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reçut la direction de l’atelier des décorations au Grand-Opéra et c’est k lui qu’on doit les belles décorations des Bardes, île la Vestale, de Don Juan, etc. Il devint ensuite contrôleur des bâtiments impériaux de Versailles. Protain a exécuté un grand nombre "de constructions privées et exposé plusieurs projets^ notamment celui d’un palais de l’Industrie et celui d’un monument à la mémoire de Kléber.

PBOTA1S (saint), vulgairement appelé •aim Prix, né à Venise, mort en Suisse, où existe un village encore appelé Saint-Prix, sur les bords du lac Léman, entre Rolle et Morges. C’est le premier évêque d’Averuicnm (Avenches), ancienne capitale de l’Helvétie, dont l’histoire ou plutôt la légende ait conservé le souvenir. On raconte que le corps ou les reliques de saint Protais étaient transportés ds Lausanne, où le siège épiscopal d’Avenches se trouvait transféré, à Bierre, au pied du Jura, lorsque, arrivé à un certain lieu, le corps saint manifesta formellement la volonté de ne pas aller plus loin et il fut inhumé dans ce lieu qui, dès lors, fut appelé Saint-Pris. Il y a là quelques vestiges antiques assez remarquables et une ancienne église aujourd’hui protestante.

Boniface, évêque de Lausanne, établit par un décret (1234) la fête de saint Protais qui, dés lors, fut célébréé le 6 novembre. On trouve, dans le cartulaire de Lausanne, une légende de ce saint ; elle paraît apocryphe.

PROTAIS (saint), martyr à Milan, frère de saint Gervais. V. Gervais.

Promis (SAINT) et «niiit Gervais refusent de «aorifler nui idole*, tableau d’E. Lesueur ; au Louvre. Les deux saints, les mains liées, sont amenés par des soldats devant la statue de Jupiter, érigée sous le portique d’un temple. Un sacrificateur agenouillé, à gauche près de cette statue, tient un bélier ; un prêtre, suivi d’un acolyte, apporte un vase sur l’autel. Du même côté, deux hommes sont debout, au premier plan. Dans le fond, assis entre deux colonnes et entouré de ses conseillers et de sa gardé, le général romain Astasius montre l’image de Jupiter aux deux saints et leur commande de lui sacrifier. A droite, la foule des curieux se presse et l’on voit, au loin, les édifices delà ville de Milan. Cette toile, une des plus vastes qu’ait peintes Lesueur (elle a 6"»,84 de largeur sur 3m,57 de hauteur), décorait autrefois la nef de l’église de Saint-Gervais, à Paris, avec cinq autres peintures relatives aux mêmes martyrs ; deux de celles-ci appartiennent aujourd’hui au musée de Lyon et représentent, l’une le Martyre de saint Gervais, dessiné par Lesueur et peint par son beau-frère Thomas Goulai ou Goussey, l’autre l’Invention des reliques des deux martyrs, peinte par Philippe de Champagne. Les trois autres tableaux sont au musée du Louvre : la Décollation de saint Protais est de Sébastien Bourdon ; l’Apparition de saint Gervais et de saint Protais à saint, Ambroise et la Translation des corps de saint Gervais et de saint Protais ont été peintes par Philippe de Champagne.

Dans la Décollation de saint Protais, par Séb. Bourdon, on retrouve le proconsul Astasius, assis sur son char, et la statue de Jupiter ; le bourreau tient la tête du saint dont le corps décapité gît à ses pieds ; tout autour se pressent des soldats et des curieux ; dans les airs, deux anges apportent la palme et la couronne du martyre.

VApparition de saint Gervais et de saint Protais à saint Ambroise est une des plus importantes compositions de Ph. de Champagne. Les deux saints martyrs sont groupés sur les nuages avec l’apôtre saint Paul qui les montre k saint Ambroise, archevêque de Milan, agenouillé devant un prie-Dieu, dans la basilique de Saiut-Félix-et-Saint-Nabor. Il fait nuit ; quelques lampes éclairent faiblement l’église, tandis que la lune, qui s’aperçoit a travers les fenêtres, brille d’un vif éclat. Au fond, derrière une balustrade, le peuple milanais en foule assiste au miracle. « Cette composition qui devrait être émouvante, dit M. Lavice, impressionne médiocrement. Nous en avons cherché les causes. C’est d’abord l’aspect plus théâtral que vrai des cinq bras levés des trois saints debout ; c’est le teint rose et l’air insensible des deux jeunes martyrs ; ce sont leurs draperies blanches tombant avec trçp de régularité. Saint Paul est mieux posé. Mais ce qui rompt la monotonie de ce tableau, c’est surtout le visage pâle de saint Ambroise tourné vers l’apparition, visage bien éclairé et d’une belle expression religieuse et mélancolique. »

