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PROU

la Société géologique et intitulé : De t’analyse des débris fossiles d’ichlhyosaure et d’autres animaux. Prout était membre de la Société royale de Londres et du collège royal des médecins de cette ville.

PROUVABLE adj. (prou-va-ble — rad. prouver). Qui peut être prouvé : Proposition

PROUVABLE.

Pronvoires (rub des). Cette rue de Paris, qui commence à la rue Saint-Honoré et finit en face du portail méridional de Saint-Eustache, s’appelait autrefois rue des Prouoires, c’est-à-dire des prêtres, parce que c’était là que, dès le xme siècle, demeuraient les prêtres attachés à Saint-Eustache. C’était, du temps de Louis XI, une des plus belles rues de la capitale, et ce fut là que ce prince fit loger, en 1476, le roi de Portugal Alphonse V, qui était venu lui demander des secours. Une partie de cette rue traverse aujourd’hui les Halles centrales. L’e marché des Prouvaires, qui devait son nom à la rue dont nous venons de parler et qu’on appelait aussi halle à la viande, fut construit en 1816. Il a été démoli et remplacé par un pavillon qui fait partie des Halles centrales.

Proovaires (CONSPIRATION DE LA RUB DES),

organisée par le parti légitimiste au commencement de l’année 1832, sous la direction d’un médecin et d’un agent de la duchesse de Berry. Cette affaire lit beaucoup de bruit en son temps efello eut, en effet, assez d’importance et de gravité. Un centre fut formé, des chefs et sous-chefs désignés dans chaque arrondissement ; enfin des affiliés, divisés par brigades de dix hommes chacune, furent successivement enrôlés, la plupart à prix d’argent. C’étaient "d’anoiens gardes royaux, des serviteurs licenciés de la monarchie déchue, domestiques, gardes forestiers, gendarmes des chasses, etc. On recruta aussi de pauvres ouvriers sans travail et quelques soldats. Enfin on assurait qu’un maréchal do France et plusieurs généraux, étaient dans le complot. La puissance du parti étant surtout dans son opulence, l’argent joua un grand rôle dans toute cette affaire et l’embauchage se pratiqua sur une vaste échelle. Les adhérents se multiplièrent, .non-seulement à Paris, mats dans les villes et communes environnantes, à Saint-Germain, à Meudon, à

Versailles, à Clamart, etc. La police eut bien connaissance de cette organisation, mais, grâce aux divisions et subdivisions multipliées des sections, elle ne put recueillir que des renseignements vagues et incomplets. D’ailleurs, il parait que quelques-uns de ses agents s’étaient laissé corrompre par les conspirateurs, ce qui donnait à ceux- ci les moyens de contre-miner les manœuvres dirigées contre eux.

Un des principaux conjurés, homme d’audace et d’action, était un bottier nommé Louis Poncelet ; détail piquant, c’était un combattant de Juillet, qui mettait maintenant son énergie au service de la cause qu’il avait contribué à ruiner.

Un bal à la cour était annoncé pour la nuit du îer au 2 février. L’occasion parut propice aux conspirateurs, qui comptaient des complices jusque dans la domesticité de Louis-Philippe et qui possédaient des clefs ouvrant les grilles du jardin des Tuileries. En outre, on devait leur faciliter l’entrée du Louvre. Leur plan était de s’emparer de la famille . royale, en pénétrant secrètement dans la galerie des tableaux et de là dans la salle de bal. La confusion causée par leur irruption

— rapidé eût été augmentée par des artifices mettant le feu dans la salle de spectacle, par des marron) éclatant de tous les côtés, etc. Les diverses brigades devaient se réunir dans des endroits convenus, pour être dirigées ensuite sur le château, afin de prêter mainforte, au moment décisif, à la brigade d’exécution.

Tout cela était un peu romanesque, et le succès d’une telle entreprise était plus que douteux.

Au reste, l’avortement vint des divisions mêmes qui éclatèrent parmi les conjurés. Il parait qu’une partie d’entre eux voulaient imposer la direction du maréchal de Bourmont à la place de celle qu’on reconnaissait. De là des tiraillements, le manque d’unité, des indiscrétions, des discordes intestines peu favorables à la réussite d’une tentative déjà très-aléatoire en elle-même.

