Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 13, part. 1, Pourpre-Pube.djvu/260

Cette page n’a pas encore été corrigée

250

PROP

Propbèie.. Iconogr. ifiuhel-Ange et Raphaël, dans les admirables peintures auxquelles nous consacrons ci-après des articles spéciaux, ont en quelque sorte fixé pour toujours les traits des principaux prophètes ; les artistes qui, depuis ces grands maîtres, ont représenté ces personnages bibliques n’ont pu se défendre de reproduire plus ou moins exactement les types immortels dont la majesté resplendit a la Sixtine, à Santa-Mariadella-Pace et à Sant’Agostino. Les prophètes ont eu, avant le Buonarroii et le Sanzio, dès interprètes qu’il ne faut pas oublier. Us ont été représentés, au moyen âge, dans un grand nombre de mosaïques et de fresques exécutées sur les voûtes et les murs des églises de Rome et de diverses autres villes d Italie. Parmi les mosaïques dont les auteurs nous sont connus, nous signalerons celle de Jacopo da Turrita dans la tribune du Baptistère de Florence, et celles dont Baldovinetti, Andréa Taffî, AgnoloetTaddeo Gaddi ont orné le balcon de la coupole de ce même édifice au xve siècle. Plus récemment, les Zuccati, célèbres mosaïstes vénitiens, ont figuré huit Prophètes dans le vestibule de baint-Marc. Vers le milieu du xvo siècle, Gentile da Pabriano avait peint, à l’imitation du marbre, dans l’église de Saint-Jean-de-Latran, cinq Prophètes dont Facios, historien contemporain, a fait un grand éloge ; ces peintures ont malheureusement disparu. Les Prophètes placés aux quatre angles de l’horloge de la cathédrale de Florence ont été peints à fresque par Paolo Uccello. Ceux qui ornent la voûte de l’une des chambres de 1 appartement Borgia, au Vatican, sont de la main | du Pinturicchio. Postérieurement à Raphaël, des Prophètes ont été peints à fresque par J. Stradano dans l’oratoire de Saint-Clément, à Florence ; par Vasari, dans la partie la plus haute de la coupole de Santa-Maria-del-Fiore ; par le Morazzone, dans la

cathédrale de Plaisance ; par Benedetto Bandiera et Fr. Appiani, dans les lunettes de la voûte de l’église des Bénédictins, à Pérouse ; par Bemardo Castello, dans une chapelle de l’église Saint-Théodore, à Gênes ; par H. de Hess, dans l’église de Tous-les-Snints, à Munich ; par Janmot, dans l’église de Saint-François, à Lyon ; par Gaghardi, dans l’église Saint-Augustin, à Rome, etc. Hans Holbein a peint dix-huit figures de Prophètes, groupés deux par deux ; il en existe au musée de Baie des copies par B. SarbrÛck. Antoine Coypelapeint, dans les trumeaux do l’attique de la chapelle du château de Versailles, douze Prophètes accompagnés d’inscriptions latines tirées de l’Ancien Testament et qui prédisent la venue du Messie. ■ On admire dans ces figures, dit Piganiol de La Force, le grand goût de dessin, la force du coloris, le relief et les caractères qui sont rendus avec beaucoup de fidélité. • M. Doze a groupé dix-sept Prophètes dans un tableau exposé au Salon de 1868. Baccio Baldini a gravé vingt-quatre figures de Prophètes ; Giovanni Oriandi en a gravé douze, d’après R. Schiamînossi ; Fr. Gecchini en a gravé six. L. Benouviile a peint un Prophète de la tribu de Juda tué par un lion (Expos, univ. de 1855). Diverses figures de Prophètes ont été peintes par B. Cesi (k la bibliothèque du palais des beaux-arts, à Bologne), Delaunay (église de la Trinité, à Paris), Meissonier, J. Restout (autrefois dans la chapelle du séminaire de Saint-Sulpiee, à Paris), Rubens, Schnetz, etc.

