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tion. Necker avait encore une grande popularité et son renvoi fut considéré comme un acte de guerre bien caractérisé, d’autant plus que cela coïncidait avec de grands mouvements de troupes et les préparatifs les plus menaçants.

Paris, orageux et inquiet, éclata dans la journée du 12. Au jardin du Palais-Royal, centre de l’agitation, un jeune homme qui entrait dans l’histoire par un coup d’éclat, Camille Desmoulins, monta sur une table et, dans une harangue enflammée, appela le peuple et la jeunesse parisienne aux armes.

Après cette première explosion, tout Paris fut bientôt debout. Nous avons donné le récit de ces grands épisodes à l’article Bastille (prise de la) et nous n’y reviendrons pas ici. On sait que le 14 juillet au soir, date à jamais mémorable, le peuple de Paris était vainqueur de la réaction par la prise de la vieille forteresse, repaire du despotisme. Le comité des électeurs, transformé en une sorte de gouvernement, siégeait en permanence à l’Hôtel de ville, assurait les services et nommait Bailly maire de Paris et La Fayette commandant de la garde nationale nouvellement formée.

À Versailles, l’Assemblée avait conservé une attitude ferme et digne. La cour, atterrée par la victoire populaire, dut s’incliner sous la main de fer de la nécessité. Louis XVI, à de nouvelles députations, promit tout ce qu’on lui demandait, l’éloignement des troupes, le rappel de Necker, etc. Malgré l’opposition de la reine, il se résigna même à faire un voyage d’apparat à Paris, démarche impérieusement commandée par les circonstances. 100,000 hommes armés vinrent au-devant de lui ; il parut au balcon de l’Hôtel de ville, accepta la nouvelle cocarde (aux couleurs de la ville, auxquelles on ajouta le blanc de la maison de France, comme signe de réconciliation), fut prodigue enfin de ces démonstrations qui apaisent les peuples et qui n’engagent pas beaucoup les princes.

À ce moment même, le comte d’Artois, Condé, Conti, les Polignac, etc., donnaient le signal de l’émigration et allaient intriguer à l’étranger, pour soulever contre nous les colères monarchiques.

Les événements de Paris eurent leur retentissement dans les provinces ; partout on s’arma, on se forma en milices nationales, on remplaça les autorités royales par des comités qui devinrent le noyau des municipalités. Les habitants des campagnes envahissaient les archives seigneuriales pour y détruire les titres de leur servilité séculaire.

Des scènes déplorables vinrent attrister ces grands mouvements. À Paris, des personnages détestés périrent victimes de la fureur populaire. V. Berthier et Foulon.

Cependant l’Assemblée, assurée de son existence par la grande journée du 14 juillet, poursuivait ses travaux et préparait la rénovation nationale, élaborait une Déclaration des droits de l’homme (v. ce nom), prescrivait des mesures urgentes et nommait un comité pour poser les bases de la constitution.

Au milieu de ces agitations, Necker reprit possession du ministère ; mais cette idole d’hier était déjà bien dépassée.

Nous arrivons ici à l’un des événements les plus mémorables de cette première période, la nuit du 4 août (v. août). Dans cette séance fameuse, sur les motions du vicomte de Noailles, du duc d’Aiguillon, etc., l’Assemblée adopta en principe les réformes suivantes : abolition de la qualité de serf, de la mainmorte, du droit exclusif de chasse, de tous privilèges pour les particuliers, les provinces et les villes ; faculté de rembourser les droits seigneuriaux ; taxe en argent représentative de la dîme ; rachat possible de toutes les dîmes ; égalité des impôts, admission de tous les citoyens aux emplois, etc.

Ces réformes étaient importantes et décisives ; mais c’était l’abolition et non le rachat des droits féodaux et des dîmes qu’exigeaient l’opinion publique, la justice et la raison.

Quoi qu’on ait dit de la générosité des classes privilégiées dans cette circonstance, il est certain qu’elles ne cédèrent qu’aux plus impérieuses nécessités et qu’elles ne consentirent à sacrifier une partie de leurs injustes privilèges que pour préserver le reste.

