nations y atteignent et ont cueilli cette palme. Le despotisme a vingt ressources là ou la liberté n’en a qu’une. » Si on objecte que c’est par la terreur qu’on est parvenu à surmonter les difficultés de la Révolution, Quinet répond : « La Terreur a vaincu en effet ; mais on ne s’aperçoit pas que, pour vaincre, elle a sacrifié ce qui seul pouvait donner un véritable prix à la victoire, l’âme et le but de la Révolution. On ne veut pas voir qu’elle a formé les caractères qui ont fait ou laissé faire l’Empire et qu’elle a supprimé toutes les énergies qui auraient pu mettre obstacle à l’usurpation de Bonaparte. »
Dans cet ouvrage, qui comptera parmi les plus remarquables de Quinet, le style est plus naturel qu’à l’ordinaire, plus sobre d’ornements, d’excroissances poétiques, d’images accumulées à profusion et d’élans lyriques. AU point de vuo littéraire, la partie la plus soignée est celle des portraits. Ni l’ouverture des états généraux, ni le serment du Jeu de paume, ni la prise de la Bastille ne sollicitent le pinceau de l’artiste, qui trouve des couleurs si neuves, des images si puissantes pour mettre en tout leur jour l’âme des personnages tragiques, Mirabeau ou Robespierre, Louis XVI ou Charlotte Corday. Quelle énergie pittoresque dans ce portrait de Marat esquissé à grands traits ! « Le front voilé, chevelu, la face enivrée, l’œil tout grand ouvert au soupçon, sous d’épaisses arcades sourcilières, les narines dilatées, le nez massif, carnassier, mufle en quête de proie, la bouche hurlante avec un ricanement de bête fauve ; mêlé de joie et de fureur, il prenait en pitié, comme autant de pygmées, Danton et Robespierre. Dans son extase de férocité, il se riait de leur mansuétude. »
Ce livre, où abondent tant de figures vivantes, de scènes héroïques, de leçons formidables, a été lors de son apparition l’objet de vives critiques, notamment de la part de M. Peyrat ; il s’en fallut de peu qu’on n’accusât presque Quinet de déserter la grande cause de la Révolution ; mais cette impression première s’est vite effacée et l’on n’a pas tardé à comprendre toute la portée de l’œuvre. Si Quinet se montre sévère dans ses jugements, c’est qu’il le prend de plus haut que nous, c’est qu’il compare la réalité à un idéal qu’il avait caressé avec amour, et qu’il en veut à la Révolution, tant il a conçu d’elle une haute idée ! d’avoir été soumise, comme toutes les choses humaines, à l’imperfection. Lui signaler ses fautes, c’est encore lui rendre hommage, croire à sa perfectibilité et l’empêcher de retomber à l’avenir dans les mêmes errements. La Révolution est moins la condamnation du passé que le programme de l’avenir. L’auteur veut nous faire toucher le but du doigt. Mais avant de l’atteindre, ce but, combien faudra-t-il encore de remontrances et de conseils adressés à la France ! « Laissez donc, répéterons-nous avec M. Saint-René-Taillandier, laissez donc M. E. Quinet parler sévèrement à la France, car ce que vous preniez pour un cri de désespoir chez ce généreux penseur n’est en réalité que l’expression de ses désirs impatients. »
Révolution et l’Église (LA), par F. Arnaud de l’Ariége (Paris, Lacroix, 2 vol. in-18). Cet ouvrage, dont un de nos plus judicieux critiques a dit « qu’il est d’une sincérité et d’une modération bienfaisantes, et qu’on ne peut le lire sans éprouver un grand respect pour l’auteur, » a pour objet de montrer que l’hostilité de l’Église pour le droit social issu de la Révolution, si ardente, si persistante qu’elle paraisse, n’est en réalité que le produit d’idées, de passions, de faits particuliers, secondaires, étrangers en soi à l’essence de l’institution catholique ; que l’Église et la Révolution, malgré l’antagonisme apparent de leurs formules, ont un fonds commun de principes et d’aspirations qui les rattachent à une même origine, au même esprit libéral et social, à l’esprit de la civilisation chrétienne.
