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les tons et de tous les genres. Comme le genre satirique était habituellement celui du poëte, la malignité l’emporte sur la plaisanterie dans ces exordes où la personnalité de l’auteur intervient d’une façon plaisante. Berni ne s’élève jamais aussi haut que l’Arioste, et il descend plus bas que lui sans être beaucoup plus licencieux ; mais, plus souvent que l’Arioste, il se joue du lecteur et de lui-même. La facilité, l’abandon, l’admirable légèreté du vers, fruit d’un travail pénible, caractérisent sa manière. Tout semble couler de source. Un style brillant et vif y remplace les locutions prosaïques et populaires de Bojardo. Le Roland amoureux, refait par Berni, étant celui de tous les romans épiques italiens qui s’approche le plus du Roland furieux, c’est aussi, après le Roland furieux, le roman épique qu’on lit le plus. Berni possède au plus haut degré les deux principales qualités du poëte burlesque, le naturel et l’esprit ; il excelle à associer les idées simples les plus éloignées et à former de ces éléments insignifiants une idée composée très-naturelle. Ses vers paraissent si aisés, si justes, qu’on croit les improviser en les lisant. Les Italiens le louent d’avoir recueilli les tours, les expressions les plus gracieuses et les plus ingénues de l’italico favellare ; ils voient aussi dans le Roland amoureux un précurseur du Don Quichotte. Au reste, les Transalpins voient chez eux l’origine et le commencement de bien des choses.


Roland {la mort de), fantaisie épique, par M. Alfred Assollant (1860). Depuis que Cervantes s’est permis de railler la chevalerie, le roman chevaleresque ne s’est pas relevé du discrédit qui l’a frappé sous les traits de l’étonnant chevalier de la Manche. Depuis Cervantes aussi personne ne s’est avisé d’imiter un chef-d’œuvre inimitable. M. Assoliant a pourtant entrepris d’écrire un roman chevaleresque et de donner un pendant au Don Quichotte.. La grande figure de Roland domine toutes les épopées du moyen âge ; il a précisément choisi ce type héroïque pour l’immoler à une froide raillerie. Il se moque de Roland, de Charlemagne, de l’archevêque Turpin, de la chevalerie entière, de son sujet, de ses lecteurs et de lui-même. M. Assollant a fait une parodie ; la recette n’est pas plus neuve que le sujet : dire les choses plaisantes d’un ton épique et donner aux choses épiques le ton plaisant ; mêler le grotesque au sérieux et le moderne à l’antique, transformer une légende héroïque en bouffonnerie rabelaisienne, tel est le procédé. Les villes forcées, les royaumes conquis, les princesses délivrées, ne sont qu’un prétexte pour déployer une malignité satirique. La poésie elle-même se voit malmenée dans la personne d’un troubadour ; page heureuse, du reste :

« Roderic se tourna vers le Gascon :
— Et toi, dit-il, qui es-tu ?
— Je suis un nourrisson des Muses, répondit
Raimbaud avec emphase.
Roderic fronça le sourcil.
— Un nourrisson des Muses, c’est-à dire
un poëte, un méchant aligneur de rimes ! À
quoi cela peut-il servir dans une république ?
— Un méchant aligneur de rimes ! reprit le
Gascon en colère. Sais-tu que j’ai été deux
ans le poète du roi Marsile et de la princesse
Fleur d’Épine ? Sais-tu que les gens de Saragosse ont au moins autant de goût que ceux
de Villanueva ?
— Un poète de cour ! dit Roderic avec mépris ;
que ferions-nous de cela ?
— Mais, dit le Gascon, je saurai chanter la
liberté, j’animerai les guerriers au combat,
je charmerai le cœur des femmes sensibles
et répandrai une gloire éternelle sur ma nouvelle patrie.
— Sais-tu bêcher ? dit le vieillard.
— Non.
— Sais-tu sarcler ?
— Non.
— Sais-tu balayer les rues ?
— Non.
— Sais-tu faire des souliers ?
— Non, mille fois non. Je sais célébrer les
exploits des héros et...
— Bien, dit Roderic, passons à ton compagnon,
qui a du moins le mérite de savoir se
taire. »

