus libre, sa voix plus éclatante et toute sa personne plus majestueuse. Le-feu divin qui échauffait son cœur et qui brillait dans ses yeux se communiquait à toute son armée et lui donnait une ardeur de combattre qui n’était pas une des moindres causes de sa victoire. Il y avait une activité si pénétrante dans ses regards que, ne les pouvant soutenir, on était contraint de baisser les yeux, tatA la colère le faisait paraître redoutable. « Comment Boileau, qui avoue lui-même l’impression que lui fit dans une discussion le regard du prince de Condé, n’a-t-il pas reconnu dans ce portrait" ce jeune prince du sang qui portait la victoire dans ses yeux, • selon l’expression de Bossuet, qui a utilisé ce morceau ? Soit I Mais dès qu’il est en présence de Mandane, le héros s’évanouit, il soupiré en la quittant. La ressemblance n’en est que plus frappante ; lisez plutôt ce passage des Mémoires de Mademoiselle:• Quand le duc d’Enghien partait pour l’armée, le désir de la gloire ne l’empêchait pas de sentir la douleur de la séparation, et il ne pouvait dire adieu à Mlle du Vigean qu’il ne répandît des larmes ou même ne perdît connaissance. »

N’ayant pas reconnu Condé dans Cyrus, Boileau ne devait pas non plus retrouver Mme de Longueville. dans Mandane. Et cependant, outre le portrait physique, que de ressemblances morales devaient le guider ? Mandane, sans cesse occupée de cérémonies religieuses, se retire souvent parmi les vierges voisines du temple de Diane. Qui ignore les fréquentes retraites de Mme de Longueville chez les carmélites ? Les duels de Cyrus pour Mandane ne rappellent-Us pas ceux de Guise et Coligny pour Mme de Longueville ? Dernier trait de ressemblance, leur empire à toutes deux s’établit sur les femmes aussi bien que sur les hommes de tout rang.

o Condé et Mme de Longueville, avec leurs amis privilégiés Chàtiilon, La Moussaye, Chabot, sont bien tes principales figures de Cyrus, dit Victor Cousin ; mais, avec celles-là, combien encore d’autres figures contemporaines y brillent à des rangs divers ! L’aristocratie française, ses grandes habitations, ses mœurs, ses aventures, surtout ses aventures galantes, qui occupaient et amusaient les salons, tout cela a sa place dans le Cyrus. Puis, de proche en proche, le tableau s’agrandit et comprend des personnages dé* différents ordres à qui pouvait manquer la naissance, mais que relevaient le mérite et l’esprit, car l’esprit était alors une puissance reconnue, avec laquelle toutes les autres puissances comptaient, et Mil* de Scudery s’estimait trop, elle et ses pareilles, pour hésiter à mettre des gens de lettres éininents avec les plus grands seigneurs et les plus grandes dames; en sorte qu’on peut dire avec la plus parfaite vérité que le Cyrus embrasse et exprime en ses diverses parties tous les côtés distingués de la société française du xvue siècle. >

Comment, après ces explications, s’étonner de l’immense succès du Cyrus en son temps ? Les principaux personnages de cette galerie de portraits, tout le monde les devinait, et les moins importants offraient autant de problèmes dont on cherchait avec passion la solution dans les sociétés élégantes. De nos jours même, au point de vue historique, le Cyrus & une importance considérable, que M. Cousin met eu lumière. Tallemant des Réaux a dit: « Il ne faut chercher dans le Cyrus que le caractère des personnages, leurs actions n’y sont pas. » 11 a eu raison 1 • Il faut distinguer, d’après V, Cousin, les aventures et les portraits. Les aventures sont des fictions mé SOCI

diocres qui méritent de dormir dans l’oubli plus que séculaire où elles sont plongées ; les portraits sont dignes d’être remis en lumière et pour leur valeur historique et pour leur valeur propre. Rien de général ni de vague. On voit bien que ce ne sont pas des types imaginaires inventés à plaisir ; une multitude de nuances marquées et suivies avec un art souple et délicat disent assez que ces copies si naturelles ont été prises sur le vif. » Et saisi d’une belle passion, V. Cousin nous promène, flambeau en main, à travers cette galerie de miniatures historiques.

Les portraits du Grand Cyrus ont-ils bien la valeur que leur prête V. Cousin, et cet ouvrage fait-il mieux connaître le xvite siècle, comme il semble le croire, que les documents historiques si riches que nous possédons sur cette époque ? Il est permis d’en douter, mais on ne saurait méconnaître la science, l’intérêt et le charme du style qui recommandent cet ouvrageà peu près unique dans son genre. Ce que le Grand Cyrus l’ait connaître à fond, ce n’est pas la société du xvhc siècle, c’est une des sociétés de ce temps, l’hôtel de Rambouillet.

SOCIÉTÉ (archipel de la), groupe d’Iles de l’Océanie. V. Taïti.

