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questions, un fil et une lumière ; c’est parce qu’elle émane des sciences qu’elle échappe aux vices el aux illusions de la subjectivité ; c’est parce qu’elle emprunte aux sciences ainsi rangées hiérarchiquement ses généralités qu’elle est, non une science particulière, mais une philosophie.

« La philosophie positive est à ses débuts, les développements lui viendront ; il en est un qui se présente déjà : la sociologie, puisqu’elle contient l’évolution de l’humanité, renferme implicitement l’histoire de la morale, de L’esthétique et de la psychologie, mais d’une manière implicite seulement. Aussi faut-il les extraire de ce bloc, où elles sont confondues, les considérer dans leur ensemble et leur connexion comme une seule science dite théorie du sujet, les établir en septième science à la suite des six sciences déjà hiérarchisées et leur faire fournir, suivant la méthode employée par M. Comte, leur contingent d’idées générales pour étendre et éclairer le domaine de la philosophie positive. »

« Telle est, poursuit M. Dupont-Whitéj cette fumeuse classification des sciences, qui est faite pour en montrer la base, la filiation, l’achèvement et la portée souveraine sur l’ordre moral et politique* Tel est le champ de la connaissance humaine, exploré désormais dans toutes ses parties, non pas sans doute approfondi et sondé comme il le sera quelque jour, mais délimité et fermé. Vous ne voyez là, dit le philosophe positif, aucune notion sur l’essence, l’origine et la fin des choses, c’est-à-dire rien d’absolu ; mais les choses nous sont inaccessibles en ces replis. Je ne m’enquiers pas de ces abîmes, j’observeet je compare ; cela fait, j’élimine le particulier, je m’arrête au général, je néglige l’absolu. Touiefuis, dans ces limites où je me contiens, je ne laisse pas de rencontrer tout ce qui intéresse l’individu et la société ; par delà ces bornes, rien n’est à découvrir, et même rien n’importe. Regardez bien en effet : la science comprend la vie des sociétés, les lois de cette vie, le progrès entre autres. Donc, en étudiant le passé politique des sociétés, vous apprendrez leur avenir, et non-seulement l’avenir comme probabilité, mais comme droit et devoir, devoir de l’homme soit envers lui-même, soit envers ses semblables, soit envers la puissunce publique, devoir de cette puissance envers les individus, soit à respecter, soit à protéger, soit à consulter. Il n’y a que du relatif en tout cela ; mais ce n’est pas peu de chose apparemment que des rapports qui, dans leur constance, dans leur inviolabilité, sont des lois. Qu’allezvous chercher au delà ? et que trouverezvous avec des vues de l’esprit, avec des conceptions à priori qui sont de pures imaginations sans portée, parce qu’elles sont sans base ? Remarquez bien que cette science de l’histoire est le dernier anneau d’une chaîne de science continue, achevée seulement de nos jours, par où cet ensemble prend un caractère de grandeur incomparable. Quand Turgot découvrit la philosophie de l’histoire et la loi du progrès, il ne s’aperçut pas que la science, avec cette conquête, conquérait tout ; mais il n’avait pas lieu, il n’avait pas le droit, en quelque sorte, de s’en apercevoir : la chimie ne fai-ait que de naître, et la physiologie, qui est la science des propriétés organiques, la biologie, qui est la science des propriétés vitales, n’existaient pus du tout. Aujourd’nui, la chaîne est ininterrompue qui nmt la plus simple des sciences, la mathématique, à la philosophie de l’histoire ou sociologie, qui est la plus compliquée des sciences.

On sait combien est capital cet achèvement, ce couronnement rie ta connaissance humaine par la philosophie de l’histoire. C’est par ce côté que la science touche à la morale et au droit public, à la conduite des individus et des sociétés, au principe et à la constitution de l’État. Ici, toutefois, une remarque est essentielle : je prête à la philosophie positive un langage qu’elle pourrait tenir, mais qu’elle ne tient pas, ou du inoins qu’elle n’accentue pas avec assez de force et d’insistance. Cet aspect de sa doctrine, par où elle devient une règle morale et politique, en est, selon moi, le plus triomphant ; c’est là qu’elle est le plus près de suppléer à tout ce qui est religion et philosophie. Seulement, je ne vois pas qu’elle tire avantage ou du moins qu’elle ait une conscience assez flère de ce grand trait qui la relève du pur matérialisme, qui la distingue et la recommande.