La Translation des corps de saint Gervais et de saint Protais est d’un aspect moins théâtral. Les corps des deux martyrs, couchés sur un lit do parade, sont portés proeessionnellement par des prélats dans la basilique Fausta. Au premier plan, à gauche, un possédé renversé est soutenu par deux hommes, dont l’un lui montre les saints qui peuvent le délivrer du malin esprit. Près de ce groupe, un pauvre homme a genoux joint les mains et étend les bras vers le brancard. À droite est un autre homme prosterné. Ce tableau a été gravé dans le recueil de Landon, ainsi que les trois autres de la même série que possède le Louvre. L’Apparition a été également publiée dans le musée Filhol (X, pi. 698). Les Saints refusant.de sacrifier aux idoles ont été gravés par Gérard Audran, par Baquoy et dans le recueil de Filhol (VIII,

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pi. 573). Le Martyre de saint Gervais a été gravé par Gantrel. Les six tableaux servirent de modèle à des tapisseries dont on décorait l’église de Saint-Gervais les jours de grande fête. Un peintre verrier, nommé Perrin, peignit pour une chapelle de la même église, en 1651, deux vitraux en grisaille, dont les dessins avaient été faits par Lesueur et qui représentaient la Décollation de saint Prolais et le Martyre de saint Gervais ; la première de ces compositions a été gravée par Desplaces, la seconde par Picard le Romain. Dé nos jours, Antonin Moine et Préault ont sculpté, pour la façade de cette même église, le premier la statue de saini Protais, le second celle de saint Gervais. On doit également à M. J.-L. Chenillion une statue de saint Proiais (Salon de 1815). Une estampe de J. Matheus représente Saint Gervais et saint Protais. Lanzi signale avec éloge un tableau peint par Luca Monverde, au xvie siècle, pour 1 église de Santa-Maria-delle-Grazie, à Udine, et représentant Saint Gervais et saint Protais près du trône de la Vierge.

PROTAIS (Alexandre-Paul), peintre français, né à Paris en 1826. Entré’à l’âge de dix-huit ans dans l’administration des postes, il y resta attaché comme employé de 184* k 1853. Arrivé k cette époque et poussé par un goût très-vif pour la peinture, il se démit de son emploi et étudia seul, sans entrer dans aucun atelier ; les livrets d’exposition ^intitulent élève de Desmoulins, qui lui apprit le dessin au collège. De 1853 à 1855, M. Protais s’essaya dans tous les genres et chercha la, spécialité qui devait donner un libre cours à son talent, En février 1855, le général Bos

?uet, avec qui il fut mis en relation, lui ofrit

de l’emmener en Crimée. Il accepta et fit la campagne tout entière, recueillant des croquis pris sur le vif et apprenant k connaître la vie militaire intime, qu’il s’est attaché à retracer depuis dans tous ses détails. Revenu h Paris, il envoya au Salon de 1857 quatre tableaux : Dalaille dInkermann (charge, commandée parle général Bosquet) ; Prise d’une batterie du Mamelon-Vert ; Mort du colonel Brandon ; le Devoir (souvenir des tranchées de Crimée). Le succès obtenu palces quatre premières œuvres décida le peintre à poursuivre la série entamée et il se livra exclusivement à l’étude de ce genre., déjà illustré par Charlet et par H. Bellangé, le genre militaire. La manière de M. Protais a pourtant quelque chose de personnel et de nouveau qui ne permet pas de la confondre avec celle de ses prédécesseurs. Sans se départir d’une certaine dose de réalisme, ou plutôt de sincérité, M. Protais donne cependant au soldat un aspect net et séduisant ; son débraillé est plus théâtral que vrai, il est presque élégant et coquet. Cela tient, en grande partie, aux procédés matériels de peinture employés par l’artiste, qui pousse ses figures jusqu’au fini le plus extrême et qui apporte les soins les plus méticuleux à rendre les moindres détails.