La Révolution et la religion chrétienne présentent d’abord ce caractère commun, l’universalité. « Le Christ seul, à la place des antiques religions nationales, a fondé la religion universelle ; rapprochant les âmes par les côtés communs à tous les hommes, par ce qu’il y a d’essentiel dans la nature humaine, il les a toutes unies en Dieu. La Révolution française a fait quelque chose d’analogue : dans le citoyen elle a vu l’homme ; non plus ce personnage conventionnel et artificiellement classé par la constitution de son pays, mais l’être social, l’homme dans ses droits natifs et inaliénables. »
Un autre point qui rapproche la Révolution française et la révolution chrétienne, d’après M. F. Arnaud de l’Ariége, c’est que l’idée qui domine dans l’une et dans l’autre est une idée d’émancipation. « C’est surtout par sa vertu libératrice que la Révolution française est l’expression sociale de la révolution chrétienne. L’être humain est reconstitué dans la plénitude de ses droits et de sa dignité devant l’État, comme il l’avait été par le Christ devant Dieu. » Le génie propre de la Révolution est d’avoir fondé la liberté religieuse en séparant le spirituel du temporel ; or, quel est le principe de cette séparation du spirituel et du temporel, de l’ordre religieux et de l’ordre politique ? C’est l’incompétence politique de l’Église et l’incompétence religieuse de l’État ; et ce principe, c’est précisément le christianisme qui l’a introduit dans le monde. « Ainsi contemplés dans leur source commune, ces deux grands événements, au lieu de se contredire, se complètent mutuellement et s’éclairent l’un par autre ; la Révolution française est manifestement la réalisation pratique de la méthode révolutionnaire théoriquement posée et magistralement inaugurée par le Christ, fondateur de la société universelle des esprits... Dans ces rapprochements et ces analogies se trouve, dit l’auteur, la clef de toute l’histoire du monde moderne. Ils mettent en lumière le rapport de filiation qui unit, à travers les siècles, la France de 1789 à l’œuvre messianique. Mais ils montrent en même temps que cette identité d’origine et même ce rapport de filiation, bien loin de supposer l’ordre religieux et l’ordre politique confondus, en impliquent nécessairement la distinction. Là est vraiment le trait caractéristique de la méthode révolutionnaire commune au christianisme et à la Révolution française. »
D’où vient l’antagonisme de l’Église et de la Révolution ? D’une infidélité de l’Église à l’esprit qui l’a fondée, au principe capital de l’incompétence politique du sacerdoce et de l’incompétence religieuse de l’empire. L’Église s’est alliée aux puissances de la terre ; telle est l’origine de tout le mal. « Rien n’est plus funeste à un corps, quel qu’il soit, que de sortir des limites de son domaine. Jamais il ne met le pied dans un ordre qui n’est pas le sien, sans fausser l’esprit de sa propre destination. C’est la pente de toute association d’hommes, parce que c’est la pente de l’esprit humain, essentiellement envahisseur ; et c’est la plus dangereuse. Elle est dangereuse surtout pour une société dont le but est d’unir les âmes en vue de leurs destinées immortelles, et qui, prétendant emprunter ses pratiques et ses sanctions à l’ordre temporel, s’y crée par des empiétements successifs une situation privilégiée. Si ces alliances, au début, peuvent rendre plus facile et plus efficace son action civilisatrice, c’est toujours aux dépens de sa vie supérieure et essentielle. »
Mais le mal n’est pas irréparable, et M. Arnaud attend avec une confiance au moins robuste la réconciliation définitive des deux idées prétendues ennemies. Il faut que l’Église, puissance purement spirituelle, apprenne à se renfermer dans son domaine, comme l’État dans le sien. Il faut que l’incompétence réciproque des deux institutions devienne la formule de leurs rapports. Ce qui ne veut pas dire que la religion cessera d’être le principe vivifiant et tutélaire des sociétés humaines ; loin de là : c’est dans la séparation du spirituel et du temporel, c’est dans la liberté qui résulte de cette séparation, que le catholicisme retrouvera la vie et la direction des esprits. « L’Église, répudiant les institutions et les pratiques qui l’ont faite, contrairement à son esprit, intolérante et violente pendant des siècles, entrera dans la pureté de son essence spirituelle et dans la vérité de sa mission religieuse, laissant les sociétés humaines à l’indépendance de leur destinée temporelle.
