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sais plus ou moins imparfaits pour satisfaire, par des doctrines, par des symboles, par un culte, à l’impérissable instinct qui nous entraîne vers l’explication du grand peut-être. A ia tolérance-vulgaire, qui n’était que de l’indifférence, il oppose une tolérance philosophique qui honore dans tout système une portion de la vérité. La seule chose qu’il refuse aux formes religieuses, c’est l’immortalité ; mais le sentiment qui les inspire est, suivant lui, impérissable : • Toute forme positive, dit-il, quelque satisfaisante qu’elle soit pour le présent, contient un germe d’opposition aux progrès de l’avenir. Elle contracte, par l’effet même de sa durée, un caractère dogmatique et stationnaire qui refuse de suivre l’intelligence dans ses découvertes et l’âme dans ses émotions, que chaque jour rend plus épurées et plus délicates... Le sentiment religieux se sépare alors de cette forme pour ainsi dire pétrifiée. Il en réclame une autre qui ne le blesse pas, et il s’agite jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée. «

En distinguant ainsi le sentiment religieux de la forme religieuse, en plaçant la question sur un terrain aussi élevé, Benjamin Constant a fait une œuvre qui ne manque pas d’ampleur çt qui accuse des vues assez larges. Dans son livre, l’auteur établit que la plupart des notions qui constituent te culte des sauvages se retrouvent enregistrées et consolidées dans les religions sacerdotales de l’Égypte, de l’Inde ou de la Gaule. Il approfondit le polythéisme grec et prouve que toutes les opinions empruntées’des religions sacerdotales et présentées aux Grecs par des voyageurs, des philosophes et des prêtres, ont été repoussées par le génie de cette nation, dont les mystères ne furent que le départ de ces doctrines, de ces traditions et de ces cérémonies étrangères, précisément parce qu’il y avait répugnance entre elles et la religion publique.

En historien fidèle, l’auteur ne dénature aucun fait ; il ne sacrifie jamais la vérité à des considérations secondaires ; il combat le matérialisme et surtout la théorie de l’intérêt bien entendu d’Helvétius. Il désapftrouve aussi bien les guerres de religion que a. l’erreur, et prétend que ceux qui cherchent en religion des démonstrations mathématiques n’aboutissent qu’à des négations désespérantes. Il s’acharne surtout après la doctrine d’Helvétius comme étant, suivant lui, très-dangereuse. • Si l’intérêt a maintenu l’ordre, dit-il, il a étouffé les sentiments ; s’il u garanti la propriété, il a fait tomber des tètes. U empêchait le pillage et facilitait le meurtre légal. En développant les facultés intellectuelles, il les dégradait au profit do l’égoïsme. Le pouvoir violent a engendré la servilité, et les vertus ne venant plus du fond de l’âme, maiB du calcul, la morale a été remplacée par ce que j’appellerais ï’aritkmétique morale.’ Pour remédier à ces symptômes funestes, l’auteur ne voit qu’un moyen : la liberté de conscience, la liberté religieuse et la liberté individuelle, en un mot les libertés nécessaires. De cette façon, la religion perfectionnera, épurera sa forme, et les sectes rivales l’aideront même dans ce travail d’élimination. Si cette théorie du perfectionnement des religions parait séduisante, nous la croyons peu sérieuse, les religions ne pouvant s’épurer jusqu’à, se dépouiller de tout dogme et les dogmes devant être presque

nécessairement en contradiction avec la

science. Les religions ne sont donc pas condamnées à se transformer, mais plutôt à disparaître.

L’ouvrage de Benjamin Constant renferme des vues originales, larges même, appuyées sur des recherches immenses, une t’ouie d’aperçus ingénieux, beaucoup d’érudition et do sagacité, mais bien peu d’éloquence. La vigueur et la correction laissent à désirer, mais on admire la finesse, l’esprit et Une clarté presque voltairienne.

