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présenter ans états ; telle autre n’était point tenue de recevoir les troupes du roi. Il 7 avait des villes dont les officiers municipaux jouissaient de privilèges spéciaux et personnels. Cela dépendait de l’importance des villes. Ainsi, l’édit de mars 1667 donnait le privilège de noblesse aux maires et échevins de Poitiers, de Niort, de Bourges, d’Angoulême, de Tours, d’Angers, d’Abbeville, de Lyon, de Cognac, etc. Un privilège d’autant plus singulier qu’il était tenu pour honorifique, c’était celui dont jouissaient les échevins de Bar-le-Duc. Aux cérémonies publiques, ils portaient ou faisaient porter devant eux trois faisceaux de plumes de paon liés avec des bandelettes de velours blanc, rouge et noir. Quelle était l’origine de ce privilège ? Quelques-uns ont prétendu nue chaque faisceau représentait un ordre de 1 État, dont les échevins étaient les magistrats municipes. D’autres, au contraire, disent que ce faisceau n’était en réalité qu’une façon de balai porté en souvenir du balai plus vulgaire avec lequel les prédécesseurs des bons échevins écartaient la

poussière devant les altesses ducales de Lorraine et du Barrois. Quoi qu’il en soit, à l’orgueil du faisceau de plumes de paon étaient attachées nombre de prérogatives honorifiques et lucratives. Par exemple, durant leur magistrature, les échevins de Bar-le-Duc jouissaient d’une existence noble : point de capitation, de logement militaire ; le droit à l’encens, à l’eau bénite, au pain bénit, à la présentation de l’Évangile, au bane particulier et à la première place dans les cérémonies. Tant d’avantages ne démontraient que trop clairement, ce nous semble, que l’échevinage de Bar-le-Duc avait pour souche la domesticité chez leurs altesses ducales. Les peuples, avec raison, récompensent moins aristocratiquement ceux qui lui consacrent leurs services.

Il y avait des seigneurs dont les fiefs étaient plus ridicules que considérables. Ainsi, en 1256, le sous-chantre de Noire-Dame était seigneur féodal d’un petit coin du faubourg Saint-Jacques. La fabrique de l’église des Innocents possédait, en manière de licfs, toutes les échoppes qui entouraient te cimetière du même nom, et les marguilliers en recevaient les hommages et y percevaient les droits seigneuriaux. Près de l’église de Saint-Jacques-la-Boucherie était encore un rief dit des Trois-Pucelles, lequel consistait en quatre maisons. Ledit nef fut vendu, au commencement du xve siècle, a un maître d’école. Ses privilèges consistaient en ceci : 1» droit de euissuge sur les trois premières pucelles qui se mariaient dans l’année ; 2« on devait lui faire hommage en lui portant une alose et en la lui remettant à genoux, tandis que lui était obligé d’être assis à terre. Il va sans dire que tous ?es petits seigneurs, d’après les institutions féodales, relevaient de seigneurs aussi plus considérables, qui, eux, relevaient de plus grands ; ainsi de suite. Si bien qu’il fallait souvent remonter neuf ou dix échelons de seigneurs pour arriver ; iux suzerains qui, à la fin, relevaient du roi. Naturellement, à tous les échelons, les privilèges chnngeiiient et se multipliaient.

