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ses qui révolutionnent la vie des puissants et des privilégiés de la terre. (Balz.)

— Troubler, bouleverser : Révolutionner l’esprit. Révolutionner les sens.

— v. n. ou intr. Faire des révolutions.

— Absol. : Un des hommes gui révolutionna le plus, et gui gouverna le moins, fut saint Louis. (Proudh.)

Se révolutionner v. pr. Se mettre en état de révolution : Nous ne sommes pas libres de ne pas nous révolutionner. (Proudb.)

REVOLVEB s. m. (ré-vol-vèr — mot angl. formé de to revolver, retourner). Sorte de pistolet avec lequel on peut tirer plusieurs coups sans recharger : Revolver à quatre coups, à six coups. Le revolver est une arme très-dangereuse. (Ë. de Gir.) Il s’est écoulé plus de trois siècles entre l’arquebusade dont mourut Boyard et. l’invention du revolver Coït. (Edra. About.)

— Encycl. Si le mot revolver est américain, l’invention est toute française et, qui plus est, parisienne. Elle remonte au commencement de ce t-iècle. Cependant on trouve dans quelques musées des fusils à plusieurs coups à barillet qui datent du xvno siècle ; mais ils ont existé en si petit nombre que ces armes ne furent évidemment pas reconnues comme pratiques. C’est en 1815 que Lenormand, armurier de Paris, inventa le pistolet à cinq coups. Il se composait d’un canon unique et de cinq tubes groupés autour d’un tambour auquel le mécanisme communiquait un mouvement do rotation sur lui-même. Il n’eut pas de succès. Quelque temps après, l’armurier Devisme inventa un revolver h sept coups qui ne fut ni plus ni mieux apprécié que le pistolet Lenormand. Puis un armurier de Liège, Herman, construisit un revolver qui, bien qu’il fût moins imparfait que les précédents, n’eut pas plus de vogue. Prenant le contrepied des systèmes déjà connus, l’armurier Mariette produisit un pistolet composé de canons assemblés ; en pressant la détente, le faisceau tournait, et chaque canon venait tour à tour se placer devant le marteau percuteur. C’était une arme lourde, massive et qui ne pouvait avoir d’effet qu’à bout portant.

En 1835, Samuel, Coït, colonel aux États-Unis, perfectionna le revolver, qui, en 1837, joua un rôle si important dans la guerre contre les Peaux-Rouges, dans la Floride, Coi’evolver était à six coups ; il n’avait qu’un canon ; le tambour ou cylindre à six chambres présentait successivement chacune d’elles devant le canon unique. Employant à volonté la balle sphérique et la balle cylindro-conique, le revolver Coït était fabriqué sur cinq modèles : cavalerie, six coups ; marine, six coups ; infanterie, cinq coups ; civil, de poche et petit de poche, cinq coups. Le plus gros pesait 2k’1.250, et le plus petit 800 grammes. Malgré tous les défauts que présentaient ces appareils, dont la pesanteur était extrême, la batterie trop compliquée, et qui manquaient de vigueur dans la détente, ce qui produisait de nombreux ratés ; malgré leur révolution irrégulière, intermittente, la perte de temps pour armer chaque coup et le danger

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de le porter sur soi, le chien étant dépourvu de cran d’arrêt, Samuel Coït lit une fortune énorme et rapide : il était venu en temps opportun. Ajoutons que les revolvers de ce système se chargeaient à baguette et s’amorçaient avec des capsules ordinaires sur des cheminées. Sitôt que le revolver lit son apparition en Europe, ce fut parmi les armuriers une émulation générale à qui le perfectionnerait, et l’on vit un vrai déluge de systèmes (Adam, Comblain, Mangeot, Loron, Lefaucheux, etc.) s’étaler à toutes les vitrines, mais ne se recommander que par des perfectionnements illusoires. Ainsi, le système

Loron remplaçait la poudre par un fulminate de son invention ; le système Lefaucheux consistait dans l’emploi de cartouches métalliques. Plus tard, le système Lemat se distingua des autres par un double canon : il pouvait être à la fois pistolet à forte charge et à longue portée, et revolver à huit ou neuf coups a bout portant.