Néanmoins, ces résolutions, tout incomplètes qu’elles étaient, soulevèrent les colères de la noblesse et du clergé ; le roi résista longtemps avant d’en accepter le principe et ne céda qu’à la crainte, au spectacle de l’immense entraînement de toute la France.

Après de longs et solennels débats, l’Assemblée, dans le courant du mois d’août, adopta successivement les articles de cet acte célèbre qui a servi de type aux préambules de toutes les constitutions révolutionnaires, nous voulons parler de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Différentes lois furent ensuite préparées et votées pour fixer les droits civils et politiques, l’égalité devant la loi, la liberté de la parole, des cultes, de la presse, du commerce, de l’industrie, etc., enfin toutes les garanties et tous les droits dont l’ensemble constitue les principes de 1789.

Toutes ces lois étaient déjà considérées comme partie intégrante de la constitution ; du moins c’étaient les matériaux du monument. Ce fut après deux ans de travaux que l’Assemblée sentit le besoin de coordonner d’une manière définitive les diverses parties de son œuvre.

Quand il s’agit de formuler en lois les principes acclamés le 4 août, les discussions furent plus vives qu’on n’aurait pu s’y attendre. L’ivresse une fois dissipée, beaucoup de privilégiés qui avaient subi l’entraînement général revinrent à leurs préoccupations égoïstes et chicanèrent bassement sur les réformes. Mais la majorité se prononça vigoureusement contre eux.

Le 6 août, sur la proposition de Duport, on décréta l’abolition complète du régime féodal, puis celle du droit exclusif de chasse, des justices seigneuriales, etc.

La question des dîmes ecclésiastiques fut plus laborieuse à trancher ; le clergé défendit ses intérêts avec une énergie désespérée ; il eut cette bonne fortune inattendue d’avoir pour défenseur l’oracle du tiers état, l’abbé Sieyès, qui soutenait la thèse fallacieuse du rachat. Dans cette discussion mémorable, Mirabeau fut admirable de sens et de raison.

Le 12 août, la dîme fut abolie sans restriction et il fut décidé qu’on pourvoirait d’une autre manière aux dépenses du culte.

On décréta ensuite et successivement la permanence et l’unité du Corps législatif, malgré les efforts des constitutionnels de l’école anglaise, qui voulaient deux Chambres ; puis le veto suspensif, c’est-à-dire le droit pour le roi de suspendre l’exécution des décisions de l’Assemblée pendant deux législatures (Mirabeau, qui s’offrait déjà à la cour, avait parlé en faveur du veto absolu) ; enfin l’inviolabilité du roi, l’indivisibilité et l’hérédité de la couronne (15 sept.) ; car l’Assemblée, tout en dépouillant le roi de ses principales prérogatives, était encore ou se croyait essentiellement monarchique.

Cependant le château conspirait sans relâche ; la dernière combinaison de la faction était d’enlever le roi, de le conduire à Metz, au milieu des troupes de Bouillé, et de commencer la guerre civile avec l’appui de l’Autriche. Les préparatifs se poursuivaient assez ouvertement ; Paris, averti, surexcité par des organes infiniment clairvoyants, la presse et les sociétés populaires, puissances nouvelles et déjà redoutables, Paris, qui avait déjà protesté par toutes ses voix lors des débats sur le veto, allait bientôt agir, accomplir un de ces actes décisifs qui sont des révolutions. L’agitation était encore augmentée par une cruelle disette qu’on attribuait en partie, non sans raison, à d’infâmes et mystérieuses manœuvres ayant pour but de réduire le peuple par la faim.

Une nouvelle provocation de la cour vint combler la mesure. Le 1er octobre, la faction risqua une manifestation qu’elle croyait décisive et qui n’était qu’insensée ; nous voulons parler du fameux repas des gardes du corps, qui se donna au château et où la cocarde nationale fut foulée aux pieds.

Paris répondit à ces démonstrations factieuses par une nouvelle explosion. L’idée de ramener le roi à Paris devint dominante dans la population ; on pensait ainsi l’isoler de la faction qui complotait de l’enlever pour l’entraîner dans la guerre civile avec l’appui de l’étranger, et, d’un autre côté, la partie la plus pauvre de la population était persuadée que, dès que la cour et le gouvernement seraient à Paris, on n’oserait plus agioter et que l’abondance reviendrait.