Le Campanile de Florence est orné de quatre statues de Prophètes, en marbre, dont trois sont dues à Andréa Pisano ; la quatrième est attribuée au Giottino. L’égiise de Lorette renferme huit statues de Prophètes exécutées par Andréa da Monte San-Savino, les Lomhardi et Guglielmo délia Porta. Les piédestaux des colonnes qui soutiennent la châsse de saint Jean-Baptiste, à la cathédrale de Florence, sont ornés de quatre petites figures de Prophètes sculptées par Jacopo délia Porta avec une grande délicatesse. Raphaël Morghen u gravé en huit planches une suite de Prophète. !, d’après des bas-reliefs de Baccio Bandinelli. Coustou l’aîné a exécuté, pour la chapelle de Saint-Jérôme, aux Invalides, des figures de Prophètes en bas-relief. La base de la colonne élevée à Rome par Pie IX en l’honneur de l’immaculée conception est

flanquée des statues de Moïse, par Ignace

" Jacoinetti ; David, par Adamo et Seipione Tadolini ; haie, par Salvatore Revelli ; Ezéehiel, par Carlo Chelli. L’église de Saint-Augustin, . à Paris, possède les statues en pierre de Jerémie, par Chambard ; Etie, par J. Cavelier ; Isaïe, par E..Farochon ; Ezéehiel, par Th.-Ch. Gruyer. V., pour l’iconographie spéciale, de chacun des principaux prophètes, les mots

EUH, EZÉCHIEL, ISAÎE, JÉRÉMIB, JONAS,

Moïse, etc.

Prophète* (les), célèbres fresques de Michel-Ange, à la chapelle Sixtiue. Autour du plafond où il avait déroulé les scènes les plus remarquables de l’Ancien Testament, Michel-Ançe peignit, dans les pendentifs, cinq Sibylles et sept Prophètes, figures assises, les

lus grandioses que l’art moderne ait conçues.

lous ne parlerons ici que des Prophètes. Audessus de la fameuse fresque du Jugement dernier se dresse la figure de Jonas, la tête penchée en arrière, les jambes nues, le bras gauche passant devant la poitrine. Vis-à-vis, au-dessus de la porte d’entrée de la chapelle, Zacharie, vieillard à barbe blanche, de profil,

fi*

PROP

est occupé à lire ; il est vêtu d’une robe jaunâtre et une draperie est jetée sur ses genoux ; un petit ange est placé près de lui. Sur les murs latéraux, k gauche, on voit Daniel jeune, vêtu d’une tunique bleue et ayant près de lut un ange qui soutient un livre. Puis viennent, à droite, Isaïe accoudé sur un livre, vêtu d’une robe rouge et d’un manteau bleu ; Jofil, sans barbe, en robe grise et manteau rouge, lisant un papyrus qu’il tient de3 deux mains ; Ezéehiel, ayant une robe jaunâtre, une draperie grise sur le.genou droit, et une espèce de camail vert sur les épaules, et se retournant vers les petits anges placés derrière lui ; Jérémie enfin, vêtu de rouge et de vert clair, la tête penchée en avant, les jambes croisées, le bras droit accoudé sur les genoux et la main soutenantle menton. Cette dernière figure, la" plus belle peut-être de la série, a été souvent gravée, notamment par Giorgio Ghisi, Nicolas Beatrizet, Giovanni Oriandi, etc. Ghisi a gravé encore Joël et un troisième prophète. Le Zonas a été gravé par P. Brébiette, par Pierre Biard, etc. Cherubino Alberti a gravé deux Prophètes, R. Boyvin en a gravé un, etc.

