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d’hui de chapelle à la maison d’accouchement. On y voyait deux tableaux célèbres de Philippe de Champagne : le Portrait de sa fille ei la Cène ; ces belles peintures ont été portées au Louvre. Elle possédait une prétendue épine de la couronne du Christ, à laquelle on attribuait la guérison miraculeuse de deux jeunes filles incurables, dont l’une était la nièce de Pascal, et une urne d’albâtre oriental, qui passait pour avoir servi aux noces de Cana. Enfin, on remarquait dans cette église le tombeau de la belle duchesse de Fontanges, qui sut fixer pendant quelquesours l’inconstant Louis XIV.

Port-Royal a eu do nombreux historiens : Fontaine, Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal (Cologne, 1736, 2 vol. in-12) ; J. Racine, Histoire abrégée de Port-Royal (1742, in-12) ; Besoigne, Histoire de PortRoyal (1752, 6 vol. in-lî) ; dom Clémencet, Histoire de Port-Royal (1755-1757, 10 vol. in-12) ; Reuchlin, Port-Royal (1810, in-S<>) ; Sainte-Beuve, Histoire de Port-Royal (1840-1859, 8 vol. in-so).

Port -Hoyul (MÉTHODE LATINE DE) [1644,

in-8o]. La meilleure édition est celle d’Antoine Vitré (1662). Les solitaires de Port-Royal rédigèrent en commun cet ouvrage ; Lemaistre, les deux Séricourt de Sacy, Nicole, le grand Arnauld et Saint-Cyran y travaillèrent sur un plan fourni par Lancelot. L’ouvrage parut d’abord sous le titre de Nouvelle méthode pour apprendre facilement la langue latine. Comme dans les fameuses Racines grecques, les règles de la langue latine sont mises en petits vers français de huit syllabes, contenant l’essence même de la règle. Les exceptions et les difficultés sont recelées dans les remarques, avec des chiffres correspondants pour faciliter les recherches. À la suite des remarques se trouvent quelques observations sur les noms des Romains, sur leurs chiffres, sur leur manière de compter le temps et les sesterces. Dès la troisième édition, ces observations furent accompagnées d’un Traité des lettres. Dans ce traité, de savantes explications font connaître quelle était autrefois la prononciation de la langue latine et quelle est celle que l’on doit aujourd’hui employer pour la langue grecque. Ensuite est traitée la question des étywoiogies et sont exposés les changements qui surviennent dans les dialectes ei dans les mots qui passent d’une langue à une autre. PuU vient un traité des accents latins, où les raisons fondamentales des règles de la prononciation sont données en peu de mots. L’ouvrage se termine par un traité de prosodie latine.

Au point de vue technique et scientifique, malgré quelques erreurs, la Grammaire latine de Port-Royal était un excellent livre, auquel on pouvait seulement reprocher de n’être pas assez élémentaire, d’être trop compliqué pour de jeunes élèves et de ne pouvoir aider fructueusement que des hommes déjà avancés dans l’étude de la langue. Les auteurs de ce livre blâment avec raison’la méthode qui met entre les mains des enfants des livres de phrases toutes faites, des cahiers d’expressions pour les accoutumer à se servir des plus élégantes, c’est-à-dire de celles qui paraissent les plus recherchées et les moins communes.» À quoi bon, pour dire aimer, mettre : amore prosegui, benevolenlia complecti, au lieu de : amare ? Le plus souvent, le mot propre a bien plus de grâce et de force que les périphrases. • Le résultat de ces cahiers est de composer un style bigarré de ces élégances et de ces tours de paroles étudiés qui ressemble à une mosaïque. Il faut savoir en quel temps, en quel lieu et dans quelle mesure on peut user de ces sécours mnémoniques, ce que l’élève n’apprendra pas dans les recueils d’expressions détachées, mais ce qu’il acquerra par la lecture et l’examen des procédés de style des meilleurs auteurs, tels que Cicéron, César, Térence, Virgile et Horace.

Port-Royal (MBTHODtt GRECQUE DE) [1655].