Jusqu’en 1868, les modèles les plus répandus, créés en France et en Belgique, employaient presque tous la cartouche à broche, dont les inconvénients sont maintenant connus de tout le monde. La plupart n’avaient pas de cran de sûreté ou cet organe était si défectueux qu’il devenait un détant de plus ajouté à l’arme. Le cran de visière, établi dans la tête du chien, ne donnait aucun moyen da tirer juste, etc., etc. On ne saurait se faire une idée bien nette de toutes les défectuosités de la grande généralité de ces armes dont la fabrication était vraiment trop peu soignée, quoiqu’elles coûtassent fort cher. Ainsi, parfois exagéré vers la poignée, le poids du revolver n’était pas convenablement équilibré ; il en résultait que, lorsqu’on jetait le coup de feu, la main descendait trop bas et le bout du canon restait trop haut. Il était rare que la crosse eût une bonne penture, inconvénient qui tendait à déranger l’aplomb de l’arme. En général, les rayures étaient trop profondes et il y avait déperdition de gaz ; le projectile était soumis à un frottement trop considérable pour la charge ; le canon s’onerassait et se plombait ; souvent aussi le barillet était plus étroit de calibre que le canon, ce qui forçait le projectile à s’étirer au départ pour ensuite franchir le canon sans en toucher les parois. Enfin, l’entretien, le démontage et ie remontage de ces armes, loin d’être à la portée du vulgaire, embarrassaient souvent les armuriers et les ouvriers les plus intelligents. Tel était partout l’état précaire de la fabrication des revolvers jusqu’après la grande Exposition universelle da 1867, où cependant des revolvers, de création parisienne notamment, étaient traités de main de maître. Des améliorations sérieuses y avaient été introduites ; mais ce n’était pas encore le desideratum, l’arme méthodique et simple qui devait constituer, quelques années plus tard, le vrai revolver de guerre.

Les Américains ont, les premiers, vulgarisé l’emploi de cette arme d’origine française, comme tant d’autres inventions ; pour chacun d’eux, c’est un fidèle compagnon dont ils ne se séparent pas plus que nos paysans n’abandonnent leur couteau. Aux uns comme

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aux autres, c’est l’indispensable vade-mecum ; mais, pour le "Yankee, c’est mieux encore ; un irrésistible argument ad nomment dans les petites ou grosses querelles. Notre paysan se rattache au corps son couteau un moyen d’une ficelle ; le "ïankee, lui, a inventé une cachette pour son revolver, une pochette toute spéciale, située sur les reins. Si notre campagnard affecte à l’acquisition de son couteau ses premières économies, le vrai Yankee semble naître un revolver à la main ; c’est lui qui a baptisé revolver notre pistolet à plusieurs coups. Aussi, lors de la guerre de sécession, tous, officiers et soldats, se sont-ils trouvés en possession de ce supplément d’armement. On comprend quel essor a dû prendre en un tel pays et dans de telles circonstances la fabrication du revolver. Cependant, parmi les nombreux types en usage alors, il n’en était pas un qui possédât les qualités d’une arme de guerre. Une grande portée, beaucoup de pénétration, une fabrication en général très-soignée, étaient pourtant de sérieuses recommandations en leur faveur ; néanmoins, de tous les modèles américains, il n’est pas un seul qui ait pu faire son chemin dans les armées et aucun d’eux n’a été adopté. Depuis l’abandon du système Coït qui se chargeait à baguette et s’amorçait avec des capsules, la cartouche généralement employée en Amérique était à inflammation périphérique ou annulaire et sa percutait sur le bord du bourrelet.

L’armurerie anglaise avait déjà, en 1868, une fabrication de revolvers très-importante et aussi très-renommée. La première, elle utilisa les cartouches à inflammation centrale ; la première, elle construisit des armes solides, homogènes, foncièrement pratiques ; mais elle ne put néanmoins parvenir à créer la véritable arme de guerre. On fabriquait, on n’inventait pas.

Le 4 inin isos, un armurier de Paris, M. Ga REVO

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land, invente et fait breveter un revolver à extracteur. Aussitôt tous les armuriers de Belgique se jettent sur cette idée qui prend corps en un appareil fonctionnant admirablement, et l’on voit en peu do’.temps quatre-vingt' onze brevets pour revolvers à extracteur.