« Il est impossible, dit "M. de Toulgoet (Musées de Rome) de rêver rien de plus grand, de plus majestueux, de plus formidable que les Prophètes et les Sibylles ; c’est là peut-être que Michel-Ange a donné le plus complètement la mesure de son génie. Il n’avait ici d’autre guide que sou imagination ; c’est une création dans toute la force du terme. Il semble que, par la puissance de l’abstraction et, par suite de cette assimilation perpétuelle qu’il se faisait des livres saints, il ait vécu avec ces êtres mystérieux sur lesquels plane l’esprit de Jéhovah et par lesquels il a parlé 1 • M. Gruyer (flaphaél et l’antiquité) a dit de même : • En produisant ces figures, Michel-Ange n’imita rien ; il créa tout. Il se pénétra d’abord de l’esprit de la Bible et conçut ensuite des types gigantesques, de proportions colossales, bizarres dans leurs costumes, étranges dans leur caractère, d’une puissance extraordinaire dans leurs formes et d’une énergie singulière dans leurs traits. >

Prophète* (les), fresque exécutée d’après les cartons de Raphaël, par Timoteo Viti, dans l’église Saata-Maria-della-Face, à Rome. Agostino Cbigi, riche négociant de Sienne, fit décorer à ses frais l’une des chapelles de cette église et chargea Raphaël de peindre sur le mur, au-dessus de l’arcade qui conduit à l’autel, quatre Prophètes et autant de S«bylles. Le grand artiste peignit lui-même la partie inférieure de cette fresque représentant les Sibylles (v. ce mot) et se contenta de dessiner les cartons des Prophètes, dont il abandonna l’exécution k son compatriote Timoleo Viti. Celui-ci s’acquitta de cette tâche glorieuse avec une faiblesse qui fait mieux ressortir encore la beauté des Sibylles. Les iVop/i^(MdeSanta-Maria-della-Pace n’en méritent pas moins l’attention des amateurs de l’art ; car, si médiocre que soit le travail du traducteur, la conception du maître s’y laisse deviner. Deux des Prophètes, Daniel et Osée, sont assis ; les deux autres, David et Jonas, sont debout. Daniel, dans toute la beauté de sa fervente jeunesse, regarde la tablette que tient David, le roi-pontife, et sur laquelle on lit ces mots : rksvrrexi et adhvc svm tecvm. Jonas cherche dans le ciel les secrets de l’avenir et Osée regarde le spectateur, en indiquant du geste 1 inscription suivante sur une tablette : Suscitabit bvm Devs post bidwm die tertia. à Le dessin de cette fresque, dit M. Gruyer, manque de franchise et de fermeté ; le pinceau offre des signes nombreuxde faiblesse et d’indécision ; les couleurs sont ternes, monotones, discordantes et vulgaires, ! Il n’est pas douteux, cependant, que la composition n’appartienne à Raphaël ; on en a la preuve dans deux desdins de ce maître d’une authenticité incontestable ; l’un se voit au musée de Florence et représente le prophète Daniel et deux petits anges ; l’autre, qui a fait partie des collections C. Jennings et Knight et qui a été gravé en fac-similé par C. Metz, représente Jonas et Osée avec l’ange placé derrière eux, ce dernier non vêtu.

Les Prophètes de San ta-Maria-della-Pace ont été gravés par G. Ohasteau en 1660, parSal. Cardelli et dans le recueil de Landon.

Avant de donner les dessins de la fresque peinte par Timoteo Viti, Raphaël avait exécuté de sa propre main, dans l’église Sant’ Agostino, une admirable figure de prophète, l’/saïe auquel nous avons consacré un article spécial. Un autre de ses chefs-d’œuvre représente la Vision d Ezéehiel (au palais Pitti). On lui attribue aussi les dessins et une part même dans l’exécution des deux statues de prophètes, Jonas et Elle, qu’on voit dans l’église de Santa-Maria-del-Popolo, à Rome.

PROPHÈTE-ROI s. m. Titre donné dans la Bible au roi David.