Comme la Grammaire latine, ia Grammaire grecque fut rédigée en commun par Arnauld, Saint-Cyran, Lemaistre, les deux Séricourt de Sacy, Nicole et surtout Lancelot. Le titra complet est : Nouvelle méthode pour apprendre, facilement ta langue grecque, contenant les règles des déclinaisons, des conjugaisons, etc. L’ouvrage est divisé en neuf Jivres. Le premier parle de l’analogie des lettres, de leur prononciation et des changements et rapports qu’elles ont ensemble ; le second traite des déclinaisons, des noms et des pronoms ; le troisième, de la conjugaison des verbes en w ; le quatrième, de la conjugaison des verbes en u, i ; le cinquième, des verbes défectueux et de l’investigation du thème ; le sixième, des particules indéclinables, avec un traité tort utile delà dérivation et composition des noms ; le septième, de la syntaxe ; le huitième contient des remarques curieuses sur toutes les parties du discours, et, le neuvième, sur la quantité et les accents, avec une récapitulation des dialectes et des licences poétiques.

Toutes les déclinaisons sont ramenées à deux types, une parisyllabique et une imparisyllabique ; de même pour les conjugaisons,

Port-Royal en distingue deux sortes seulement, les verbes en <u et les verbes eu |u. Considérant que le prétérit et l’aoriste dépendent du futur, les auteurs de la Grammaire grecque ont jugé à propos de placer

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celui-ci avant les deux autres temps. Supposant que celui qui se met à étudier la langue grecque a déjà quelque connaissance -de la langue latine, pour ce qui regarde la syntaxe, ils mettent fort peu de règles, celles qui sont indispensables ; rien de plus. Quant aux cas particuliers, ils sont examinés dans des avertissements en petites lettres placés’au bas de chaque règle ou dans le huitième livre, consacré aux remarques.

Les savants de Port-Royal n’ont pas perdu de vue la distinction des deux sortes de personnes qui peuvent se servir de cette grammaire : les enfants et ceux qui commencent à étudier par réflexion et par jugement. Pour les premiers, ils ont rédigé les règles en vers, afin qu’il fût plus facile de les retenir ; pour les seconds, c est au moyen de l’analogie qu’elles sont expliquées. Enfin, : ils conseillent, en terminant, de s’attacher plus qu’on ne le fait à l’ancienne et véritable prononciation du grec, les Grecs modernes ayant introduit une prononciation vicieuse.

Telle qu’elle est, cette Grammaire grecque n’est pas aussi complète que celle de M. Burnouf ; mais, pour les élèves, elle est peut-être plus claire ; on y reconnaît bien l’esprit logique des écrivains de Port-Royal.

Pori-lUyai (le paysage de), réunion de sept odes composées par J. Racine en l’honneur de l’asile des pieux solitaires (1690). Ces odes, célèbres au xviia siècle, sont peu connues aujourd’hui ; cependant cette tentative, presque unique dans l’art de ce siècle, d’appliquer la poésie à rendre de grands effets de paysage mérite d’être remarquée. L’ensemble est loin d’être bon ; les courtisans de Louis XIV, qui, pour la plupart, ne s’éloignaient guère de Versailles, semblaient ne pouvoir admirer la nature simple dans son désordre et sa riche variété. Ils regrettaient dans les champs les belles allées tirées au cordeau du parc royal et eussent souhaité que toutes les forêts fussent taillées et mutilées comme les marronniers de Versailles. Racine, en faisant effort pour réagir contre l’erreur commune, n’a pas réussi à rendre ce que certainement il sentait ; la langue ou plutôt le jargon poétique d’alors s’y opposait, et il n’a pas su briser cette mesquine barrière. Ses descriptions champêtres sont bien loin de cette simplicité que quelques-uns de nos poëtes modernes ont su atteindre à leurs meilleurs moments ; il parle la langue des bergères et le patois mythologique : il appelle les champs des guéreis ; la vigne, le pampre ; l’herbe et les fleurs, les dons de Flore, etc.

La première des sept odes a pour titre : Louange de Port-Royal en général. Le poëte y établit une opposition entre les palais les plus richement ornés et le simple monastère de Port-Royal, et il conclut naturellement à l’avantage au monastère :

Hais toi, solitude féconde,

Tu n’as rien que de saints attrait)

Qui ne s’effaceront jamais

Que par l’écroulement du monde 1

La seconde ode nous peint lo Paysage en gros. C’est ici surtout qu’on aperçoit une singulière tendance réaliste, malheureusement gâtée par du jargon poétique :

Je. vois lesaltières futaies

De qui les arbres verdoyants,

Dessous leurs grands bras ondoyants. Cachent les buissons et les haies. L’on dirait même que les cieux

Posent sur ces audacieux

Leur pesante machine,

Et qu’eux, d’un orgueil nonpareil. Prêtent leur forte échine

  • À ces grands trônes du soleil.