« Les questions de compétence, si longtemps obscurcies, se résoudront d’elles-mêmes et les causes de conflits seront écartées. Sans regrets pour ses privilèges perdus, tournée vers l’avenir et non vers le passé, l’Église transformera en elle tout ce qui est susceptible d’être transformé dans sa discipline, dans ses rapports hiérarchiques, dans ses moyens d’action sur les âmes. Alors, comme un navire allégé de tout ce qui alourdissait sa marche, elle s’élèvera au-dessus des agitations tumultueuses de ce monde, dans ces régions où les orages ne peuvent l’atteindre. Soutenue par le respect et la confiance des jeunes générations, en harmonie avec le droit moderne, elle répandra les inépuisables trésors de sa doctrine sur les sociétés démocratiques qu’elle a charge de moraliser et d’évangéliser. »
La thèse soutenue et développée avec talent par M. Arnaud soulève les questions suivantes : Est-il vrai que Jésus ait réellement voulu établir l’incompétence politique de l’Église qu’il instituait ? et ces célèbres maximes : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, Mon royaume n’est pas de ce monde, etc., » ont-elles bien la portée libérale que leur attribue notre auteur ? Est-il possible que la religion, qui est la morale enseignée, et la politique, qui est la morale appliquée, constituent, pour la conscience, deux domaines absolument indépendants et séparés ? Est-il possible que l’Église, avec l’idée de sa mission divine, se croie absolument incompétente en matière politique, c’est-à-dire, au fond, en matière de droit ? Est-il possible que l’État, avec l’idée de sa mission juridique, se croie absolument incompétent en matière religieuse, c’est-à-dire, au fond, en matière d’enseignement moral ? Nous ne le pensons pas et nous estimons que M. Arnaud de l’Ariége se trompe lorsqu’il rêve une réconciliation entre le catholicisme et la liberté, entre l’idée théologique et la Révolution. L’histoire des siècles passés et des temps modernes démontre que la lutte entre les deux principes va s’accentuant chaque jour et ne peut se terminer que par la ruine de l’idée théologique.
Révolutions françaises (HISTOIRE POPULAIRE DES) et des insurrections et des complots depuis 1789 jusqu’à nos jours, par Louis Combes (1873, t. 1er). Cette histoire populaire,
dont le premier volume va du 1er juillet
1789 au 21 septembre 1792, a le rare mérite
d’être à la fois une œuvre de vulgarisation
et une œuvre originale. Connaissant à
fond l’histoire de la Révolution, qu’il a étudiée
dans les sources et dans les documents
les plus divers, ayant été amené à rectifier
nombre d’erreurs répétées par la plupart des
historiens, M. Combes s’est attaché à mettre
en relief, sous une forme succincte, mais attrayante,
dans un style clair et nerveux, tous
les principaux événements de la Révolution,
et à écrire une histoire où abondent des aperçus
nouveaux, des récits et des jugements
qui attestent autant d’érudition que de sagacité.
Parmi les événements et les hommes
sur lesquels les récits et les vues de M. Combes
diffèrent le plus des récits et des vues
de ses devanciers, nous citerons particulièrement
les fameux sacrifices de la nuit du
4 août, le rôle de Maillard dans les journées
d’octobre, l’affaire du marquis de Favras, les
troubles dont la constitution civile du clergé
fut le prétexte, le jugement sur Anacharsis
Cloots, les massacres de Nancy, les trahisons
de Marie-Antoinette, la vénalité de Mirabeau,
la fuite du roi à Varennes, la mise en jugement
de Bailly, le massacre du Champ-de-Mars,
le 10 août, les journées de septembre.
« Personnages plus vrais, événements mieux
sus, critiques des plus justes, dit un écrivain, tout cela se trouve dans ce livre, grâce à
l’étude des documents nouveaux. Mais à ce
grand mérite de véracité il faut ajouter encore
une saveur particulière, qui vient des
rapprochements inattendus entre les choses
qu’on y raconte et celles qui se sont passées
sous nos yeux. L’œuvre populaire de M. Louis
Combes est toute d’apaisement et d’ordre ; il ne rapproche que pour éclairer. Jamais on
ne dirait, au ton mesuré qu’il observe, qu’on
entend une victime de la réaction de 1851,
ayant passé des années sur les pontons de
Bonaparte. Il a la bonhomie du véritable
homme d’action, différent en cela de ces déclamateurs
de cabinet qui suent la violence
et la rancune et qui ne sont pas capables,
comme dirait Danton, de faire cuire un œuf. »
Révolution française (CONSIDÉRATIONS SUR LA), par Mme de Staël. V. considération.
