Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 13, part. 3, Rech-Rhu.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et plus horribles cent fois que toutes celles qui ont indigné les girondins. Pour eux, leur histoire est finie ; il ne reste plus à y ajouter que le récit de leur mort héroïque. Leur opposition a été dangereuse, leur indignation impolitique ; ils ont compromis la Révolution, la liberté et la France ; ils ont compromis la modération même en la défendant avec aigreur, et, en mourant, ils ont entraîné dans leur chute ce qu’il y avait de plus généreux et de plus éclairé en France. Cependant, j’aurais voulu être impolitique comme eux, compromettre tout ce qu’ils avaient compromis et mourir comme eux encore, parce qu’il n’est pas possible de laisser couler le sang sans résistance et sans indignation.» L’ouvrage de M. Thiers est, avec le résumé dû à M. Mignet, un des premiers livres où l’on ait envisagé les événements de la Révolution sans esprit, de parti, sans prévention. Au lieu de les expliquer, on préférait les diffamer, et par contre les exalter au profit des intérêts ou des tendances du moment. Partisans ou ennemis, tous avaient les yeux fascinés par cette crise émouvante, dont les causes et les résultats ne pouvaient être étudiés qu’à distance. Comme M, Mignet, M. Thiers a révoqué l’injuste condamnation prématurément portée contre les hommes et les choses de la Révolution. L’historien ne succombe pas sous le faix de son volumineux travail ; il le soutient honorablement jusqu’au bout de la carrière. Narrateur consciencieux, il se montre aussi exercé à saisir le style propre à son sujet que soigneux de discerner la lumière de la vérité au milieu des lueurs trompeuses qu’a fait jaillir, de part et d’autre, l’esprit de parti.

Dans ce récit persuasif, parce qu’il est naturel, plein de clarté, toujours intéressant, souvent dramatique, écrit d’un style simple, facile, rapide, qui ne surcharge jamais la pensée en l’ornant, il semble, dit M. Nettement, que, dans la Révolution, chaque chose soit venue en son temps, chaque homme en son heure, naturellement, invinciblement, sans qu’on puisse s’étonner d’actes nécessités ou s’indigner beaucoup contre des hommes nécessaires... Il semble que chacun de ces hommes ait été l’incarnation successive de la force des choses, et les deux impressions que laisse la lecture de cette histoire, c’est le sentiment de la fatalité antique et la superstition de la puissance humaine devant laquelle le jeune écrivain s’incline involontairement, qu’elle soit personnifiée dans le génie de l’éloquence, de la terreur, de la corruption ou de la guerre. Ces impressions s’emparent d’autant plus facilement de l’âme, que l’historien ne plaide jamais, il raconte ; elles résultent de son récit, en entraînant des conséquences faciles à apercevoir. » M. Nettement admire les qualités que M. Thiers a déployées dans son œuvre : « C’est le naturel et la puissante imagination de cet esprit supérieur, qui semble évoquer les temps qu’il décrit, montrer ce qu’il peint et qui fait palpiter le cœur de ses lecteurs aux émotions de la génération de 1789 ; c’est le sens profond avec lequel il expose les situations, la clarté et l’intérêt saisissant avec lequel il explique les grandes affaires, les finances, la diplomatie, la politique ; le génie dramatique avec lequel il fait mouvoir les acteurs de ces terribles scènes. » Louant à part le récit des campagnes d’Italie, le critique ajoute : « Jamais exposition à la fois plus lucide, plus dramatique et plus colorée, ne fit mieux comprendre le point de départ, le nœud, les péripéties, le dénoûment d’une campagne. C’est le génie de l’intuition appliqué au génie de la guerre. »

