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POMPONÀCE (Pierre Pomponazzi, dit), philosophe italien, né k Mantoue en 1462, mort à Bologne vers 1525. Il occupa successivement les chaires de Padoue (1488), Ferrare (1509), Bologne (1512) et fut à son époque le plus sagaee et le plus subtil des interprètes d’A* ristote. Bien que partisan de ce philosophe, il n’en signala pas moins les vices de la doctaine péripatéticienne. Vers la fin de sa vie, il excita une violente tempête contre lui par son traité de l'Immortalité de l’âme, OÙ il conclut qu’aucune des raisons alléguées pour prouver ce dogme n’a de force démonstrative catégorique ; qu’en conséquence la raison seule est impuissante à résoudre cette question, qui ne peut être tranchée que par la révélation. Malgré cette réserve, ce traité fut brûlé par ordre des inquisiteurs de Venise, et plus tard le" concile de Trente le plaça au nombre des ouvrages défendus. Pomponace était d’une taille extrêmement petite, ce qui lui avait fait donner le surnom de Pcreiio. D’nprès son disciple Speroni, il ne savait bien aucune langue, à l’exception du patois de Mantoue dont il conserva l’accent jusqu’à sa mort. C’était un travailleur opiniâtre, qui joignait à une mémoire extrêmement heureuse une grande activité d’esprit. Ses principaux ouvrages sont : Tractalus de reactione (Bologne, 1515, in-fol.) ; Tractatus de immortalitate animai (Bologne, 1516, in-8°)j Apologiaaduersus Contarenum (Bologne, 1517) ; De nutritione et auclione (Bologne, 1521, iti-fol.) ; De naturalium e/fectuum admirandorum eausis, sive de incantationibus (Bâle, 155G, in-8°), traité dans lequel il s’attache à réfuter la magie et les sortilèges, ce qui fit encore attaquer son orthodoxie ; Dubitationes in meteorologicorum Aristoielis librum (Venise. 1503, in-fol.) ; De fato, libero arbitrio, prxdéstinatioiie, providentia Dei (Bâle, 1507). Ces trois derniers ouvrages furent publiés après la mort de Pomponace.

POMPONE, diplomate français. V, Pomponmk.

POaiPONIANA, nom ancien de la presqu’île de Giens.

POMPONIUS, nom d’une famille romaine qui se prétendait issue d’un fils du roi Numa. Le célèbre ami de Cicéron, Titus Pomponius Atticus, appartenait à cette maison (v. ATTICUS). Parmi les autres membres de cette famille, nous citerons les suivants. — Pomponius (Marcus), ami de Caïus Gracchus, essaya de le sauver en s’offrant lui-même aux coups des meurtriers qui le poursuivaient. Pomponius (Cneius), un des plus grands orateurs de son temps, au dire de Cicéron, mourut durant les guerres civiles qui eurent lieu entre Marius et Sylla.

PÛMfONlOS (Lucius), auteur comique latin, né à Bologne. Il liorissuit vers 97 av. J.-C. et excella dans la composition des farces atellanes. 11 reste de lui des fragments assez nombreux, qui ont été insérés dans le recueil, des Poet& scenici latini de Bothe.

POMPON1CS (Sextus), jurisconsulte romain qui vivait au ne siècle de notre ère, du temps d’Adrien. Il appartenait à l’école des sabiniens et avait composé plusieurs ouvrages sur des matières de jurisprudence. On trouve dans le Digeste cinq cent quatre-vingt-cinq fragments de ses écrits. Le plus important est celui qui est extrait de son Enchiridion et qui forme la seconde loi du titre De l’origine au droit. Ces Fragments ont été publiés par Pagenstechner (Hanau, 1723), et Unie a fait paraître : Colieclio opusculorum ad hisloriam juris et maxime ad Pomponii Enchiridion illuslrandum pertinenlium (1664). On y trouve notamment un morceau de Pomponius, qui donne l’histoire de la législation romaine depuis la fondation de Rome jusque vers le temps de l’auteur.

POatPOMOS JLETOS (Julius), philologue célèbre par son érudition et sa bizarrerie, né en Calabre en 1425, mort à Rome en 1*97. Il était, croit-on, bâtard de l’illustre maison de Sanseverini, Jeune encore, il se rendit à Rome, où il se lit une réputation immense par ses talents et son éloquence, succéda comme professeur de belles-lettres à Laurent Valla et fonda une Académie pour l’étude des antiquités. Les gens de lettres qui composaient cette société remplacèrent leurs noms de baptême et de famille par des noms anciens et vraisemblablement se permirent dans leurs entretiens de faire entre les institutions anciennes des Romains et les institutions politiques modernes des comparaisons qui n’étaient nullement à l’avantage de la papauté. Bientôt le pape Paul H prit ombrage de ces paisibles réunions littéraires dont les membres, à ses yeux, attaquaient la religion et conspiraient contre son chef, et livra k la torture plusieurs des académiciens (1465). Pomponius, saisi à Venise, fut également torturé et jeté dans un cachot. En 1471, Sixte IV luU permit de reprendre sa chaire, où il professa avec autant d’éclat qu’auparavant. Il était passionné pour les antiquités, et il a laissé sur ces matières des ouvrages d’une érudition profonde et variée. Son enthousiasme pour la Rome antique ie poussa a des exagérations et à des bizarreries incroyables. C’est ainsi qu’il célébrait avec une religieuse exactitude le jour anniversaire de la fondation de Rome, qu’il s’agenouillait tous les jours au pied d’un autel dédié k Romulus, qu’il ne lisait que les auteurs de la plus pure