> A cette classitication des sciences, la philosophie positive ajoute une théorie des âges de 1 esprit humain où cet esprit nous apparaît comme s’acheminant vers le règnetde la science à travers maint écart. L’homme, en face de la nature, a des manières différentes et successives de l’expliquer : d’abord la manière théologique, qui est démettre partout des dieux ; ensuite la manière métaphysique, qui est de supposer partout des forces abstraites, occultes ; enfin la manière scientifique ou positive, qui constate, sous le nom de lois, le cours permanent et régulier des choses.

•, Ici est la rencontre des philosophes positivistes avec Turgot, qui s’exprime en ces termes : « Avant do connaître la liaison des effets physiques entre eux, il n’y eut rien de s pius naturel que de supposer qu’ils étaient produits par des êtres intelligents, invisi POSI

blés et semblables à nous, car à quoi auraient-ils ressemblé ? Tout ce qui arrivait sans que les hommes y eussent part eut son dieu, auquel la crainte ou l’espérance fit bientôt rendre un culte, et ce culte fut encore imaginé d’après les égards qu’on pouvait avoir

« pour les hommes puissants, car les dieux n’étaient que des hommes plus ou moins

« puissants et plus ou moins parfaits, selon qu’ils étaient l’ouvrage d’un siècle plus ou moins éclairé sur les vraies perfections de

« l’humanité. Quand les philosophes eurent reconnu l’absurdité de ces fables, sans avoir acquis néanmoins de vraies lumières sur l’histoire naturelle, ils imaginèrent d’expliquer les causes des phénomènes par des expressions abstraites, comme essences et facultés, expressions qui cependant n’expliquaientrien, et dont on raisonnait comme

> si elles eussent été des êtres, de nouvelles divinités substituées aux anciennes. On suivit ces analogies et on multiplia les fa■ cuites pour rendre raison de chaque effet. Ce ne fut que bien tard, en observant l’action mécanique que les corps ont les uns

« sur les autres, qu on tira de cette mécanique d’autres hypothèses que les mathéma « tiques purent développer, et l’expérience vérifier. •

On divisait autrefois la floraison de l’esprit humain en différentes époques ; il y avait l’âge étrusque, le siècle de Périclès, le siècle de Léon X, le siècle de Louis XIV. Turgot et les positivistes ont changé cela contre une vue plus profonde de l’esprit humain, le considérant surtout dans l’accroissement de ses facultés, dans ses fruits plutôt que dans ses fleurs.

Il me semble qu’on saisit bien ici comment a pu naître la philosophie positive, comment une école a paru pour détinir et absorber tout par la science, pour y enchaîner, pour y borner tout effort, toute aspiration de l’homme. À voir le chemin qu’a suivi l’intelligence humaine, passant de l’imagination à l’observation, méprisant tes hypothèses pour en venir à l’expérience, rencontrant, une fois parvenue à ce point, une vérité pleine de bienfaits (celle des sciences naturelles et exactes), qui la pénètre d’admiration et de gratitude.... ; en présence, dis-je, de ce spectacle, certains esprits ont pu croire que la science, avec ses méthodes, ses acquisitions et même ses limites, était le dernier mot de l’esprit humain ; que celui-ci devait’s’arrêter avec elle, se désintéresser de ce qu’elle ignorait. Si la science est la chose progressive entre toutes parmi des êtres éminemment destinés au progrès, la science doit leur suffire. Comme elle rayonne avec ses clartés croissantes sur toute la condition de ces êtres, comme elle leur fait de la force, du bien-être, du droit, comme elle a des règles de conduite pour l’individu et pour la société, il est vrai de dire qu’elle embrasse tout, qu’elle ne laisse rien échapper des intérêts humains et ne s’arrête qu’où finit l’homme. Celui-ci abuse de ses facultés, il se pervertit et s’égare à plaisir, quand il ne fuit pas de ses facultés 1 usage purement scientifique. Aimezvous les romans ? Soit ; mais sachez bien dans ce passe-temps que vous faites ou que vous lisez un roman. Il a plu à Newton de commenter ('Apocalypse  ; mais Newton savait bien alors qu’il ne décrivait pas la mécanique céleste. L’homme a certaines facultés pour en jouir, mais non pour y croire.

