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nom de maisons de santé. Ces établissements forment une catégorie à part. Ceux qui sont affectés aux femmes en couche portent le nom de maisons d’accouchement ; nous ne nous en occuperons pas ici. Tous sont régis par l’ordonnance de police du 8 août 1828, qui concerne l’établissement des maisons de santé en gémirai, leur régime intérieur et leurs rapports avec l’administration. D’après cette ordonnance (art. 1er), il ne peut être établi de maison de santé à Paris, dans le département de la Seine et dans les communes de Saint-Oloud, Sèvres et Meudon sans une autorisation du préfet de police ; le pétitionnaire doil indiquer le nombre de pensionnaires qu’il veut prendre et le chiffre en est fixé par l’administration elle-même, après, qu’elle a fait visiter les constructions et que le conseil d’ir’giène a donné son avis, sur le rapport d’un inspecteur spécial (art. 2 et 3).

« Quelles sent et quelles doivent être, dit le docteur Brochin, les conditions d’hygiène et d’aménagement d’une maison de santé ? La plupart des établissements de ce genre ont été installés jusqu’ici dans des maisons ordinaires ou d’anciens hôtels plus ou moins bien appropriés à Leur nouvelle destination. On s’est généralement peu occupé de rechercher et dedélerminer les conditions spéciales que doit remplir l’installation d’une maison de santé. Sans doute, pour les conditions générales de sa ubrité, comme toutes les habitations communes ou privées, la maison de santé est soumise aux prescriptions des règlements de voirie et de police qui ont pour objet d’en assurer le bon entretien ; mais ici, les conditions ; communes ne suffisent plus. Si la maison de santé tient d’un côté par quelques-unes de ses dispositions delà maison privée, de l’hôtel ou de la maison garnie, de l’autre elle présente des conditions qui lui sont communes avec l’hôpital. Il y a donc à faire la part de ces deux, ordres de conditions. Comme pour un hôpital, il importe de tenir compte de lu situation que doit avoir une maison de santé, du terrain sur lequel elle repose, de soa orientation, des matériaux et des divers éléments qui entrent dans sa construction, de la distribution de ses diverses parties ; de l’autre, il ne faut pas oublier que •les habitudes de bien-être et de confortable des pensionnaires de ces maisons ont aussi leurs exigences qu’il n’importe pas moins de satisfaire. L’une des premières conditions estl’éloigneirentdes grands centres de mouvement des villes, sans que cette distance toutefois préjudicie à une foule d’avantages que peut procurer seul le voisinage de la ville. Une deuxième condition est le choix du terrain qui doit servir d’assiette à la maison ; ce terra.n doit être sec, légèrement incliné pour fa : iliter l’écoulement des eaux et abondamment pourvu, à proximité, d’eaux potables et fialohes. La forme de construction carrée ou en parallélogramme à cour intérieure, close de toutes parts, est peu convenable pour ces sortes de maisons ; on doit lui préférer 11 forme k deux façades pour les maisons de moyenne dimension ou à pavillons séparés pour les grands établissements. Le système du salles ou dortoirs communs doit être exe u des maisons de santé ; c’est là l’avantage la plus sérieux et le plus réel qu’elles peuvent avoir sur les hôpitaux. Ce serait là aussi l’idéal malheureusement irréalisable du perfectionnement de l’assistance hospitalière. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que les maisons de santé doivent être entourées de jardins et de cours plantées d’arbres, qu’elles doivent autant que possible être pourvues de tous les moyens de distraction si nécessaires aux valétudinaires et aux convalescents, tels que salons de réunion, bibliot îèques, salles de jeu, de musique, etc. i