Les femmes surtout, désespérées de la disette et des souffrances de leurs enfants, s’agitèrent, se soulevèrent et, le 5 octobre, marchèrent sur Versailles, conduites par Maillard (v. ce nom). Les hommes et la garde nationale suivirent, La Fayette en tête. (V. le récit de ces deux journées à l’article octobre.) Devant ce mouvement irrésistible, Louis XVI dut céder. Il quitta Versailles, ce lieu sacré de la monarchie et de l’absolutisme, et vint s’établir aux Tuileries. Mais dès lors, il affecta de se considérer comme captif, n’ayant plus au même degré qu’à Versailles la liberté du mensonge et de la trahison. Cependant ce peuple, qui l’avait ramené au milieu des piques et des baïonnettes, n’était pas encore affranchi du fétichisme royaliste, et il eût été facile de reconquérir son affection en réprimant les manœuvres factieuses de l’aristocratie et de l’émigration, en s’associant franchement aux principes nouveaux.

Mais ce n’était pas le sentiment du parti de l’ancien régime, qui reformait obstinément ses rangs et se préparait à de nouvelles luttes et à de nouvelles trahisons.

L’Assemblée, quoique entravée par les éléments aristocratiques et cléricaux qu’elle avait absorbés dans son sein, et même impressionnée, troublée par les progrès rapides du parti populaire, n’en continuait pas moins ses travaux. Elle décréta la responsabilité des ministres, le vote annuel de l’impôt par les représentants, commença la réforme criminelle, abolit la question, les lettres de cachet, la vénalité des charges, les privilèges des provinces, accomplit diverses réformes dans l’armée, les finances, l’administration ; attribua l’initiative des lois au Corps législatif, enleva au roi toute action sur le pouvoir judiciaire, etc.

Cependant, le retour de la famille royale à Paris avait contribué pour un moment à régulariser les approvisionnements ; mais cette amélioration dura peu. La disette, la pénurie, la cessation de travail, la mauvaise volonté des hautes classes, l’émigration successive des aristocrates, l’entassement des nécessiteux dans les villes, les manœuvres infâmes des accapareurs et des agioteurs, de nouveaux bruits de conspirations, des mouvements excités, dirigés par des agents soudoyés dans le but de pousser les pouvoirs publics à la réaction par le fantôme de l’anarchie : toutes ces causes contribuaient à répandre l’inquiétude et les défiances et à rendre la situation de plus en plus difficile.

Le meurtre du boulanger François, faussement accusé d’accaparement (21 octobre), meurtre accompli dans une émeute et probablement par des agents de la faction royaliste, servit de prétexte pour entraîner l’Assemblée à voter la loi martiale contre les attroupements.

La pénurie financière dominait la situation. L’État était tellement obéré, le fantôme de la banqueroute apparaissait si menaçant, le peuple était si peu en état de supporter de nouvelles charges, que tous les yeux se tournèrent enfin vers un immense patrimoine en réserve, les biens du clergé (v. biens nationaux). La nation périssait ; ces ressources dont une partie demeurait improductive entre des mains oisives, apparurent à tous comme le salut du peuple et de l’État.

L’abolition des dîmes avait entamé déjà ce que le clergé considérait comme sa propriété et qui n’était en réalité qu’une injuste contribution levée d’autorité sur la propriété et le travail d’autrui. Outre les dîmes, qui produisaient annuellement plus de 120 millions, il avait d’immenses possessions foncières, le quart des terres du royaume, même le tiers, même la moitié en beaucoup de contrées. Il serait difficile d’évaluer ces monstrueuses richesses, que le clergé augmentait sans cesse par les moyens les moins avouables, extorsion d’héritage, exploitation du patrimoine des familles, de l’ignorance, de la terreur de l’enfer, de la maladie, du vice même et du crime, des calamités publiques comme des malheurs privés.

