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teneur, cotte ville, avec sus tours élégantes, ses flèches élancées, a un caractère imposant ; maiii l’intérieur ne répond pas k cet aspect pittoresque etséduisant ; les rues, à l’exception do celle del Coso-del-Pozo, ne sont que des ruelles étroites et tortueuses, mal pavées, sales et sombres. Les maisons sont, généralement anciennes et bien construites en pierre de taille ; les palais des anciennes familles uobles sont en ruine.

Saragosse n’a conservé que des traces insignifiantes de ses commencements. Le Coso,

sorte de fossé bordé d’édifices publics et de palais, indique encore néanmoins l’ancien emplaceiner t de l’enceinte de Csesarea Augusta. C’est au Coso qu’avaient lieu au moyen âge la plupart des tournois, fêtes, courses Je bagues et joutes si fort à la mode à cette époque. ■ Le Coso, qui aujourd’hui constitue une rue véritable, portait jadis, dit Louis Lopez dans son livre des Antiquités de Saragosse, le nom de Foso ou Sacro-Foso. On s’était fuit une sorte de gloire de conserver sur les maisons du Coso les traces des balles et des boulets qui s’y étaient logés pendant le siège de IS09 et li révolution de 183S. » Ces traces ont aujourd’hui à peu près disparu. La vieille porte de la ville, dite porte Quemada, devant laquelle on brûlait jadis les cadavres des victimes de l’inquisition, a été détruite, il y a quelques années. Feu de villes espagnoles sont plus riches que Saragosse en édifices curieux, au double point de vue historique et archéoltgique. Nous les passerons en revue successivement :

Monuments religieux. Le plus important est la cuhédrale, dite église da San-Salvador et plus communément la Seo (corruption de sede, siège, cette basilique ayant été le siège épiscopal de Saragossse). On fait remonter sa construction à l’époque romaine ; mais on aurait peine à retrouver cette antique tradition dans la façnde gréco-romaine ornée de colonnes corinthiennes, de niches contenant les statues de saint Pierre et de saint Piul et surmontée d’un fronton triangulaire uni. Cette façade est, en outre, écrasée par une lourde tour dont le premier corps, en forme de piédestal, construit en pierres taillées en bossage, égale sa hauteur. Le second corps, plus étroit que le premier et sans fenêtre comme lui, présente en relief un immense cadran que soutiennent deux figures ailées, ^e Temps et la Vigilance. Le troisième corps, octogone, en retrait sur le précédent, est formé de colonnes corinthiennes portant au-dess.us des quatre angles du corps inférieur les statues colossales des Vertus cardinales i : e troisième corps, contrairement aux deux piemiers, est percé de baies à travers lesquelles on aperçoit les cloches. Le quatrième et dernier corps, octogone comme le précédent, percé de huit baies, a pour base des pilastres ornés de pots à feu et pour couronnement une coupole arrondie surmontée d’une pyramide dont la pointe consiste en une croix à rayons. Le dessin de cette coupole fut exécuta en 1685 par l’architecte romain Contini ; l’effet en est à la fois imposant et d’une grande légèreté. La façade ne peut malheureuseir.ent s’embrasser d’un coup d’teil, par suite de l’absence d’entrée principale dans l’édiflcj. On ne pénètre, en effet, dans laSeo que par un angle et on ne peut en apprécier la dist ibution que détail par détail. Intérieuremen, l’édifice se compose de cinq nefs que séparent quatre rangées de piliers gothiques ; l’ornei.ienlation des chapiteaux, en feuillages dé ieatement fouillés, se complète par des tailloii s dentelés d’où jaillissent des faisceaux d’arcs d’ogive se réunissant en rosaces à leur point culminant. Chaque chapelle offre d’intéressiuts détails ; la plus riche, en même temps que la plus grande (capitla Mayor), est couronnée par une coupole gothique en forme de tiare ; cette coupole, chargée de statues et d’ornements du style plateresque, est due à Benoît XIII ; elle éclaire heureusement la nef, généralement sombre, comme la plupart des basiliques espagnoles. La capilla Mayor possède un des plus beaux retables connus ; il est en albâtre, de style gothique pur et d’une grande richesse d’ornementi tion. Entre ses fleurons, ses volutes, ses arabesques sont sculptés avec une perfection et un fini de détail inimitables des scènes entières empruntées k la vie de saint Laurent et à celle de saint Valère ; le corps principal prése.ite troijs tableaux de haut relief : Adoration des rois muges, Transfiguration, Ascension de Jésus-Christ. La capilla Mayor contient encore le tombeau de la princesse Maria, fille de don Jaime le Conquérant ; celui du duc Juan d’Aragon, frère de Ferdinand le Catholique ; une urne renfermant le cœur rie l’.nfant Balthazar-Carlos, fils de Philippe IV, et un fauteuil Renaissance, à double siège, dans lequel s’asseyaient les rois le jour de leur sacre. Le chœur de la Seo, entouré de stalles en chêne sculpté dans le goût gothique, est dominé par le siège épiscopa également chargé de sculptures. Le lutrin, admirable morceau artistique, date de 1413. L’enceinte" extérieure du chœur, dans laquelle sont ménagées un grand nombre de chapalles, est splendidement décorée. Les côtei du irascova (arrière-chœur) sont ornés de remarquables statues de saint Laurent et de saint Vincent et débas-reliefs sur ces deux martyrs. Le centra du trascoro est occupé par un petit temple formé de six colonnes da marbre noir entourant un crucifix