« liien entendu que ce sont toujours les philosophes positifs qui parlent de la sorte. Disent-ils autre chose encore ? y a-t-il quelque chose de plus dans leur doctrine ? Hélas ! oui, il y a une politique ; il y a même une religion, ce qui est un insigne écart, une trahison intime de leur méthode. Cette religion, M. Littré la rejette ; cette politique, il ne l’expose pas, ou du moins il ne l’expose plus. Faisons comme M. Littré, laissons là ces tristes dogmes et cherchons plutôt ce qui a pu suggérer et mettre sur pied cette entreprise inouïe d’une science unique, d’une maîtresse science, non-seulement pour expliquer la nature, mais pour conduire les individus et les sociétés, pour les contenter, pour les repaître, corps et âmes. Cherchons, cela où l’on peut le trouver, c’est-à-dire dans le divorce des esprits avec les autorités qui régnaient autrefois sur les esprits, dans la disproportion de ces anciennes puissances avec Jes nouveaux principes de foi et d’obéissance qui ont prévalu dans le monde.

J’allais dire, à ce propos, que la face du monde a changé ; mais ces expressions manquent de force et de propriété. C’^st le fond même des choses qui s’est transfiguré, c’est l’âme humaine qui s’est enriehie d’idées, peut-être même de facultés nouvelles. Je vous fais grâce de tant d’inventions qui, dans le courant même du moyen âge, ont éclaté en bienfaits et en lumière sur la condition physique des hommes et que Turgot a si bien reconnues et énumérées. Cela est considérable, mais- n’a rien à voir ici. Ce que je veux détacher et mettre en relief, c’est le progrès des sciences morales, car la science est possible, elle existe et même se développe dans l’ordre moral : l’histoire en témoigne, l’histoire la plus avérée, la plus éclatante. Telle a été la fortune de certaines idées, nullement géométrique ? ni chimiques, capables de renouveler les conditions de la foi et les bases de la société, — ce qui est moral apparemment,

— que ces idées ont fait des sciences :

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philosophie de l’histoire, histoire générale et critique, économie politique, philosophie politique, cette dernière en voie de formation seulement, un desideratum dont le nom seul existe. Il n’est tel que cet achèvement scientifique d’une idée pour en marquer la diffusion et la puissance. Quand le monde est jeune, il fait des vers ; quelquefois une épopée, avec les idées qui le pénètrent. On sait de reste que tout le paganisme des anciens est dans Homère, tout leur rationalisme dans Lucrèce, toute la piété du moyen âge dans la Divine comédie. Plus tard, en pareil cas, le monde fait des sciences et même des révolutions. À chaque âge son allure : dans

l’âge viril, l’homme a foi aux idées, foi sur expérience et non sur parole ; c’est de beaucoup la plus puissante en œuvres. On ne l’a pas encore vue transporter des montagnes ; mais comme elle détruitI comme elle s’entend à niveler 1

« 11 faut remarquer ici le train dont ces choses arrivent, qui est une marque de leur prédestination, de leur légitimité. Il n’y a pas dans l’histoire d’aventures improvisées, de scandales éclatant un beau jour, de champignons vénéneux qui aient poussé dans une nuit ; wilura non facit s«/(us, a dit un physiologiste. L’histoire a des allures tout aussi réglées, tout aussi continues. On y voit que —tout se prépare, s’élabore et s’avance pas à pas vers les hommes par des acheminements soutenus et imperturbables. Le nuage qui creva en 1789 sur cette terre de France, élue entre toutes, avait amassé lentement son tonnerre, et c’est ce qui en fit la fécondité. »

Après un aperçu saisissant des progrès de l’esprit humain, progrès que l’Église aurait volontairement laissé s’accomplir en elle ; après un tableau vivant des aspirations sociales et politiques, M. Dupont-White fait connaître la solution proposée par la philosophie positive de ces problèmes difficiles.