En outre, la nation pouvait périr : le clergé n’abandonnait jamais rien de son droit, qui était de ne pas contribuer aux charges publiques, sauf par quelques maigres dons gratuits, à titre d’aumône, et qu’il se faisait toujours payer par de nouveaux privilèges ; enfin, de prendre et de recevoir toujours sans jamais rien donner.

La suppression des dîmes n’avait été qu’un premier pas vers une réforme plus radicale. On commença dès lors à discuter la légitimité des propriétés cléricales, et il fut établi, par le droit civil et par le droit canonique, qu’elles ne constituaient pas une propriété réelle et que le clergé n’était simplement que dépositaire et administrateur.

Des écrivains de parti ont pu contester la légitimité du grand fait historique de la reprise de ces biens par la nation ; mais il n’y a jamais eu de question mieux posée, plus clairement discutée et plus magistralement résolue. C’est toujours à ces admirables discussions qu’il faudra remonter quand on voudra avoir une idée précise sur ce sujet.

Le débat fut ouvert le 10 octobre, avant que l’Assemblée eût quitté Versailles, et la question fut posée par Talleyrand de Périgord, évêque d’Autun. Quoique ce grand procès fût depuis longtemps jugé par l’opinion, il fut d’un bon effet que l’initiative fût prise par un prélat et par un aristocrate.

Après de longs et solennels débats, auxquels prirent part les plus savants légistes et les députés et publicistes connus par la modération de leurs opinions, l’Assemblée décréta, malgré l’opposition de Sieyès, que les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir aux frais du culte et au soulagement des pauvres (2 novembre).

Mirabeau, Talleyrand, Thouret, Barnave, Le Chapelier, Dupont (de Nemours) et autres avaient pris la part la plus éclatante à cette grande discussion.

L’Assemblée ordonna, en outre, l’ouverture des prisons ecclésiastiques, des in pace, et interdit provisoirement les vœux monastiques,

Le lendemain (3 novembre), Thouret déposa son rapport sur la suppression des provinces, qui formaient comme autant de petites nations morcelées à l’infini en gouvernements dans l’ordre militaire, en généralités dans l’ordre administratif, en diocèses dans l’ordre ecclésiastique, etc. À cette confusion, qui était l’anarchie pure, l’Assemblée substitua, après de longues études, l’égalité départementale, l’unité de la patrie. Ce grand travail ne fut achevé que le 22 décembre.

Du même coup fut brisée la centralisation oppressive de la monarchie, les départements étant placés sous la direction d’une administration départementale élue, des administrations de district et des municipalités, toutes chargées d’appliquer les lois et décrets de l’Assemblée nationale.

Le droit de vote, dans les assemblées primaires, fut accordé à ceux qui payaient une contribution directe annuelle de la valeur de trois journées de travail, c’est-à-dire à peu près 3 francs ; ce n’était pas là une aristocratie ; toutefois, cette distinction en citoyens actifs et passifs suscita beaucoup de protestations parmi les amis de la liberté. Pour le complément de cette organisation, v. constitution de 1791.

En résumé, l’Assemblée avait substitué au chaos de l’ancien régime l’ordre et la justice et fondé les libertés locales, tout en consacrant l’unité administrative et politique de la nation.

Toutes ces réformes, dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer, ne se firent pas sans déchirement. Les privilégiés, clergé et noblesse, dépouillés de leur injuste domination, suscitèrent de nombreuses résistances sur tous les points du territoire. Les parlements, annulés par la réorganisation judiciaire, entrèrent également dans la ligue contre les institutions nouvelles. C’était une guerre à mort de la faction du passé contre la justice et la liberté. Cependant, malgré les complots et les menées de toute nature, la France nouvelle grandissait chaque jour et s’affermissait dans ses institutions.

La municipalité de Paris, la commune, après beaucoup de tâtonnements, s’organisait peu à peu. Les sociétés populaires, dont les principales étaient les Jacobins et les Cordeliers (v. ces noms), éclairaient et surexcitaient l’opinion. Enfin la Révolution avait fait éclore une autre puissance, la presse politique, les journaux, dont les principaux étaient : le Courrier de Provence de Mirabeau ; le Point du jour, de Barère ; le Courrier de Versailles, de Corsas ; le Patriote français, de Brissot ; les Révolutions de Paris, de Prudhomme ; l’Ami du peuple, de Marat ; les Révolutions de France et de Brabant, de Camille Desmoulins ; la Chronique de Paris, de Condorcet, Rabaut Saint-Étienne et autres ; le Moniteur universel, l’Orateur du peuple, etc. V. ces noms.

