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terprétation raisonnable qu’elle puisse recevoir da nous est celle que nous dictent les idées de notre temps, l’état de notre civilisation. Nous refaire moines quand il n’y a plus de cloîtres, croyants quand la raison do> mine, aveugles quand la science nous a ouvert les yeux, c’est là une entreprise absurde, une tendance fatale. Le passé nous manque et nous manquera toujours ; l’avenir, au contraire, nous tend les bras. Un doute puéril, des craintes chimériques ne doivent pas nous empêcher de voguer vers le progrès inconnu.

— II. Sculpture. La sculpture religieuse a parcouru à peu près les mêmes phases de progrès et de décadence que la peinture religieuse. Elle a servi aux civilisations antiques de l’Orient à donner une forma sensible à leurs conceptions théogoniques et cosmiques et s’est placée, par suite, eu dehors de la réalité humaine ei vivante, Lamennais a constaté ce caractère supernaturel : • Dans l’Asie orientale, où, par une conséquence nécessaire de la doctrine panthéistique des émanations divines et de leurs avatars, les phénomènes du monde extérieur, ombres flottantes, mais trompeuses et insaisissables, se résolvaient dans certaines puissances, certaines énergies idéales, qui se résolvaient elles-mêmes dans l’unité de la substance absolue ; en ces régions et sous l’empire de ces antiques croyances, l’art se réduisait forcément à des symboles connus. Un seul être et, dans cet être universel, éternel, des fantômes sans réalité, des visions fugitives ; où trouver la des types à reproduire, des modèles que l’artiste pût revêtir d’un corps ? Que pouvait créer l’homme quand Dieu lui-même n’avait rien créé, était impuissant à rien créer ? quand la création apparente, prestige léger, s’évanouissait comme un vain songe ? L art, c’est la reproduction extérieure de la forme. Or, de quelle forme typique, essentielle, immuable, auraient pu être doués les êtres finis, pures illusions, spectres fantastiques de ce qui n’est ni ne peut être ? D’une autre part, 1 Être infini, rigoureusement un, n’a point de forme qui puisse être reproduite extérieurement. Dès lors, pour exprimer ce que la pensée concevait en lui, ses secrètes puissances et leurs manifestations internes, il fallait que l’art se fit une langue emblématique, arbitraire. Do là ces statues monstrueuses, à plusieurs têtes, à plusieurs corps, dont tes membres s’entrelacent et se tordent comme les racines d’unp énorme tronc et où se combinent les formes des animaux et celles de l’homme, images symboliques de l’unité et de l’identité radicale du créateur et de la créa■ tion, » Parmi ces images monstrueuses offertes à l’admiration des hommes, il nous suffira de citer les divinités ailées de l’Assyrie, les dieux & plusieurs têtes et à plusieurs bras et les déesses à tête de truie et ’d’éléphant de l’Inde, les sphinx et l’innombrable variété de figures humaines à têtes d’animaux de l’Egypte, les chimères, les centaures, les néréides, les satyres de la Grèce. Ces bizarres simulacres étaient plutôt des symboles, des hiéroglyphes, que des œuvres d art. Destinés à rappeler le dogme mystique, ils appartiennent, par leur origine et leur caractère, à l’époque sacerdotale, à cette époque où, la science, le pouvoir, le gouvernement, la direction des choses religieuses et civiles étant concentrés dans les collèges des prêtres, la société entière émanait du temple.

