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ROAu musée de Vienne, les Quatre évangêUstes, Descente de Pluton dans le Tariare ; dans la galerie Esterhazy, à Vienne, Diane et Endymion. Au musée de Madrid, salle d’Isabelle, une Sainte Famille d’une jolie composition ; à celui du Fomente, une excellente copie de la Transfiguration de Raphaël. À Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, une Vierge assise, une Sainte Famille et un Porlrait} que l’on croit être celui de Lucrèce Borgta, A Londres, National Gallery, Jules Romain est représenté par quelques morceaux capitaux : l’Assomption de sainte Madeleine, composition remarquable par la science du modelé ; la sainte, entièrement nue et voilée seulement par sa longue chevelure, est enlevée au ciel par quatre anges, qui la soutiennent et dont les membres présentent de merveilleux raccourcis ; 11Enfance de Jupiter ; les nymphes à peine vêtues qui entourent le berceau du jeune dieu, d’autres assises au bord d’un ruisseau et regardant un berger qui joue de la flûte ont des corps d’une beauté parfaite ; la Prise de Carlhage et la Continence de Scipion, deux sujets traités dans le même cadre ; l’Enlèvement des Sabines et la Réconciliation des Romains et des Sabins, double composition faisant pendant à la précédente ; une allégorie, la Charité. Au musée de Hampton-Court se trouvent : une réduction de la Bataille de Constantin contre Maxence, la Naissance de Jupiter (demi-grandeur), la Première éducation de Jupiter, Jupiter et Junon, Jupiter et Europe, le Triomphe de Vénus, un Sacrifice païen, une reproduction de l’Incendie del JOorgo du Vatican. L’Angleterre possède aussi, disséminés dans des galeries particulières, les cartons où Jules Romain avait représenté les Fruits de la guerre et une autre série composée de cinq pièces licencieuses, les Amours de Jupiter, qui a fait partie de la galerie des ducs d’Orléans jusqu’en 1726.

L’œuvre de Jules Romain se compose d’environ deux cent quarante pièces, qui ont été gravées par P.-S. Bartoli, Giorgio et J.-B. Mantovano, B. Franco, Poilly, L. Desplaces, etc. Le Triomphe de Vespasien a été gravé par Girardet (1810, in-fol.).

ROMAIN (Adrien), géomètre, né à Louvain en 15G1, mort à Muyence en 1625. Il professa dans sa ville natale la médecine et les mathêmatiqui’S, et publia en 1609, sous le titre : Adriuui Romani, canon trianijulorum sphsricorum brevissimus simul ac facillimus, etc., un traité où il se proposait de réduire la trigonométrie sphérique aux six problèmes qu’elle comprend seuls, en effet, mais que les auteurs qui l’avaient précédé décomposaient en une infinité de cas. Il distinguait toutefois encore dix-sept cas. Le traité d’Adrien Romain, venant après les ouvrages de Viête, avait peu de mérite et présentait peu d’utilité.

ROMAIN - DESFOSSÉS (Joseph), amiral français. V. Desfossés.

ROMAINE, rivière de France(Haute-Saône). Elle descend des hauteurs boisées qui dominent Fondremand, arrond.de Vesoul, passe à Gravelle, au Pont-de-Planche, à Frêne, Saint-Mamès et se jette dans la Saône à 3 kilom. S.-S.-O. de Ray-sur-Saône, après un cours de 25 kilom. Cette petite rivière, malgré l’exiguïté de son cours, a une certaine importance à cause du grand nombre d’usines qu’elle fait mouvoir.*

ROMAINE (William), prédicateur renommé du siècle dernier, né à Hartlepool le 25 septembre 1714, mort à Londres le 26 juillet 1795. IL était fils d’un Français réfugié et fit ses premières études k lloughton, d’où il se rendit à Cambridge. Muni de ses grades et ordonné ministre, il fut placé à Banstead ; mais il n’obtint pas beaucoup de succès dans l’exercice de son ministère, sans doute parce que ses opinions strictement calvinistes rencontraient peu de partisans. Il songeait’à quitter l’Anfleterre, lorsqu’on lui oflïit l’office de lecteur ans la paroisse de Saint-George-et-Saint-Botolphj mais rien encore chez lui ne dénotait un prédicateur distingué. Ses premiers succès datent de l’année 1750 ; depuis lors, partout où il se lit entendre, Romaine excita l’admiration générale. Suivant M. Ilaag, > il a laissé en Angleterre la réputation d’un des orateurs de la chaire les plus populaires du XVII1e siècle. Dans son intérieur, il était doux, aimable, très-laborieux ; son plus grand défaut était une extrême irritabilité, qu’à force d’efforts il réussit à réprimer. » Il était très-aimé de ses paroissiens à cauïe do son inépuisable charité. On a de lui beaucoup de sermons qui jouissent encore en Angleterre d’un véritable crédit. Ses Œuvres ont été réunies en 8 vol. in-s° (1796). On y trouve une notice sur sa vie et une exposition de ses principes.