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central. Une coupole dorée couronne ces colonnes et est elle-même surmontée par une figuré du Christ ressuscité. Parmi les chapelles latérales, signalons celles de San-Vicente et de Santiago (Saint-Vincent et Saint-Jacques) ; la première possède quatre toiles remarquables de Rabiella, la seconde une statue de saint Jacques, œuvre de don Carlos Salas. La chapelle de San-Bernardo ren ferme les mausolées de don Ferdinand d’Aragon et de sa mère, doîïa Anna de Guerrea. La chapelle de San-Pedro-Arbuès, de style gothique, possède trois tableaux de Francisco Ximenès de Tarazona et une statue du saint porté sur un nuage ; enfin la chapelle paroissiale, dédiée k san Miguel. L’autel gothique en est divisé en compartiments représentant des scènes de la Passion, peintes avec une grande perfection de détail ; c’est dans cette chapelle que se trouve le fameux tombeau de don Lope de Luna, ancien archevêque de Saragosse ; il est en marbre blanc et passe pour n’avoir pas de rival en son genre dans tout l|Aragon. Nous n’avons pas parlé des magnifiques grilles dont toutes ces chapelles sont fermées, chefs-d’œuvre de la serrurerie ancienne, non plus que du trésor de l’église. Parmi les pièces dont ce trésor se compose, il faut mentionner la croix gothique sur laquelle le roi faisait autrefois serment de respecter les fueros de l’Aragou, les trois bustes en argent des saints Vincent, Laurent et Valère, présents de Benoît XIII (1405) ; la Custodia, ouvrage d’orfèvrerie en forme de tabernacle du xvie siècle, etc.

Après la Seo vient, dans l’ordre hiérarchique des églises de Saragosse, Notre-Damedel-Pilar (Nuestra-Sefiora-del-Pi !ar), dont le nom a été tant de fois popularisé par nos drames romantiques. Pilar, en espagnol, signifie pilier, et ce nom singulier donné à l’église s’explique par une fantastique légende, dont nous emprunterons la traduction à M. Germond de Lavigne. Suivant cette légende, Jésus-Christ lui-même aurait en voyé la Vierge à Saragosse avec recommandation d’en ramener saint Jacques, mais non pas avant que l’apôtre eût construit un temple en son honneur. En eiret, un jour que saint Jacques et ses disciples se trouvaient hors de la ville, ils aperçurent en l’air une très-grande lumière, « qui, surpassait celle du soleil. Les anges mirent le trône de leur reine à la vue de l’apôtre qui était en une très-sublime oraison. Les anges portaient une petite colonne de marbre ou de jaspe, et ayant formé d’une autre matière différente une image de la reine du ciel, ils la portaient avec beaucoup de vénération. » La Vierge alors fait part k saint Jacques de la mission qu’elle a reçue, après quoi elle « ordonne aux anges de mettre la sainte image sur la colonne et de la placer au même endroit où elle se trouve aujourd’hui. » Inutile d’ajouter que cette colonne fut le pilier qui donna son nom à la basilique. Saint Jacques se mit aussitôt k l’œuvre et, aidé de ses disciples, construisit la chapelle qui depuis a été remplacée par l’église actuelle, dont on posa la première pierre en 1681. Elle se compose d’un quadrilatère partagé en trois nefs par douze piliers carrés et massifs d’un diamètre énorme. La première et la troisième, contenant la Sainte-Chapelle et le maître-autel (alla mayor), sont couronnées de coupoles, tandisquelànef centrale n’est guère qu’une galerie qui les relie ensemble. Les murs sont sans ornements. Seul, un beau rétable, dû au ciseau du sculpteur Valencien Forment et représentant quelques scènes de la vie de la Vierge, mérite l’attention. La partie la plus curieuse de l’église est lo sanctuaire, qui forme comme un petit temple dans le temple. « L’image vénérée, sur son pilier de marbre, dit M. Germond de Lavigne, occupe la place même où saint Jacques l’a déposée il y a dix-neuf siècles. Le petit temple, ouvert de trois côtés et sur un plan elliptique, est formé par de belles colonnes de marbre, supportant une voûte