FROPHÉTESSE s. f. (pro-fé-tè-se — fém. de prophète). Femme qui prédit ou prétend prédire l’avenir par inspiration divine : Anne la prophètessb. Les prophètesses étaient répandues sur tous les points de l’empire romain. (Ph. Chasles.) Quoique mariée, la prophètessb druidique était astreinte à de longs célibats. (Michelet.)

Prophéiouo «’Arabie (la), roman, par Achimd’Arnim. • J’ai dit qu’Arniui était passé

PROP

maître dans cet art du clair-obscur particulier aux vieux conteurs italiens, et j’ai hâte de prouver mon dire en donnant la substance de son plus beau récit. J’évpque donc ces étranges figures du fond de l’Océan qu’elles habitent et dont il semble que le sourd mugissement les enveloppe jusque sur le sol

des vivants. • Voilà comment parlait Henri Heine des romans d’Arnim. Celui que nous allons analyser est un des moins fantastiques. Un vaisseau turc, chassé par une galère maltaise, filait à toutes voiles dans les eaux de Toulon ; l’équipage musulman va tomber aux mains des chevaliers de la Croix, lorsque soudain un coup de vent favorable le pousse dans le port, où presque en même temps entrent ses ennemis ; aussitôt l’épée et la hache reluisent au soleil, le combat va s’engager, quand une femme apparaît tout à coup à bord du vaisseau turc, s’élance au milieu des deux partis et, d’une voix qui s’exprime dans le plus pur français, demande grâce ; les chevaliers, étonnés et émus, se laissent désarmer et abandonnent le vaisseau turc ; la jeune femme descend à Marseille et deux mois après reçoit, en se faisant baptiser, les noms de Meluck-Maria Blainville. Ainsi commence cette histoire, embrouillée vers la fin d’une façon extraordinaire. Meluck-Maria entre dans un cloître, puis le quitte au bout de quelques mois ; elle se lie ensuite avec une vieille comédienne nommée La Banal, qui passe pour lui donner des leçons de sonart ; bientôt, on découvre en elle un talent immense de tragédienne ; les meilleures maisons se la disputent. Cette jeune étrangère intriguait les Marseillais ; l’irrésistible charme de sa personne, sa beauté accomplie ne tardent pas à faire, de la bienveillance qu’elle s’est acquise, un sentiment plus chaleureux. De toutes parts les hommages et les cadeaux lui arrivent ; elle reçoit les hommages avec dignité, elle refuse les cadeaux. Saint-Luc, qui commandait la galère maltaise, revient en France et devient amoureux de Meluck-Mariamais son amour est repoussé comme celui de tant d’autres. Fatiguée du métier de grande coquette, elle veut entrer au théâtre. Deux mois la séparent de ses débuts lorsque arrive à Marseille le tendre comte de Samtrée, forcé de quitter Versailles, de fuir la cour pour échapper au mal d’amour qui le possède. Le ceinte ne rêve et ne voit que Mathilde, il ne saurait parler que de Mathilde, et tel est le culte superstitieux voué à cet aimable objet de son idolâtrie, qu’il porte toujours sur lui l’habit de taffetas bleu dont il était paré le jour de leur séparation. Un soir, dans une compagnie, Meluck entend raconter l’histoire du gentilhomme. Loin de s’en égayer, elle prend au sérieux cette lé— gende d’amour et de constance, et quand, vers dix heures, on annonce M. de Saintrée, la belle jeune femme lui trouve un air si noble et si galant, qu’elle se le fait présenter. Saintrée aime tes arts, il est artiste. La conversation s’engage, s’anime, et bientôt Saintrée promet d’aller montrer à la jeune tragédienne comment la Clairon, qu’il a tant admirée, se drape dans son manteau pour jouer Phèdre. Le dilettante amoureux ne manque ; pas au rendez-vous ; connaissant à fond les secrets de l’art, il s’évertue k répondre aux questions qu’on lui adresse, puis s’animant par degrés, et sentant que la parole ne lui suffit plus, il saisit un lambeau de pourpre sur un meuble et se dispose à s’en draper à l’exemple de la Clairon ; mais la chaleur est étouffante, son vêtement trop étroit contrarie ses gestes. «Otez-donc votre habit, • s’écrie Meluck de plus en plus impressionnée. Saintrée s’excuse d’abord, puis