Cet épisode donne une idée favorable de la manière de l’auteur, qui, plein de verve, emploie avec dextérité le procédé de la parodie. Il a un entrain infatigable, un esprit vif, le talent d’écrire, une clarté de plan constante, mais peu d’invention, peu ou point d’émotion, plus de causticité que de gaieté. Son persiflage ne fait pas toujours rire ; sa plaisanterie devient souvent un anachronisme. Il y a, par exemple, un certain Ali, pêcheur de truites, qui semble avoir lu Voltaire, tellement il a à cœur de fronder les préjugés, les prétentions, les croyances et la gloire d’un chacun. La prose de M. Assollant, qui rappelle d’une manière heureuse les allures vives et piquantes de l’Arioste, lui fera pardonner les irrévérences qu’il s’est permises contre la poésie.


Roland, tragédie-lyrique en cinq actes, avec un prologue, paroles de Quinault, musique de Lulli ; représentée à l’Académie royale de musique, devant le roi, le 18 janvier 1685, et à Paris le 8 février suivant. On n’a jamais autant célébré les douceurs de la paix que sous le règne de celui de nos rois qui a inauguré le système des longues et grandes guerres. Comme dans tous les prologues d’opéra, le poëte chante le plus grand des héros,

Qui fait cesser partout,
La guerre impitoyable et ses fureurs affreuses.

Par une licence géographique et chronologique qui dépasse un peu les limites du genre, il met dans la bouche de Démogorgon et des fées les vers suivants :

Allons faire entendre nos voix
Sur les bords heureux de la Seine ;
Allons faire entendre nos voix
Au vainqueur dont tout suit les loix.

Le sujet de la pièce est connu. Angélique, reine du Cathay, est aimée de Médor, officier d’un roi africain, et elle partage sa passion. Dans le premier acte, Roland, neveu de Charlemagne et le plus renommé des paladins, fait remettre à Angélique un bracelet d’un grand prix comme témoignage de son amour. Au deuxième acte, le théâtre représente la fontaine enchantée de l’Amour au milieu d’une forêt. Roland se présente pour voir Angélique ; mais celle-ci met dans sa bouche un anneau dont la puissance magique la rend invisible. Roland, désappointé et désespéré, s’éloigne. Médor parait ; il ne pense pas que la reine consente à accepter son cœur et sa main, il se lamente et tire son épée pour se tuer, et, s’adressant à la fontaine d’Amour qu’il rend confidente de sa peine, il s’écrie :

Ruisseaux, je vais mêler mon sang avec votre onde,
                  C’est trop peu d’y mêler mes pleurs.

Angélique arrive à temps pour lui dire : Vivez, Médor. Ici se trouve une scène charmante dans laquelle Médor chante l’air remarquable : Je vivrai, si c’est votre envie. Angélique ne songe plus qu’à protéger son amant contre la fureur de Roland. Pendant que ce guerrier se berce des plus douces illusions, elle se dérobe avec Médor à ses recherches, aux applaudissements du chœur :

   Aimez, régnez en dépit de l’envie,
    Goûtez les biens les plus doux de la vie :
La fortune et l’amour, la gloire et les plaisirs
Puissent-ils à jamais combler tous vos désirs !
            Dans la paix, dans la guerre,
            Dans tous les climats,
            Jusqu’au bout de la terre,
            Nous suivrons vos pas.
Puisse l’heureux Médor être un des plus grands rois
Puisse-t-il rendre heureux ceux qui suivent ses lois !

C’est par cet épithalame, qui en vaut bien un autre, que se termine le troisième acte. Le quatrième est consacré au désespoir de Roland, qui, au lieu de trouver celle qu’il aime au rendez-vous, lit gravés sur un arbre les vers qui expriment les amours heureux de Médor et d’Angélique. Des bergers, à qui il s’adresse, le confirment dans la pensée de son malheur et lui montrent le bracelet que la reine leur a laissé en reconnaissance de leurs soins. Roland devient fou. Le cinquième acte le représente endormi. Une symphonie aide à calmer ses sens agités. Les ombres des anciens héros paraissent et invitent Roland à prendre souci de sa gloire et à aller délivrer son pays. Roland sort de son assoupissement, revient à la raison et cède aux conseils et aux entraînements des fées guerrières, de la Gloire, de la Renommée, de la Terreur et d’une troupe d’ombres de héros qui répètent en chœur :

Ne suivez plus l’amour, c’est un guide infidèle ;
                Non, n’oubliez jamais
       Les maux que l’amour vous a faits.