ROMAINEMENT adv. (ro-më-ne-raanrad. romain). À la façon des Romains ; Vivre, penser romainkmknt.

ROMAINVILLE, bourg de France (Seine), k. t. kilom. N.-E. de l’ancien Paris, arrond. de Saint-Denis, sur un plateau couvert d’arbres à fruit ; pop. aggl., 1,451 hab. — pop, tôt., 2,0-44 hab. Ce bourg est designé dans une charte du xine siècle sous le nom de Romana Villa, mais aucun document ni monument n’indique qu’il ait une plus lointaine antiquité. Rrunaiiivilte mérite une mention spéciale, d’abord à cause de l’héroïque défense qui s’y organisa eu 18U, et ensuite pour la popula ROMA

rite dont a si longtemps joui ce lieu dans le monde des étudiants et des grisettes. Commençons par les souvenirs historiques : Le 29 mars 1814, les alliés s’emparèrent presque sans résistance des hauteurs de Romainville. Le duc de Raguse fit fortifier le village et plaça dans le bois une forte division des troupes qu’il avait à Belleville, et le lendemain l’attaque devint générale sur toute la ligne. Après avoir repoussé l’ennemi à Belleville, le maréchal descend à Romainville pour y réunir toutes ses forces ; l’ennemi fuit, mais revient bientôt à la charge avec de redoutables renforts. Pris et repris, Romainville reste cependant quelque temps au pouvoir des troupes françaises ; mais elles doivent se retirer devant l’énorme développement de forces dont les alliés les menacent do nouveau. Le soir même, après la capitulation, les Russes établirent leur quartier général à Romainville et y bivouaquèrent dans la nuit qui précéda leur entrée à Paris.

Naguère encore, les environs de Romainville offraient aux promeneurs un des sites les plus pittoresques et les plus charmants des environs de Paris. C’est là que Paul de Kock a placé la scène de la plupart de ses joyeux romans. C’est là aussi qu’il a fixé sa résidence.

Qu’on est heureux, qu’on est joyeux ! Tranquille

À Romainville !

Ce bois charmant, pour les amants. Est rempli d’agréments,

disait une chanson en vogue sous la Restauration. De ce bois, il ne reste plus qu’une lisière très-étroite d’où l’on jouit d’un magnifique panorama. Des maisons neuves s ali- ’ gnent là où poussaient jadis le gazon et les grunds arbres. Derrière un rideau de verdure se trouve le fort de Romainville. Le château a été démoli en 1856.

ROMAÏQUE adj. (ro-ma-i-ke — gr. râmaikos, romain). Hist. Qui appartient aux Grecs modernes : La langue romaïque.

— s. m. Philol. Grec parlé au moyen âge. Il Grec moderne : Qui m amènes-tu’ ? demanda

en romaïque la jeune fille à Monte-Cristo. (Alex. Dum.)

— s. f. flhôrégr, Syn. de romaïka.

— Encycl. Linguist. V. ORËC.

ROMALÉE s. f, (ro-ma-lé — du gr. rômaleos, vigoureux). Entom. Genre d’insectes orthoptères sauteurs, de la famille des acridiens, tribu des truxalites, comprenant plusieurs espèces, qui habitent l’Amérique du Sud : Les romalées se font remarquer par leurs antennes longues. (Blanchard.)

ROMALLE s. m. (ro-ma-le). Comm. Mouchoir des Iiïdes, soie et coton. Il On dit aussi

li. OE.MAL.

EOMALÛCÈRE s. m. (ro-ma-lo-sè-re — du gr. rômaleos, fort ; keras, corne). Entom. Genre d’insectes coléoptères tétramères, de la famille des cycliques, tribu des alticites, comprenant deux espèces, qui vivent au Mexique.

