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les rongeurs qu’on trouve les mammifères dont les facultés instinctives sont les plus admirables ; tels sont les castors et les écureuils. Ce sont, pour la plupart, des animaux doux et timides, qui se nourrissent de substances végétales, telles que feuilles, fruits, racines ou écorces. Cependant, quelques-uns d’entre eux, parmi ceux dont les molaires sont tuberculeuses, sont omnivores et attaquent

même quelquefois les autres animaux plus petits pour en faire leur nourriture ; on peut citer les rats comme exemple. Les rongeurs sont presque tous très-portés à la copulation et très-reproductifs. C’est ainsi qu’on a vu le rat pulluler d’une manière effrayante à bord de nos navires et se répandre dans toutes les parties du monda qui ne le connaissaient pas auparavant. La nature, à cet égard, a poussé les précautions, chez un grand nombre, jusqu’à armer le gland du mâle de scies dentées, de pointes aiguës, d’épines qui, dans l’érection, deviennent très-dures et forment des crans solides destinés à retenir de force la femelle pendant l’accouplement.

La plupart des rongeurs sont vêtus de fourrures douces et moelleuses-, plusieurs cependant se couvrent de poils durs à tous les degrés et même de pointes aiguës. Déjà roides dans le perchai, les poils deviennent subépineux dans le rat du Caire et finissent dans le porc-épic par être une armure redoutable composée de véritables lances. Les couleurs, dans les rongeurs k poil doux, sont souvent agréables, sans être très-variées ; elles se bornent, en général, à des teintes uniformes dont les plus communes sentie fauve, le gris, le roux et le brun. Plusieurs espèces fournissent des fourrures très-recherchées. Il en est qui prennent, comme l’hermine, la fourrure blanche en hiver ; telle est l’espèce de lièvre appelée le lepus variubilis.

il y a des rongeurs arboricoles, dont la vie tout entière se passe sur les, arbres ; il y en a d’essentiellement coureurs ; il y en a de souterrains ; il y en a enfin d’aquatiques, qui appartiennent même à des tribus différentes, et ces derniers se font remarquer par des pieds plus ou moins palmés et par une queue soit comprimée, soit aplatie en forme de rame. Ceux qui ont la queue en panache, les yeux grands, le corps svelte et les ongles recourbés vivent, en général, sur les arbres.

— Paléont. Les rongeurs ont été plus abondants encore, du moins dans certaines contrées, par exemple en Auvergne et dans

toute l’Europe, durant les âges géologiques de la période tertiaire et de la période quaternaire, qu’ils ne le sont aujourd’hui dans les mêmes contrées. C’est ce que la paléontologie a pu constater par les débris fossiles qu’elle a découverts. Elle en sait assez pour pouvoir affirmer avec certitude qu’aux époques de la nature antérieures à îa nôtre il y avait dans cette partie du monde une grande abondance de marmottes, de hamsters et même de lagomys et de castors, animaux qui sont à peu près restreints, k présent, à l’une ou à l’autre des deux Amériques. Mats la pe’ titesse des débris de ces animaux les a tait pourtant trop négliger par les ouvriers qui exploitaient les gisements pour qu’on soit arrivé à bien reconnaître et distinguer leurs espèces dans l’état fossile. Ces terrains, correspondant aux plus anciens temps de l’époque tertiaire, ont donné des genres analogues à ceux qui existent aujourd’hui et aussi d’autres genres limités à ces époques anciennes. Ainsi les gypses de Montmartre, les terrains tertiaires miocènes d’Auvergne et de Sansans en contiennent des ossements très-intéressants à étudier. C’est en Auvergne que se trouvent le trogoutherium et le steneufiber, sortes de castors, ainsi que Vissiodoromys, sorte de gerboise ; on y trouve aussi des échimys, des lagomys, des lapins et des lièvres, qu’a déterminés M. l’abbé Croizet. M. Lartet croit avoir reconnu, dans le Gers, deux espèces d’écureuils, trois sortes de rats, un loir, un lagomys, un myopotame, un castor, une gerboise et un campagnol. Des espèces, paraissant différer assez peu des espèces actuelles, se trouvent en abondance dans les terrains diluviens et en particulier dans les cavernes et les brèches osseuses. Les terrains récents d’Asie et d’Amérique renferment aussi des ossements de rongeurs, et quelques-unes des espèces ainsi trouvées sont encore difficiles à distinguer des espèces actuelles. G. Cuvier découvrit, dans les brèches osseuses du littoral de la Méditerranée, deux espèces de lapins, deux lagomys et un campagnol d’espèce inconnue ; le même naturaliste trouva un écureuil et deux loirs dans les plâtrières de Paris. Les cavernes à ossements, les fissures, les puisards et, en général, les terrains quaternaires d’Angleterre, de France et d’Allemagne ont donné des fossiles de castors, de lièvres, de rats, de campagnols, etc. M. Lundet M. Kaupy ont reconnu des rongeurs et surtout des marmottes d’espèces diiférentes de celles qui existent aujourd’hui. Beaucoup de ces animaux pullulaient alors avec les espèces qui se sont conservées.