Révolution (L’ANCIEN RÉGIME ET LA), par M. de Tocqueville. V. ancien.
Révolution de 1830 et les révolutionnaires (LA) ou Histoire de vingt mois, par M. de Salvandy (1832, in-8o). Cet ouvrage présente
un ensemble de considérations sur la situation
politique de la France sous la Restauration,
et spécialement sur l’avènement de la branche
cadette des Bourbons. Il est divisé en
six livres. Le premier traite des principes
généraux, de la liberté du pouvoir, de l’ordre,
de la légitimité et des conditions particulières
où se trouvait placée la monarchie
de Juillet. Le deuxième a pour objet l’histoire
de la société française depuis la première
révolution jusqu’en 1832, les fautes de
la Restauration, les mobiles de la révolution
de 1830, les promesses de Juillet et les résultats
généraux de cette révolution. Dans
le troisième et le quatrième livre, l’auteur
examine l’état du parti révolutionnaire tel
qu’il était constitué en 1832, ses antécédents,
ses ressources, son but, ses moyens, ses dangers.
Le livre cinquième est un violent réquisitoire
contre le gouvernement de Juillet
que l’auteur accuse d’avoir violé ses promesses
et d’avoir laissé pénétrer le désordre dans
les lois, ce qui, d’après lui, est la cause du
malaise universel et de l’anarchie morale
qui régnaient alors. Mais ce malaise et cette
anarchie sont-ils sans remède ? C’est la question
que se pose l’auteur dans le sixième et
dernier livre et qu’il s’efforce de résoudre au
profit de la monarchie représentative avec
ses exclusions, ses inégalités et ses privilèges.
M. de Salvandy n’acceptait alors qu’à
contre-cœur cette monarchie de Juillet, qu’il
a plus tard loyalement servie. Il lui reprochait
d’abord de n’avoir pas pour base la légitimité,
qui est le seul fondement rationnel
d’une monarchie, et, en second lieu, de se
laisser déjà déborder, au bout de vingt mois
d’existence, par le parti révolutionnaire. Or,
pour M. de Salvandy, le parti révolutionnaire,
autrement dit démocratique, c’est « la suppression
du véritable ordre politique qui veut
que les pouvoirs soient attribués aux classes
élevées ; » c’est « le triomphe du principe absurde
de la souveraineté nationale et l’avénement
du suffrage universel, cette folie. » Il
ajoute : « La doctrine du nombre est impie ; elle
se fonde sur ce principe que l’homme intelligent
n’existe pas ou qu’il est sans droits, que
l’homme physique est tout ; elle nous traite
comme des unités égales ; elle ne fait nulle
acception des lumières, des capacités et des
services. » Cet ouvrage est donc écrit au
point de vue le plus réactionnaire qui se puisse
imaginer. Dans son attachement aux idées
conservatrices, M. de Salvandy, malgré ses
protestations de bonne foi et d’impartialité,
paraît aussi souvent aveugle qu’injuste. Ainsi
il s’emporte en déclarations violentes contre
la Convention nationale, sans avoir un seul
mot pour en reconnaître les immenses bienfaits.
Dans l’ancien régime, il ne voit que les
côtés favorables, et, dans les constitutions
issues de 1789, que les parties défectueuses.
Il prétend condamner à jamais la révolution
de 1793 et la démocratie, et consacrer l’excellence
du principe du droit divin, parce
que des excès furent commis pendant la Terreur,
« N’a-t-on pas vu, s’écrie-t-il, la Vendée
inondée de sang, Lyon emporté jusqu’à
la jacquerie ? » Comme si l’ancien régime
n’avait pas laissé dans l’histoire de nombreuses
traces de sang et de carnage ! Ailleurs,
il soutient bravement que dans tous les siècles
la liberté s’est alliée à l’aristocratie et que nulle part la liberté et la démocratie
n’ont pu coexister ! Ce livre, qui fit du bruit
en son temps, est aujourd’hui parfaitement
oublié, et c’est justice.
Révolution de février 1848 (PAGES D’HISTOIRE DE LA), par M. L. Blanc (1850, in-18).
L’auteur a reproduit sous ce titre la brochure
intitulée Appel aux honnêtes gens, publiée
par lui sous forme de mémoire justificatif
au moment où s’assemblait la haute cour de
Bourges (7 mars 1849) ; mais il l’a modifiée en
retranchant ce qui était uniquement de circonstance
et en développant ce qui se rapportait
à l’histoire. Néanmoins !e livre reste,
au fond, une justification personnelle ; ce n’est
pas une histoire de la révolution de Février,
mais les historiens y trouveront des indications
précises sur certains points particuliers.