ROMAMICHEL s. m. (ro-ma-mi-chèl). Argot. Bohémien qui parcourt les campagnes en volant pour son propre compte ou en servant d’éclaireur à d’autres voleurs.


ROMAN, ANE adj. (ro-man, a-ne — lat. romanus, romain). Linguist. Se dit des langues dérivées du latin, qui furent parlées, dans le midi de l’Europe, depuis le Xe siècle jusqu’à la fin du XIVe : La poésie romane fut, sinon la mère, du moins la souveraine de la nôtre. (Ste-Beuve.) Je nomme langues romanes les idiomes gui sont issus du latin après la chute de l’empire romain. (Littré.) Les langues romanes contiennent un assez grand nombre de mots arabes. (Renan.) Les dialectes romans sont tous dérivés d’une langue qui fut d’abord parlée par une petite peuplade des bords du Tibre. (Renan.)

— B.-arts. Se dit du genre adopté du Ve au XIIe siècle : Style roman. Architecture romane. Liège a encore assez de clochers romans, de portes-donjons, pour émerveiller le poète et l’antiquaire. (V. Hugo.)

— s. m. Linguist. Langue romane : Le roman est le latin corrompu. || Roman provençal, Roman rustique, syn. de langue d’oc.

— Littér. Récit vrai ou faux, écrit en prose ou en vers, dans le vieux langage qui a précédé en France la langue moderne ou langue française : Le Roman de la Rose. Le Roman du Renard. Les romans de chevalerie. || Aujourd’hui, Récit en prose d’aventures imaginaires, inventées et combinées pour intéresser le lecteur : Les romans sont les amusements d’honnêtes paresseux. (Huet.) Il faut des spectacles aux grandes villes, et des romans aux provinces. (J.-J ; Rouss.) Il n’y a certainement rien de si opposé que l’histoire et le roman. (Grimm.) Le roman fait, pour ainsi dire, la transition entre la vie réelle et la vie imaginaire. (Mme de Staël.) La littérature des peuples commence par les fables et finit par les romans. (J. Joubert.) C’est une arme puissante que le roman ; il peut devenir une influence. (H, Rigault.) Les peuples commencent par la poésie et finissent par les romans. (Chateaub.) L’histoire, c’est la peinture du malheur des hommes en général ; le roman, la peinture du malheur de l’homme en particulier. (Ancelot.) L’infériorité des romans grecs tient à la société de la Grèce. (Boissonade.) Les romans de sir Walter Scott sont aussi vrais que l’histoire. (V. Cousin.) L’histoire ne dit que ce que fait l’humanité ; le roman dit ce qu’elle espère et ce qu’elle rêve. (St-Marc Girard.) L’antiquité n’a point eu de roman, parce que la femme y était esclave. (St-Marc Girard.) Le roman est l’histoire des femmes. (St-Marc Girard.) Les bons romans sont fort utiles, mais comme un délassement, et non comme un aliment exclusif et continuel de l’esprit. (G. Sand.) La vie ressemble plus souvent à un roman qu’un roman ne ressemble à la vie. (G. Sand.) Je ne crois pas à mes romans, mais ils me donnent autant de bonheur que si j’y croyais. (G. Sand.) Ce n’est pas avec des romans, qu’on élève un peuple et qu’on fait des hommes. (E. Laboulaye.) Le roman est un monstre, né des amours adultères du mensonge et de la vérité. (Auger.) Le plus ancien des poëmes après l’Iliade, l’Odyssée, n’est-il pas aussi le plus intéressant et le plus pathétique des romans ? (Ste-Beuve.) L’intérêt du roman ne se soutient qu’autant qu’il s’approche de la réalité. (Proudh.) Le roman est à la fois drame et récit, dialogue et description, poésie et réalité, caractère et paysage. (E. Pelletan.)

Un bon roman vaut mieux qu’un traité de morale.
                             MILLEVOYE.

Dans un roman frivole aisément tout s'excuse,
C’est assez qu’en courant la fiction amuse.
                          Boileau.
                          