Il est assez facile de reconnaîtra un rongeur d’après les ossements qu’on découvre ; la dentition, en particulier, présente des caractères assez précis, puisque les canines sont absentes, les incisives en biseau et sans racines et les molaires le plus souvent composées. Mais les genres et les espèces sont,

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comme nous l’avons dit, très-difficiles à déterminer.

BONGEURE s. f. (ron-jeu-re — rad. ronger). Débris d’un objet rongé.

RONGE-VERRUE s. f. Entom. Nom vulgaire d’une espèce de locuste que l’on confond ordinairement avec la grande sauterelle verte : La locuste ronge-vkrrue habile plutôt dans les champs que dans les prés, et les paysans qui ont souvent des verrues sur les mains sont persuadés que sa salive les fait disparaître. (Brard.)

BONGOMPAIT, ville de l’Indoustan, auNizam, dans l’Haiderabad, district de Maidok, à 90 kilom. N.-N.-O. d’Haiderabad.

RONGY, village de Belgique, province de Hainaut, arrond. et à 12 kilom. S. de Tournay, sur la frontière de France ; 1,200 hab. Importante fabrique de toiles dont les produits sont estimés.

RONJAT (Jean-Antoine), homme politique français, né à Saint-Marcel-d’Eyzin (Isère) en 1790, mort en 1857. Lorsqu’il eut terminé ses études, il entra dans le cadastre, devint géomètre, puis il alla suivre les cours de droit à la Faculté de Grenoble. Reçu licencié, M. Ronjat devint pendant quelque temps secrétaire de son ancien professeur, Jacques Berriat-Saint-Prix. Appartenant à l’opinion démocratique, il se montra constamment hostile au gouvernement des Bourbons et fut nommé juge de paix quelque temps après la révolution de 1830. Mais comme il appartenait notoirement au parti républicain, il fut bientôt destitué. M. Ronjat, qui s’était fixé à Vienne, devint membre du conseil municipal de cette ville, où il fut un des chefs de l’opposition avuncée. Il prit une part active à l’agitation pour la réforme électorale et, dans un banquet qui eut lieu à Vienne, à la fin de 1847, il.porta un toast « à la régénération du sentiment philosophique humanitaire et civilisateur qui a inspiré les principes proclamés en 1789. » Après l’établissement de la république en février 1848, Ronjat alla siéger à la Constituante comme représentant de 74,858 électeurs de l’Isère. Il prit place sur les bancs de la Montagne, vota constamment avec les républicains les plus avancés, fit une vive opposition à la politique de Louis Bonaparte, devenu président de la République, et signa, à l’occasion de l’expédition de Rome, la demande de mise en accusation du pouvoir exécutif. Réélu à l’Assemblée législative, i ! suivit la même ligne politique et fut un instant compromis pour avoir approuvé l’appel aux armes fait par Ledru-Rollin le 13 juin 1849, lorsque arriva la nouvelle de l’attaque de Rome par l’armée française d’Oudinot. Ronjat vota contre la loi du 31 mai qui mutilait le suffrage universel, contre la loi sur l’enseignement, qui assurait l’influence cléricale, contre la révision de la constitution, en un mot contre toutes les mesures réactionnaires proposées par le pouvoir et adoptées par la majorité monarchique. Après le coup d’État du 2 décembre 1851, contre lequel il protestaénergiquement, il se retira dans l’Isère, où il vécut dans la retraite jusqu’à sa mort. — Son fils aîné, M. Étienne-Antoine-Joseph-Eugène Ronjat, né à Vienne (Isère), s’est adonné à la peinture sous la direction de M. Pirouelie, puis de M. Bonnefond. Il a débuté au Salon de 1850 par un Portrait, puis il a exposé un Intérieur d’atelier (1857) ; On bon et un mauvais mouvement (1859) ; Deux prétendants (1861) ; la Première layette (1864) ; les Confitures (1865) ; les Douceurs de la paix ; portrait de M. Michaux (1866), etc.