sculptée en écailles, entourée de guirlandes dorées., de médaillons, d’où pendent des drapeaux pris aux Maures, et éclairée au milieu par une large ouverture circulaire tout entourée d’anges et de figures de saints. L’autel ou tabernacle, devant lequel brûlent une grande quantité de lampes suspendues à la voûte au milieu ù’ex-voto de toute nature, do cœurs d’or et de dons précieux, représente au centre la Vierge sur un trône de nuages ; a gauche, saint Jacques et ses disciples âgenouillés ; à. droite, dans l’ombre, on voit la sainte image, sculptée dans un bois devenu noir par l’œuvre des siècles et vêtue d’une riche dalmatique qui ne laisse paraître que la tête de la Vierge et celle de l’Enfant Dieu, Par les ouvertures de la voûte, on voit se développer la coupole de l’église, projetant une vive lumière sur les fresques d’Antonio Velazquez qui en décorent les contours. Sur deux des côtés de la Sainte-Chapelle, des escaliers, protégés par des balustrades de marbre, conduisent a une crypte souterraine où reposent, dans des tombeaux de marbre noir, plusieurs dignitaires, des archevêques, et dans une urne le cceur du second don Juan d’Autriche, fils naturel de Philippe IV. » La sacristie de l’église possède un Eece Homo attribué au Titien.

Les autres églises de Saragosse qui mérit tent une mention, tout en étant loin d’égaler l’importunee des précédentes, sont : l’église souterraine de Santas-Masas ; l’église San SARA

Miguel-de-los-Navarros, où l’on remarque de beaux bas-reliefs représentant la Passion ; l’église de Santa-Cruz, une des plus anciennes de la ville ; l’église San-Pedro-et-San-Juan, dont le clocher est formé par une tour carrée de style mauresque ; l’église Santiago, où l’on retrouve quelques vestiges byzantins et qui possède un rétable d’un beau travail et une cloche qui date de l’invasion des Goths ; l’église San-Pablo-Apostol, dont le rétable a pour auteur Forment, et qui renferme le tombeau sculpté de don Diego de Monréal, évaque de Huesca ; l’église San-Felipe-y-Santiago, dont le portail original se

compose de deux colonnes de marbre noir, surmontées, au premier corps du prétendu labaruin de Constantin, et au second corps du saint sacrement soutenu par saint Philippe et par saint Jacques, patrons de l’église. Saragosse possédait autrefois un grand nombre de couvents ; plusieurs ont été transformés en casernes ; mais quelques-uns d’entre eux présentent encore à l’archéologue maint détail intéressant et pittoresque.

Monuments civils. L’édifice le plus curieux peut-être de Saragosse par la bizarrerie de sa forme et de ses détails d’architecture est la tour Neuve (Torre Nueva), dite encore tour Penchée, à cause de son inclinaison qui rappelle celle de la tour de Pise. Construite en 1504, par lesjuratsdeSaragosse, sur la petite place de San-Felip.e afin de porter l’horloge de la ville, la tour Neuve, complètement isolée de tout autre bâtiment, mesure une hauteur de 84 mètres sur 1210,60 de largeur à sa base. On y monte par un escalier de 280 marches. Elle est bâtie en brique et son style rappelle tantôt le gothique, tantôt l’arabe. Chaqvieétage offre un aspect différent. Un balcon de fer précède le campanile où est enfermée la grosse cloche de l’horloge. On parvient à ce balcon par un escalier qui tourne en spirale autour du noyau central de la tour, dont l’inclinaison passe, suivant les uns, pour avoir été voulue par l’architecte, suivant les autres pour la simple conséquence d’un accident. Cette tour a été restaurée en 1860.