« Elle fait valoir d’abord qu’elle est la science de la nature, de l’homme et de l’histoire, par où elle est en état de diriger les individus et les sociétés, de les conduire au progrès dont elle a reconnu les traces et les procédés. Tels sont ses services et ses révé■lations à l’usage du présent. Quant à l’avenir, elle ne sait rien de la persistance éternelle des individus ; mais, en mettant les choses au pis, et par la grâce de cette loi de progrèsf-elle n’admet pasqu’ils meurent tout entiers. Votre esprit, leur dit-elle, ne sera pus plus perdu que votre corps. Ce que vous avez eu d’esprit, ce que vous avez produit d’idées ou de sentiments ira grossir le trésor spirituel de l’humanité, absolument comme votre corps ira grossir et féconder la matière. De même que vous vivez du passé, l’avenir vivra de vous, intellectuellement et matériellement. C’est ainsi que vous survivez, que vous persistez, et cette perspective n’est pas sans stimulant ni même sans grandeur. Vous êtes, il est vrai, d’une espèce supérieure à tout ce qui peuple cette planète ; aussi vous arrive-t-il ce qui n’arrive à aucune autre, la transmission et l’éternité des idées. Ce trait souverain constitue une espèce supérieure. Ce n’est pas peu de chose que cet effet de sa supériorité ; peut-être n’en est-il pas d’autre, II vous semble odieux et intolérable que cette puissance, cette flamme d’esprit qui est en vous, s’éteigne à jamais. Rassurez-vous, elle survivra dans la lumière

qu’elle a jetée, c’est là l’essentiel ; car cette puissance ne valait que par certaines de ses œuvres ; elle était en soi inégale, intermittente, faillible même. Si ce qu’elle a de radieux et de pur ne s’éteint pas et court allumer le flambeau ailleurs, que pouvez-vous demander de plus ?

Mais, dites-vous, j’ai besoin de croire à une autre vie 1 Eh bien l ce besoin vous quittera, comme le besoin de croire aux astrologues, uux sorciers, aux démoniaques, a quitté vos pères. Vous ne m’en ferez pas accroire avec vos aspirations infinies, avec votre soif des choses éternelles. Romans que tout cela, ou lecture de romans, réminiscences A’Obermann et de Reuêt... Le fait est que vous vivez dans le présent, perdus et absorbés dans les vétilles do chaque jour. Voilà votre aliment quotidien. Le reste, si terrible qu’il soit, traverse votre esprit sans plus de trace ni de consistaneequ’unnuage. «

Ainsi, le pqsitivisme, supprimant tes questions relatives à notre fin et à notre origine, n’est essentiellement ni matérialiste ni athée ; mais il proclame bien haut l’impuissance de l’esprit humain à pénétrer dans le domaine des notions absolues. Il ne dit pas : « Dieu n’existe pas, l’âme est matérielle et périssable ; > mais il dit : • Nous ne pouvons rien savoir sur Dieu, sur la nature essentielle de l’âme. » Il en résulte pour les posivistes, comme pour les matérialistes, que le culte d’un Dieu personnel est une folie, la révélation un mensonge, la sanction du devoir par une vie future un mensonge encore. Quant au fondement de la morale, Auguste Comte le trouve dans la force de certains sentiments qu’il appelle altruistes, et dont le développement de plus en plus général doit résulter d’un système très-compliqué d’institutions sociales qui prennent l’homme à sa naissance pour le suivro et le diriger dans toutes les phases successives de sa vie. À ce point de vue, la philosophie positive prend tous les caractères d’une véritable religion, et d’une religion qui n’est exempte

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ni d’exaltation quelque peu fanatique ni de bizarreries quelquefois choquantes.