Nous recommandons dans la partition de Lulli l’air de Médor :

      Ah ! quel tourment,
            De garder, en aimant,
            Un éternel silence !
            Ah ! quel tourment,
            D’aimer sans espérance !

le duo pour soprano et ténor : Vivez en paix ; le duo d’Angélique et de Thémire :

Le secours de l’absence
            Est un puissant secours.

l’invocation de Roland à la nuit ; dans le quatrième acte, l’air de Musette et le petit chœur de bergers, et la scène de folie de Roland ; et au cinquième, les airs de danse et le chœur guerrier final. Angélique et Médor occupent presque constamment la scène, et Roland a un rôle fort court. On n’a pas manqué d’exploiter cette circonstance dans les p.irodies qui furent faites de cet opéra. On ne compte pas moins de six reprises de Roland depuis 1685 jusqu’à 1743. Le rôle d’Angélique a été’ tenu successivement par Mlles Desinatins, Journet, Anti«r et Le Maure ; celui du Thémire, suivante d’Angélique, par M’ios Armand, Poussin, Pelissier, Fel ; le rôle de Médor a été chanté par Poussin, Gochereau, Tribou et enfin par le célèbre Jélyotte ; celui de Roland a eu pour interprète Thévenard pendant quarante - deux ans. Ce chanteur ne fut remplacé par Chassé, qu’à la sixième reprise, en 1743. Cet exemple de longévité lyrique est curieux à constater. Il est vrai que les voix de basse-taille résistent plus longtemps que les autres aux fatigues de la scène. Louis XIV avait indiqué à Quinault le sujet de Roland. Lulli le regardait comme le meilleur de ses opéras.


Roland, opéra en trois actes, paroles de Marmontel, musique de Piccinni ; représenté |

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à l’Opéra le 27 janvier 1778. Piccinni était arrivé de Nuples à Paris depuis deux ans, appelé par la reine Marie-Antoinette. Il nu savait pas un mot de français et il l’apprit en écrivant sa partition de Roland sur le nouveau poôme que Murmontel avait composé pour lui d’après l’ancienne pièce de Quinault. Roland réussit malgré les intrigues des gluckistes. Les gens de goût comprirent que Tes formes de l’art musical pouvaient quelquefois serrer moins étroitement la pensée seénique et littéraire, de même qu’un ample vêtement peut entourer de plis ondoyants un corps bien proportionné et vigoureux. Un critique du temps traite la partition de Roland de chef-d’œuvre d’énergie et de sensibilité. C’est peut-être trop dire ; passe encore pouvDidon. L’ouverture est intéressante ; f’andantede l’air de Médor : Malheureux que je suis, est. plein de sensibilité ; le duo qui suit entre Angélique et Médor : Soyez heureux loin d’elle, offre de belles phrases, mais l’ensemble montre quelle était encore à cette époque l’inhabileté des maîtres à écrire des duetti. Le chœur : Triomphes, charmante reine, a obtenu un grand succès ; mais il n’a pas la noblesse de ceux de Lulli, ni même la puissance de rhythme de ceux de Rameau. Les airs de danse sont peu saillants. En revanche, le chœur des amants enchantés, qui ouvre le deuxième acte, est ravissant. Toute la scène de la fontaine est bien réussie. L’air d’Angélique : C’est l’amour oui prend soin lui-même d’embellir ces paisiole-^iieux, est le plus beau morceau de l’ouvrage. En signalant de nouveau l’air de Médor : Je vivrai, si c’est voire envie, nous

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ferons observer en passant que dans certaines éditions ce premier vers est ainsi dénaturé ; Je mourrai, si c’est votre envie, et que nous entendons depuis plus de quinze ans des chanteurs prêter avec le pins grand sangfroid cette affreuse envie à Angélique :

Je vivrai, si c’est votre envie, Je vous vois, mon sort est trop doux ; Mais s’il faut m’éloigner de vous, Je ne réponds pas de ma vie.