Lu dehors de la ville et entouré d’un fossé profond se trouve l’Aljaferia, bâtie par le Maure Abn-Giafar Ahmed, le seul édifice de Saragosse qui évoque de nombreux souvenirs de la royauté, dont il fut longtemps la résidence. L Aljaferia, qui ressemble plutôt à une caserne qu’à un palais, est occupée aujourd’hui far un régiment d’infanterie et forme une des positions avancées de la ville. On y retrouve le bel escalier monumental et la longue suite de plafonds dorés qui remontent au temps de la résidence des rois chrétiens d’Espagne. Quant k la période mauresque, une seule pièce donnant sur la cour en retrace le souvenir ; les murs sont revêtus d’ornements analogues à ceux de l’Alhambra de Grenade et la voûte en est formée par des arcades légères, malheureusement dissimulées sous un plafond moderne blanchi à la chaux. Rappelons en passant qu’une partie de l’action de l’opéra célèbre de Verdi, le Trovatore, se passe dans l’Aljaferia et une autre partie dans le château de CaStijar, qui en est voisin et qu’on peut distinguer de loin dans la montagne.

Indépendamment de ces édifices purement monumentaux, Saragosse possède plusieurs établissements qui méritent d’être cités. En première ligne, la Misericordia, maison de secours ou hospice pour les deux sexes, fondée en 1660. Saragosse est le siège d’une université littéraire, riche d’une bibliothèque de 25,000 volumes. Enfin, de nombreux cabinets scientifiques, des écoles d’escotapios, deux séminaires, une Académie de médecine et de chirurgie et une Académie des beaux-arts qui possède plusieurs tableaux originaux du Titien, du Dominiquin, de Salvator Rusa et des différents maîtres espagnols complètent les richesses de cette ville.

Plusieurs anciens hôtels méritent d’être cités ; de ce nombre est la maison du comte de Sastago, occupée aujourd’hui par le Casino ; VAduana- Vieja (Vieille-Douane), qui est aujourd’hui dans un état de ruine k peu près complet, présente k l’intérieur des traces de l’époque romaine ; l’Audiencia est un édifice flanqué de tours et présentant une belle porte ornée de cariatides ; la Casa del comercio (chambre de commerce) occupe l’ancien hôtel de Torellas, une des plus belles constructions de Saragosse ; la Casa de Zaporta ou de la Infanta est d’une ornementation également fort riche. Mentionnons en terminant la maison du comte d’Altarès et son portail gothique ; celle du comte de Fuentès, occupée par l’administration des postes et dont le patio est fort endommagé par les voitures ; la casa de Torrescas ; le palais de las Lunas, ancienne résidence de Benoît XIII ; la casa de Lazan ; la casa de Tarazona, etc.

Promenades. La principale promenade de Saragosse est celle de Santa-Engracia, voisine de la place de la Constitution. Elle est plantée de beaux arbres et ornée de bancs de marbre sculptés. Un monument commémorant’ du siège de Saragosse devait y être érigé ; le modèle y fut exposé vers 1840, mais il finit par tomber de vétusté avant d’avoir reçu le moindre commencement d’exécution.

Histoire. Suivant Pomponius Mêla, dont le témoignage est généralement adopté, Sa SARA

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ragosse aurait véritablement pris naissance vers l’an 728 de la fondation de Rome, lorsqu’Auguste vint en Espagne combattre les