Religion (Là) cousldérée dans se* rapport» avec l’ordre politique et civil, par l’abbé de Lamennais (1825-1826). Cet ouvrage a été évidemment composé à l’époque où le futur démocrate était dans toute la ferveur de l’orthodoxie catholique, apostolique et romaine, tant au point de vue politique qu’en matière religieuse, et n’avait pas encore perdu ses illusions sur la possibilité d’obtenir le chapeau de cardinal. Dans une série de chapitres, Lamennais jette l’anathème au progrès, au droit public moderne, à toutes les conquêtes réalisées par notre grande Révolution, le tout au nom même de ce qui lui semble être le christianisme. « Lorsqu’aux premiers siècles de la foi, dit-il, les confesseurs, livrés dans le cirque à la dent des bêtes féroces, combattaient pour Jésus-Christ en présence des Césars et des sénateurs, des pontifes et du peuple, qui ne se riait de ces insensés et de leur Dieu ? Nous annonçons aujourd’hui le même Dieu aux nations qui l’oublient, à leurs chefs qui le proscrivent, et quelque chose pourrait nous empêcher d’élever la voix 1 et l’on demanderait : que veut donc ce prêtre ? — Ce qu’il veut ? Ce que voulait Jésus de Nazareth, ce que voulaient les martyrs à L’idéal politique de Lamennais est

celui’que rêvaient Grégoire VII et Joseph de Maistre ; c’est la monarchie chrétienne, la royauté de droit divin avec une religion d’Etat comme sous Louis XIV, avec un clergé participant au gouvernement, royauté dont le

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titulaire serait responsable vis-à-vis du pape représentant de Dieu, de qui relèvent tous les empires. Dans le système de Lamennais, comme dans le système de J. de Maistre, le pape est la clef de voûle dans l’ordre politique et religieux, le centre de l’unité et de la vérité ; il est infaillible et, comme représentant immédiat de Dieu, il résume sur terre la souveraineté temporelle et la puissance spirituelle. C’est dire que Lamennais anuthématise indistinctement, comme contraires à l’idée chrétienne et s’éloignant de son idéal, le principe delà souveraineté nationale, la démocratie, la république, le régime parlementaire, la liberté des cultes, soit sous la forme de ia séparation de l’Église et de l’État, soit sous celle de la protection légale de l’État, les doctrines gallicanes, le mariage civil, etc. Au reste, voici en substance l’ordre dans lequel Lamennais développe ses théories. Il n’existe et ne peut exister, dit l’auteur, union véritable qu’entre les esprits ; donc la société et toutes les lois essentielles de la société sont de l’ordre spirituel ou religieux et la perfection de la société dépend de la perfection de l’ordre spirituel ou religieux. Il suit de là qu’avant Jésus-Christ la société politique, imparfaite et à peine naissante, ne pouvait se développer ou se perfectionner, parce que la société religieuse ou la religion vraie et universelle n’était ni développée ni même constituée publiquement. Nul juge, nul conciliateur entre le pouvoir et les sujets : se touchant par tous les points avec des intérêts divers, il y avait entre eux une guerre continuelle. La société flottait sans cesse entre la tyrannie d’un seul et la tyrannie de tous. Le christianisme créa la société religieuse et La constitua extérieurement, de telle sorte que toutes les familles n’en formaient plus qu’une seule, gouvernée dans l’ordre du salut par l’autorité d’un ministère spirituel gouverné lui-même par un chef unique. Dès lors, l’interprétation et la défense de la loi religieuse, qui est aussi la loi politique fondamentale, appartiennent au ministère spirituel et à son chef, à qui Dieu même en a confié le dépôt. Le pouvoir fut protégé contre les sujets et les sujets contre le pouvoir par le souverain de la société religieuse, défenseur suprême de la justice. Les sujets purent désormais obéir avec sécurité, les rois régner sans crainte ; il y avait désormais un juge entre eux, et le droit avait détrôné la force. Mais peu à peu les rois refusèrent de reconnaître ce juge ; ils voulurent que la loi divine demeurât toujours la règle des actions privées en cessant d’être la règle des actions publiques. Attaqué en ce point, le pouvoir spirituel le fut sur d’autres ; la Réforme du xvie siècle vint déchirer l’Église ; les maximes politiques proclamées eu 1789 suivirent, et dès lors tout fut compromis dans l’ordre politique, tous les anciens principes méconnus. Aujourd’hui (l’auteur écrivait sous la Restauration), le mal s’est encore aggravé : l’anarchie existe dans l’État, dans les esprits remués en tous sens par des opinions turbulentes, dans le principe des lois, qui ne se rattachent à aucune croyance, dans l’administration dirigée presque uniquement par des volontés arbitraires, dans les mœurs générales qui n’ont de règle que l’intérêt, • Le monde intellectuel et moral est livré à une race de sophistes, ajoute l’auteur, plus dépravés que ceux de la Grèce, prêts à se vendre à ceux qui les payent, faisant aujourd’hui de la religion, demain de l’athéisme, se jouant des autres et d’eux-mêmes avec une impudence qu’ils avouent et dont ils sont fiers, ennemis du vrai et du bien, tour à tour bas, hautains, flatteurs, dédaigneux, affectant la science et ne sachant rien, prodigues de sarcasmes et de mensonges, hardis contre le bon sens, etc., etc.» Le peuple se corrompt ; nul lien véritable entre les États, et dans chaque État la révolution présente ou prochaine. Partout éclate la désaffection du peuple pour ses chefs. Une génération s’élève, imbue des doctrines d’anarchie et pleine d’ambitions malsaines. Tel est le spectacle qu’offre l’Europe. Et qu’oppose-t-on à ce mouvement terrible ? Des soldats 1 Comment conjurer d’incalculables dangers ? Par l’alliance des gouvernements avec l’Église, sans quoi il ne restera pas en Europe un seul trône debout. Ce sera le triomphe de la démocratie ; or, la démocratie, c’est l’antichristianisme ; oui 1 l’antichristianisme I » Si, comme l’affirme Lamennais dans le livre que nous analysons, et comme l’histoire des temps modernes le démontre d’ailleurs, le christianisme est l’ennemi de la démocratie, c’est-à-dire s’il est avant tout monarchique, tant pis pour le christianisme ! il périra avec les monarchies, car l’avenir est à la science et à la démocratie, ces deux grandes forces de l’humanité émancipée.