Terminons ce rapide aperçu sur les privilèges en général en en faisant connaître un petit nombre de particuliers, qui ne laissaient pas d’être onéreux et vexatoires lorsqu’ils étaient en vigueur. Ils achèveront d’ailleurs de justifier ce que nous avons dit dès le début, à savoir que, sous l’ancien régime, l’organisation sociale, depuis sa naissance jus- ’ qu’à sa fin, reposait exclusivement sur les privilèges. Les clercs avaient les leurs propres. D’après l’un d’eux, les régents et les écoliers de l’ancienne Université jouissaient du droit de se loger où ils voulaient. Le voyer, ou officier chargé de maintenir la police dans les rues de Paris, n’était pas le plus mal partagé de tous les fonctionnaires. Qu’on en juge : chaque marchand de suif lui devait, par an, deux livres de chandelle ; chaque mercier, deux aiguilles à coudre ; chaque fruitière, un fromage ; chaque pâtissier, un gâteau à la fève le jour de la fête de l’Epiphanie ; chaque marchand de fourrage, deux bottes de foin à la même époque ; chaque bonnetier, une paire de bonnes chausses. Encore un privilégié qui ne devait pas être mécontent de son sort, c’était le chantre de Notre-Dame. Il avait le gouvernement des petites écoles et des écoles de grammaire. A lui seul appartenait le droit de vendre les diplômes de maître d’école et de frère ignorantin. Quiconque se permettait d’enseigner sans sa permission devenait son justiciable et il avait le droit d’en exiger telles amendes qu’il lui plairait. Enfin, le bourreau de Paris avait naturellement des privilèges. Le plus curieux, sans . contredit, c’était celui qui lui accordait le droit de dîner tous les ans avec les religieux de Saint-Martin, le jour de la fête de leur patron. À cet effet, à l’heure du repas, on lui dressait une petite table à l’extrémité de lu table commune. Au commencement du dernier siècle, ces religieux ’se lassèrent de la présence de cet étrange convive. Mais, pour s’en débarrasser, ils furent tenus de lui donner cinq pains et cinq bouteilles de leur meilleur vin. La petite table où s’asseyait le bourreau à l’abbaye de Saint-Martin a été conservée jusqu’à la fin du xvu» siècle ; ou la montrait comme curiosité.

Ce fut dans la nuit du 4 août 1789 (v. août), date à jamais mémorable, que le régime

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auquel les privilèges servaient de base fut aboli. Il suffit d’un vote de constituants pour venger la nation de la tyrannie incessante de douze siècles, tant il est vrai que le bonheur du peuple est facile à faire quand ceux qui le gouvernent s’occupent moins d’eux-mêmes que de luil Mais qu’on se se figure pas que tout le monde en France accueillit avec les mêmes transports d’allégresse la nouvelle de ce qu’on a appelé depuis « les sacrifices du* août ; » ces sacrifices furent généralement mal reçus par les nobles et par les gens d’Église. Dans les provinces surtout, la domination féodale était d’autant plus agréable à la plupart de ceux qui en jouissaient, qu’ils étaient des parvenus et que leur noblesse était récemment achetée. C’est dans les’petites villes principalement, a-t-on dit avec raison, qu’on cherche d’autant plus à avoir des inférieurs, qu’on est plus près de ses égaux. C’est une des cent mille maladies de l’humanité. N’importe ! le monstre féodalité était à terre, c’était l’essentiel. Depuis lors, on a essayé de faire revivre les priai' léges sous bien des formes différentes et par toutes sortes de moyens détournés ; aujourd’hui, plus que jamais, on s’y essaye encore ; mais la Révolution veille, elle est sur le qui vive I et ce ne sont pas les pygmées séniles qui l’injurient et la calomnient qui lui feront lâcher prise. C’est que, quoi qu’on en pense, la Révolution n’est pas le fait des hommes, mais l’ouvrage des siècles, de la nature, de la raison et que, par cela même, elle est à la fois le droit et la force. Que si on nous demande quels sont ces privilèges qu’on a essayé de faire renaître, ■ nous n’aurons que l’embarras du choix. Mais, pour n’en citer que quelques-uns, nous rappellerons les honneurs attribués à la pairie, le cens électoral fixé de telle sorte que cent vingt mille individus seuls étaient appelés aux élections, la question des majorats souvent agitée, l’influence prépondérante des sénats impériaux, l’irresponsabilité qui couvrait les fonctionnaires du premier et du second Empire au point de les rendre inviolables ; enfin, depuis le commencement du siècle jusqu’à ce jour, l’inamovibilité des juges. Nous devons dire encore que, grâce aux différents régimes monarchiques qui se sont succédé depuis la chute de la première République, beaucoup de privilèges, plus ou moins mal déguisés, se sont introduits dans nos mœurs et dans nos institutions sociales.. Tels sont les privilèges d’exemption du service militaire dont jouissent les ministres des cultes, les membres des congrégations religieuses, etc. Quant S la dîme, certains économistes ne se font pas faute d’écrire qu’elle est avantageusement remplacée par une foule ’d’impôts, sans parler de la douane, des frais de justice, etc. Sans trop de pessimisme, les publieistes honnêtes, nous entendons ceux