Cette strophe, qui rappelle l’ampleur de Ronsard dans les derniers vers, et dont le commencement a une couleur toute moderne, mérite d’être remarquée dans l’œuvre de Racine.

Les odes suivantes sont la description par morceaux de ce que les deux premières nous ont présenté d’ensemble. Le poète passe aux détails ; il commence par nous peindre les bois de Port-Royal (odo III). Mais, au lieu de nous faire pénétrer sous bois, comme disent nos peintres, et de nous laisser entrevoir les admirables effets de lumière que nos poBtes contemporains ont parfois si heureusement rendus, Racine se contente de faire un éloge banal des oîseanx’et de leurs nids, qu’il appelle des cabinets bien bâtis ; des cerfs, qu’il appelle des arbres vivants ; des petits zéphyrs et de leurs tranquilles soupirs, etc. L’ode IV est consacrée à l’Etang, Racine essaye de peindre les jeux du soleil sur l’eau ; mais comment y réussir quand on ne voit dans le soleil que le char doré de Phœbus et quand on veut parler du cristal limpide a propos d’un simple étang ? Ode V, les Prairies : mêmes défauts, qui tiennent toujours au temps plus qu’au poëte ; on y trouve nombre d’expressions comme celles-ci : le pompeux éclat des fleurs, le vif émail de la verdure, le êeau sein des campagnes, les labyrinthes délectables, etc. L’ode VI est meilleure, parce que le sujet est déjà moins rustique : il s’agit des troupeaux et en particulier d’un combat de taureaux ; Racine n’a pas oublié Virgile. Enfin, l’ode VU est l’éloge des Jardins ; la poésie est tout à fait factice. On y lit : Mes yeui, pourrai-je bien vous croire ? Suis-je éveillé ? Vois-je un jardin 7

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N’est-ce point quelque songe vain Qui me place en ce tieu de gloire ?

Quelle exagération ! Quelle aberration du

foût ! Est-il possible que, dans un siècle aussi élicat que le xviif, on ait su admirer si fort des plates-bandes et faire si haut l’éloge d’un espalier, quand les grnnds bois et les arbres libres des forêts ne disaient rien aux poètes ?

Port-Itoyni, par C.-A. Sainte-Beuve (1840-1859, 5 vol. in-8o ; dernière édition, 1867, 6 vol. in-18). Ce livre, qui est l’œuvre la plus sérieuse de Sainte-Beuve, le seul livre complet qu’il ait jamais fait, car les Causeries du lundi sont composées de morceaux détachés, est regardé par les étrangers comme la plus belle histoire littéraire que la France ait jamais produite. Il y a sans doute de l’exagération dans ce jugement, mais il montre le cas que l’on fait de cet important ouvrage. La composition de Port-Royal occupa vingt-deux années de la vie de Sainte-Beuve, de 1837 à 1859, et ce travail passa par de curieuses péripéties. En 1837, Sainte-Beuve avait besoin d’un repos, d’un repos laborieux, car il n’était pas de ceux qui peuvent se condamner à une inaction complète. L’idée lui vint d’écrire l’histoire de Port-Royal et de ses habitants peu connus qui appartenaient au monde littéraire, » J’étais réellement seul, dit-il, à m’occuper alors d’un pareil sujet. J’y avais été conduit par mon goût poétique pour les existences cachées et par le courant d’inspirations religieuses que j’avais suivi dans les Consolations. » Mais, pour mener à bien une pareille entreprise, il lui fallait une année entière de répit, chose difficile à celui qui est obligé de gagner son pain quotidien. Le conseil d’État de Lausanne ayant connu ce désir de l’écrivain lui proposa, moyennant une rémunération suffisante, de faire un cours d’une année sur Port-Royal. « J’acceptai avec gratitude, dit Sainte-Beuve. Je revins deux mois après, vers le milieu de l’automne, avec toute ma collection de livres jansénistes ; je m’enfermai, ne voyant jamais personne jusqu’à quatre heures du soir les jours où je n’avais pas de cours, et jusqu’à trois heures les jours où je professais. Ma leçon était de trois ou quatre heures ; j’en faisais trois par semaine, et le nombre total des leçons fut de quatre-vingt-une. Tout l’ouvrage fut construit et comme bâti durant cette année scolaire. > Lausanne était l’Athènes de la Suisse française et nombre de savants de mérite professaient dans son académie. Le cours de Sainte-Beuve obtint un grand succès ; outre les étudiants, toute la ville y assistait. Les villes voisines même prirent leur part de ces précieuses leçons. « S il était permis de mêler un sourire à ces souvenirs sérieux, raconte Sainte-Beuve, je dirais que la réunion fréquente de la jeunesse des deux sexes au pied de cette chaire avait fini par amener de certaines rencontres, de certaines familiarités honnêtes, des railleries même comme le sexe faible ne manque pas d’en trouver le premier quand il est en nombre devant l’ennemi. Plus d’un de mes élèves, dès qu’il entrait, avait du côté des dames un sobriquet tiré de Port-Royal et qui circulait tout bas : Lancelot, Lemaistre, Singlin, etc. Je ne sus tout cela que plus tard. Enfin, il y eut, l’année suivante, plus d’un mariage et quelques fiançailles dont on faisait remonter