obéit ; il pose son habit sur une de ces (loupées articulées comme on en voit dans 1 atelier des peintres, et quand Saintrée continue à déclamer, voilà que le mannequin se met à applaudir. Ici se passe une scène k laquelle l’imagination des lecteurs français refuserait son approbation, mais qui trouva beaucoup d’admirateurs de l’autre côté du Rhin. Saintrée, sans son habit, devient amoureux de la jeune femme, qui ne lui résiste pas. A dater de ce jour s’établit une relation intime entre le jeune comte et la jeune magicienne ; mais dans cet attachement, où Meluck se précipite avec toute la fougue de sa nature orientale, Saintrée n’a pu engager que la moitié de son âme. Deux amours se sont partagé l’amour de l’homme, l’amour idéal et l’amour physique. Entre ces deux aspirations, Saintrée se débat mécontent, inquiet, tiraillé ; il cherche à rompre sa chaîne quand Mathilde lui annonce son arrivée. Saintrée n’a plus un moment k perdre et’s’apprête à rompre avec Meluck ; mais ici se redresse l’énergique et vaillant caractère de cette femme qu’on ne saurait aimer impunément. À l’indifférence elle répond par un amour plus effréné, à ses dédains par un dévouement plus acharné. Quoi qu’il en soit, le mariage a lieu, et Saintrée revient habiter Marseille avec Mathilde. Celle-ci apprend cette aventure, elle éclate en reproches, elle exige de son mari qu’il siffle l’actrice au théâtre. Meluck se venge en jetant un sortilège sur son ancien amant. Saintrée va mourir, il est abandonné par les médecins, quand tout à coup revient d’Égypte un ami d’enfance du comte. Nécromancien aussi, il est plus élevé dans l’ordre que Meluck.

Ici s’offre à nous une scène toute remplie de cette poésie du merveilleux dont Arnim

PROP

a plus que perâonne au monde le génie, ’et qui répand comme un semis d’émail et d’or sup la feuille de vélin où s’ébat en ses mille caprices la plume chatoyante du conteur. Le docteur subjugue Meluck. qui, par un sortilège, sauve Saintrée. Désormais la tragédienne n’exerce plus sur Saintrée qu’une influence platonique ; elle prend soin des enfants de Mathilde qui, chose bizarre, lui ressemblent tous. Ici pourrait s’arrêter cette histoire, mais Arnim n’est point l’homme des dénoûments heureux. Après huit années de