Cantabres et les Asturiens révoltés. Parvenu à Salduba, alors simple village, dont l’emplacement est occupé par la cité actuelle, il fut vivement frappé de l’importance qu’on pouvait donner à sa situation et y établit une colonie romaine. Cette colonie, désignée sous le nom de Cwsarea Augusta, fut le berceau de la Saragosse actuelle. Des bains, des temples, un cirque, des palais, etc., s’y élevèrent comme par enchantement, et Caesarea Augusta, dit Pomponius, » devint la plus brillante des villes intérieures de l’Espagne Tarraconaise. > L’ancienne colonie romaine avait à peu de chose près conservé son nom (Cssaragosta) lors de l’invasion des Goths (470). Aux Goths succédèrent les Maures (712), qui changèrent Cxsaragosta en Saràgusta et firent de l’antique cité le chef-lieu d’une de leurs cinq grandes provinces. Suragusta, ou pour mieux dire Saragosse, car on voit maintenant clairement l’origine de ce nom, devint en peu de temps une des villes rivales de Cordoue et de Tolède, ces quartiers généraux de l’empire mauresque, et elle commanda longtemps à tout le pays qui s’étend entre les sources du Tage et les montagnes de Cantabrie. Charlemagne-tenta en vain de la réduire par un siège ; il dut battre en retraite, et ie désastre de Roncevaux vengea la ville des califes. En 1017, elle devint la capitale d’un petit État maure. Saragosse demeura en la possession des musulmans jusqu’au jour où elle devint la capitale du petit royaume de Sobrarbe, fondé par le petit groupe de chrétiens qui envahit la Navarre et l’Aragon. Les premiers rois de Sobrarbe, qui furent à proprement parler la tige des rois d’Aragon, étaient, comme on Je sait, élus par leurs vassaux, et l’histoire nous a transmis la fière formule du serment à eux prêté par leurs électeurs. En voici la traduction exacte : ■ Noui qui valons autant que vous et qui pouvons plus que vous, nous vous élisons roi, k la condition que vous garderez nos lois et noslibertès et qu’il y aura entre vous et nous quelqu’un qui sera plus que vous : sinon, non. » Ce quelqu’un qui valait plus que le roi, ce fut lejusticia, incarnation de la justice dans un magistrat suprême, auquel tout noble aussi bien que tout personnage quelconque pouvait faire appel, même contre le roi. Saragosse fut le siège de l’exercice du juslicia qui fonctionna pendant plusieurs siècles sans que les rois d Aragon eussent, les uns réussi à atténuer son pouvoir Sans limites, les autres essayé inêine de le restreindre. Il survécut même à Charles-Quint. Mais l’avènement de Philippe II fournit bientôt à la couronne un prétexte de se débarrasser de cette tutelle écrasante. Antonio Perez ayant appelé aujusiieia contre son souverain de la captivité où il souffrait par sou fait, des troubles graves éclatèrent aussitôt dans Saragosse. Le comte d’Almanera, qui soutint la cause royale contre le juslicia, jeune homme de vingt-sept ans qui venait d’hériter de la charge des son père, fut tué dans le tumulte. Philippe II envoya aussitôt des troupes contre la ville, par lui considérée comme rebelle ; le juslicia, inflexible sur ses privilèges, osa entrer en lutte ouverte avec les forces royales. Il fut vaincu, fait prisonnier, condamné k mort et exécuté sur la place de Saragosse le 20 décembre 15S1. La charge de juslicia ne s’en continua pas moins dans les personnes de Ja3’me Lanuza et de Francisco de Ayerbe qui, ayant voulu suivre le noble exemple d’indépendance de leur, jeune prédécesseur, subirent le même sort. Philippe II acheva de terrifier Saragosse en convoquant les états k Tarragone et en leur faisant consacrer une loi qui défendait le cri de liberté sous peine de mort. En 1710, Saragosse prit parti pour l’archiduc Charles, dont l’armée battit sous les murs de la ville celle de Philippe V. À la paix, ce dernier ôta à la ville ses tueros. Pendant-longtemps, aucun autre souvenir particulier ne vieut signaler l’histoire de la ville, et il faut en arriver k 1808 pour rencontrer dans le siège de Saragosse (v. l’article ci-après) un des plus formidables épisodesmilitairesde tous les temps. Le 5 mars est une date mémorable pour la ville de Saragosse parce qu’elle rappelle un fait glorieux. Les libéraux aragonais, surpris durant la nuit, en 1833, par de nombreuses forces carlistes qui avaient pénétré dans la ville, eurent assez d’intelligence et de bravoure pour les expulser après avoir lutté contre des forces infiniment supérieures.


Saragosse (SIÈGES DE). Le nom de Saragosse rappelle et immortalise le souvenir d’une des plus héroïques, en même temps que des plus sanglantes défenses dont les exemples nous aient été conservés par l’histoire. Mais bien avant le célèbre siège de 1808-1809, Saragosse avait déjà eu à soutenir plus d’une attaque. En 546, pressés par Childebert, les habitants à bout de ressources implorèrent la protection de saint Vincent, martyr et leur compatriote, et, afin d’obtenir cette protection, promenèrent les reliques du saint sur les remparts, tous, hommes, femmes et enfants couverts d’habits de deuil. Childebert, touché de cet appareil, proposa la levée du siége contre la remise des précieuses reliques et, cette condition acceptée, rendit la liberté à Saragosse. La ville eut encore à soutenir, en