Un roman, sans blesser les lois ni la coutume,
Peut conduire un héros au dixième volume.
                          Boileau.


|| Roman historique, Celui dont les personnages et les principaux faits sont empruntés à l’histoire, et dont les détails sont inventés. || Roman pastoral, Celui qui peint les mœurs des bergers et des gens de la campagne. || Roman didactique, Celui qui développe un sujet d’instruction, comme philosophie, religion, géographie, etc., sous la forme d’un récit inventé. || Roman humoristique, Celui qui fonde, sur des faits ordinaires et peu dramatiques en eux-mêmes, des observations piquantes et originales. || Roman satirique, Celui qui, sous un récit jouant le rôle d’une allégorie continuelle, fait la satire des mœurs du temps. || Roman épistolaire, Celui dont l’action est racontée dans une correspondance échangée entre les personnages. || Roman intime, Roman fondé principalement sur l’analyse du cœur et des passions. || Roman de mœurs, Celui dont l’action est surtout fondée sur les développements fournis par les passions, les caractères, les habitudes. || Roman de cape et d’épée, Celui qui introduit des héros d’un caractère noble, hardi, batailleur, toujours prêts aux plus grands exploits, aux actions les plus généreuses : Les héros invaincus des romans de cape et d'épée sont des types issus en droite ligne des contes de Perrault. (L. Figuier.)

— Par ext. Tissu de choses fausses ou incroyables : Cela tient du roman. Ce récit si ému n’était qu’un roman bien fait. Nos livres sur la nature n’en sont que le roman, et nos cabinets que le tombeau. (B. du St-P.j || Objet imaginaire, rêverie fantastique : La métaphysique est le champ des doutes et le roman de l’âme. (Volt.) La morale est le roman de l’esprit ; le roman est l’histoire du cœur. (Mme de Beauharnais.) || Objet ou fait réel, mais qui a quelque chose de fantastique, d’incroyable : L’histoire de chacun est un roman assez semblable à ceux qu’on imprime. (Mme de Staël.) La vie des femmes n’est qu’une longue suite de romans ! Quand elles n’en font pas pour leur compte, elles lisent celui des autres. (L. Enault.) En France, on fait l’amour à seize ans pour faire un roman. (H. Beyle.)

L’histoire d’une femme est toujours un roman.
                         La Chaussée.

On se repent parfois à la fin du roman,
Et le mari paraît tout autre que l’amant.
                            Ponsard.

De roman, Qui est ou semble être fantastique, imaginaire. || Héros de roman, Homme qui n’a pas le sens de la vie réelle et se livre à des rêveries semblables à celles qui ont cours dans les romans :

Des héros de roman fuyez les petitesses.
                              Boileau.

|| Pays des romans, Contrée imaginaire, qui n’a pas d’existence réelle : Le pays des romans est le seul où l’on pourrait établir la république de Platon et l’Utopie de Th. Morus. (Bayle.)

Prendre le roman par la queue, Vivre ensemble avant de se marier, ce que la plupart des héros de roman ne font qu’après. || Commencer par le mariage, qui n’a généralement lieu, dans les romans, qu’après de longues aventures.

Syn. Roman, conte, fable, etc. V. CONTE.

Encycl. Linguist. A-t-il existé une langue romane, au sens qu’on a longtemps attribué à ce mot, c’est-à-dire une langue qui, immédiatement dérivée du latin, serait la souche commune de toutes les langues modernes connues sous le nom de langues néolatines ? Il paraît désormais impossible de l’affirmer, et la question, établie même en dehors des faits philologiques, ne parait pouvoir être résolue que négativement. Comment admettre, en effet, que le latin, simultanément ou successivement envahi dans toutes les directions par des idiomes multiples très-divers, se soit uniformément corrompu dans l’Europe méridionale et ait abouti à une langue unique ? Un fait si extraordinaire ne pourrait s’expliquer que par une domination politique très-ferme, très-étendue, qui ne s’est nullement produite, ou par la prédominance d’un idiome qui se serait imposé par l’autorité de sa littérature. Or, la langue d’oc, à qui l’on a voulu attribuer ce rôle important, n’a jamais eu de littérature proprement dite, et ses moyens de diffusion, bornés au vagabondage des troubadours, sont restés absolument impuissants. L’étude directe des idiomes qu’on prétend dérivés du roman conduit, malgré quelques ressemblances que le latin explique presque toutes, à des conclusions absolument identiques. L’intermédiaire entre ces langues et le latin doit donc être absolument rejeté, et si l’on veut conserver le nom de roman, qui est très-convenable pour indiquer l’origine commune, le latin, et qui a d’ailleurs l’avantage de consacrer une expression déjà reçue, ce nom ne saurait avoir de sens que si on l’applique à l’universalité des langues néo-latines. En un mot, il existe, non pas une langue romane, mais des langues romanes.