RONBONEAMA, lac des États-Unis, État de New-York, comté de Suffolk, dans la partie centrale de Long-Isiand, entre Brookhaven et Islip. Il est peu étendu, mais très-profond, poissonneux et sujet à un flux et a un reflux réguliers.

HONNA (Antoine), patriote et littérateur italien, né à Crema (Lombardie) le 8 janvier 1801", mort à Livourne en 1866. Il achevait son droit à l’université de Pavie, lorsque éclata la révolution de Piémont en 1821. Ronna fut un des quatre étudiants de Pavio qui se rendirent à Voghera pour s’entendre avec les insurgés piémontais. À la suite de ces dispositions, une foule d’étudiants lombards passèrent en Piémont et formèrent, avec les étudiants de Turin, la légion de la Minerva ou des vélites. Mis en déroute à Novare par les Autrichiens, les vélites s’embarquèrent à Gênes pour l’Espagne, où ils

combattirent pour la cause constitutionnelle, les uns dans la légion italienne, les autres dans les régiments espagnols. Ronna fut au nombre de ces derniers. Il se distingua à plusieurs combats sous les ordres de l’Empecinado et fut grièvement blessé. Après les revers de la cause libérale, il vint chercher un asile en Angleterre (1824) où il publia des additions au Dictionnaire de Botarelli et au Veneroni’s italian sehool-master. En 1831, Ronna vint se fixer en France et retourna en Italie après les événements de 1859, On a de lui : Dictionnaire français-italien et italien-français, à l’usage des maisons d’éducation (1836, in-12), souvent réédité ; Dictionnaire français-italien et italien-français, contenant les mois admis par l’Académie (1846, in-32) ; Guide de la conversation français-italien (1838, in-32) ; Lectures italiennes (1841,

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in-12), etc. — L’aîné de ses fils, M. Charles-Antoine Ronna, né à Londres en 1830, s’est fait recevoir ingénieur. Il a professé la physique à Cheltenham, puis la chimie industrielle en France. Outre des articles dans ï’Athensum, la Revue de Paris, le Journal d’agriculture pratique, on lui doit quelques ouvrages, notamment : Fabrication et emploi des phosphates de chaux en Angleterre (1864, in-12) ; les Blés en Hongrie (1870, in-8») ; Assainissement des villes et des cours d’eau, égouts et irrigations (1874, in-S»), ouvrage fort remarquable, dans lequel l’auteur traite à fond une des questions les plus intéressantes de notre économie sanitaire et industrielle. On lui doit aussi une traduction du Traité complet de métallurgie de l’Anglais J. Percy.

RONNB ville du Danemark, ch.-l. de l’amt et de l’île de Bornholm, sur la côte O. de cette lie, à 70 kilom. K.-S.-E. de Copenhague, nar 550 7’55" de latit. N. et 12" 30’ 11" de longit. E. ; 6,000 hab. Port fortifié, mais peu profond. Fabriques de draps, de tabac, de poterie et de pendules. Commerce de grains. Pèche active.

RONNEBURG, ville du duché de Saxe-Altenbourg, ch.-l. de bailliage, à 12 kilom. E.-S.-E. de Géra et à 25 kilom ; S.-O. d’A.1tenbourg ; environ 5,000 hab. Fabriques d’étoffes de laine et de porcelaine, teintureries ; commerce très-actif. Château ducal. Près de la ville jaillissent des sources d’eaux minérales. En 1829, les deux tiers de Ronneburg furent détruits par un incendie.

RONNENBOCRG, village de la Russie d’Europe, gouvernement de Livonie, district et à 30 kilom. E. de Venden, sur la Ronna. C’était anciennement un château fort bâti au xme siècle et dans lequel résidaient habituellement les évêques de Riga.