Il était réservé aux Grecs de dégager l’art de ces entraves sacrées ; ils ne retinrent de l’antique symbolisme que ce qui était nécessaire aux convenances du culte ; et, s’ils continuèrent à reproduire certaines figures monstrueuses, ils surent en varier les formes avec un goût particulier et leur imprimèrent une sorte d élégance et d’harmonie. Au reste, ce peuple actif, passionné, enthousiastéde l’indépendance, dominé par les vives impressions des sens, ne pouvait s’enfermer dans le mysticisme et se complaire dans de vagues idéalités ; il se tourna vers la vie, vers la réalité et, sous la forme humaine, ravissante de grandeur, de grâce, d’harmonie, il sut voir la perfection ; sous la créature, il sut voir le créateur. ■ Au lieu, dit encore Lamennais, au lieu de remonter, à travers le monde phénoménal, jusqu’à la conception abstraite des forces fatales qui le régissent et, au delà encore, à la cause une et absolue dont elles émanent, et de se fixer immuablement dans cette contemplation, les Grecs, épris de ce qui frappe le regard, suivirent l’évolution des phénomènes, la génération des formes extérieures jusqu’au dernier terme de cette magnifique série, et ce dernier terme, l’homme en un mot, leur offrant le modèle le plus accompli de la beauté sensible et la plus haute puissance de la vie, ils incarnèrent en lui l’impérissable idée du souverain Être, unissant ainsi dans ce symbole vivant le fini et l’infini, Dieu, de qui sort la création, et la création que, dans la sphère accessible à notre expérience, l’homme résume et couronne. ■ Admirable par l’étude de la forme humaine, par la variété des attitudes, la hardiesse des poses, l’énergie, la vie, la sculpture grecque s’est rarement élevée à la majesté sereine des types conçus, à de certaines époques, sous l’influence directe du sentiment religieux. Phidias doit être considéré néanmoins comme ayant atteint à la sublimité, si l’on en juge d’après les descriptions et les éloges que les auteurs

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anciens ont faits de quelques-uns de ses ouvrages. Suivant Quintilien, son Jupiter Olympien égalait en majesté le dieu lui-même (majestas operis deum adxquavit). La pose de la figure, ses proportions colossales, la richesse de l’ivoire et de l’or dont elle était composée, le mérite de l’exécution, tout paraissait aux Grecs prodigieux et presque

divin dans ce chef-d’œuvre. Phidias avait senti combien, dans les monuments qui doivent parler aux yeux pour impressionner l’âme, il importe d étonner, de frapper, d’effrayer eu quelque sorte l’imagination. On raconte qu’il avait conçu son Jupiter d’après ces vers d’Homère : • Il abaissa ses sourcils en signe d’approbation ; sa chevelure s’agita sur sa tête immortelle ; le vaste Olympe en trembla t » L’image répondit à une si audacieuse pensée. D une taille de quarante-cinq pieds au moins, assis sur un trône élevé, le front orné d’une couronne d’olivier, tenant son sceptre d’une main, portant une "Victoire sur l’autre, l’Immortel semblait dicter ses décrets à la terre. Autant le colosse produisait de surprise par la vérité de l’attitude, autant il imprimait de respect par la vérité, de l’expression. Immense au premier aspect, suivant Cicéron, pius on le considérait, plus il semblait grandir. La statuaire grecque n’a pas produit beaucoup d’ouvrages de cette sublimité ; mais il est juste de reconnaître qu’aux belles époques elle a su, malgré son culte un peu exclusif de la forme, éviter l’écueil d’un sensualisme grossier et revêtir la splendide nudité de ses dieux d’un voile de pudeur. Ce fut seulement lorsque la société païenne eut commencé à s’abîmer dans lu corruption la plus dégradante, que la statuaire ne vit plus et ne rendit plus que les côtés sensuels de la beauté humaine.

Le christianisme a enfanté en sculpture, comme en peinture, un art d’un caractère à la fois profond et naïf, d’un sentiment vraiment religieux et en même temps véritablement humain. Nous ne dirons rien des premiers essais de la sculpture chrétienne. Les sarcophages retirés des catacombes sont surtout intéressants au point de vue de l’iconographie de la nouvelle religion ; quelques-uns offrent des figures d’une exécution remarquable ; mais, sauf certains caractères emblématiques, rien n’y révèle un idéal particulier. Il est même à remarquer que les