La presse royaliste comptait également des organes nombreux, dont les plus connus sont : les Actes des apôtres, la Gazette de Paris, le Journal général de la cour et de la ville, etc.

Si les journaux révolutionnaires étaient passionnés, les feuilles royalistes étaient d’une violence bien plus accentuée et qu’on a trop oubliée. Elles ne parlaient que de bâtonner, de pendre et de rouer les patriotes, et il est certain que Marat et, plus tard, le Père Duchêne ne dépassèrent jamais ce degré de frénésie.

Les travaux constitutionnels se poursuivaient sans relâche. L’Assemblée apporta dans son organisation judiciaire le même esprit d’unité et de simplicité rigoureuse que dans les autres parties de son œuvre et substitua à la barbarie de la législation ancienne un ordre admirable et régulier, qui malheureusement n’existe plus qu’incomplètement et auquel il faudra revenir un jour.

Chaque jour amenait une nouvelle victoire de la philosophie. À la fin de 1789 et successivement, les classes opprimées dans l’ancien régime, les protestants, les juifs, les comédiens, furent appelés à l’égalité. Dans l’intervalle et plus tard, l’Assemblée travaillait à la réorganisation de l’année, décrétait que la loi ne reconnaissait plus les vœux monastiques (13 février 1790), supprimait la gabelle (26 février), s’occupait de la vente des biens ecclésiastiques, des assignats, faisait imprimer le Livre rouge (v. ce nom), registre scandaleux des pensions de la cour, etc.

Cette œuvre libératrice était troublée constamment par les manœuvres et les complots du parti de l’ancien régime. La plus célèbre de ces tentatives fut, à cette époque, la conspiration de Favras (v. ce nom). Cet aventurier de qualité, agent probable de Monsieur, comte de Provence, tenta l’exécution d’un plan de contre-révolution violente, échoua et fut pendu en place de Grève (19 février 1790). C’est vers la même époque aussi que se nouèrent définitivement les relations de Mirabeau avec la cour. On trouvera le détail de ces faits et de ce marché scandaleux à l’article biographique consacré au célèbre orateur.

Enfin, pendant que l’Assemblée détruisait pièce à pièce le vieux régime absolutiste et féodal, les ennemis de la justice et de la Révolution continuaient leurs menées et leurs intrigues. L’émigration, assurée de la protection royale, préparait l’invasion étrangère. Le roi, en même temps qu’il jurait les lois constitutionnelles et prêtait le serment civique (4 février 1790), entretenait en permanence des agents à l’étranger ; la reine et sa faction agissaient dans le même sens avec plus de furie, et, de son côté, le clergé préparait activement la guerre civile, suscitait des troubles, surtout dans les départements méridionaux, et préludait à l’insurrection de la Vendée par des massacres de patriotes et de protestants à Toulouse, à Montauban et à Nîmes (mai-juin 1790).

Grâce à l’attitude de Marseille et des grandes villes du Midi, la contre-révolution fut pour le moment étouffée ; mais ces complots sans cesse renaissants augmentaient de plus en plus l’irritation publique.

À cette époque, l’Assemblée commença l’élaboration d’un règlement célèbre qui fut complété plus tard, la Constitution civile du clergé (v. ce nom), qui soumettait le clergé à la société civile, introduisait l’élection dans la hiérarchie ecclésiastique et astreignait les fonctionnaires sacerdotaux au serment civique de fidélité à la nation, à la loi et au roi, ainsi qu’à la constitution. Ce fut pour le clergé une nouvelle occasion de manœuvres factieuses ; il se trouva dès lors partagé en deux catégories : le clergé constitutionnel et le clergé réfractaire, les assermentés et les insermentés, nouvelle cause de division, nouveau prétexte à des rébellions.