Dans un savant ouvrage de technologie armurière, M. Libioulte, rédacteur en chef du Franc tireur belge, publiait, en 1868, une appréciation du nouveau revolver Galand a extracteur automatique, dont nous extrayons ces lignes : « Dans le revolver Galand, les six chambres so montrent toutes béantes et prêtes à recevoir les cartouches, dont l’introduction dans le barillet se fait sans tâtonnement ni hésitation, aussi vite et aussi facilement dans l’obscurité qu’en pleine lumière ; û’est-à-diro que cette opération peut se faire machinalement, sans attention, ce qui permet, dans un cas pressant, de recharger l’arme instantanément en suivant des yeux les mouvements de l’adversaire. Après le tir, les six douilles sont instantanément et simultanément expulsées. On peut charger, décharger et recharger les six coups de l’arme quatre fois en une minute. L’expulsion des douilles vides s’obtient par un mécanisme simple, solide, rationne ! et fonctionnant de telle sorte qu’il ne saurait se détraquer. Les qualités du revolver à extracteur automatique peuvent se résumer ainsi : très-grande portée, forte pénétration, tir de précision, expulsion simultanée des douilles vides, chargement facile et rapide, même de nuit ; arme facile à manier, bien en main, exempta de réparations, n’occasionnunt jamais de recul, munia d’un solide cran do sûreté, n’exposant nullement le tireur, fonctionnant avec la plus grande régularité, pourvue d’un double mouvement qui permet de passer du tir continu au tir intermittent, et réciproquement. En un mot, c’est une arme logiquement conçue et artistement exécutée. »

Fis- 1. — Revolver do guerro.

Toutes les publications militaires françaises, belges, anglaises, allemandes, russes et italiennes ont salué 1 apparition de cette arme dans les termes les plus flatteurs, et, depuis, ce revolver a été répandu à profusion parmi les officiers des armées européennes. Ce revolver fut ensuite transformé par son créateur en arme de chasse, en armo d’attaque plutôt que de défense, par l’adjonction d’une ti^e d’acier articulée qui, déployée,

s’adapte à l’épaule comme une crosse de fusil. Cela permet de se servir de ses deux mains pour diriger, ajuster et tirer à coup très-sûr. Cette fausse crosse se replie le long du revolver et ne lui ajoute qu’un faible poids. Elle peut aussi se distraire de l’arme. Ce revolver de chasse, nommé revolver sportsman, est surtout commode en forêt contre le sanglier et autre gibier de grande taille.

L’invention de Galand avait eu pour résultat de supprimer portière et baguette ; les Américains Smith et Wesson, dans le même but, avaient établi une arme dontle canon bascule et dont le barillet se sépare du reste du revolver pour être débarrassé des douilles vides et recevoir un nouveau chargement. Toutes les pièces de cette arme, fabriquées à la mécanique, étaient d’une exécution parfaite et l’ensemble ne laissait rien à désirer comme fini et comme ajustage. Aussi ce revolver était-il devenu d’emblée l’arme du gentleman ; mais il ne put se faire admettre comme arme de guerre. Adam et autres inventeurs de grande réputation avaient employé des moyens analogues à ceux de Smith et Wesson, moyens condamnés aujourd’hui pour les armes de guerre, attendu que, dans une arme do ce genre, il importe qu’aucune pièce ne puisse se détacher, ni tomber, ni se perdre. Devisme imagina aussi un revolver sans baguette qui n’a pas ou do succès à cause des mouvements peu’pratiques qu’il imposait et du peu de solidité de sa fermeture. Perrin conserva la baguette, mais dans tics conditions qui ne permettent pas de constater un avantage, car ello se détache facilement et entraîne la chute et la perte du barillet, de sorte que le revolver ne peut plus servir que d’assommoir. Lefaucheux aussi u conservé la baguette d’une façon moins défectueuse, mais il n’a pas enlevé les autres inconvénients de l’arme.

Il y a un revolver Dreyse, à aiguille, natu Revolver sportsman ouvert.

Tellement. Aucun agent, aucune pièce, aucun mouvement de cette arme n’a été emprunté à l’un des revolvers connus. C’est le seul revolver qu’ait produit l’Allemagne. Il ne vaut absolument rien et n’est aucunement pratique ; mais quelle science, quels calculs, quelles combinaisons pour le faire mouvoir, l’arrêter, lancer l’aiguille, la retirer ! etc., etc.