sculptures se détachent beaucoup moins vite ’ que la peinture des types, des formes et des compositions de l’art ancien.. Eu revanche, quand l’Église eut inspiré des règles, des prescriptions inflexibles pour la représentation des sujets religieux, les sculpteurs s’y conformèrent plus étroitement que les peintres. Les Byzantins, successeurs bien dégénérés des Grecs, reproduisirent, avec une servilité et une monotonie désespérantes, les sujets tracés par les évêques et les docteurs, et l’influence de cette école s’étendit sur toute l’Europe, Au xae siècle, la statuaire commence à se dépouiller des bandelettes dans lesquelles le hiératisme byzantin l’a enveloppée ; elle interroge la nature et elle s’efforce en même temps d’exprimer un idéal ; au xuie siècle, elle est revenue tout à fait à la vie et elle peuple le portail des cathédrales d’un monde de figures chastes, pensives et graves, qui n’ont pas sans doute la correction et la pureté de formes recommandées par les académies, mais qui, indépendamment de leur expression naïve et charmante, ont une certaine élégance et une certaine beauté plastique d’un caractère absolument original. C’est en France que cette rénovation de la sculpture religieuse s’est fait d’abord sentir ; c’est là, du moins dans les monuments de l’art ogival, qu’elle a pris son plus grand développement. On a longtemps affiché un dédain profond pour cette statuaire gothique ; on a dit et répété qu’elle n’avait su faire que des figures allongées et roides, sortes de galues drapées eti tuyaux d’orgue, corps grêles sans vie et sans mouvement, terminées par des tètes à l’expression ascétique et maladive ; les critiques les plus favorables ont cru les flatter en disant qu’en donnant à ces personnages des formes plus sveltes, plus aériennes, elle aspirait à les débarrasser de la chair, à les spiritualiser. La vérité est que les sculpteurs du xme siècle, ayant d’autres idées et d’autres sentiments que les Grecs, ont cherché, pour les rendre, des moyens différents de ceux adoptés par les artistes du temps de Périclès ; la vérité est que leur esthétique particulière leur a suggéré des types et des formes qui n’appartiennent qu’a eux ; la vérité est qu’ils ont créé des figures très-variées d’expression et d’attitude, les unes d’une pureté et d’une grâce exquises, comme celles de la Vierge et des anges ; les autres d’une tranquillité majestueuse, comme celles du Christ et des

apôtres ; d’autres farouches ou grotesques, comme celles des démons et des damnés ; la vérité, enfin, est qu’ils ont tracé parfois des compositions très-mouvementées et très-dramatiques et qu’ils ont su manifester dans leurs œuvres, à côté d’ua sentiment religieux très-sincère, les pensées et les aspirations de la société civile au milieu de laquelle ils vivaient. M. Viollet-le-Duc a fait à ce sujet des réflexions pleines de justesse : • Ou parle beaucoup, lorsqu’il est question des statuaires du xiiie siècle, de ce qu’on appelle le sentiment religieux, et l’on est assez disposé à croire que ces artistes étaient des

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personnages vivant dans les cloîtres et tout attachés aux plus étroites pratiques religieuses. Mais sans prétendre que ces artistes fussent des croyants tièdes, il serait assez étrange cependant que ce sentiment religieux se fût manifesté d’une manière tout à fait remarquable dans l’art de la statuaire, précisément au moment où les arts ne furent plus guère pratiqués que par des laïques. 11 ne serait pas moins étrange que l’art de la statuaire pendant tout le temps qu’il resta confiné dans les cloîtres n’eût produit que des œuvres possédant certaines qualités, entre lesquelles ce qu’on peut appeler le sentiment religieux n’apparaît guère que sous une forme purement traditionnelle... Voici le vrai. Tant que les arts ne furent pratiqués que par des moines, la tradition dominait, et la tradition n’était qu’une inspiration plus ou, moins rapprochée de l’art byzantin. Sî les moines apportaient quelques progrès à cet état de choses, ce. n était que par une imitation plus exacte de la nature. La pensée était pour ainsi dire dogmatisée sous certaines tonnes-, c’était un art hiératique tendant à s’émanciper par le côté purement matériel. Mais, lorsque l’art franchit les limites du cloître pour entrer dans l’atelier du laïque, celui-ci s’en saisit comme d’un moyeu d’exprimer ses aspirations longtemps contenues, ses désirs et ses espérances. L’art, dans la société des villes, devint, au milieu d’un état politique très-imparfait, qu’on nous passe l’expression, une sorte de liberté de la presse, une existence pour les intelligences toujours prêtes à réagir contre les abus de l’état féodal. La société vit dans l’art un registre ouvert où elle pouvait jeter hardiment ses pensées sous le manteau de la religion. Que cela fût réfléchi, nous ne le prétendons pas ; mais c’était un instinct, l’instinct qui pousse une foule manquant d’air vers une porte ouverte. Les évêques, au sein des villes du Nord, qui avaient manifesté dès longtemps le besoin de s’affranchir des pouvoirs féodaux, dans ce qu’ils crurent être l’intérêt de leur domination, poussèrent activement à ce développement des arts, sans s’apercevoir que les urts, une fois entre les mains des laïques, allaient devenir un moyen d’affranchissement, de critique intellectuelle dont