qui ne vendent pas leur plume, prétendent que le droit, pour certains, de parler soûls et d’interdire la réplique à leurs adversaires constitue un véritable privilège au profit des premiers. On sait que le second Empire, digne successeur, à ce point de vue, du premier, n’a jamais entendu différemment la liberté de la presse et que les gouvernements dits de « 1 ordre moral » ne la pratiquent pas autrement. Pour ce qui est de la liberté individuelle, il nous paraît que la détention préventive peut marcher de pair avec ce qu’on appelait autrefois la « lettre de cachet » et que le membre du parquet qui la décide avec sa simple signature jouit d un véritable privilège. Il y a encore les privilèges que nous appellerons ode grande position.«Ceux-là pourraient aller plus loin qu’on ne pense s’ils parvenaient à jeter de profondes racines. Que l’on compte, en effet, combien d’industriels, de commerçants, d’agriculteurs ont fait partie de nos sénats, de nos chambres des pairs, de nos corps législatifs et de nos conseils d’État depuis le jour où Napoléon 1er mit la main sur la souveraineté nationale. Heureusement, répétons-le, la France de la Révolution veille et elle aura, un jour ou l’autre, raison de toutes ces atteintes sournoises au grand principe de l’égalité proclamé par nos pères de 1789. Déjà, et lorsqu’on s’y attendait le moins, par l’institution du suffrage universel, elle nous a donné t’égalité politique qui nous assure l’avenir, quoi qu’on ose entreprendre contre nos droits et nos libertés,

— Jurispr. Lesprivilèges qui existentencore dans notre législation n’ont plus rien qui se rattache à une distinction ou à une prééminence quelconque des castes ou des personnes. Ce sont, pourrait-on dire, des privilèges égatitaires, autant que ces deux expressions sont compatibles. Leur effet se borne à assurer, dans la distribution^les deniers du débiteur commun, un rang de priorité à certaines créances plus particulièrement dignes da faveur, à raison de leur nature ou de leur cause, et sans nulle acception, bien entendu, de la condition ou de la personne du créancier. Réduit à ces modestes proportions, le privilège, est défini par l’article 2095 du code civil : « Un droit que la qualité de la créance donne au créancier d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires. »

La doctrine des auteurs distingue cinq causes donnant lieu à des droits de privilège. Ces causes sont : 1° Des considérations d’équité. C’est une raison d’équité qui a déterminé le privilège attribué aux frais de justice.

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Ces frais ont été faits pour liquider le gage commun et le convertir en deniers ; ils ont pour fin l’utilité collective des créanciers, et il est par conséquent équitable qu’Usaient la priorité sur toute créance. 2" Les privilèges ont aussi leur principe dans des raisons d’humanité. Tels sont ceux reconnus par l’article 2101 du code civil aux sommes dues pour frais de dernière maladie, pour salaire de domestiques, pour fournitures de subsistances. La loi n’a pas voulu qu’un homme insolvable fût, pour cette cause, exposé à être privé des secours de la médecine, de l’assistance d’un serviteur ou des fournitures en compte courant de l’épicier ou du boulanger. Elle y a. pourvu autant qu’il était en elle en attribuant aux sommes dues pour pareilles causes un droit de priorité sur toute autre créance, le3 frais de justice exceptés. Grâce à cette louable disposition, l’état obéré du débiteur ne peut avoir pour résultat de le priver des soins et des objets de consommation qui lui sont indispensables, puisque les personnes qui lui donneront ces soins, ou lui fourniront des subsistances, primant tous autres créanciers, auront l’a peu près complète certitude d’être toujours payés. 3° Les privilèges peuvent avoir leur raison d’être dans un intérêt d’ordre ou de morale publique. C’est à un principe de cette nature que sérattache le privilège pour les frais funéraires du débiteur, et c’est aussi par un motif d’intérêt public (d’intérêt fiscal), que s’explique le privilège du trésor pour le recouvrement des contributions. 4» Le privilège peut être déterminé par le motif que la chose sur laquelle il s’exerce spécialement est entrée ou a été conservée dans le patrimoine du débiteur commun par le fait du créancier auquel ce droit de préférence est accordé. Cette raison est évidemment celle qui justifie le privilège attribué au vendeur sur la chose vendue, pour payement du prix, ainsi que le privilège sur la chose réparéo accordé à l’entrepreneur ou à l’ouvrier qui a fait la réparation. 50 Le privilège peut être produit par la remise d’une chose à titre de nantissement, mais spécialement et exclusivement sur l’objet ainsi livré à titre de gage et pour la sûreté uniquement de la créance ainsi garantie.