RONQUILLO (Rodrigue), administrateur espagnol, né à Zamora dans la seconde moitié du xve siècle, mort vers 1545. Il était alcade de Zamora et s’était fait remarquer par son énergie en exécutant les ordres du conseil de Castille contre l’évêque Acuna(1507), lorsque, en 1520, le cardinal Adrien, régent du royaume, l’envoya à Ségovie avec des troupes pour étouffer une révolte qui se propageait dans le but d’obtenir le rétablissement des anciens privilèges castillans. Les Ségoviens, qui connaissaient son implacable sévérité, lui fermèrent leurs portes. Ronquillo les déclara rebelles, interdit sous peine de mort qu’on leur fît passer des vivres et les battit un jour où ils avaient fait une sortie. Mais bientôt Juan de Padilla vint au secours des habitants de Tolède, battit les troupes de l’alcade et lui prit, avec ses bagages, la caisse militaire qui contenait 2 millions. Destitué à la suite de cet échec, Ronquillo s’adressa à Charles-Quint, qui lui rendit ses fonctions, puis, après la défaite complète des révoltés à Villalor, le chargea de juger les chefs de la ligue. Le terrible alcade les condamna tous a subir le dernier supplice et jouit, jusqu’à sa mort, de la faveur de Charles-Quint.

RONRON s. m. (ron-ron — onomatopée). Fam. Sorte de grondement particulier que fait entendre le chat : Dès que le cheval arrive, le chat saute sur la charrette, et de là sur le dos du cheval, en faisant de tels ronrons qu’on croirait entendre un tambour de basque. (E. Sue.)

— Par anal. Bruit sourd et continu : Le ronron des contre-basses,

RONRONNER v. n. ou intr. (ron-ro-né). Faire des ronrons : A peine iens-je touché que ce chat se leva, ronronna fortement et parut enchanté de mon attention. (Baudelaire.)

RONSARD (Pierre de), célèbre poëte français, né au château de la Poissonnière, près de Vendôme, le 11 septembre 1524, mort au prieuré de Saint-Côme, en Touraine, le 27 décembre 1585. Sa famille était d’origine honfroise ou bulgare ; un de ses ancêtres, Bauouin Ronsard, était venu prendre du service en France, sous Philippe-Auguste, et, ayant reçu de ce prince un domaine dans le Vendômois, y fit souche d’une lignée d’où sortit l’illustre poète de la Pléiade. JSes descendants s’apparentèrent avec les plus nobles familles du royaume, les La Trémouille, les Craon, les Du Bouchage. Le père du poëte, Loys de Ronsard, était maître d’hôtel de François Ier, chevalier de l’ordre, et fut choisi pour accompagner les fils du roi lorsque, à la suite du traité de Madrid, ils furent exigés comme otages par Charles-Quint. Pierre de Ronsard, dernier-né de six enfants, fut élevé jusqu’à l’âge de neuf ans au château de la Poissonnière. Les heureuses dispositions qu’il montrait engagèrent son père à lui faire donner une instruction sérieuse pour le préparer aux charges de la magistrature ou aux dignités de l’Église. Il le fit entrer au collège de Navarre, à Paris. Malheureusement, l’enfant, tombé entre les mains d’un régent pédant et brutal, nommé de Vailly, se rebuta du travail, si bien qu’au bout de six mois on fut forcé de le retirer, et, changeant de résolution, son père le conduisit au camp d’Avignon et le donna pour page à Charles, duc d’Orléans, second fils du roi. Il était beau, bien tourné, adroit aux exercices corporels. Voulant le former par les voyages, Charles le donna à Jacques V, roi d’Écosse, lorsque ce RONS

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lui-ci vint en France pour épouser Marie de Lorraine, fille du roi, et le jeune homme partit pour l’Écosse avec son nouveau maître.

C’est pendant son séjour en ce pays que Ronsard commença son éducation poétique. Un gentilhomme français, page du roi avec lui, prit à cœur de l’initier aux beautés de la littérature latine, dont il était grand admirateur. Pendant leurs loisirs, tous deux s’essayaient à traduire Virgile et Horace ? et Ronsard sentait la flamme poétique s’éveiller en lui :

Je n’avoi» pas douze ans, qu’au protond des vallées, Dans les hautes forêU des hommes reculées, Dana les autres secrets de frayeur tout couverts. Sans avoir soin de rien je composois des vers. Echo me rfpondoit, et les simples Dryades, Faunes, Satyres, Pana, Napées et Orêades, Œgipans qui portaient des cornes sur la front. Et qui ballant sautoient comme les chèvres font, Et le gentil troupeau des fantastiques fées, Autour de moi dansoient à cottes dégrafées.

(Epttre d Jean Lescot.)