ils ne seraient bientôt plus les maîtres. Si l’on examine avec une attention profonde cette sculpture laïque du xnic siècle, si ou l’étudié dans ses moindres détails, on y découvre bien autre chose que ce qu’on appelle le sentiment religieux ; ce qu’on y voit, c’est avant tout un sentiment démocratique prononcé dans la manière de traiter les programmes donnés, une haine de l’oppression qui se fait jour partout, et ce qui est pjus wh ble et ce qui en fait un art digne de ce nom, le dégagement de l’intelligence des langes théocratiques et féodaux, 11 ne faudrait pas croire que ces statuaires du XIIIe siècle n’ont pas pu, quand ils l’ont voulu, exprimer cette sérénité brillante et glorieuse qui est le propre de la foi. Dans les cathédrales de Paris et de Reims, bon nombre de figures sont empreintes de ces sentiments de noble béatitude que l’imagination prête aux êtres supérieurs à l’humanité. »

En Italie, la sculpture religieuse ne s’affranchit de l’hiératisme byzantin que pour tomber presque aussitôt dans l’imitation de l’antique. Nicolas de Pise, que l’on regarde comme le premier rénovateur de cette branche de l’art, a été particulièrement loué de ce qu’il prit pour modèles des sarcophages païens ; on ne peut nier cependant, en voyant ses chaires de Pise et de Sienne, son Jugement dernier de la cathédrale d’Orvieto et son tombeau de saint Dominique à Bologne, qu’il n’ait eu un grand fonds de sincérité et de foi. Giovanni Pisano, son fils, Arnolfo, son disciple, et Andréa Pisano, élève de Giovanni, surent aussi imprimer à leurs œuvres un caractère véritablement religieux. Andréa, surtout, fut profondément imbu de l’esprit chrétien ; il fit pour la sculpture ce que Giotto, son illustre contemporain, fit pour la peinture. En même temps qu’il lui donna une expression plus vraie, plus pathétique et plus humaine, il la transfigura par le doux rayonnement d’une simplicité candide et d’une grâce ingénue. La porte de bronze qu’il modela pour le baptistère de Florence mériterait beaucoup mieux, à notre avis, que celle qui fut exécutée plus tard par Lorenzo Ghiberti, d’être ■ la porte du paradis. » Gbiberti, amoureux du pittoresque, fit sortir la sculpture religieuse de la simplicité et de la sobriété qui lui conviennent. Donatello, son contemporain et son émule, entra dans la voie du naturalisme et y fut suivi par Antonio del Poliaiuolo, Andréa Verrocchio, Baccio Bandinelli, Michel-Ange et la foule de ses imitateurs. La sculpture chrétienne, comme la peinture chrétienne, cessa d’exister vers la fin du xve siècle. Depuis, l’imitation des chefs-d’œuvre de l’art antique n’a cessé de prévaloir, et là où elle s’est compliquée d’un sentiment moderne, en Italie au xviia siècle et en France au xvme siècle, ce sentiment a été le contraire du sentiment chrétien. Les saints au geste théâtral, à l’air évaporé, aux draperies ronflantes, les Vierges minaudières, le3 anges affadis, les Christs bellâtres que nous ont donnés les Bernin, les Algarde, les Coustou, les Bouchardon, n’ont aucun caractère religieux. Au xvnie siècle, époque de mœurs et de religion faciles, il n’est sorte de

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raillerie dont on n’ait cherché à accabler la statuaire si sincère et si touchante du moyen âge ; on fit plus, on la mutila, on la fit disparaître tant qu’on put. Dans un temps comme celui de Louis XV, il n’est pas surprenant que les productions sévères et chastes du moyen âge aient paru barbares. Il n’y a rien de plus insupportable pour des gens qui ont perdu le respect de l’art que la protestation silencieuse, mais cruelle, persistante, d’œuvres se recommandant par les qualités qu’ils n’ont plus eux-mêmes. Il était donc naturel que les amateurs qui mettaient, par exemple, le tombeau du maréchal de Saxe au niveau des plus belles productions de l’untiquité, trouvassent importunes les sculptures hardies du moyen âge. Le clergé lui-même mit un acharnement particulier à détruire ces dénonciateurs permanents de l’état d’avilissement où tombait l’art. C’était, dit M. Viollet-le-Due, la pudeur instinctive de l’homme qui, livré à la débauche, raille et cherche à disperser la société des honnêtes gens. Les statues pensives et graves de nos portails n’étaient bonnes qu’à envoyer de mauvais rêves aux petits abbés de salon ou à ces chanoines qui, afin d’augmenter leurs revenus, vendaient les enceintes de leurs cathédrales pour bâtir des échoppes^