Il faut remarquer que la cinquième et dernière espèce de privilège qui vient d’être mentionnée est la seule qui puisse être créée par les conventions des parties. Sauf cette exception, en effet, et à la différence des hypothèques, les privilèges ne peuvent résulter que d’une disposition de la loi. Ils sont inhérents à la nature intrinsèque de la créance et les conventions des parties sont impuissantes à les produire. Une autre dissemblance remarquable entre le privilège et l’hypothèque est que cette dernière ne prend rang, en général, que du jour où elle a été rendue publique par l’inscription, et qu’elle cède le pas aux hypothèques antérieurement inscrites, tandis que le privilège prend rang en raison uniquement du degré de faveur attaché à la créance et sans aucun égard à l’ordre des dates. C’est ainsi que la créance des frais funéraires, la dernière en date sans contredit, ne prime pas moins toutes les dettes, même hypothécaires, que le débiteur a contractées de son vivant.

Arrivons à la classification des privilèges. Les uns affectent les meubles du débiteur, les autres ses immeubles ; quelques-uns enfin grèvent à la fois les biens mobiliers et immobiliers. Les privilèges sur les meubles sont généraux, c’est-à-dire affectant la totalité de la fortune mobilière, ou spéciaux et ne grevant que des objets mobiliers déterminés. Lesprivilèges sur l’universalité des meubles sont énumérés ainsi qu’il suit par l’articlo 2101 du code civil et ils s’exercent dans l’ordre d’antériorité et de postériorité déterminé par cette énumération elle-même. Ces privilèges sont : « 10 Les frais de justice ; 2» les frais’ funéraires ; 3° les frais quelconques de la dernière maladie, concurremment entre ceux à qui ils sont dus ; 4° les salaires des gens de service, pour l’année échue, et ce qui est dû sur l’année courante ; 5° les fournitures de subsistances faites au débiteur et à sa famille, pendant les six derniers mois, par les marchands en détail, tels que boulangers, bouchers et autres, et, pendant la dernière année, par les maîtres de pension et marchands en gros. Les observations générales présentées au début de cet article dispensent d’exposer les motifs qui justifient ces différents privilèges.

L’article.2102 du code civil énumère différents privilèges affectant, non plus la totalité des meubles, mais certains meubles spécialelement déterminés. Tel est d’abord le privilège du propriétaire locateur pour payement des loyers des maisons ou du prix de fermage des biens ruraux. Ce privilège est spécial, il s’exerce sur les récoltes de l’année, sur tout l’outillage et le matériel de la métairie, s’il s’agit de baux à ferme, et sur tous les meubles qui garnissent la maison louée s’il s’agit de bail à loyer. II faut prendre garde au sens limité de cette expression : les meubles garnissant la maison. Le privilège du locateur, en effet, ne s’exerce que sur les objets mobiliers destinés à être mi3 en évidence et qui décorent ou meublent à proprement parler l’appartement. C’est uniquementsur ces choses ostensibles qu’il a compté pour la sûreté de ses loyers ; aussi son privilège ne s’étend

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point aux biens mobiliers d’un autre ordre, tels que l’argent comptant, les titres de créance, le linge et les bijoux, etc. L’article 2102 énumère d’autres privilèges spéciaux sur certains meubles : te privilège du vendeur sur la chose vendue pour payement du prix de vente ; celui de l’ouvrier ou artisan qui a réparé un objet mobilier, pour le salaire de son travail de réparation ; celui du voiturier pour les frais de transport, sur les objets transportés ; celui des uubergistes et logeurs,

fiour frais de logementou d’alimentation, sur es bagages des voyageurs ou locataires en garni ; celui enfin du créancier gagiste, pour le montant de sa créance, sur l’objet mobilier qui lui a été remis en nantissement.