Sainte-Beuve, après avoir fait également ressortir les tendances libérales, les mouvements généreux et l’esprit fataliste qui se trouvent dans le premier ouvrage de M. Thiers, passe à l’examen de sa forme : « Le style de cette histoire, dit-il, et, en général, le style de M. Thiers, est ce dont on se préoccupe le moins en le lisant ; il vient de source, il est surtout net, facile et fluide, transparent jusqu’à laisser fuir la couleur. L’auteur ne raffine jamais sur le détail, et on ne s’arrête pas un instant chez lui à l’écrivain. Sa pensée sort comme un flot, que suit un autre flot ; de là, parfois, quelque chose d’épars, d’inachevé dans l’expression, mais que la suite aussitôt complète. En y réfléchissant depuis, l’historien a cherché à se faire la théorie de sa manière. Il a dit en riant qu’il a le fanatisme de la simplicité ; mais, bien mieux, il en a le don et l’instinct irrésistible. Il croit volontiers qu’en histoire les modernes ne doivent viser qu’au fait même, à l’expression simple de leur idée. » Sainte-Beuve dit que M. Thiers échappe entièrement à l’imitation de l’antiquité, et remarquant que l’historien s’est efforcé, depuis, de joindre à ses qualités natives la concision, il ajoute : « Arriver à être court en restant facile et sans cesser d’être abondant par le fond, ce résultat obtenu résumerait la perfection de sa manière. »

Comment M. Thiers a-t-il composé son ouvrage ? La question n’est pas indifférente. Voici ce que nous apprend M. de Loménie : « Vieux débris de la Constituante, de l’Assemblée législative, de la Convention, du conseil des Cinq-Cents, du Corps législatif, du Tribunat ; girondins, montagnards, vieux généraux de l’Empire, fournisseurs des armées révolutionnaires, diplomates, financiers, hommes de plume, hommes d’épée, hommes de tête, hommes de bras, M. Thiers passait en revue tout ce qu’il en restait, questionnant l’un, tournant autour de l’autre pour le faire parler, prêtant l’oreille gauche à celui-ci, l’oreille droite à celui-là ; et puis réunissant, coordonnant dans sa tête tous ces propos interrompus, il rentrait chez lui, se couchait sur le Moniteur et ajoutait une page de plus à cette belle Histoire de la Résolution française. »

Les deux premiers volumes de l’ouvrage parurent sous les noms réunis de M. Thiers et de Bodin. Ce dernier, auteur de résumés historiques, eut la bonne grâce, au troisième volume, de laisser la carrière libre à son jeune confrère, qui n’avait plus besoin de caution auprès des libraires.


Révolution française (ESQUISSES HISTORIQUES DES PRINCIPAUX ÉVÉNEMENTS DE LA) [Paris, 1826, 6 vol.], par Dulaure. Dulaure était un ancien conventionnel qui avait été peu remarqué pendant la République ; il siégeait ordinairement dans la Plaine, parmi les timides qui ne pensaient que d’après la pensée des chefs et n’agissaient que sous l’impulsion des autres. Ses Esquisses des principaux événements de la Révolution furent publiées par Baudouin (1826). On y retrouve les opinions indécises d’un membre de la Plaine. Ce n’est pas que Dulaure se montre hostile aux principes de la Révolution, mais il croit utile de les tempérer par les principes constitutionnels dont on parlait beaucoup à cette époque (1826). Il est rare qu’il comprenne non-seulement les mouvements populaires de la Révolution, mais la pensée elle-même. Il raconte tant bien que mal les événements par lesquels cette pensée se manifeste, sans savoir les grouper et en faire ressortir une signification quelconque. Il faut reconnaître, d’ailleurs, qu’il n’avait pas l’intention d’offrir au public une histoire complète de la Révolution, Ce qu’il veut raconter, ce sont les scènes les plus mémorables de ce qu’il appelle assez inintelligemment « cette longue et grande crise politique, » comme si la Révolution n’avait pas plus d’importance qu’un changement de ministère ou de dynastie ! Il n’a pas vu que la Révolution inaugurait une ère nouvelle et qu’elle apportait au monde entier l’idée souveraine par laquelle il doit être transformé. Cette idée est celle de la justice primordiale, universelle et humaine. Les vraies causes de la Révolution ne sont donc pas là où il les place, dans le scandale de l’affaire du collier, dans l’influence des sociétés maçonniques, etc., mais dans le besoin profond d’un nouvel ordre de choses plus équitable. C’est ce qui ressort avec une évidence lumineuse des cahiers de 1788 et 1789. Si Dulaure eût eu conscience de cette idée, mère de la Révolution, la justice, il eût donné à son livre une unité et une grandeur qui lui manquent. C’est un recueil d’anecdotes médiocrement écrites, qui a eu son utilité dans un temps où l’on n’avait encore que très-peu de livres sur la Révolution, mais qui a singulièrement perdu de sa valeur depuis que de grands historiens comme Michelet, Quinet, Louis Blanc, etc., se sont occupés de cette grande époque. L’ouvrage de Dulaure commence à l’ouverture des états généraux et finit au départ de Napoléon pour l’Île d’Elbe. Le tort de Dulaure est d’avoir écrit moins avec ses propres souvenirs que d’après les mémoires des autres. C’est pour cela sans doute que ses Esquisses manquent de chaleur et de couleur, et offrent moins d’intérêt que les quelques pages dans lesquelles il a raconté ses vicissitudes pendant la Terreur. Il rapporte puérilement tous les événements intérieurs de la Révolution à l’or de Pitt et de Cobourg. A-t-il à décrire une scène populaire ; il ne manque jamais de vous y montrer des agents de troubles et des brigands salariés. Or, bien qu’il soit impossible de nier l’influence occulte du ministère anglais dans les affaires publiques de la France, il devient absurde de voir partout des agents de l’étranger. Or, ces agents, Dulaure vous les nomme ; ce sont : Marat, Saint-Just, Robespierre et Danton ! Rappeler cette opinion nous dispense de continuer l’analyse d’un livre qu’on ne peut plus prendre au sérieux quand on y a lu de pareilles absurdités. Dulaure a donc mal jugé non-seulement les événements, mais les hommes. À le lire, on croirait que toute la Révolution s’est passée dans la rue ; il s’appesantit longuement sur les journées de Septembre ; il raconte en détail les émeutes les plus insignifiantes, et il ne nous lait jamais assister à une séance de la Convention, sinon quand elle juge Louis XVI. De sorte que, lorsque vous avez lu son ouvrage, il ne vous reste de cette grande époque qu’une idée de tumulte et de désordre, et que vous seriez bien empêché de dire au nom de quels principes agissaient tous ces hommes. C’est là le défaut capital de Dulaure et ce qui condamne irrémissiblement son ouvrage.