I origine à ces réguliers et innocents rendezvous que mon cours avait procurés, t

Sainte-Beuve revint en France, rapportant tous les éléments de son travail et décidé à y mettre la dernière main. Le discours préliminaire parut dans la Revue des Deux-Mondes. Ampère le lut chez M"»e Récamier et tout lo monde en fut très-content, même Chateaubriand. Le premier volume, publié en 1S40, obtint un franc succès dans toute la presse.

II ne fut pas toutefois sans rencontrer des contradicteurs. Lamartine lui disait en particulier : > Pourquoi ce sujet de jansénisme ? Je voudrais vous voir occupé de quelque grand sujet. • Et Béranger : «Je voudrais bien voir achevé votre Port-Royal, car j’aime ce sujet sans bien le connaître. Toutefois, je.ne puis vous dissimuler que je crains que vous ne vous laissiez trop aller à ce que j’appelle de la religiosité, manie de notre époque et que je crois 1 antipode de l’esprit religieux. > C’est à l’occasion de- ce premier volume qu’éclata la fameuse inimitié de Balzac et de Sainte-Beuve. Balzac, qui n’avait pas été loué autant qu’il l’aurait voulu par Sainte-Beuve, lit paraître dans sa Revue parisienne un article ironique qu’il terminait par ces mots : • En un point, cet’ auteur mérite qu’on le loue ; il se rend justice, il va peu dans le monde ; il est casanier, travailleur et ne répand l’ennui que par sa plume. En France, il se garde bien de pérorer comme il l’a fait, à Lausanne, où les Suisses, extrêmement ennuyeux eux-mêmes, ont pu prendre son cours pour une flatterie. • Le second volume parut deux ans après le premier ; le troisième ne vit le jourqu’en 1848. La révolution de Février, les difficultés de la vie matérielle retardèrent la publication de l’ouvrage, dont les deux derniers volumes parurent enfin en 1859. Ainsi s’est formée lentement cette œuvre de patience, qui eut trois éditions successives en moins de dix ans, chacune bénéficiant de notes et d’articles relatifs au même sujet. Bans la dernière, publiée quelque temps avant la mort de Sainte-Beuve et qui est celle que nous désignons en tête de cet article, se trouvent de nombreux

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documents, venus de tout pays, notamment de Hollande, et dans lesquels Sainte-Beuve a puisé à pleines mains.

L’ouvrage est divisé en six livres : le premier comprend les origines et la renaissance de Port-Royal ; le second livre est intitulé : le Port-Rouai de M. de Saint-Cyran ; le troisième est consacré à Pascal, sur lequel Sainte-Beuve a fait une étude achevée ; le quatrième est rempli par les écoles de Port-Royal ; dans le cinquième est étudiée la nouvelle génération de Port-Royal ; le sixième, qui est aussi le plus long, est intitulé : Port-Royal finissant, et contient en détail la persécution à laquelle s’acharna Louis XIV. Le dernier volume de l’ouvrage est rempli tout entier par une table alphabétique et analytique des matières et des noms contenus dans les six volumes. Cette table, dressée par M. Anatole de Montaiglon, est des plus précieuses pour la connaissance de l’ouvrage et des personnages principaux.