Ronsard resta en Écosse et en Angleterre deux ans et demi ; de retour en France, il rentra au service du duc d’Orléans, puis devint page du dauphin Henri, qui, quelques années après, monta sur le trône. La carrière diplomatique parut d’abord lui sourire. Il accompagna Lazare de Baïf, ambassadeur du roi à Spire, en qualité de secrétaire, puis suivit en Piémont Langey du Bellay, lieutenant du roi. À la suite de ces voyages, où il avait complété son éducation par la connaissance des langues étrangères, l’anglais, l’allemand et l’italien, Ronsard tomba malade peu après son retour en France (1542), et une infirmité qui lui en resta décida probablement de sa destinée. Il devint sourd Ses amis ont appelé cette surdité « bienheureuse ; > il est k croire, en effet, que, sans cet accident, Ronsard fût resté à la cour où tout lui promettait le succès, et que Dorât n’aurait jamais eu l’occasion de le proclamer l’Homère, do in France. Condamné à la solitude, le jeune homme se livra tout entier à la poésie, pour laquelle il se sentait un vif penchant. C’est à cette époque aussi qu’il tomba amoureux d’une jeune fille qu’il vit à Blois à la cour et qu’il a désignée sous le nom de Cassandre :

Je sentis dans mon cœur un sang plus généreux. Plus chaud et plus gaillard qui me fit amoureux. A vingt ansje fus pris d’une belle maîtresse. Et voulant par écrit témoigner ma détresse. Je -vis que des François le langage trop bas A terre se traînoit...

Ainsi la réforme littéraire tentée par le poète eut en partie pour cause le besoin qu’il ressentit d’exprimer en vers les sentiments élevés que cette jeune fille lui inspirait. Le chef futur de la Pléiade s’aperçut qu’une corde manquait à la lyre française et que notre langue avait besoin de subir un certain travail pour’devenir capable d’élévation et de noblesse. Il se mitaussitôtà l’oeuvre. C’était l’époque de la Renaissance ; les récentes expéditions d’Italie avaient introduit en France des manuscrits précieux et le goût des œuvres de l’antiquité. « L’écurie du roi, où Ronsard était entré, était devenue, dit un ancien biographe du poète, Binet, une espèce d’Académie où l’on ne cessait de discuter littérature, où l’on se passionnait pour les poètes latins, où l’on commentait avec ardeur Virgile, Ovide, Tibulle. Ronsard prenait part avec enthousiasme à toutes les discussions. Cependant la langue nationale n’était point sacrifiée par lui à l’antiquité ; il ne perdait point de vue son but. Il lisait avec soin Marot, Jean Lemaire et autres poètes français, ■ d’où, par une industrieuse lavure, dit encore Binet, il retiroit de riches limures d’or.»

Bientôt le jeune homme quitta définitivement la cour et entra au collège de Coqueret, que dirigeait Dorât. Là, logé aveo son ami Baïf, tous deux s’encourageant au travail, ils se jetèrent dans l’étude aveo une incroyable ardeur. Le^ biographes se plaisent à raconter que Ronsard, ayant pris à la cour l’habitude de veiller tard, demeurait sur ses livres jusqu’à deux ou trois heures du matin et, en se couchant, réveillait Baïf, qui se levait aussitôt et ne laissait pas refroidir la place. » Il s’est rappelé cette fièvre de travail dans le sonnet à Cassandre, qui commence ainsi :

Je veux lire en trois jours Vlliade d’Homère, Et pour ce, Corydon, ferme bien l’huys sur mol...

Ronsard ne se contentait pas des leçons de Dorât, il suivait encore celles de Turnèbe, lecteur du roi. Il fouillait toutes les bibliothèques publiques et privées. Il devint un helléniste de première force, et même il composa à cette époque, suivant Colletet, un recueil de poésies grecques aujourd’hui perdues. Ce travail assidu dura sept années (1542-1549) et prépara la révolution littéraire qui éclata par le manifeste de Joauhîm Du Bellay. Jusque-là, la langue française avait été l’objet du mépris des savants ; cultivée, en général, par d agréables ignorants et des poêles de cour, la poésie française avait su exprimer l’esprit, la finesse, la légèreté, la grâce ; mais la vigueur, l’élévation et la noblesse, qualités qui brillent en première ligne dans les littératures anciennes, semblaient hors de sa portée. Le but de l’école de Ronsard fut de démontrer que cette idée était fausse et d’infuser à notre littérature, eu ré-