Le jour lixé, cependant, Poncelet, qui devait diriger l’expédition des Tuileries, commanda chez un restaurateur de la rue des Prouvaires un repas de plusieurs couverts pour le soir, en lui remettant un billet de 1,000 francs. Là devaient *e réunir les principaux affidés. Mivis bientôt Poncelet vit arriver successivement beaucoup de chefs et sous-chefs dont le poste était ailleurs. Les uns n’avaient pas reçu l’argent promis ou les armes ; d’autres manquaient d’ordres précis ou avaient reçu contre-ordre, etc.

Poncelet vit bien qu’une partie des conjurés entravaient l’action ; mais il n’en perSsta pas moins à agir, ayant sous la main une centaine d’hommes déterminés. Vers minuit, un fiacre rempli de fusils s’arrête devant la porte du restaurateur et les conspirateurs s’arment à la bâte. Mais au moment où ils faisaient leurs derniers préparatifs, la maison fut envahie par des gardes municipaux et des sergents de ville.

La police avait fini par être avertie, etc’é PROV

tait avec l’autorisation même de M. Gisquet que les fusils avaient été apportés.

Les conjurés surpris essayèrent de se défendre, mais ne purent faire usage de leurs fusils, qui, bien entendu, n’étaient pas en état. Cependant Poncelet tua d’un coup de pistolet le sergent de ville Houel. Mais la lutte était impossible ; tous furent arrêtés. On saisit des cartouches, les clefs destinées à ouvrir les grilles du jardin des Tuileries, des balles, et sur Poncelet des sommes assez importantes.

Les accusés comparurent devant la cour d’assises en juillet et furent condamnés les uns à la déportation (Poncelet et cinq autres) et les autres à cinq, deux et un an de prison. Parmi ceux-ci se trouvait un homme qui u marqué dans lès complots légitimistes, Piégard Sainte-Croix, qui devint plus tard le beau-père. du célèbre écrivain socialiste Proudhon.

Des noms considérables avaient retenti dans le procès, ceux du duc de Bcllune, du général Montholon, du duc ’de Rivière, etc., sans qu’il soit aujourd’hui possible de vérifier si ces personnages avaient, de près ou de loin, été mêlés à cette aventure.

PROUVÉ, ÉE (prou-vê) part, passé du v. Prouver : Le fait est prouvé. L’excès des abus est prouve par l’excès des efforts qu’on fait pour les cacher, (Malesherbes.) La gloire se donne aux grandes facultés prouvées par de grands faits. (Guizot.) Soutenir que tout peut être prouvé, c’est ignorer ce que c’est que la preuve. (J. Simon.)

La morale en soufflets est, sans comparaison, La plus claire et la mieux prouvée*

Fa. DB NBUyCHATEAU.

PROUVER v. a. ou tr. (prou-vé — lut. probare ; de proba, preuve, qui a aussi donné probus, probe). Etablir la vérité, la réalité, l’authenticité de : L’horloge prouve l’horloger. (Volt.) On ne peut ni prouver, ni démontrer, ni expliquer Dieu. (Ch. Bailly.) Des faits prouvent plus que les raisonnements. (B. Const.) Le mouvement prouve le progrès, (A. Guyard.) En politique, comme en religion, les nouveaux convertis ont quelquefois une ferveur indiscrète et veulent un peu trop prouver leur changement. (De Bonald.) On ne prouve rien aux femmes ; elles ne croient qu’avec le cœur. (A. Ilarr.) Ceux qui parlent beaucoup savent prouver très-peu.

A. de Musset.

Il Être un témoignage, être le signe do : Bien ne prouve mieux les alarmes que l’excès des précautions. (Volt.) Le dénouement frouvu l’amour. (J. Janin.) Un voyage prouve moins de désir pour ce que l’on va voir que d’ennui de ce que l’on quitte. (A. Karr.)

— Montrer, témoigner, établir : // est impossible de prouver que le seul mouvement puisse produire l’entendement. (Volt.) Tout prouve que l’apparition de l’homme sur la terre est un fait récent. (Ballanche.) Des dettes ! Qu’est-ce que ça prouve ? que j ai du crédit. (Scribe.)

— Absol. ; On ne peut se fâcher contre ceux qui disent : d’rouvez-et nous croirons. * (Condorcet.) L’amour du vrai avec la force de

, prouver donne le courage d’être sincère. (H. Taine.) Les découvertes n’appartiennent pas à ceux qui affirment, mais à ceux qui prouvent. (Mignet.)