Ce qui frappe le plus dans cet immense travail, c est moins la patience et l’érudition de l’auteur que le talent et l’esprit dépensés par lui pour rendre ses héros intéressants. Ces Alcestes chrétiens ne sont pas tous agréables, et l’on comprend que cette austérité de réforme, hérissée de controverse, ait ennuyé La Bruyère. Cependant ces hommes sont intéressants parce qu’ils sont sincères et persécutés, puis parce que cette persécution les a rendus historiques. C’est surtout grâce à cette circonstance que Sainte-Beuve a évité le principal écueil de son sujet, fidèle en cela à sa manière, habituelle de s’occuper autant des accessoires de la question que de la question elle-même. Port-Royal a été attaqué ou défendu, traversé ou côtoyé par tous les hommes supérieurs du temps ; c’est ce qui fait quo l’histoire de ce couvent devient une histoire littéraire du siècle de Louis XIV. L’auteur ne fait pas seulement les portraits en pied de Saint-Cyran, d’Arnauld, de Pascal, de Nicole ; il fait défiler l’un après l’autre, soit parce qu’ils sont amis, soit parce qu’ils sont adversaires de Port-Royal, tous les hommes illustres d’alors : Balzac, qui écrivit à Saint-Cyran ; Molière, qui continua les Provinciales dans Tartufe ; Boileau, qui fut l’ami d’Arnauld ; La Fontaine, qui aurait voulu lui dédier un de ses contes (Boileau et Racine eurent toutes les peines du monde à lui persuader que c’était inconvenant) ; puis M1116 do Sévigné, Malebranche, Leibniz et tant d’autres, touchés d’une main magistrale. Le portrait de Racine clôt la série et le livre de lu façon la plus heureuse.

Les figures de femmes ne sont pas moins finement étudiées, et avec elles l’intérêt grandit encore, Sainte-Beuve met en lumière les Relations de la captivité écrites par chacune des religieuses au moment de la persécution. La mère Angélique Arnauld, la réformatrice de l’abbaye, tient naturellement la première place dans cette galerie ; mais ce sont aussi de tiers caractères, pleins de dignité dans la lutte, que ceux de la mère Angélique de Saint-Jean, des sœurs Agnès Le Fèron, Eustoquio de Brégy, Christine Briquet, etc.

Pour avoir grandi sa manière, Sainte-Beuve n’y a pas renoncé et on le retrouve toujours dans son goût pour les menus détails et les anecdotes. Il note les terreurs de Nicole, qui n’osait sortir quand il faisait du vent de peur de recevoir des tuiles sur la tête ; il reprend Pascal lorsqu’il le voit croire au miracle de la sainte épine ou qu’il le surprend faussant et tronquant les citations des jésuites ; il étudie la question de savoir si Pascal n’a pas été dans sa jeunesse un joueur dissipé. Il eût mieux fait de consacrer une large place a l’enlèvement de Mlle de Roannez dans lequel l’auteur des Provinciales a joué un si singulier rôle ; cet incident dramatique est complètement omis dans Port-Royal et l’on s’explique difficilement son absence. En résumé, on peut dire de cet ouvrage, avec M. C. Lénietit : « Une telle oeuvre honore non-seulement l’écrivain, mais l’époque où elle est née ; on est forcé de reconnaître à l’auteur et à son temps une intelligence du passé, une largeur de vues, une équité d’appréciation, une sympathie généreuse qu’on eût demandées vainement aux esprits les plus indépendants du siècle dernier, aux Condorcet et aux Voltaire. »

Pon-Hoyal, jiar la docteur Hermann Reuchlin (en allemand et en français-, 1840,3 vol. in-so). Ce livre parut en même temps que ta premier volume de celui de Sainte-Beuve sur le même sujet. Reuchlin l’a traduit lui-même en français. Voici le plan de son œuvre et l’appréciation de M. X. Marinier (Revue des Deux-Mondes, 1er avril 1840). Reuchlin commence par étudier l’idée du jansénisme ; pour lui, c’est une espèce de protestantisme qui eût poussé l’Église à la tolérance. C’est là s» préface. Il passe ensuite à l’histoire des Arnauld, sur laquelle il déploie une grunde érudition. De ces biographies, Reuchlin passe aux jésuites ; il les suit depuis leur entrée en France ; il montre Richelieu soumis à leur influence, Louis XIV se courbant sous leur pouvoir. Il démontre que l’abaissement du parlement sous Louis XIV, abaissement attribué à tant de causes, n’était dû qu’à sa lutte contre les jésuites. Reuchlin reprend l’histoire des Amauld, qui furent les plus vigoureux, les plus dignes champions de cette opposition contre les disciples d’Ignace de Loyola. Vient.