Il s’en faut que toutes les maisons de santé présentent l’ansemble des conditions requises par l’auteur que nous venons de citer et bien d’autres accessoires que nous avons passés sous silence, mais les plus connues, à Paris et duns les environs, laissent peu de chose à désirer sous te rapport de la salubrité et du confort. Ce sont, pour les maisons de santé spéciales au>. aliénés : la maison de santé du docteur Blanche, à Passy ; elle est actuellement dirigée par le docteur Meuriot ; la maisonde santé Esquirol, à Ivry, un des plus vastes établissements de ce genre ; celle des docteurs Mei.uet et Motet, rue de Churonne ; c’est l’anciei ne maison Belhomme, où était détenu le gétérul Malet lors de sa conspiration ; elle est construite dans le système de pavillons isolés, avec vastes jardins, serres, salle de billard, jeux, etc. ; la maison de santé du docteur h alnet, -a Vanves, et celle du docteur Brierre de Boismont, faubourg Saint-Antoine ; la Liaison Reboul-Richebraque, rue de Picpus, actuellement dirigée par les docteurs (joujou et Rota ; la maison Rivet, à Saint-Mandé dont la directrice est la fille du docteur Brierre de Boismont, est une maison de santé réservée aux femmes ; elle se compose de deux services, l’un affecté aux aliénées, l’autre aux malades. Nous ne citerons en province qu’une seule maison àesanté affectée aux aliènes, celle des fières Labitte, à Clermont (Oise) -, c’est l’établissement de ce genre le mieux organisé de France ; il se compose d’un petit château, de fermes et d’exploitatio as agricoles ; il est aménagé pour recevoir 2,000 pensionnaires.

Parmi les maisons de santé destinées aux

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maladies communes, médicales ou chirurgicales, les plus importantes sont : celle des Frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu, rue Oudinot -, il y a deux services, l’un de chirurgie ; l’autre de médecine ; celle du docteur Beni-Barde, à Auteuil, spéciale pour les traitements hydrothérapiques ; la maison Lesault, à Neuilly, etc. Il y en a encore un certain nombre à Meudon, Saint-Cloud, Bellevue, Sceaux, etc. Outre les maisons de santé ordinaires, il y a aussi dans ces localités des maisons de santé spéciales, où Quelques chirurgiens font transporter les malades de leur clientèle qui ont à subir des opérations. Les opérations chirurgicales ont plus de chanoo de réussite dans les environs de Paris qu’à Paris même et leurs suites y sont moins dangereuses. Mais cette immunité, propre à certaines localités dont la situation est exceptionnelle, cesse ou s’affaiblit quand des opérations sont constamment pratiquées dans les mêmes salles et que le long séjour des malades dans l’établissement lui fait contracter ces odeurs d’infirmerie et d’hôpital qui en rendent le séjour malsain. Aussi quelques chirurgiens, entre autres le docteur Péan, le grand ovariotomiste, déplacent-ils leur établissement tous les ans ou tous les six mois, et ces maisons de santé temporaires ont obtenu des succès marqués.

— Mœurs et coût. V. toast,

— Iconogr. La Santé avait été divinisée par les anciens sous le nom d’Hygie (v. ce nom). ■ C’est, dit de Prézel, une jeune nymphe à l’œil riant, au teint frais, à la taille légère, dont l’embonpoint est formé par la chair et pour cette raison moins sujet à se flétrir. Elle porte un coq sur la main droite et tient de l’autre un bâton entouré d’un serpent. Sur les médailles romaines, la déesse Santé (Salus ou Valeludo) paraît couronnée d’herbes médicinales. Quelquefois, elle est placée devant un autel, au-dessus duquel un serpent s’élève pour prendre quelque chose dans une

Eatère qu’elle lui présente. » Dans son taleau de la Naissance de Louis XIII, faisant Eartie de VHistoire de Marie de Médicis, Ruens a représenté la Justice confiant le prince nouveau-né au Génie de la Santé, figuré par un bel adolescent ayant des ailes et un serpent entortillé autour de son bras.