En 1859, M. Protais exposa encore quelques souvenirs de Crimée : Attaque et prisa du Mamelon-Vert, la Dernière pensée ; cette même année, il avait accompagné en Italie le général Ladmirault et il exposa en 1S61 : la Brigade du général Cler sur la route de Magenta, le Passage de la Sesia, Deux blessés, Une sentinelle (souvenir de Crimée) ; cette dernière composition, qui représente un soldat isolé et comme perdu dans une plaine brumeuse, appuyant ses deux mains sur lo canon de son fusil et rêvant à la patrie absente, a un sentiment nostalgique inexprima-ble ; les Deux blessés, où l’on voit un Autrichien se traîner vers un Français étendu sur le dos qui lui offre sa gourde, est d’une banalité un peu mélodramatique, relevée cependant par le beau paysage nocturne qui encadre la scène. C’est par cette teinte mélancolique que se distinguent les compositions de M. Protais. Autant la composition et le ton général du tableau semblent gais, autant le tond même du sujet est sentimental ; il est presque toujours puisé dans les souffrances physiques ou morales de la guerre, chez les nostalgiques, les blessés ou les morts. Th. Gautier, dans un de ses comptes rendus au Moniteur universel, disait en lSfil : « M. Protais a trouvé ce qu on peut appeler la poésie du soldat. »

Ces qualités s’accentuent surtout dans les deux toiles les plus populaires de M. Protais, que la gravure et la photographie ont fait connaître à tout le mondo : le Matin avant l’attaque, le Soir après le combat (Salon de 1863). Cette même année, on vit aussi de lui : le Retour de la tranchée ; en 1865, la Fin de la halte, Passage du Minc.io, un Enterrement en Crimée ; les Vainqueurs, retour au camp (à M. le comte Welles de La Valette) ; en 1866, Soldat blessé, Bivoac ; en 1868, la Grand’halte, la Prière du soir à bord ; en

1869, une Mare, Percement d’une route ; en

1870, En marchel la Nuit de Solferino (à M. Welles de La Valette) ; en 1872, Prisonniers, environs de Mets (1er novembre 1870), la Séparation (armée de Metz, 29 octobre 1870). Cette dernière toile était inspirée par ce passage de la capitulation de Metz : « Les troupes, sans armes, seront conduites en ordre militaire aux lieux qui seront indiqués pour chaque corps. Les officiers rentreront après, librement, dans l’intérieur du camp retranché ou à Metz, sous la condition de

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s’engager sur l’honneur à ne pas quitter la place sans l’ordre du commandant prussien. » En 1873, le Repos (k M. le comte Cari de Mercy-Argenteau) ; en 1874, une Alerte (à M. Laurent-Richard), Metz.

Ces dernières compositions n’ont pas eu le succès des précédentes ; non qu’elles leur soient absolument inférieures, mais, pour un peintre, ne pas progresser, c’est décroître, et M. Protais paraît avoir tiré du genre qu’il affectionne tout ce qu’il est possible d’en attendre.

M. Protais a reçu plusieurs récompenses : une 3e médaille en 1863, deux 2es médailles en 1864 et 1865. Il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1865, à la suite de l’exposition des Vainqueurs et de l’Enterrement en Crimée.

PROTAPOSTOLAIRE s. m. (pro-ta-po-stolè-re

— du gr. pràtos, premier ; aposiolos, apôtre). Hist. écoles. Nom d’un.oftieier de l’Église d’Orient. Il Chef de ceux qui expliquent au peuple les livres sacrés.

PROTARQUE, fils de Caliias, jeune homme d’Athènes dont Platon fait l’interlocuteur de Socrate dans le Philèbe ; il avait été auditeur et disciple passionné des sophistes, et Platon suppose qu’il se charge de soutenir seul contre Socrate la thèse qu’avait en vain soutenue Philèbe, savoir que le plaisir est le seul bien de l’homme. On trouvera à l’article Philèbe l’analyse de cette intéressante discussion. Remarquons seulement ici que le

dialogue intitulé Philèbe devrait porter le nom de Protarque, puisque ce jeune homme y soutient seul le poids de la discussion. Platon lui donne du reste, avec un enjouement aimable, des qualités d’esprit, une vivacité, une finesse et par-dessus tout une franchise et une simplicité sincère qui lui font pardonner plus d’un paradoxe.

PROTASE s. f. (pro-ta-ze — dugv.protasis ; de pro, avant, et de tithêmi, je place). Littér. anc. Partie d’un poème dramatique qui contient l’exposition du sujet : Dans cette pièce, la protase comprend la première scène du second acte. (Corneille.)