SOCIN (Lelio Sozzini, plus connu sous le nom francisé de), célèbre hérésiarque italien du xvic siècle, qui a donné son nom à la grande secte des sociniens, né à Sienne en 1525, mort à Zurich en 1562. Son père, Mariano Sozzini, jurisconsulte distingué, voulait lui faire étudier le droit. Lelio, studieux et intelligent, eût pu s’y distinguer, selon le vœu de sa famille, qui comptait déjà un certain nombre d’érudits et d’avocats de mérite. Mais la grand courant du siècle l’entraîna, La fièvre avec laquelle tous les esprits d’élite se lançaientalors dans les plus ardentes discussions théologiques lui fit entreprendre l’étude de l’hébreu et du grec, instruments nécessaires de l’exégèse biblique. Soupçonné d’hérésie, quoique fort avantageusement connu, tant par ses mérites que par la réputation de sa famille, il crut prudent de quitter l’Italie ; alors commence pour lui une vie toute semblable à celle 4e tant d’autres réformateurs et hérétiques du xvne siècle, vie d’aventures, d’étude, de voyages, de dangers et de persécutions. Comme la plupart de ses compatriotes et coreligionnaires, il se réfugie d’abord en Suisse; mais il ne fait qu’y passer, voyant l’impossibilité d’y exposer tout haut sa doctrine sans s’attirer des poursuites. Il parcourut pendant quatre ou cinq ans, fugitif et inquiet, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et même l’Angleterre. C’est vers 1548 ou 1549 qu’il se fixa enfin à Zurich. Il ne tarda pas à inquiéter les réformateurs par ses hardiesses et par ce qu’ils nommaient ses « subtilités curieuses. » Calvin l’exhortait déjà, dans une lettre de la fin de 1551, à les éviter soigneusement, et il exprimait en même temps ses craintes à Bullinger et à d’autres sur 1 instabilité et lu témérité de ce génie italien. « C’est un fait singulier, mais bien certain, dit un savant théologien protestant, qu’en Italie les quelques hommes qui entrèrent dans le mouvement protestant furent beaucoup plus radicaux que partout ailleurs. Partant de ce principe qu’on ne peut regarder comme appartenant au christianisme que ce qui est enseigné clairement dans les Écritures, ils attaquèrent les dogmes de la Trinité, de la consubstanlialité du Verbe, de la divinité de Jésus, de la satisfaction et de l’expiation, dogmes qu’ils rapportaient à l’influence de la philosophie païenne sur l’Église des premiers siècles. C’est dans cette voie, ajoute M. Michel Nicolas, que marcha Soein un des premiers. » Cependant deux causes retardèrent indéfiniment sa rupture avec les théologiens orthodoxes, et en général avec tous ceux qui l’avaient connu:d une part, son érudition, sa science véritable, ses qualités d’esprit et de caractère, ses relations avec tous les hommes les plus distingués de son temps ; d’autre part, la prudence extrême et quelquefois l’apparente docilité avec laquelle il tint presque toujours cachées, sauf a ses intimes, les hérésies hardies qui couvaient dans Sa pensée. Au début de son séjour à Zurich, il avait parlé un peu trop librement; inquiété, dénoncé, accusé, il résolu^ une fois pour toutes de se taire et de se résigner même à toutes les concessions qu’on lui imposerait pour avoir la paix. Une lettre inédite de Bullmger (10 juillet 1555), conservée aux archives de Zurich, nous montre jusqu’à quel point Lelio sut se plier aux exigences de la situation. Bullinger, seul parmi les réformateurs, et malgré les avis réitérés de Calvin et de ses collègues, croyait à l’orthodoxie de Soein. Pressé par ses amis de lui retirer sa confiance, il le fait venir, lui parle vivement des doutes qu’on a sur sa fidélité. Lelio s’étoiine, proteste. Bullinger saisit l’occasion, le prend au mot dans toutes ses déclarations d’orthodoxie, et, le sommant de consigner par écrit tout ce qu’il vient de lui dire, il lui présente une confession de foi des plus triuitaires et lui demande d’y apposer sa signature. C’est ainsi que fut écrite cette étrange confession de foi contenant presque la liste de tout ce que Socin ne croyuit pas. Elle se trouve dans les mêmes archives’de Zurich (artn. B, vol. 25). Le seul point où Lelio y défende, quoique timidement, ses opinions, c’est la question du supplice des hérétiques.