Dans la galerie d’Arenberg est un tableau de Ftans Hais, intitulé : A votre santé ! C’est le portrait d’un joyeux compagnon, à longue barbe et aux cheveux assez mal peignés, tenant d’une main un pot de grès à anse de métal, rempli sans doute de quelque jus divin, ôtant avec l’autre main son chapeau à larges bords et regardant en souriant le publie à qui il a bien l’air de dire : A votre santé. Deux charmants tableaux de Terburg, la Santé portée et la Santé rendue, ont fait partie des galeries du duc de Choiseul et du prince de Conti et ont été gravés par Juste Chevillet. Sant« (maison municipale de). La fondation de cet établissement date du commencement du siècle. Un arrêté du conseil général des hospices, du 16 nivôse an X, affecta le petit hospice du nom de Jésus, situé rue du Faubourg-Saint-Martin, « à lu réception des malades pouvant payer une somme déterminée, » laquelle était fixée à 30 sous par journée. L’hospice du nom de Jésus avait été fondé par Vincent de Paul en 1653, pour recevoir 40 vieillards confiés aux soins des frères de la Mission et des sœurs de la Charité. Le 9 thermidor an II, ces vieillards ayant été transportés dans le couvent des récollets du faubourg Saint-Martin, devenu hospice des Incurables (hommes), l’hospice resta inhabité jusqu’au moment où le conseil général lui donna la destination dont nous venons de parler, et le public lui donna le nom de Maison de santé Dubois, en reconnaissance des soins éclairés que prodiguait aux malades l’habile chirurgien Dubois, alors à la tête du service chirurgical de l’établissement. Les malades s’y portèrent avec une telle affluence que les bâtiments devinrent bientôt trop étroits pour les nécessités de leur nouvelle destination. Transférée, le 1er février 1816, dans l’ancienne communauté des sœurs grises de la rue du Faubourg-Saint-Denis, la maison de Santé prit le titre de Maison royale de santé.

L’établissement ayant été atteint par l’expropriation pour le percement de voies nouvelles en 1853 et en 185S, il fallut le reconstruire sur un autre emplacement. Aujourd’hui, la Maison municipale de santé, située au n» 200 de la rue du Faubourg-Saint-Denis, répond, par les bonnes dispositions de ses bâtiments et de son installation intérieure, à toutes les exigences de sa destination spéciale.

Les malades, isolés des bruits de la rue par une vaste cour intérieure, trouvent dans les bâtiments qui leur sont réservés soit des appartements complets, soit des chambres particulières à l et 2 lits, soit, enfin, des chambres communes qui contiennent de 3 à 6 lits. Les lits, répartis entre les chambres particulières et les dortoirs communs, sont au nombre de 300. Le prix de journée pour les appartements, pour les chambres particulières ou pour les chambres communes a été établi ainsi qu’il suit : appartement comportant une antichambre, une chambre à coucher, un cabinet et un salon, 15 francs ; appartement comportant^ine antichambre, une chambre à coucher et un cabinet, 10 et

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12 francs ; chambre particulière, 8 francs ; chambre à 2 lits, 6 et 7 francs ; chambre a 3 lits, . 5 francs ; chambre à 4 lits, 4 fr. 50 ; chambre à 6 lits, 4 francs. Les chambres prennent jour sur un jardin dont les malades ont la jouissance. Le régime alimentaire ne laisse rien à désirer sous le rapport de la quantité, de la variété et de la préparation des mets. Une large initiative est laissée, à cet égard, aux médecins ; on a tenu compte des conditions exceptionnelles dans lesquelles sont placés les malades traités à la Maison de santé, et l’administration s’est attachée, autant que possible, à respecter leurs habitudes et leur manière de vivre. Si l’un d’entre eux demande quelque aliment non prévu au régime, il lui suffit d’un bon du médecin pour l’obtenir.

Il est permis de visiter les malades tous les jours de dix heures du matin k six heures du soir ; mais on n’admet que trois visiteurs à la fois pour un même malade. On comprend sans peine que les malades ne soient admis qu’à la condition de se soumettre aux règlements, d’ailleurs très-doux, de la maison. Indépendamment des surveillants et des gens de service, dont les soins sont complètement gratuits, on admet même auprès des malades, à titre de garde ou simplement pour leur tenir compagnie, des personnes étrangères. Deux salons servent de lieu de réunion aux malades.

Le prix de journée s’applique à tous les frais de nourriture, de linge, de chauffage, de pansement et de médicaments, aux besoins de toute nature ; aux accouchements et aux opérations les plus graves. Le service de santé, confié k d’habiles praticiens, se compose de 2 médecins, 1 chirurgien, 1 pharmacien et 13 élèves internes et externes. Les maladies mentales et l’épilepsie ne sont pas traitées à la Maison de santé. Les personnes atteintes de maladies réputées contagieuses ou produisant du délire, telles que la variole, les fièvres typhoïdes, etc., ne peuvent être admises dans les chambres communes. Il est très-rare que les 300 lits de la Maison de santé soient tous occupés, surtout dans la belle saison.