— Prov. Qui prouve trop ne prouve rien, Une preuve est infirmée par ce lait que, dépassant le but. elle tendrait à établir des choses qui sont certainement fausses : Vous attaquez l’infaillibilité de la raison, mais vos arguments arrivent à la nier ; qui pkouve

TROP NE PROUVE RIEN.

Se prouver v. pr. Être, devoir ou pouvoir être prouvé : Le crédit qu’on a se prouve en empruntant. (C. Delavigne.) Il y a des vérités qui se sentent mieux qu’elles ne se prouvent. (Boiste.) L’impuissance ne se prouve pas contre la femme, même dans le cas d’infécondité. (De Bonald.)

— Prouver à soi : Ils se prouvent à euxmêmes et aux autres qu’ils sont des prodiges de raison. (Fourier.)

PHOUVÈUE-BICHETEAUX (Marin), historien français, né à Argentan dans la deuxième moitié du xvi» siècle, mort en 1635. C’était un dominicain, qui a laissé manuscrits les trois ouvrages suivants : Histoire de Normandie et en particulier de la comté d’Alençon, avec la généalogie de plusieurs familles de cette province ; histoire ecclésiastique de la ville de Séez, terminée en 1623 ; Chronique de la congrégation gallicane et en particulier du couoenl d’Argentan.'

PROVANA (André), amiral piémontais, né au village de Leiny en 1511, mort à Nice en 1592.1 ! suivit en Allemagne le jeune duc Emmanuel-Philibert, qui allait servir dans les armées de Clmi’ljs-Quint, assista avec lui aux batailles de Nordlingen, de Mulberg, de Hesdin, de Bapaume, puis fut chargé de défendre le port de Villefranche, dans le comté de Nice, empêcha, en 1537, l’escadre francoturque de s’en emparer et fut nommé quelque temps après capitaine général des galères. En 1564, il concourut avec la marine espagnole à la prise du Pejjnon-dc-Yelez, repaire de pirates, sur la côte d’Afrique. Provana alla ensuite au secours de la ville de Malte, qu’assiégeait Soliman, prit une part glorieuse à la bataille de Lépante, où il fut

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blessé (1571), et devint, l’année suivante, amiral de la flotte piémontaise que le duc Emmanuel venait de confier à l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare. Une députation ayant.

offert, en 1590, le titre de comte de Provence à Charles-Emmanuel Ier(duc de Savoie, Provana se mêla activement aux.négociations, dont le résultat fut de faire accepter au duc cette proposition, qui devait entraîner le Piémont dans de grandes dépenses et dans une expédition désastreuse. Il mourut peu après, détesté du peuple pour avoir poussé le duc dans cette malheureuse entreprise.

PROVANA DEL SABBIONK, savant italien, né à Turin en 1786, mort en 1856. U se fit recevoir ingénieur en l’an XIII, entra plus tard dans l’état-major général et fit comme officier dans les troupes sardes la campagne de 1815 en Dauphiné. Rentré dans la vie privée à la suite des événements de 1821, il publia des Eludes critiques sur l’histoire d Italie sous le roi Ardoin (Studii crilici sopra la storia d’Iïalia a’ tempi del re Arduiuo). Reçu, en 1840, membre de l’Académie des sciences de Turin, il fit aussi partie de la députation pour les études d’histoire nationale, à laquelle il fournit d’utiles travaux. Provana reprit du service en 1848 comme lieutenantcolonel d’état-major, puis comme général de brigade (major général), et fut nommé sénateur du royaume en 1819. Il a traduit la Vie de Pomponius A tiieus de Cornélius Nepos et les Épîtres de Cicéron.