Notre dessein n’est pas de réfuter les théories que nous venons de résumer. Nous renvoyons le lecteur aux ouvrages dans lesquels Lamennais s’est lui-même réfuté et s’est proclamé démocrate, alors qu’il était revenu de ses illusions et de ses ambitions relatives à la pourpre romaine.

Religion (la), par Feuerbaeh (Leipzig, 1845, in-8<>). C’est un des plus importants et des plus remarquables ouvrages de l’auteur, adversaire implacable du christianisme et de toute espèce de religion.

Après, avoir jeté un coup d’œil sur les re RELI

ligions païennes qui avaient pour caractère le développement des intérêts civils seuls et qui niaient même le sens religieux, Feuerbaeh parle du christianisme, dont la base est le dualisme, la lutte de l’esprit et de la chair, et qui, à l’aide de cette abstraction, a essayé de renverser la société civile. L’opposition intime qui caractérisa le monde chrétien dans les époques catholiques fut surtout l’opposition de la nature et de la grâce, des choses sensibles et des choses suprasensibles, de l’humanité et de la sainteté, ou, pour s’exprimer comme l’Église, l’opposition de l’esprit et de la chair. ■ Renoncer à la vie civile et politique, rejeter comme une vanité pure toutes les occupations, toutes les choses dites mondaines, afin de pouvoir sans distraction, avec un cœur brisé et des yeux pleins de larmes, languir dans l’attente du ciel ; tuer tous les penchants, toutes les inclinations naturelles ; se châtrer, se martyriser, voilà en quoi consistait la religion, la vertu et surtout la plus haute vertu, la vertu du saint... >