Constituée comme elle l’est, la Maison municipale de santé rend des services considérables ; elle offre les soins assidus et vigilants de l’hôpital, dégagés du voisinage pénible et souvent répugnant des maux d’autrui.

SANTEE, rivière des États-Unis d’Amérique. Elle prend sa source dans les montafnes Bleues, coule au S.-E. À travers les eux Carolines et se jette dans l’Atlantique, après un cours de 200 kilom.

SANTEN (Laurent van), érudit hollandais, né à Amsterdam en 1745, mort à Leyde en 1798. Il étudia la jurisprudence, qu’il enseigna à l’université de Leyde, dont il devint curateur en 1795. Tout en dirigeant cette importante institution, il s’adonnait à la poésie latine. Ses principaux ouvrages sont : Carmina juvenilia (Leyde, 1767, in-12) ; Carmina (Utrecht, 1780, in-8°) ; Delicis poeticx (Leyde, 1783, 8 part.).

SANTENAY, village et comm. de France (Côte-d’Or), canton de Nolay, arrond. et à 18 kilom. S.-O. de Beaune ; 1,577 hab. Récolte et commerce assez important de vins fins des Gravières et du clos Tavannes. L’église paroissiale, fort ancienne, possède une abside curieuse, de beaux vitraux et une belle statue de la Vierge. On voit aussi à Santenay les restes d’une ancienne forteresse, quelques dolmens et des vestiges d’antiquités romaines.

Le vignoble de Santenay produit des vins de bon goût et qui se conservent longtemps. Les cuvées dites des Gravières et du clos Tavannes ferment la liste des vins fins de Bourgogne. Les autres ne donnent que des vins d’ordinaire de première et de deuxième qualité. Le village de Santenay, placé dans une position des plus riantes, est le premier que l’on rencontre au sud, à l’extrémité de la chaîne de la Côte-d’Or. Depuis Santenay jusqu’à la gorge qui conduit à Gamay, on trouve un groupe de trois petits coteaux unis entre eux et mesurant environ 4 kilom. de longueur, et sur le penchant desquels se trouvent Santenay, Morgeot et Chassagne. À peu de distance et en suivant le vallon, on trouve le village de Saint-Aubin, dont le territoire fournit de bons vins, mais moins fins que ceux des communes dont nous venons de parler. La roche de ces monticules est un sous-carbonate calcaire grossier, présentant, près de Santenay, un énorme amas de gryphites unies entre elles par une pâte calcaire d’un grain grisâtre.

M. Marclot, dans sa statistique de la vigne dans la Côte-d’Or, fait un petit reproche aux habitants du village les Morgeots : "Ils sont, dit-il, trop laborieux vignerons ; leurs vignes produisent trop, et souvent l’excessive quantité en affaiblit la qualité. »

SANTERRE, en latin Sancteriensis pagus, petit pays de l’ancienne France, dans la province de Picardie. Sa capitale était Péronne ; ses villes principales : Montdidier, Nesle, Chaulnes ; il est réparti aujourd’hui entre les départements de la Somme et de l’Oise.


SANTERRE (Jean-Baptiste), peintre français, né à Magny en 1658, mort à Paris en 1717. Il eut pour maîtres François Le Maire

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et Boullongne l’aîné, s’adonna spécialement au portrait et fut admis à l’Académie de peinture en 1704. On cite de lui : un Portrait de Coypel, une Suzanne au bain, une Sainte Thérèse en méditation et Adam et Eve au milieu du paradis terrestre, son meilleur ouvrage.


SANTERRE (Antoine-Joseph), célèbre révolutionnaire et général républicain, né à Paris le 16 mars 1752, mort le 6 février 1809. Sans nous attarder à réfuter les fables relatives à ce personnage, et qu’on rencontre dans la Biographie Michaud et un peu partout, nous donnerons ici un résumé succinct, basé sur les faits et sur les documents également authentiques et irrécusables.

Fils d’un maître brasseur, Santerre, qu’on se plaît souvent à représenter comme un démagogue inculte et grossier, reçut une bonne éducation au collège des Grassins ; il suivit même les cours de physique sous l’abbé Nollet et acquit en chimie des connaissances sérieuses qui, plus tard, le mirent à même de faire quelques découvertes précieuses pour la fabrication de la bière.