Révolution française (HISTOIRE DE LA), depuis 1789 jusqu’en 1814, par M. Mignet (1829, 2 vol. in-8o). Cet ouvrage est un résumé substanciel et raisonné des principaux événements de la Révolution française, à travers ses diverses phases, jusqu’à l’abdication de Fontainebleau et la première entrée des armées alliées dans Paris. L’ouvrage débute par une savante introduction, dans laquelle l’historien énumère les causes principales de la Révolution française et nous parle tout d’abord de la grandeur de ses principes. « Cette Révolution, dit-il, n’a pas seulement modifié le pouvoir politique, elle a changé toute l’existence intérieure de la nation. Les formes de la société du moyen âge existaient encore ; le sol était divisé en provinces ennemies, les hommes étaient divisés en classes rivales. La noblesse avait perdu tous ses pouvoirs, quoiqu’elle eût conservé ses distinctions ; le peuple ne possédait aucun droit, la royauté n’avait pas de limites et la France était livrée à la confusion de l’arbitraire ministériel, des régimes particuliers et des privilèges des corps. À cet ordre abusif, la Révolution en a substitué un plus conforme à la justice et plus approprié à nos temps. Elle a remplacé l’arbitraire par !a loi, le privilège par l’égalité ; elle a délivré les hommes des distinctions des classes, le sol des barrières des provinces, l’industrie des entraves des corporations et des jurandes, l’agriculture des sujétions féodales et de l’oppression des dîmes, la propriété des gênes des substitutions, et elle a tout ramené à un seul état, à un seul droit, à un seul peuple. »