L’article 2103 du code civil donne la nomenclature des privilèges qui affectent les immeubles. Tous ces privilèges sont spéciaux, c’est-à-dire qu’ils grèvent déterminément un ou certains immeubles. Ce sont : 1<> le privilège du vendeur sur l’immeuble vendu, pour le prix ou la partie restant due du prix de l’aliénation ; 2° !e privilège dos copartageants sur le lot immobilier les uns des autres, pour le cas où quelqu’un d’entre eux serait évincé de tout ou partie des immeubles qui luisont échus dans le partage, et, en outre, le privilège pour soulte ou retour de partage, spécialement sur le lot grevé de la soulte ; 3° enfin, le privilège des architectes ou entrepreneurs sur l’immeuble qu’ils ont édifié ou réparé, et jusqu’à concurrence de la plus-value, estimée par experts, résultant des travaux par eux exécutés. Les principes généraux exposés tout à l’heure expliquent la raison d’être du premier et du troisième de ces privilèges. Quant au privilège des cohéritiers, son but manifeste est d’assurer et de maintenir l’égalité dans les partages des successions.

Il existe enfin une classe de privilèges affectant tout ensemble la généralité des meubles et des’immeubles. Ces privilèges ne sont autres que ceux énumérés par l’article 2101 : frais de justice, frais funéraires, etc., créances qui sont à bon droit l’objet d’une faveur exceptionnelle. Toutefois cette classe déprimées ne s’exerce sur les biens immeubles du débiteur qu’après discussion et épuisement de son actif mobilier. Enfin, lorsqu’il y a heu d’en user sur les immeubles, on comprend qu’ils puissent se trouver en conflit avec quelque privilège spécial sur un immeuble, tel qu’un privilège de vendeur ou de cohéritier. La loi a prévu ce concours de conflits et elle a disposé que l’ordre de priorité appartiendrait dans ce cas aux privilèges généraux énumérés par l’article 2101.

— Librairie. Malgré la révolution de 17S9 et celles de 1830 et de 1848, les professions d’imprimeur et de libraire ne pouvaient, avant celle du 4 septembre 1870, être exploitées sans brevet, ce qui constituait un véritable privilège. Nous avons déjà traité aux mots imprimeur et libraire cette question que le temps résoudra certainement dans le sens de la liberté ; contentons-nous de dire qu’aujourd’hui un pas est fait vers cette solution, puisque le brevet est aboli. Il est vrai que l’administration peut refuserou accorder l’autorisation indispensable à l’exercice de ces professions. Nous n’avons donc à nous occuper ici que des privilèges accordés aux auteurs et aux éditeurs pour la publication des livres et pour les garantir des contrefacteurs. Aujourd’hui que des traités internationaux protègent la propriété littéraire, les privilèges attachés aux livres n’ont plus de raison d’être.

La république de Venise parait avoir été le premier État qui ait accordé des privilèges de cette nature (vers 1469). Les papes, dit-on, accordèrent aussi des privilèges dès la fin du xve siècle ; mais un des plus anciens dont l’existence soit dûment constatée ne remonte pas au delà de 1507. Il fut accordé à l’édition latine de la Géographie de Ptolémée, imprimée à Rome cette même année. Dans ces premiers privilèges, le prix du livre n’était pas laissé à l’arbitraire du libraire éditeur, mais il devait être fixé par le bibliothécaire du pape. "Voici en quels termes est conçu le privitége de l’édition de Procope, De bello persico, (Rome, Eucharius Silber, 1309, in-fol.) :

« Julius 11 Pont. max. edicto vetuil ne guis hune libruvi imprimat neve imprimi permittat. Si guis contra hinc ad XXV, an. fecerit, anatnema sit noxamque Jacobo Mazochio bibliopolspendat. »

Renouard a inséré en entier dans les Annales de l’imprimerie des Aides le texte du privilège de Léon X et celui de son prédécesseur, le pape Jules II, en faveur d’Aide l’ancien. Crapelet a reproduit en partie ce document dans ses Études sur la typographie. Lu dernière clause du privilège présente cette particularité curieuse, que Léon X enjoint à Aide et l’exhorte au nom du Seigneur de vendre ses livres à un prix raisonnable, se confiant d’ailleurs en sa probité pour user loyalement du privilège qui lui est accordé :

> Volumus autem et Aldum ipsum in Domino hortamur ut libros justo pretio vendat, aut vendi facial, ne his concessionibus nostris ad aliam, quant konestum est, partem utatur, quod tamen eum prù sua integritaie atque in nos observantia curaturum plane confidimus. »

L’Allemagne offre peut-être le plus ancien privilège qui soit connu. C’est celui qui fut accordé en 1490 au Liber viissalis secundum