Feuerbaeh pose le dilemme : • Être homme ou chrétien. » Le mot chrétien peut se remplacer par toute autre dénomination de secte ou de croyance religieuse. Complet dans sa pensée et catégorique dans sa parole, l’écrivain allemand ne marchande pas des affirmations qui paraîtront brutales et sacrilèges aux esprits timorés. Il déclare que le monde n’a rien de mieux à faire que de renoncer au christianisme et à toute idée religieuse, et il s’appuie sur des arguments philosophiques et scientifiques, négligeant totalement le sentiment individuel ou les croyances actuelles. On ne peut, dit-il, trouver Dieu que dans l’imagination, dans la foi. Or, • croire, c’est se figurer que ce qui n’est pas est. » Dieu n’est pas, mais l’idée de Dieu s explique par l’homme. « Dieu suppose l’homme ; son idée ne dépend pas de la nature, mais de l’homme religieux ;» c’est-à-dire que ni •l’observation des faits ni l’analyse métaphysique ne révèlent, n’imposent la notion d une Providence, d’un Être absolu et personnel, mais que cette notion, image du type humain, dérive, chez certains hommes, de l’instinct particulier qui fait un besoin de la croyance au merveilleux, au surnaturel. « Dieu n’existe que dans et pour la religion, et il ne peut être l’objet que de la religion et de la foi ; non-seulement il n’existe pas dans la réalité, mais il est contradictoire avec elle. ■ Dieu étant supprimé, la vie future n’est plus admissible ; l’idée de l’immortalité n’est qu’une illusion, une croyance superstitieuse ; ia réalité démontre la mortalité de l’homme, car l’âme, l’esprit sont simplement une manière d’être du corps, l’exercice de la vie elle-même, l’organisme mettant en jeu ses forces physiologiques. Au surplus, la mort n’existe pas ; ce n’est rien de positif, d’absolu ; elle n’existe que pour les vivants ; c’est un produit de l’imagination, un être fantastique qui n’est plus dès qu’il est. Cependant l’immortalité existe, mais spirituellement ; la personne morte revit dans le cœur, dans le souvenir de ceux qui l’aimèrent : l’être réel devient ainsi un être imaginaire, un mythe. L’âme immortelle n’est originairement que l’image des morts ; l’immortalité dérive d un désir do l’imagination, de l’égoïsme humain ; le christianisme flatte ce faible, sans pouvoir tenir ses promesses. D’ailleurs, la vie future s’accomplit ici-bas : tout se transforme, revit et se renouvelle. La nature de l’homme l’attache à la terre ; elle le destine seulement à être homme, et l’homme remplit cette destinée « en atteignant l’existence.» Du moment qu’il est, tout est dit ; son horizon se borne au cercle de la vie de l’individu ; croire à une destinée extraterrestre est une pure illusion. Il faut renoncer à cette chimère de l’immortalité, désir illimité, désir irréalisable. Le but, le dernier mot de la vie, c’est le repos suprême. Molliter ossa cubent.

On reproche généralement à Feuerbaeh de n’accueillir que des théories négatives. ■ Si je prouve à un homme, répond-il, qu’il n’est pas en réalité ce qu’il croit être en imagination, je suis certainement négatif envers lui, je lui fais mal, je lui ôte son illusion ; mais je ne suis négatif qu’envers son être imaginaire, non envers son être réel. Je reconnais avec joie toutes les qualités que d’ailleurs il peut avoir, je ne fais que lui enlever son imagination, afin qu’il acquière la vruie connaissance de lui-même et qu’il dirige ses pensées et sa volonté vers des objets qui repondent à sa véritable nature et qui n’en- dépassent pas les forces. »

M. J. Roy a traduit en français la Religion de Feuerbaeh (1SQ4).

Religion et l* liberté (la), par l’abbé Bautain. C’est le recueil des conférences faites par l’auteur à Notre-Dame au commencement de 1848, à la veille de la révolution de Février qui les a interrompues. Ces conférences sont au nombre de sept ; les six premières ont été prononcées ; la septième ne l’a pas été à cause des événements de Février. En ces discours, l’abbé Bautain tente de montrer que, non-seulement la religion catholique nest pas hostile à la liberté des peuples, mais qu’au contraire l’institution de l’Église a été 1 institution^nême de la liberté moderne ; que son dogme en est le véritable principe ; que sa morale en est la plus sûre garantie ; qu’elle en a toujours favorisé le

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développement par sa constitution et sa discipline ; enfin qu’elle a enseigné avec une parfaite sagesse les voies et moyens légitimes de la défense de la liberté et tracé les vraies règles de conduite dans les conflits de la conscience individuelle avec le pouvoir.