« Quand on connaîtra, dit Louis Blanc, le secret
des journées du 17 mars et du 16 avril,
si importantes l’une et l’autre et si diversement
célèbres ; quand j’aurai montré la contre-révolution
accroupie à l’Hôtel de ville et
s’enveloppant dans le drapeau tricolore, l’espionnage
organisé par le gouvernement contre
lui-même, les sources de l’élection empoisonnées,
tant d’impures manœuvres, tant de
trahisons inouïes, les destins de la République
égarés dans des alliances sans pudeur, on
saura sur qui doit retomber la responsabilité
des malheurs de la patrie, et cette responsabilité
sera terrible. »
Cette phrase explique le ton général du livre. Ces Pages d’histoire ne sont que le développement de la défense que Louis Blanc prononça dans la séance de nuit du 25 août 1848, lorsqu’on autorisa les poursuites contre lui et Caussidière. Elles éclairent les événements d’un jour nouveau. Louis Blanc y démontre par des preuves irréfutables que les ateliers nationaux, dont le public ignorant lui reproche la création, ont été établis non-seulement sans sa participation, mais encore contre lui, et qu’il n’y a jamais mis le pied. Il repousse énergiquement les accusations qu’on a portées contre sa conduite dans la journée du 15 mai et demande quelle foi on peut avoir en ses dénonciateurs, en ses adversaires, qu’il flétrit ainsi : « Ils ont rendu la générosité suspecte de folie ; de leurs violences couronnées de succès ils ont composé un sophisme plein de sang à l’usage des terroristes futurs ; ils auraient donné au peuple, si cela était possible, le remords de sa modération. Leur nom restera maudit dans l’histoire. »
« Ce n’est pas moi qu’on a voulu frapper ; c’est le socialisme qu’on a proscrit en ma personne ; » tel est le résumé du livre. Et, dans la démonstration qu’il veut donner de cette affirmation, M. Louis Blanc expose son système politique et social. Nous l’avons analysé en rendant compte de son Organisation du travail ; il est donc inutile d’en parler ici. Quant à la partie apologétique de ses Pages d’histoire, elle paraît conforme à la vérité ; mais, tout en comprenant l’indignation d’un homme calomnié et en excusant ses vivacités de style, on regrette qu’il ait compromis sa cause par la violence de son langage. Il valait mieux terrasser ses adversaires par la vigueur de ses raisonnements qu’en accumulant contre eux des épithètes. Peut-être aussi aurait-il dû conserver plus de ménagements envers des hommes comme le général Cavaignac, dont le caractère, malgré ses fautes, commande l’estime.
Révolution de 1848 (HISTOIRE DE LA), par Daniel Stern (1850-1853, 4 vol. in-8o). On sait que l’éminent écrivain qui se dérobe sous ce pseudonyme est Mme la comtesse d’Agoult.
C’est un spectacle intéressant que de voir
ainsi une personne appartenant à la vieille
aristocratie se plonger avec passion dans une
histoire essentiellement populaire et célébrer
une victoire de l’égalité. Mais on sait d’ailleurs
que Mme d’Agoult était gagnée déjà,
bien avant ces événements, à la philosophie
et aux idées démocratiques.
Son travail s’arrête à l’élection du président de la république (10 déc. 1848). Il est très-soigneusement fait, consciencieux et généralement impartial, d’un républicanisme modéré, mais avec des aspirations socialistes nettement accusées. Ce mélange d’idées produit, il faut bien le dire, quelques dissonances. C’est ainsi que l’auteur montre une bienveillance par trop généreuse pour certains personnages, une sympathie trop féminine pour le poétique et décevant Lamartine, et qu’il traite avec sévérité des hommes qui cependant représentent bien mieux ses propres idées. Quelques épisodes sont aussi traités un peu artificiellement, nous voulons dire arrangés d’imagination quant aux détails. En signalant ces imperfections, nous n’en tenons pas moins cet ouvrage comme fort estimable et intéressant dans son ensemble, utile à consulter, instructif à lire et donnant une idée assez fidèle de cette partie de notre histoire. Il a été plus d’une fois mis à contribu-