Une réaction s’est opérée de nôtre temps en faveur de la-statuaire du moyen âge ; on en a reconnu toute la délicatesse, toute la pureté, tout le charme. Quelques tentatives ont même été faites pour la ressusciter, et nous pouvons citer parmi les plus heureuses celles de Bion, de Duseigneur, de Bonnassieux, de Raymond Gayrard, de Cabuchet ; mais, en général, les sculpteurs de nos jours traitent les sujets sacrés avec la même indifférence et, pour tout dire, avec la même ignorance qu’ils traitent les sujets mythologiques ; ils prennent un modèle, mâle ou femelle, le reproduisent aussi correctement qu’ils peuvent et l’accompagnent de tel ou tel attribut qui constitue à lui seul le sujet.

— III. Architecture. Les caractères particuliers des différentes religions, si marqués dans les sculptures et les peintures que ces religions ont inspirées, sont empreints plus fortement encore dans les édifices qui leur ont été consacrés. Dans l’Inde, où les religions renferment toutes une idée panthéistique, unie à un profond sentiment des énergies de la nature, le temple est k la fois quelque chose d’immense, de vague, d’inachevé ; taillé dans le roc ou creusé dans les profondeurs de la terre, il se développe, d’âge en âge, sans jamais arriver à un ensemble complet, circonscrit en des limites déterminées. Chez les Égyptiens, les édifices religieux se creusent aussi en partie sous terre et offrent à l’extérieur des formes écrasées, des proportions massives, des colonnes énormes, des décorations inintelligibles au vulgaire ; la pensée qui est exprimée dans cette architecture, c’est la pensée de la mort ; le temple égyptien est un sépulcre. Chez les Juifs, les caractères de l’architecture religieuse sont mêlés de familiarité, de pompe et de mystère ; le temple de Salomon était un triple édifice, à la fois lieu de réunion pour le peuple, d’habitation pour les lévites, d’adoration presque secrète pour le grand prêtre ; au centre était le temple proprement dit ; à l’entour, les parvis des prêtres ; à l’extérieur, le parvis d’Israël, accompagné de galeries pour les étrangers et les prosélytes ; le peuple ne pénétrait pas dans la seconde enceinte ; les lévites étaient exclus de certaines parties de la troisième, et le grand prêtre, seul, une fois pax an, pouvait franchir le seuil du saint des saints et contempler face à face l’arche d’alliance. Des plafonds de cèdre ornés de feuillages d’or, des portes d’argent, d’énormes vases d’airain décoraient l’intérieur de ce magnifique édifice, et des galeries soutenues par des colonnes monolithes se déroulaient sur leurs faces extérieures. Les Grecs, après avoir adopté les dieux de l’Égypte, s’attachèrent" à les humaniser. Nous avons vu qu’en sculpture et en peinture ils prirent l’homme même, l’homme parfait, pour type de la divinité ; de même, ils assignèrent à leurs temples des formes et des proportions analogues à celles de leurs propres habitations ; ils y déployèrent seulement une plus grande richesse d’ornementation, une élégance de lignes plus exquise, une finesse de détails plus pure. En général, les édifices religieux de la Grèce sont de dimensions peu considérables ; la noblesse de leur aspect tient principalement à la forte harmonie de leurs proportions ; ils donnent d’ailleurs beaucoup plus l’impression de la grâce, de la beauté, que celle de la majesté et de la toute-puissance, « L’art grec, dit Lamennais, n’exprime ni le vague infini de Dieu, ni l’immensité de la nature ; les puissants effets qui émanent de ces sources fécondes lui sont, étrangers. Il ravit par un charme plein de douceur et de mélodie, par je ne sais q uoi d’achevé, de pur et de suave, mais sans jamais transporter l’homme au-dessus de la terre et au-dessus de lui-même ; il reste constamment l’objet de sa contemplation. Rien ne l’entraîne dans les espaces illimités de la rêverie, dans les profondeurs du mystère ; rien n’éveille en lui les aspirations vers un ternie inconnu qui fuit toujours, ni les joies du monde invisible, ni ses tristesses inénarrables. » Les Romains n’eurent jamais de conception religieuse et