Le revolver, comme arme civile, s’est considérablement amélioré dans ces dernières

années ; mais, jusqu’en 1873, aucun des systèmes courants n’avait pu trouver grâce devant les commissions militaires. Donc, l’armée française n’a pas de revolver. Notre marine est censée en avoir un : mais comme c’est l’un des systèmes les plus défectueux qui’lui a été distribué du temps de l’Empire, c’est commo si elle n’en avait pas. On n’a jamais su ie pourquoi de l’adoption du revolver Lefaucheux pour la marine, à l’exclusion de la cavalerie, de la gendarmerie et de l’infanterie, ou, si on l’a su, on n’a jamais osé le dire. Du temps de l’Empire, le rejet ou l’adoption d’un système d’arme dépendait de commissions spéciales nommées ad hoc, soldats haut gradés, appelés par leur situation plutôt que par leurs études scientifiques à composer ces commissions. L’Empire n’est plus, et ce sont encore les mêmes hommes qui sont chargésdes examens. Le programme qu’ils avaient composé pour le revolver de leurs rêves est curieux à connaître.

Eu vojci les principales conditions : 10 l’arme

Fig. 3. — Revolver sportsman fermé.

ne doit pas être à extracteur ; 2° ello doit être homogène, résistante, solide ; aucune pièce ne doit pouvoir, dans l’usage, s’accrocher, se fausser, se détacher ou se perdre ; ■ 3° le cylindre tournant doit pouvoir s’enlever facilement pour le nettoyage, néanmoins être solidement maintenu par la broche mère ; celle-ci doit pouvoir s’extraire avec facilité sans courir le risque de se détacher inopinément ; la portière doit être simple, solide, commode, ne pouvoir s’ouvrir par inadvertance, et sa position être telle que lo tireur s’aperçoive toujours s’il a oublié de la fermer ; 5" la baguette doit être forte, son maniement facile, son jeu libre ; au repos, elle doit être sérieusement fixée par des organes simples, solides, rustiques, qui vibrent, résonnent, cliquetant militairement ; elle doit ne pas présenter de saillies et rendre impossibles les chances de bris ou de torsion, comme aussi être à l’abri de l’oxydation ; 6° le canon doit être rayé de façon à donner un tir de précision au but on blanc de 25 métros, sans que le guidon soit trop saillant et puisse s’accrocher ; la tension de la trajectoire doit permettre de tirer ainsi jusqu’à 50 mètres et d’atteindre à 100 mètres et au delà sans déviation sensible ; 7" l’arme doit être à.percussion centrale ; 8« un solide cran de sûreté est indispensable ; 90 on doit pouvoir passer du tir continu au tir intermittent, et réciproquement ; 10° la platine doit être simple, solide, militaire ; être susceptible, fréquemment et facilement, partout et toujours, de vérification, inspection, lubrification, démontage et remontage sans outil, sans qu’il puisse se rien détacher, ni se perdre ; sans erreur possible dans le posage des pièces et sans qu’on parvienne à la détraquer involontairement. À cet effet, les vis principales doivent être supprimées ; les ressorts êtro gros, forts, souples, moelleux ; le mécanisme peu compliqué, compréhensible sans instruction, et les pièces assez rustiques pour que tout ouvrier habitué à travailler lo fer puisse au besoin les réparer ou les remplacer. «

La construction d’un revolver qui eût chanco d’être adopté par la commission d’armement conjointement avec la collaboration des hauts dignitaires de l’artillerie et de la marine présentait donc des difficultés dont il semblait impossible de triompher. Aussi les inventeurs découragés ne s’en occupaient pas et l’année ne voyait poindre à l’horizon aucun revolver. On était toujours menacé de l’incommoda Lefaucheux. Déjà, dès avant la guerre da 1870, la Russie, écartant impitoyablement la Lefaucheux, avait armé sa marine du revolver Galand à.extracleur. Déjà la plupart de nos officiers de terre et de mer s’étaient armés à leurs propres frais de ce revolver, qui leur semblait de beaucoup supérieur à tous le3 autres systèmes. La commission d’armement se retranchait derrière son programme. Nous avons déjà dit que le revolver Lefaucheux avait été imposé par l’Empire à la marine française ; nous n’y revenons que pour constater ses énormes défectuosités de forme,