SOCI

805

Bullinger essaye en vain de lui faire dire qu’il l’approuve, et Lelio se tire de cet épineux débat par des phrases comme celle-ci : « 11 ne faut user que des armes chrétiennes et apostoliques contre ceux qui n’attaquent que les droits et les paroles du Christ ou des apôtres, » Si satisfaisant que dût être ce succès pour Bullinger, il ne rassura pas les autres réformateurs. Jules de Milan écrit à Bullinger : « Tant mieux si Lelio est sincère. Mais on aura bien de la peine à nous faire douter de ce que nous avons vu ; » et là il lui révèle un fait très-important et trop peu remarqué par les biographes, c’est due Lelio avait sucé te venin de l’hérésie à 1 école du célèbre et habile Sicilien Camillo Renato (v. ce nom). Toutes les doctrines attribuées à Socin et qui vont, quelques années plus tard, constituer le socinianisme (v. socinien) viennent de Camillo Renato, ont été enseignées fiar lui clandestinement à Chiaveuna, ou Leio s’est glorifié du titre de disciple de Renato et où le théologien Maynard en fit l’objet d’une vive critique Sous la forme de confession de foi. Il paraît que, tout en gardant une extrême circonspection à Zurich, Lelio faisait au sein de sa propre famille et dans un cercle intime d’amis et de compatriotes une propagande assez active pour qu’il en transpirât quelque chose, car, à chaque instant, de nouveaux avis informent Bullinger, Bèze, Calvin des hérésies de Lélio. Eu 1554, quand parut, sous le pseudonyme bizarre de Martinus-Bellius, la célèbre Farrago, en faveur de la tolérance, ou Traicté des hérétiques, les soupçons tombèrent immédiatement sur Lelio. Théod. de Bèze prétend même avoir su de source certaine qu’il était un des trois auteurs de ce terrible libelle et qu’il avait très-activement collaboré avec Curione et Castellion. Quelques-uns ont même imaginé que le nom de Bellius était choisi par contraste avec celui de Socin (Sozzino, laid) ; mais ce n’est là qu’une conjecture des plus douteuses.

Quoi qu’il en soit, Lelio Socin était bien connu, malgré toutes ses ruses, pour un dangereux hérétique quand il quitta la Suisse, après la mort de son père, pour aller chercher un refuge en Pologne (1559). Fort bien accueilli par Sigismond II, dont l ; i protection le mit hors de danger, il parla plus librement aux nombreux amis et coreligionnaires qu’il trouva en Pologne et y jeta les premiers germes de ce qui fut plus tard l’Église des antitriiiitaires, connus sous le nom de Fratres Polûni. Ayant pu, grâce à un sauf-conduit de Sigismond, aller recueillir en Italie la succession de son père, il revint s’établir à Zurich. Sa famille fut, à cette même époque, victime de persécutions suscitées par 1 inquisition et qui la dispersèrent en Allemagne et en France. Lelio garda des relations avec quelques-uns de ses parents, principalement avec un jeune neveu alors réfugié à Lyon et qui devait être le célèbre Fauste Socin. Sauf cette correspondance et quelques écrits théologiques restés en portefeuille, Lelio sembla rester à Zurich dans le plus grand repos et chercher même à se faire oublier. Du moins parvint-il à se faire aimer pour sa science et pour son caractère bienveillant. Il mourut, âgé seulement de trente-sept ans, le 16 mai 1562. « Il est probable, dit M. Nicolas, que, s’il n’était pas mort dans la force de 1 âge, il aurait exercé une action profonde dans ie monde religieux parmi les protestants ; il aurait, dans tous les eus, imprimé une plus forte impulsion à ses doctrines théologiques. » Les seuls ouvrages que nous ayons de Lelio Socin sont deux traités théologiques, De sacramentis et De resufrecliotte corporum, qui se trouvent avec les œuvres de son neveu. On trouve, en outre, quelques opuscules indiqués dans la Bibliothèque des antitrinitaires et auxquels des contemporains semblent même faire allusion ; mais ils sont ou perdus ou peu authentiques et, du reste, de peu de valeur. C’est par erreur que plusieurs bibliographes et même la Bibliographie gênérale an Didot attribuent à Socin, sous le titre de Dialogus inter Caluinum et Vuticanum, le

bel ouvrage plus connu sous le nom de Contra UbeUum Caloini, c’est-à-dire un des plus

I énergiques plaidoyers qui aient jamais été écrits en faveur de la liberté de conscience. Ce Dialogue est de Castellion. Fauste Socin, qui l’a publié en 1612, le donne comme œuvre de Castellion, et, ce qui est péreiïiptoire, le manuscrit de ce Dialogue se trouve encore aujourd’hui à la bibliothèque de l’Antisittium de Bâle, de la main de Sêb. Castellion. V, ce mot.

SOCIN (Fauste), neveu du précédent et son disciple, né à Sienne en 1539, mort à Luclavie (Pologne) en 1604. Il réprit l’œuvre do Lelio et la poussa plus loin que n’avait fait celui-ci, dont la tâche fut interrompue par une mort prématurée. Orphelin presque en bas âge, Fauste fut élevé dans la maison d’un de ses oncles. Il eut avec Lelio deux points de ressemblance : comme lui, il étudia pour être jurisconsulte, et, comme lui, il se passionna pour les questions théologiques. En 1559, l’inquisition menaça les Sozzini, qui se hâtèrent de partir ; Fauste les suivit, et il se trouvait à Lyon quand la nouvelle de la mort de Lelio lui parvint. Aussitôt il se rendit à Zurich, où il recueillit religieusement les papiers laissés par celui dont il allait continuer la tâche. Bientôt après, il put rentrer en