Nous avons, en commençant, signalé une erreur du positivisme, sa négation de l’absolu ; noU3 en signalons ici une autre plus grave, sa manière de constituer la morale positive. Le positivisme pèche donc à la fois par son principe et par sa conséquence la plus considérable. Est-ce une raison pour nier son importance scientifique et même sociale ? Non assurément. Si le positivisme n’a pu supprimer l’absolu, il aura du moins contribué à. réduire son rôle et relevé, dans l’étude des problèmes sociaux, l’importance du fait scientifique. S’il n’a pu donner la solution de la question sociale, s’il a surtout étrangement dévié sur la question politique, il a du moiâs fait faire un grand pas dans la manière d’étudier ces questions, et, quelle que soit la solution que leur réserve I avenir, le positivisme y aura eu sa très-large part. Le positivisme, malheureusement, est déjà livré à des dissensions intestines. Quelquesuns sont restés fidèles à Auguste Comte ; les plus intelligents, M. Littré, Stuart Mi 11, ont rompu avec les traditions de celui dont on a eu le tort grave de faire une sorte de patriarche, et le respect affecté de M. Littré pour le fondateur de l’école n’est plus qu’une gratitude naturelle pour celui qui lui a ouvert la voie philosophique, qui lui a révélé le progrès. Les orthodoxes, cependant, traitent sévèrement cette espèce d’abjuration ; M. Littré et tous les néopositivistes sont traités par eux en véritables hérétiques. Paut-il voir dans ces divisions un signe de décadence ? Nous ne le croyons pas. Cette scission, regrettable à certains points de vue, était absolument nécessaire ; le dogmatisme des disciples trop fervents de Comte mettait l’école en un péril évident, la vouait à une destruction certaine ; car les ennemisnés de la théologie avaient abouti à une prodigieuse inconséquence : la fondation d’une théologie nouvelle. Là raison d’être du positivisme, c’est le culte de la science et du Îirogrès. Ceux qui se sont immobilisés dans e dogmatisme du maître feront bien d’y réfléchir.

Positivisme «nginii (i.e), Étude sur Stuart MM, par H. Taine (Pans, 1864, in-12). La principe invoqué par Stuart filill, te représentant le plus autorisé du positivisme en Angleterre, est que la substance, la force et les êtres métaphysiques des philosophes modernes sont un reste des entités purement logiques du moyen âge et de lu scolastique. M. Taine admet avec lui que toute réalité est dans les phénomènes sensibles, tels qu’ils s’offrent à nous avec leur ordre de temps et de lieu ; mais il veut, néanmoins, quelque chose de plus. Outre la faculté d’ajouter, nous avons, remarque-t-il, celle de retrancher. Les mathématiques procèdent à la fois par addition et par soustraction ; la chimie n assemble pas seulement des parties en des touts, elle décompose encore des touts en leurs parties. Cette seconde opération, c’est l’abstraction ; c’est par elle que d’un principe nous déduisons une infinité de conséquences. Cette faculté est, selon le langage de l’auteur, « une faculté magnifique, source du langage, interprète de la nature, mère des religions et de la philosophie, la seule distinction véritable qui sépare 1 homme de la brute et les grands hommes des petits. >

Autre différence entre M, Taine ot Stuart Mil !. Ce dernier bannit de partout l’idée de cause, pour y substituer la simple juxtaposition des phénomènes. Le premier, au contraire, invoque comme universel ce qu’il appelle l’axiome de causalité. Tout, dit-il, aune cause, et c’est pourquoi tout doit pouvoir se prouver. Mais les causes de M. Taine ne sont pas des causes distinctes des phénomènes, telles que les entendent les philosophes écossais et les éclectiques ; les causes des faits ne sont que d’autres faits, et toute la causalité des phénomènes réside dans les phénomènes eux-mêmes. Le travail scientifique n’est donc pas seulement un travail d’assemblage, de juxtaposition, de synthèse ; c’est aussi un travail d’abstraction, d’analyse, qui sépare les faits de leurs circonstances accidentelles et variables et les réduit à la plus grande simplicité et à la plus grande généralité possible.

« Le progrès de la science, dit M. Taine, consiste à expliquer un ensemble de faits, non point par une cause prétendue hors de toute expérience, mais bien par un fait supérieur qui les engendre. En s’elevant ainsi d’un fait supérieur à un fait supérieur encore, on doit arriver, pour chaque genre d’objets, a un fait unique qui est la cause universelle. Ainsi se condensent les différentes sciences en autant de définitions d’où peuvent se déduire toutes les vérités dont elles se composent. Puis vient le moment où nous osons davantage : considérant que ces définitions sont plusieurs et qu’elles sont des faits comme les autres, nous y apercevons et nous en dégageons, par la même méthode que chez les autres, le fait primitif d’où elles se déduisent et qui les engendre. Nous découvrons l’unité de l’univers et nous comprenons ce qui la produit. Elle ne vient pas d’une chose extérieure au inonde ni d’une chose mystérieuse cachée dans le monde ; elle vient d’un fait général, semblable aux autres, loi génératrice d’où les autres se déduisent, de même que de la loi de l’attrac-