Le chœur qui termine le deuxième acte : Régnes en dépit de l’envie, est bien traité. Le rôle de Roland a été écrit pour busse ou plutôt pour baryton. Ce personnage ouvre le troisième actépar l’air : De l’aimable objet qui m’enchante, suivi du duo : Ah ! d’un laurier immartel.... Ces morceaux, parfaitement écrits et accompagnés par les instruments avec beaucoun.de goût, vous laissent froids et n’ont plus qu’un intérêt archaïque. Le compositeur se réveille dans la grande scène du désespoir de Roland. Si.elle était bien chantée et bien jouée, elle produirait encore maintenant beaucoup d’effet. L’intermède des bergers est fade. La pastorale de Roland, qu’on a jouée sur tous les clavecins, est fort médiocre. En somme, l’opéra de Roland renferme des boMutés incontestables. Kcrit nvec plus de facilité et de pureté dans l’harmonie et les accompagnements que les ouvrages de Gluck, beaucoup mieux disposé pour les voix, il lui manque ce qui se trouve à forte dose chez son vigoureux rival, cette concision énergique, cet entraînement irrésistible, cette domination exercée par le génie, tout incorrect qu’il puisse être

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Ré - pe - te a l’em - pe - reur No-tre cri vain-queur, Vois de la mon |f^Iillig=M !^Ë|ipiraill^ !

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te a l’em-pe- reur No-tre cri vainqueur ; Malheur aux pal Etvi-veChnrle - ma-g ne !

Frap- pons, im-molons, Pal - ens

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dans Ron-ce-vauï Creu ■ sous leurs tombeaux ! Ré - pu - tel l’em-pe-reur, Notre cri vain mt^mÊËmm^i^i

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et Char-le - ma- gne !

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reur No-tre cri vainqueur, Voix de la mon ■ ta- gne ! Ré - pè - le à l’em- pu ■

— reur No-tre cri vainqueur, Voix de la monta - gne ! Voix de !a mon-ta • gne ! Voix de la monta gne ! Oui ! frappons ces pal - ens, Oui ! ■ frappons les pal gHÊa=fâfe^ÉÉÉIaggf^gi

— lens ! Exter- minons les Sir- ra - sins, Ëxter- minoûs les Sar - ra - sins ! Coda pour lareprise à partir du signe & :

Loda pc

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land !

En a-vant ! en a-vant !

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gne !En a-.vaut ! en a-vant, ’

Mont-joie et Char- le - ma - gne !

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|r^gg=^rfB^pÉb^=, =frÉ^=^g= '^£^3 :

joie !

Mont

joie !

et Char - le

gnel


Roland à Roncevaux, Opéra en quatre actes, paroles et musique de M. A. Mermet ; représenté à l’Académie nationale de musique le 3 octobre 1864. De tous les guerriers que les légendes du cycle carlovingien ont rendus célèbres, le paladin Roland était le personnage le plus propre à figurer sur notre première scène lyrique. Il se présentait déjà entouré de l’auréole brillante des fictions de la poésie, et l’auteur du livret n’a eu qu’à disposer dans une suite de scènes les principaux épisodes du poëme en langue franco-normande de Théroulde, intitulé : la Chanson de Roland.

Le comte Ganelon, envoyé en Espagne par Charlemagne pour faire aux Sarrasins des propositions de paix, commence par rendre la liberté à la fille de l’émir de Saragosse, Saïda, qu’il retenait prisonnière. Une belle châtelaine, Alde, éprise en secret des exploits de Roland, repousse las offres de Ganelon, qui veut l’épouser malgré elle. Les deux femmes, qui se sont liées dans leur malheur par des sentiments d’amitié, se concertent pour empêcher cette union que doit bénir 1'archevêque Turpin. Un violent orage force Roland à accepter l’hospitalité dans le château. Il est accueilli par Alde comme un