Première conférence. Bautain y examine cette opinion, qu’il appelle un préjugé, que l’Église catholique est hostile a la liberté. Ce préjugé, selon lui, vient de trois causes principales : 1» du caractère de l’Église méconnu ; 2o de l’imprudence de quelques-uns de ses ministres ou de ses amis ; 3° des clameurs intéressées de ses ennemis. On méconnaît le caractère de l’Église quand on l’accuse d’être opposée à toute nouveauté, par conséquent a tout progrès, et d’affecter ia monarchie universelle, de vouloir gouverner le monde par la théocratie. Il est très-vrai que l’Église parle avec une autorité pleine et sans restriction dans le domaine de la foi, du-surnaturel ; mais, dans les choses purement naturelles, il en est autrement ; là, elle n’a point de dogme à définir, elle n impose rien à la foi. Or, quoi de plus naturel que les gouvernements de la terre et leurs institutions ! Quoi de plus naturel que l’avénement ou la destruction des dynasties, la changement ou l’extinction des droits acquis, le renouvellement des établissements humains, le bouleversement de tous ces édifices faits de main d’homme ? Dieu a abandonné le monde et l’ordre naturel du monde aux disputes des hommes. La politique est de l’ordre naturel du monde. Il est très-vrai que l’Église aspire à la monarchie universelle ; mais cette monarchie est celle des âmes et des esprits ; c’est le règne de Dieu sur les cœurs, c’est la réunion de tous les hommes dans une même foi, dans une même espérance, dans un même amour.

Deuxième conférence. Elle traite do la liberté politique considérée d’une manière abstraite. L’orateur se propose de déterminer l’idée vraie de la liberté politique. La liberté politique, dit-il, n’est qu’une application, une transformation de la liberté morale, principe de toutes les libertés humaines. La liberté morale a ses conditions. L’homme la possède en puissance dès qu’il entre dans la vie ; car elle est un élément essentiel de sa nature, et sans elle il ne serait point un homme. Mais elle ne passe point tout d’un coup en acte ; il faut que les conditions de son exercice lui soient fournies, et l’une da ces conditions, la première, est la capacité de la raison. La liberté politique n’est pas autre chose que la liberté morale des peuples, la liberté de l’homme-peupie. Si la liberté politique est la liberté morale d’un peuple, la nature de la liberté morale et ses conditions essentielles doivent s’y retrouver. Donc, pour exercer la liberté politique, il faut une certaine capacité de raison, il faut l’intelligence de la chose publique et de tout ce qui s’y rapporte ; par conséquent, une certaine instruction, une certaine éducation, quelque expérience de la vie sociale, une connaissance au inoins pratique des intérêts généraux et des besoins du pays. Tous les peuples, en tant que peuples, sont appelés à ia liberté politique, qui est le privilège de l’âge adulte des nations, comme tous les enfants sont appelés à la liberté morale en grandissant, en devenant hommes, filais tous les peuples ne peuvent pas parvenir à la liberté politique, de même que tous les hommes qui naissent n’arrivent pas à l’âge adulte, à l’âge de la liberté morale. Combien d’hommes ne sont pas nés viables et meurent avant le temps ! Combien vont jusqu’à la porte de la jeunesse et n’y entrent pas ! Ainsi des peuples. Il y en a qui, par leur constitution, ne peuvent pas vivre ; la manière dont ils ont été formés exclut les conditions de l’existenca jusqu’à l’âge adulte. Il y en a qui, comme certains individus, sont faibles de corps, d’esprit et de volonté toute leur vie. Il y a des hommes toujours jeunes par le caractère ; il y a aussi des peuples toujours jeunes par leur tempérament ; ilyen a même qui sont toujours enfants.

Troisième conférence. L’objet de cette troisième conférence est de prouver d’abord que l’institution de l’Église catholique est 1 institution même de la vraie liberté dans le monde ; en second lieu, que l’esprit de l’Église est identique à l’esprit de la liberté. Bautain s’efforce d’établir le premier point en montrant que la puissance Spirituelle qui) jusqu’à l’Évangile, avait été absorbée par le pouvoir temporel, a été fondée et réalisée par l’Église d’une manière indépendante, L’Église a dit à la terre : • J’ai reçu une puissance qui ne vient point de ce monde ; elle s’étend sur toutes les âmes créées par Dieu et rachetées par Jésus-Christ. L’âme, qui est faite par Dieu à son image, ne relève que de Dieu, ne doit obéir qu’à Dieu ; et ainsi, partout où l’homme se trouve, quelle que soit sa position sur la terre, il a une indépendance inaliénable, l’indépendance de son âme de tout autre que de Dieu. De là, l’affranchissement de l’âme humaine dans la famille et dans l’État. Dans le mariage, la femme chrétienne peut tout donner, excepté son âme. L’âme de l’enfant n’appartient pas aux parents ; elle est, entra leurs mains, un dépôt et non une propriété. L’homme peut être asservi dans bon corps, jamais dans son âme ; et enfin, le citoyen ne doit l’obéissance à Céaar qu’à la