PBOVANA DI COLLEGNO (Hyacinthe),

homme polititique et savant piémontais, né U Turin en 1794, mort à Baveno en 1856. Il servitdans l’armée française, prit part comme officier d’artillerie à la campagne de Russie, revint à Turin en 1815, s’occupa de sciences physiques et militaires et devint écuyer de Charles-Albert. S’étant prononcé en faveur du mouvement libéral en 1821, il dut quitter le Piémont, voyagea en Portugal, en Espagne, en Grèce, en Fiance, professa ensuite la géologie à Bordeaux jusqu en 18-11 et alla ensuite habiter. Florence. De retour en Piémont en 1848, Provana devint ministre de la guerre et remplit dans les circonstances les plus difficiles ces fonctions avec autant de zèle que d’habiieté. En 1852, il alla occuper le poste d’ambassadeur à Paris, qu’il quitta l’année suivante pour revenir en Piémont. Après avoir été pendant quelque temps commandant de la division militaire de Gênes, il prit sa retraite et vécut dans’le repos jusqu’à sa mort. Outre des mémoires et des notes insérés dans le bulletin de l’Académie des sciences de Turin, et ses thèses de doctorat es sciences qu’il soutint à Paris, on lui doit divers ouvrages écrits en français : Sur te métamorphisme des roches de sédiment (Bordeaux, 1842, in-8°) ; Mémoire sur les terrains slratifiés.des Alpes lombardes (Paris, 1843, in-8°) ; Essai d’une classification des terrains tertiaires de la Gironde (Bordeaux, 1843) ; Mémoire sur la circulation des eaux souterraines dans le sud-ouest de la France (Paris, 1842, ui-8°) ; Mémoire sur les terrains diluviens des Pyrénées* (Paris, 1643, in-8u). Il a publié, en outre, en italien : Éléments de géologie pratique et théorique destinés principalement à faciliter l’étude du sol de l’Italie (Turin, 1847) ; Mémoire pour les troupes d’infanterie en campagne (Turin, 1848, in-16).

PROVANCHÈftES (Siméon »b), médecin français, né à Langres vers 1540, mort à Paris en 1617. Il prit le grade de docteur à Montpellier, alla exercer son art à Sens, où il se maria, se signala par son zèle pendant une épidémie, reçut le titre de médecin du roi et assista, comme député de la ville de Sens, aux états généraux de 1614. C’était un praticien habile et instruit, mais un.médiocre observateur. On a de lui : Histoire de l’inappétence d’un enfant de Vauprofonde, près Sens, de son désistement de boire et de manger pendant quatre ans onze mois et de sa mort (Sens, 1616, in-so), avec un discours supplémentaire (1617, i’n-8<>), ouvrage rare et curieux, mais dépourvu da critique. Provanchères a traduit : la Chirurgie de Jacques Houllier (1576), celle de Fernel (1567) ; le Prodigieux enfant pétrifié de la ville de Sens, par Jean Ailleboust (1582) ; les Aphorismes d Hippocrate, en vers latins (1603, in-8°) ; les Quatrains do Pibrac, etc. — Son frère, Barthélémy de Provanchères, né à Langres, entra dans les ordres, devint chanoine et trésorier du chapitre de Sens et se fit remarquer en prononçant des oraisons funèbres qui lui acquirent mie assez grande réputation, mais où l’on trouve le mauvais goût du temps. Ses oraisons funèbres de Henri IV, de Catherine de Lorraine et du cardinal du Perron ont été publiées en 1610 et en 1618.

PBOVÉ, dieu de la justice, chez les Slaves. V. Prono.

PROVÉDITEUR s. m, (pro-vé-di-teuritul. provvedilore ; de provvedere, pourvoir), Hist. Nom donné à un officier public de l’ancienne république de Venise, qui avait le

— commandement d’une Hotte, d une province, d’une place de guerre, ou seulement l’inspection d un service public.

PROVENANCE s. f. (pro-ve-nan-se — rad. provenir). Pays d’origine : Marchandises de toute provenance, de diverses provenances, de même provenance, u Marchandise ; objet quelconque provenu, originaire : Les provb-

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ances des pays infectés sont soumise : à une quarantaine.

— Fig. Source, origine : La PROVENANCE d’un mot, d’une langue, d’un art.


PROVENANT, ANTE adj. (pro-ve-nan, an-te — rad. provenir). Qui provient, qui résulte : Biens provenant d’une succession.


PROVENÇAL, ALE adj. (pro-van-sal, a-le). Géogr. Qui est de la Provence ; qui appartient à la Provence ou à ses habitants : Littérature provençale. Langue provençale. La plus grande gloire de la poésie provençale est d’avoir eu pour fille la poésie italienne. (Fonten.) C’était ce mélange de graisse fraîche et d’ail qui signale la cuisine provençale. (Alex. Dum.)

— Substantiv. Habitant de la Provence : Tout le monde sait que Pétrarque fut inspiré par une Provençale. (Fonten.) On connaît la pétulance des Provençaux, leur brutale jovialité. (Michelet.)