Le livre tout entier est écrit dans cet esprit libéral, qui a du reste présidé aux ouvrages publiés sur la même matière par MM. Louis Blanc, Thiers et Michelet. Il y a toutefois entre ces historiens et M. Mignet cette différence que, tandis que M. Thiers est visiblement partisan de la royauté constitutionnelle, M. Michelet partisan de la République et M. Louis Blanc partisan de la République démocratique et sociale, on ne voit pas à quel parti politique appartient M. Mignet, tant il prend soin de se montrer impartial. Libéral par raison et par conviction, il est impartial par équité et par conscience. Il dit leur fait sans déguisement et rend justice sans faiblesse à tous les hommes, à tous les partis, comme a voulu le faire Edgar Quinet. Chez la plupart des historiens, Louis XVI, Robespierre, Saint-Just, les girondins et les montagnards ont été l’objet d’appréciations excessives, soit dans l’éloge, soit dans le blâme. Cette critique passionnée est inconnue à M. Mignet. Voici son jugement sur Louis XVI : « Ainsi finit, après un règne de seize ans et demi passé à chercher le bien, le meilleur, mais le plus faible des monarques. Ses ancêtres lui léguèrent une révolution. Plus qu’aucun d’eux il était propre à la prévenir ou à la terminer, car il était capable d’être un roi réformateur, avant qu’elle éclatât, ou d’être ensuite un roi constitutionnel. Il est le seul prince peut-être qui, n’ayant aucune passion, n’eut pas celle du pouvoir, et qui réunit les deux qualités qui font les bons rois, la crainte de Dieu et l’amour du peuple. Il périt victime des passions qu’il ne partageait pas, de celles de ses alentours qui lui étaient étrangères et de celles de la multitude qu’il n’avait pas excitées. » On ne peut reprocher à ce jugement qu’une indulgence excessive. Après le sombre portrait tracé par M. Thiers et l’apologie un peu trop emphatique que l’on trouve dans les Girondins de Lamartine, qu’on lise l’appréciation aussi ferme que modérée de M. Mignet sur Robespierre. « Cet homme, dont les talents étaient ordinaires et le caractère vain, dut à son infériorité de paraître des derniers, ce qui est un grand avantage en révolution, et il dut à son amour propre ardent de viser au premier rang, de tout faire pour s’y placer, de tout oser pour s’y soutenir. Robespierre avait des qualités pour la tyrannie ; une âme nullement grande, il est vrai, mais peu commune ; l’avantage d’une seule passion, les dehors du patriotisme, une réputation méritée d’incorruptibilité, une vie austère et nulle aversion pour le sang. Il fut une preuve que, au milieu des troubles civils, ce n’est pas avec son esprit qu’on fait sa fortune politique, mais bien avec sa conduite, et que la médiocrité qui s’obstine est plus puissante que le génie qui s’interrompt. »

Écrite avec ce calme inaltérable, l’Histoire de la Révolution par M. Mignet n’a rien de ce caractère dramatique et presque romanesque qu’elle acquiert sous la plume de Michelet. Comme lui, cependant, M. Mignet appartient à l’école philosophique et ne se borne pas au simple récit des faits ; il recherche minutieusement les causes et les conséquences, afin de s’élever à des considérations d’un ordre supérieur, toutes au profit des principes de justice et de liberté. M. Mignet voit dans les grandes évolutions des sociétés une sorte de fatalisme qui, pour n’avoir rien de providentiel, ne lui semble pas moins irrésistible. D’après cette doctrine, étant donnée la situation politique et morale de la France en 1789, la Révolution française était imminente et inévitable ; bien plus, elle devait fatalement traverser ses phases diverses pour aboutir infailliblement à l’Empire, Toutefois, M. Mignet ajoute : « Il serait pourtant téméraire d’affirmer que la face des choses n’eût pas pu devenir différente ; mais, ce qu’il y a de certain, c’est que la Révolution, avec les causes qui l’ont amenée et les passions qu’elle a employées ou soulevées, devait avoir cette marche et cette issue. » Ainsi formulée, cette théorie de M. Mignet n’a rien d’incompatible avec la liberté de l’homme. Elle ne lui refuse pas la faculté de modifier et même quelquefois de supprimer les causes ; mais ces causes subsistant et se maintenant, elle refuse à l’homme le pouvoir d’en empêcher les effets. Il ne faut pas méconnaître cependant que cette théorie tend à restreindre l’importance attribuée sur le cours de la Révolution aux grandes individualités de cette époque. M. Mignet est trop logique pour ne pas admettre cette conséquence. Aussi, ni Mirabeau, ni Danton, ni Robespierre, ni Bonaparte lui-même ne lui semblent-ils avoir été indispensables à l’accomplissement des destinées de la Révolution. Il n’accepte pas les hommes providentiels. Un autre point important du système de M. Mignet est qu’il prend volontiers la raison d’État pour critérium moral des actes politiques. Salus populi suprema lex esto, telle est sa doctrine, comme elle était celle du sénat romain et du comité de Salut public, qu’il absout assez clairement dans les lignes suivantes, où il ne dissimule point sa prédilection pour les montagnards dans leur lutte contre les girondins : « Il est douteux que les girondins eussent triomphé, même en se montrant unis, et surtout que, en triomphant, ils eussent sauvé la Révolution. Comment auraient-ils fait, avec des lois justes, ce que les montagnards firent avec des mesures violentes ? Comment auraient-ils vaincu les ennemis étrangers sans fanatisme, comprimé les partis sans épouvante, nourri la multitude sans maximum, alimenté les armées sans réquisitions ? Si le 31 mai avait eu lieu en sens inverse, on aurait vu dès lors ce qui se montra plus tard, le ralentissement de l’action révolutionnaire, les attaques redoublées de l’Europe, la reprise d’armes de tous les partis, les journées de prairial sans repousser la multitude, les journées de vendémiaire sans pouvoir repousser les royalistes, l’invasion des coalisés et, d’après la politique d’usage à cette époque, le morcellement de la France. La République n’était pus assez puissante pour suffire à tant d’attaques, comme elle le fit après la réaction de thermidor. »