À l’âge de vingt ans, sa famille l’établit brasseur au faubourg Saint-Antoine, et, dans la même année (1772), il épousa une jeune fille, à laquelle l’attachait une passion romanesque et qu’il eut la douleur de perdre moins d’un an après.

Il chercha quelque consolation dans le travail, dans l’étude des sciences, se lia avec les savants les plus distingués et fit faire des progrès considérables à son art qui, chez nous, était encore dans l’enfance. C’est ainsi qu’il substitua les rigoureuses appréciations thermométriques aux tâtonnements incertains, imagina de faire servir le coke pour la dessiccation de l’orge, employa le premier une machine à vapeur, imita avec perfection les bières anglaises, l’ale et le porter, dont la fabrication resta longtemps une spécialité dans sa famille, etc.

En 1778, il se remaria ; mais il paraît qu’il ne trouva pas dans sa nouvelle épouse l’affection qu’il désirait et que cette union de convenance fut pour lui la source de cuisants chagrins domestiques. Son ardeur au travail fit heureusement diversion à ses peines intimes, sans toutefois les lui faire oublier. Son établissement prit des développements nouveaux et atteignit un haut degré de prospérité. Avant la Révolution, il était non-seulement un des principaux et des plus honorables industriels de Paris, mais encore un des plus populaires et des plus estimés. Sa bienfaisance et sa générosité lui avaient mérité l’affection chaleureuse de la population laborieuse et pauvre de son quartier et le surnom de Père du faubourg. Dans les hivers rigoureux, il employait le plus grand nombre possible d’ouvriers ; dans les disettes, sa maison s’ouvrait pour de nombreuses distributions de vivres ; dans les désastres publics, incendies et autres, le secourable brasseur était toujours un des premiers, avec ses chevaux et ses garçons ; enfin, malades, indigents, insolvables, affligés de toute espèce étaient toujours assurés de trouver chez lui accueil cordial et familier, secours, bons offices et bons conseils.

Quelque prévention que l’on ait, on est bien forcé de reconnaître que, en agissant ainsi longtemps avant les événements, il obéissait à l’impulsion de son cœur, et nullement en prévision d’un rôle à jouer.

En outre, il n’est pas tout à fait puéril de rappeler que ce « faubourien », qu’on a souvent dépeint comme une manière de brute, appartenait à la bourgeoisie riche et cultivée, qu’il était un homme du monde, comme on dirait aujourd’hui, de manières élégantes, amateur de chevaux, habitué du sport, amusement anglais qui commençait à se répandre chez nous, souvent vainqueur aux courses de Vincennes et cité comme un des beaux hommes de Paris et l’un des meilleurs et des plus hardis cavaliers du temps, avec le duc d’Orléans et le célèbre Franconi.

En 1789, Santerre fut au nombre des électeurs nommés par les assemblées primaires pour élire les députés de Paris et le 13 juillet, au moment où la garde nationale de Paris se constituait, il fut nommé tout d’une voix chef de bataillon. Il combattit vaillamment à l’attaque de la Bastille, donna l’idée de mettre le feu à des voitures de fumier et de fagots, pour forcer la garnison à capituler, et s’occupa ensuite de délivrer les prisonniers (qu’il fit soigner chez lui) et d’éteindre le commencement d’incendie qui pouvait se communiquer au magasin des poudres et faire sauter le quartier. Comme récompense de sa conduite, il reçut plusieurs des clefs de la forteresse, qui depuis ont été conservées dans sa famille.

Aux journées d’octobre, il suivit avec son bataillon La Fayette à Versailles et fut chargé de la garde d’une des grilles du château. Pendant la disette de cet hiver de 1789-1790, il fit des sacrifices énormes, acheta partout du riz et des troupeaux de moutons, qu’il faisait accommoder dans sa brasserie, et il nourrissait ainsi tous les pauvres du faubourg. Dans les émeutes de ce temps, qu’on l’accuse d’avoir presque toujours suscitées, il joua, au contraire, un rôle d’apaisement et de conciliation et faillit même compromettre sa popularité, que des émissaires du parti de la cour s’efforçaient de miner par l’intrigue et la calomnie. On fit aussi, cela est avéré, des ten-