— s. m. Langue parlée en Provence : Le provençal, qui n’est qu’un des grands dialectes de la langue d’oc, tient, par son système de vocalisation, du portugais et de l’espagnol. (A. Maury.)

— s. f. Jeux. Manière de mêler les cartes en les jetant sur le tapis les unes après les autres et en différentes places.

— Erpét. Espèce de couleuvre.

— Bot. Variété de giroflée.

— Loc. adv. À la provençale, À la manière des Provençaux : Mon procès, dit-il en grasseyant sur les r et accentuant tout à la provençale, est quelque chose de bien simple. (Balz.)

— Art culin. Se dit de certaines préparations usitées en Provence : Moules à la provençale. Qui n’a pas senti sa bouche se mouiller en entendant parler de truffes à la provençale ? (Brill.-Sav.) Il y avait dans la liberté du tête-à-tête un grain de cette vieille gaieté gauloise, relevée ici d’une pointe d’ail à la provençale. (Ste-Beuve.)

— Encycl. Linguist. Le provençal, un des dialectes principaux de la langue d’oc, est le plus ancien idiome qui se soit formé du latin ; il arriva de très-bonne heure, dans les poésies des troubadours, à une haute perfection littéraire, au point qu’à un certain moment, du XIIe au XIVe siècle, on put croire qu’il serait la langue définitive du sud de la France, de l’Espagne et de l’Italie. Avant que Dante eût donné une vitalité nouvelle à l’idiome populaire italien, c’est en provençal qu’écrivaient les poëtes italiens, et lui-même a laissé, dans cette langue, un certain nombre de canzones ; après qu’il eut adopté l’italien, il n’en continua pas moins d’emprunter aux Provençaux leur poétique et leurs procédés littéraires. Il en fut de même en Espagne avant que le castillan l’emportât définitivement sur les autres idiomes locaux ; le provençal était la langue poétique dans les cours de Barcelone, de Castille et de Portugal. Notons, toutefois, que les Portugais et les Espagnols l’appelaient de préférence limosin parce que les troubadours les plus renommés qu’ils connurent chez eux : Bertrand de Born, Bernard de Ventadour, Arnauld Daniel, Giraud de Bornheilh, étaient Limousins et qu’il y avait peu de différence sensible entre ces deux dialectes de la langue d’oc. Si, chez nous, le nom de troubadours provençaux leur est resté, quel que fût leur lieu d’origine, c’est qu’après la disparition des grands centres littéraires de Rodez, de Limoges, de Poitiers, de Toulouse, la poésie méridionale trouva son dernier refuge dans la Provence et que les débris du vieil idiome des troubadours y subsistent encore. On rapporte généralement au Xe siècle le Chant de Boèce, que Lebeuf faisait remonter seulement au XIe, époque où le provençal servit d’expression à la civilisation la plus avancée de l’Europe méridionale. Un des centres principaux de cette langue fut la petite cour de Provence, à Arles. Des princes de la famille qui occupait le trône d’Arles l’introduisirent à la cour de Barcelone, en allant eux-mêmes prendre possession du trône de Catalogne, et les troubadours le portèrent dans toutes les cours de l’Italie et de l’Espagne. Le savant Bembo dit que nul idiome n’avait jamais joui chez les étrangers d’une plus grande faveur que le provençal au XIIe siècle, alors que la littérature des troubadours était à son apogée. Les premiers poètes italiens vinrent étudier leur art chez les maîtres du gai savoir ; Pétrarque, comme Dante, s’essaya dans la langue provençale, qui lui était aussi familière que sa langue maternelle.

Le provençal n’eut pas moins d’influence sur le développement de la littérature française ; l’étude de cet idiome est curieuse sous le triple rapport de la théorie générale des langues, des origines grammaticales de la langue française et de ses propres beautés. En prenant au latin la plus grande partie de son vocabulaire, le provençal a retranché, dans chacun des mots tirés de cette source, à peu près toutes les syllabes qui suivent celle où tombe l’accent tonique. De là vient qu’on y rencontre beaucoup de monosyllabes. C’est ainsi que homo, homme, y est devenu hom ou om. Des flexions de la déclinaison latine, il n’a gardé, comme la langue d'oïl, qu’un s final qui caractérise le nominatif ou sujet singulier et l’accusatif ou régime direct