— Rhétor. Première partie d’une période.

— Encycl. Les Grecs ne connurent pas la division en actes proprement dits ; mais chez Eschyle même, quoique ses tragédies n’offrent qu’une situation arrêtée et en quelque sorte immobile, qu’un tableau toujours le même où ne se présente aucune péripétie, on trouve la protase, moins marquée, il est vrai, que chez Ses successeurs. Elle est particulièrement digne d’attention, par le mouvement, dans les Sept chefs contre l’hèbes. « L’agitation d’une ville en état de siège, dit M. Artaud, y est peinte de la manière la plus vive. Etéoele s’adresse au peuple de Thèbes pour l’encouragera la défense de la patrie. Le lieu de la scène, les personnages, les circonstances principales sont indiqués dès le début et d’une manière très-naturelle. Un espion envoyé pour connaître les dispositions des ennemis vient rendre compte au roi de ce qu’il a vu. Il désigne les guerriers chargés d’attaquer les sept portes. À chacun des six premiers chefs ennemis qui investissent la ville, Etéoele oppose un chef thébain ; mais aussitôt qu’il apprend que son frère Polynice s’est réservé l’attaque de la septième porte, il veut le combattre lui-même et, malgré toutes les prières du chœur, saisi par les Furies qu’a évoquées la malédiction paternelle, il se sent entraîné vers les lieux funestes où l’attendent le fratricide et la mort. » Dans les tragédies de Sophocle, la protase est tout à fait semblable à ce que sera le premier acte, l’acte d’exposition, .dans nos tragédies françaises. On le verra dans les sept pièces qui nous sont restées de lui ; on le remarquera déjà dans Antigone, qui paraît avoir été chronologiquement la première d’entre elles et qui fait suite, pour ainsi dire, aux Sept [chefs d’Eschyle. Après avoir conduit les armées étrangères sous les murs de Thèbes, sa patrie, Polynice vient d’être tué aux portes de cette ville. Son corps, resté au pouvoir des Thébains, est condamné par Créou, le nouveau roi de Thèbes, k demeurer privé de sépulture. Antigone, sœur de Polynice, guidée par son amour fraternel, refuse d’obéir et accomplit sur le cadavre les rites funèbres. Toute la pièce sort de cette exposition : la condamnation et la mort d’Antigone, la mort d’Hénon, fils de Créon, et celle d’Eurydice, femme du tyran, lequel reste ainsi privé de sa f» mille et livré à un désespoir inconsolable. Chez Euripide, la protase est quelquefois remplacée par un prologue qui expose aux spectateurs la situation dans laquelle ils vont trouver les personnages. Les Latins ont transporté le prologue dans leur théâtre.

Quelquefois on voyait dans la protase des personnages qui ne reparaissaient pas dans le reste de 1 œuvre dramatique. L’exposition de l’Hécyre de Térence est faite en grande partie par Phtlotide-et Syra, et celle do Phormion du même auteur parDave. Ces personnages, dont le rôle tout entier se borne à l’exposition, étaient appelés des personnages protatiques.

PROTATIQUE adj. (pro-ta-ti-ke — gt.protaiikos ; deprolasis, protase). Qui a rapport k la protase d’une pièce de théâtre.

Personnage protatique, Celui qui ne paraît qu’au commencement de la nièce pour en faire l’exposition.

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PROTAXE s. f. (pro-ta-kse — gr. protaxis ; de pro, eu avant, et de taxis, rang). Art milit. anc. Ordre de bataille chez les Grecs, et dans lequel les gens de trait étaient placés en avant.

PROTE s. m. (pro-te —du gr. prôtos, premier). Typogr. Contre-maître dune imprimerie, chargé de la surveillance des travaux, de la distribution de la copie aux compost4 teurs, de ia direction et de la conduite du personnel, des rapports avec les clients : Le prote est à la fois le premier des ouvriers, comme son nom l’indique, et le suppléant du chef de l’établissement. (H. Fuurnier.) Dans les grandes imprimeries, il y a un protb aux presses, c’est-à-dire un contre-maître exclusi~ ventent chargé de surveiller le travail des imprimeurs. (P. Dupont.) Il Nom donné abusivement aux correcteurs d’épreuves.