Comme chez tous les historiens de l’école philosophique, on rencontre fréquemment dans les ouvrages de M. Mignet des considérations profondes sur les hommes, les choses et les événements. En voici une, comme spécimen : « Lorsqu’une réforme est devenue nécessaire et que le moment de l’accomplir est arrivé, rien ne l’empêche et tout la sert. Heureux alors les hommes s’ils savaient s’entendre, si les uns cédaient ce qu’ils ont de trop, si les autres se contentaient de ce qui leur manque ; les révolutions se feraient à l’amiable et l’historien n’aurait à rappeler ni excès ni malheurs ; il n’aurait qu’à montrer l’humanité rendue plus sage, plus libre et plus fortunée. Mais jusqu’ici les annales des peuples n’offrent aucun exemple de cette prudence dans les sacrifices. Ceux qui devraient les faire les refusent, ceux qui les demandent les imposent, et le bien s’opère, comme le mal, par le moyen et avec la violence de l’usurpation. Il n’y a pas eu encore d’autre souverain que la force. »

En somme, l’ouvrage de M. Mignet est remarquable tant au point de vue de la largeur des idées qui l’animent que sous celui du style, qui est ferme, châtié et convient absolument à l’historien.


Révolution française (HISTOIRE PARLEMENTAIRE DE LA), par Buchez et Roux. Elle comprend 40 volumes in-8o, publiés de 1833 à 1838. Cette volumineuse histoire contient la narration succincte des événements, les débats assez complets des assemblées, les discussions des principales sociétés populaires et particulièrement de la fameuse Société des jacobins, les procès-verbaux si intéressants de la Commune de Paris, les séances importantes du tribunal révolutionnaire, les comptes rendus détaillés des principaux procès politiques, les budgets annuels, le tableau du mouvement moral extrait des journaux de chaque époque, etc. Elle est précédée d’une introduction sur l’histoire de France jusqu’à la convocation des états généraux. Au point de vue de Buchez, qui, comme ou sait, voulait fonder un neo-catholicisme, le progrès se manifeste à la fois dans la nature et dans l’humanité. Selon lui, le progrès moral a un but marqué d’avance par la révélation ; aussi se montre-t-il autant attaché au catholicisme qu’aux grands principes de 1789 et pense-t-il que la Révolution n’est pas terminée, qu’elle a accompli la moindre partie seulement des espérances qu’elle a données, qu’elle a laissé le terrain social encombré de ruines ou de constructions incomplètes. Selon lui, la première période de la Révolution, celle de la destruction, est terminée ; il faut se hâter d’entrer dans la seconde période, celle de la réorganisation sociale. Or, la doctrine des droits de l’homme lui paraît impropre à réorganiser la société ; il faut, pour y arriver, suivre la doctrine au devoir.

Comme ouvrage purement historique, l’Histoire parlementaire de la Révolution française est un monument aussi utile que précieux. On y trouve mille documents épars dans les livres de l’époque ou dans le Moniteur et autres journaux. La partie la plus complète va depuis l’année 1787 jusqu’à l’établissement un régime directorial.


Révolution française (HISTOIRE DE LA), par Carlyle (1837), traduite en français par MM. Elias Regnault, Odysse Barrot et Jules Roche (1865-1867, 3 vol. in-8o). Cet ouvrage