Néanmoins, l’idée de cette tangue, source unique de nos idiomes modernes, a été longtemps et nous pouvons dire habilement défendue. Le savant Raynouard a fait de cette thèse la base de ses études et a consacré a l’histoire du prétendu roman la plus grande partie de sa vie de savant. Il a produit, sous l’inspiration de cette idée, des Éléments de la grammaire de la langue romane (1816), une Grammaire romane (1816), un ouvrage sur l’Influence de la langue romane rustique sur les langues de l’Europe latine (1835), etc. Heureusement, ces travaux, inspirés par une idée absolument fausse, ont fourni des éléments très-précieux pour l’étude d’une des langues romanes, la langue d’oc. Roquefort avait devancé Raynouard dans cette voie et publié en 1808 son important Glossaire de la langue romane.

Ce préjugé profondément enraciné a eu, jusque dans ces dernières années, des partisans très-convaincus. « En considérant la langue romane à son origine, dit Champollion-Figeac, on peut la qualifier de langue universelle pour tout le midi de l’Europe. C’est celle que l’empereur Alexandre Sévère nommait gallicana lingua, dans une constitution de l’an 230 ; Sulpice Sévère lui donna le même nom, et les deux écrivains la distinguent très-bien du latin, du grec et du celtique. C’est la même langue qui, au VIe siècle, servit à Baudemont pour écrire la Vie de saint Amand. Théophane, écrivain byzantin, a conservé dans son texte grec des mots de la langue romane prononcés par des Francs au service de l’empereur Maurice, qui faisait la guerre aux Avares vers la fin de ce même VIe siècle. C’est cette même langue que les latinisants appellent rustica, dans Grégoire de Tours, et rustica romana dans le texte du concile de la même ville. Monmolin, évêque de Tours en 665, se servait dans ses homélies de cette langue romane ; les autres évêques n’en avaient pas d’autre et se conformaient en cela aux ordres du concile de Reims et de Tours, tenu en 813, et à un capitulaire de Charlemagne, qui ordonnait que l’Écriture sainte serait expliquée aux fidèles en langue romane et traduite pour eux dans le même idiome. Les actes mêmes des tabellions, écrits en latin, étaient traduits et expliqués dans cette langue aux parties contractantes avant de les clore et signer ; le serment de Louis le Germanique et des Français soumis à Charles le Chauve fut prononcé en roman dans l’année 842 ; le traité de Coblentz, de 860, était aussi écrit dans cette langue, que les diverses autorités désignent par les qualifications de lingua gallicana, rustica romana, et la foule de documents qui nous restent, notamment les pièces en vers qui remontent au Xe siècle, prouvent à la fois l’ancienneté de cet idiome, sa généralité dans l’Europe méridionale et sa transmission entière jusqu’à nos jours. »Il n’est pas difficile de s’apercevoir que ces divers faits, réunis avec tant d’érudition, prouvent l’existence de langues vulgaires, c’est-à-dire non latines, en diverses contrées, mais que rien n’établit l’identité de ces patois. Ce système d’une langue romane unique a été victorieusement combattu par Fauriel, et, après lui, d’autres philologues ont attaqué cette supposition que le latin se soit corrompu d’une manière uniforme dans les contrées où il avait eu cours. Sans doute, la langue des troubadours provençaux fut un type littéraire pour toute l’Europe méridionale ; les compositions de ces poètes voyageurs répandirent hors de leur patrie la connaissance de l’idiome qu’ils cultivaient ; mais cet idiome se propagea alors à la manière du français au XVIIIe siècle en pays étrangers. La langue d’oc eut, au XIIIe siècle, une sorte d’universalité comparable, de loin seulement, à celle qu’était destiné à avoir plus tard son rival, le roman wallon ou franco-gaulois, nommé aussi langue d’oïl, quand ce dialecte de la France septentrionale serait devenu le français. On ne peut nier l’influence des chants des troubadours sur une portion considérable de l’Europe barbare ; mais la langue que les troubadours avaient mise en faveur dans les cours du Midi ne fut répandue que dans le cercle étroit de la société des princes, et elle n’exista hors de