— Encycl. Typogr. Proie et sous-prote. Dans les premiers siècles de l’imprimerie, les fonctions de maître imprimeur, de prote et de correcteur, remplies aujourd’hui par trois

Ï>ersonnes différentes, étaient exercées par e même individu. C’était d’ordinaire un savant de premier ordre, connaissant l’hébreu, le grec, le latin, quelques langues vivantes, les sciences, et, de plus, fort expert dans l’art typographique. Il nous suffira de citer quelques noms de maîtres imprimeurs qui lurent en même temps proies et correcteurs : Nicolas Janson, graveur à la Monnaie de Tours, envoyé à Mayence par Charles VII pour étudier le nouvel art et qui plus tard s’établit k Venise ; Aide Manuce, à Venise ; Jacques de Rouges ; les Junte, k Florence ; Guillaume Le Roy, à Lyon ; les Plan tin, h Anvers ; les Caxton, en Angleterre : Conrad Bade, k Genève ; les Elzevier, à Leyde ; Simon Vostre, Antoine Verard, Simon de Coliues, les Étienne, les Didot, en France. Aussi ne so lasse-t-on pas d’admirer les ouvrages si purs, si corrects, exécutés avec tant de soin, sortis des mains de ces artistes célèbres. À cette grande époque, que l’on peut appeler l’âge 3’or de la typographie, le proie méritait réellement son nom : il était bien lo premier en savoir et en science ; c’était bien lui la cheville ouvrière de l’atelier, et tous les compositeurs qui l’entouraient, eux-mêmes lettrés pour la plupart, reconnaissaient sans conteste sa suprématie en même temps que son autorité. Le public de nos jours a, jusqu’à un certain point, conservé au prote cette haute estime, et il confond presque toujours ses attributions avec celles, pourtant distinctes, du correcteur. L’Académie elle-même a commis cette confusion ; car, après avoir défini le proie « celui qui, sous les ordres do l’imprimeur, est chargé de diriger et de conduire tous les travaux, de maintenir l’ordre dans l’établissement et de payer les ouvriers, » elle ajoute : « Il se dit aussi de ceux qui lisent et corrigent les épreuves. » N’en déplaise à la docte compagnie, si la première partie de sa définition est exacte, nous en récusons complètement la seconde, qui est fausse.

À mesure que l’art déclina pour faire place nu métier, k mesure que l’imprimerie descendit au rang des industries, les fonctions se divisèrent : le maître imprimeur passa à l’état de patron, c’est-à-dire de fabricant de livres ; le correcteur devint ce que nous avons dit dans l’article que nous lui avons consacré ; le prote se transforma en ce qu’il est aujourd’hui : un ouvrier actif et intelligent, choisi par le patron pour diriger le travail des compositeurs, ses anciens confrères. Voici de quelle manière M. Audouin de Géronval, dans son Manuel de l’imprimeur, détermine le rôle du prote : « Le prote est celui sur lequel rouleut tous les détails d’une imprimerie. Il est chargé de veiller sur les compositeurs et sur les imprimeurs ; il doit connaître parfaitement le degré d’habileté des uns et des autres. En ce qui concerne la composition, le prote doit avoir quelques notions des lanfues grecque et latine (ces notions font orinairement défaut), posséder k fond l’orthographe française et la ponctuation, connaître et savoir exécuter tous les genres de composition. Quant à l’impression, il doit avoir as7 sez d’habileté pour diriger le travail des ouvriers à la presse dans toutes ses parties, » Pour ce qui est des qualités suivantes, requises, suivant Audouin de Géronval, pour, faire un bon prote, elles se rencontrent rarement chez ceux qui aujourd’hui exercent ces fonctions, et l’on voit aisément que l’auteur du Manuel de l’imprimeur confond ici le prote avec le correcteur. Il dit, en effet : « Le prote ne sauraitavoirdes connaissances trop étendues dans les lettres, les sciences et les arts, car il est souvent consulté par les auteurs et quelquefois même devient leur arbitre. Comme il est en quelque sorte responsable des fautes qui peuvent se glisser dans une édition, il faudrait qu’il connût, autant qu’il est possible, les termes usités et qu’il pût savoir k quelle science, k quel art et k quelle matière ils appartiennent. Il n’arrive que trop souvent qu’un auteur, pour se jus» tifier de ses propres fautes, les rejette sur son imprimeur. En un mot, on exige d’un prote qu’il joigne le savoir d’un grammairien à l’intelligence nécessaire pour exécuter toutes les opérations de la partie manuelle de son art. » Le prote doit encore veiller k ce que le bon ordre et la décence régnent dans les ateliers, k ce que les casseaux soient bien tenus, que les fonctions de la conscience