cette félicité domestique, la Révolution française éclate. On ne s’attendait guère à la voir en pareille matière ; mais, qui le croirait ? notre homme veut aussi dire son mot sur ie phénomène le plus saillant du siècle. Ce conteur, ce mystique, ce poète d’ombres chinoises, devient tout à coup l’observateur léplus clairvoyant ; il a placé là quelques pages qui font songer à Tacite, à Shakspeare, à Saint-Simon ; on regrette, en relisant ce fier et mâle résumé, qu’Arnim n’ait pas écrit l’histoire de la Révolution française. Arnim n’est ni royaliste ni républicain ; il ne saurait être Français, mais il est homme et satirique. Un soir que Saintrée, Mathilde et MeluCK se promènent au loin sur la mer, des chants de liberté se font entendre sur le rivage ; le comte et la comtesse, qui dès le début ont applaudi à la rénovation universelle, se laissent étectriser par ces magnifiques refrains, et bientôt Saintrée trouve dans son enthousiasme une de ces harangues qui feraient honneur aux héros de Jean-Jacques ; mais voilà bientôt l’horizon qui s’assombrit, l’aspect des choses devient sinistre, la terreur se répand dans les provinces, l’émigration commence. Saintrée laisse partir les autres ; retiré dans ses terres, il attendra des jours meilleurs, admirant cette liberté dont il a du fond du cœur salué l’aurore, et qu’il s’obstine à aimer en dépit des crimes commis en son nom. Pourtant une bande de pillards vient envahir le château que Saintrée, abandonné de ses domestiques, n’a pu défendre. Mathilde, entraînée dès le début par Meluck, elle et ses enfants serrés entre les bras de l’automate échappent à la mort. Meluck est morte sous le couteau des égorgeurs, qui l’ont prise pour la comtesse. Saintrée est mort du coup qui a tué Meluck, Car ils n’avaient à eux deux qu’une seule et unique vie. Cette romantique anecdote, que le poète est censé raconter dans une promenade au clair de la lune sur le Rhin, se termine par une sorte d’épilogue que nous allons essayer de traduire en partie : • Sur les bords de ce grand Rhin, une noble existence est venue échouer, sous le poids de sa mélancolie. Pauvre cantatrice ! les Allemands de notre temps ne

savent-ils donc que se taire et s’oublier ? Où sont tes amis ? Pas un d’eux n’aura-t-il le courage de rassembler pour la postérité les traces éparses de ta vie et de ton inspiration ? Maintenant, je comprends ces mots inscrits sur ton sépulcre et entièrement effacés par les larmes du ciel : «Avec vous j’ai vécu ici-bas, et de mon plein gré je vous quitte pour m’en aller vers l’autre monde ; adieu, mes amis, adieu. • Cette cantatrice n’est autre que l’infortunée Caroline de Gunderode. (/est elle qu’Arnim a voulu peindre, c’est à elle que s’adressait ce livre. C’est elle dont M’i« d’Arnim devait quelque vingt ans plus tard publier la correspondance.

PROPHÉTIE s. f. (pro-fé-sî — lat. prophetia, st. prophêteia ; de prophètes, prophète). Prédiction des choses futures par inspiration divine : Élie montant au ciel promet à Elisée seul son double esprit de zèle et de prophétie. (Mass.)

— Prédiction faite par un individu qui prétend posséder la connaissance de l’avenir : Les prophéties de Noslradamus.

— Annonce d’un événement futur, faite par conjecture ou par hasard : Votre prophétie s’est réalisée de point en point. Le don de prophétie appartient au génie. (Ch. Dollfus.) Les pressentiments sont tes prophéties du cœur ; car le cœur est une sibylle profondément initiée à tous les mystères de son royaume. (Csse de Blessington.)

Ah ! je vivrai cent ans ! Eh bien, ta prophétie Te vaudra des joyaux ; prends ceci, prends encor. C. Dblavignb.

— Encycl. V. prophète.

PROPHÉTIQUE adj. (pro-fé-ti-ke — rad.

prophète). Qui appartient ou convient aux prophètes : Inspiration prophétique. Esprit

PROPHÉTIQUE.

— Qui a le don de prévoir l’avenir : Layanité est incrédule et la raison est prophétique. (De Ségur.)

PROPHÉTIQUEMENT adv. (pro-fé-ti-keman

— rad. prophétique). En prophète, d’une manière prophétique : Parler prophétiquement.

PROPHÉTISÉ, ÉE (pro-fé-ti-zé) part, passé du v. Prophétiser. Annoncé par prophétie ; La ruine de Jérusalem fut prophétisée par Jérémie.

PROPHÉTISER v. a. ou tr. (pro-fé-ti-zê

— lat. prophetisare ; de propheta, prophète). Prédire par inspiration divine ; Les patriarches ont prophétisé l<* venue de Jésus-Christ. (Acad.) Caïphe prophétisait la rédemption en reniant Jèsus-Christ. (Proudh.)

— Annoncer d’avance, prédire par conjec-