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latinitèj traitant de barbares non-seulement les écrivains de la décadence, mais encore les Pères et la Bible. On le rencontrait quelquefois dans les rues une lanterne k la main, comme Diogène, dont il avait pris en partie le costume et les habitudes. Du reste, Pomponius Loetus était doux, serviable, modeste, de mœurs pures, sans ambition, il méprisait les richesses et vivait dans un tel état de pauvreté qu’il fallut, lors de sa dernière maladie, le transporter à l’hôpital. Il était naturellement bègue, mais lorsqu’il parlait en public ce défaut disparaissait. Ses parents, après l’avoir négligé et presque oublié, l’invitèrent, lorsqu’il fut devenu célèbre, à se rendre auprès d’eux. Mais Pomponius se borna à leur faire cette réponse : Pomponius £, xtus cognatis et propinquis suis salutem. Quod petitis fieri non potest. Vale. Ses écrits, aussi remarquables par la pureté du stylo que par l’érudition, ont été réunis et publiés sous le titre de Opéra Pomponii Lœti varia (Mayence, 1521, in-8<>). On y trouve des traités : De jurisperitis ; De sacérdotiis ; De liomanorum magistvatibus ; De legibus ; De romans urbis antiquitaie ; Compendium historis Romartx ab iitleritu Gordiani usque ad fuslinum fil ; De arte grammatica, etc. On lui doit encore des Commentaires sur Virgile (Bàle, 1486, in-fol.) ; Varronis de linyua latina libri ex recensione Pomponii Cceii (Venise, 1493) et diverses éditions deSalluste, de Columelle, de Pestus, etc.

POMPONIOS MÊLA, géographe latin.

V. MÊLA.

POMPOiS NE ou POMPONE (Simon- Arnauid, marquis US), homme d’État français, né à Paris en 1618, mort à Fontainebleau en 1CS9. 11 appartenait à l’illustre famille des Arnauid, dont la réputation fut si grande au xvue siècle. Arnauid d’Anditly, son père, était le frère du grand Arnauid. Simon porta d’abord le nom de M. du Briotte et prie enfin le titre et le nom de marquis de Pomponne, sous lequel il est connu, d’une terre érigée en marquisat qu’il vint à posséder en 1660, après son mariage avec Catherine Ladvocat. Pomponne tenait de son père le goût des lettres. Initié de bonne heure à tout ce que la société polie avait de plus fin, un des adeptes les plus assidus du salon de cette Julie d’Angennes chez qui, bien qu’avec excès, la culture de l’esprit égalait la noblesse du cœur, un des amis de Mme de Sévigpé, qui se tint en correspondance avec lui, il était entré encore très-jeune dans les affaires (1G42). D’abord intendant de Casai, puis conseiller d’État (1644), il remplit ensuite des missions diplomatiques en Piémont et dans le Montferrat, puis devint intendant général des armées de Naples et de Catalogne. Ayant voulu acquérir, en 1659, la charge de chancelier de la maison du duc d’Anjou, frère du roi, il ne put obtenir le consentement du roi, indisposé contre sa famille qui professait hautement les opinions jansénistes, et, quelque temps après, il partagea la disgrâce de son ami le surintendant Fouquet. Relégué à Verdun en 1662, il ne put revenir k Paris que trois ans plus tard. Le trésorier de la reine mère, Bartiilat, parvint alors àTui faire obtenir une audience de Louis XIV et, à la fin do l’année 1635, il fut envoyé en qualité d’ambassadeur à Stockholm. De Pomponne ne put parvenir à empêcher le gouvernement suédois de souscrire au traité de la Triple-Alliance conclu contre la France entre l’Angleterre, la Hollande et la Suède, mais il réussit pourtant, en 1671, à détacher cette dernière puissance de la cause des Hollandais. Cette même année, Lionne étant mort, Louis XIV voulut récompenser les services de Pomponne en le nommant ministre secrétaire d’État pour les affaires étrangères. Ce choix eut l’approbation universelle, et le fils d’Arnauld d’Andilly s’en montra digne par son habileté, son intégrité et sa justice. Néanmoins, Louvois et Colbert se liguèrent bientôt pour ie renverser et, bien que Pomponne eût conclu la paix de Nimègue, par laquelle la Fratiche-Comtè et le Hainaut furent réunis a la France, ils parvinrent à persuader à Louis XIV qu’il était incapable de diriger les affaires extérieures. Ce prince déclaie en effet, dans ses Iléflexions sur le métier de roi, qu’il a dû ordonner à son ministre de se retirer « parce que tout ce qui passait par lui perdait de la grandeur et de la force qu’on doit avoir en exécutant les ordres d’un roi de France qui n’est pas malheureux ; > et, le 18 novembre 1679, Pomponne reçut de Colbert l’ordre de remettre sa démission. Louvois pensait réunir les affaires étrangères à la guerre ; mais Colbert, qui n’avait agi que pour amener son frère de Croissy au pouvoir, lit immédiatement nommer celui-ci au poste qu’on venait d’enlever à de Pomponne. Le ministre déchu emporta les regrets de la France, et Louis XIV ne tarda point à revenir des injustes préventions qu’il avait contre lui. « Dans une de ses audiences, dit Saint-Simon, le roi témoigna à dePompoiinela peine qu’il avoit ressentie en 1 éloignant et qu’il ressentait encore... Il lui dit qu’il avoit toujours envie de le rapprocher âe lui, qu’il ne le pouvoit encore, mais qu’il lui demandoitsa parole de ne point s’excuser et de revenir dans son conseil dèï qu’il le lui commanderoit ; en attendant, de garder le secret de ce qu’il lui disoit. Pomponne le lui promit et le roi l’embrassa. » Dès que Louvois tut mort (1691), Louis XIV s’empressa de rappeler Pomponne, qu’il nomma ministre d’État et à

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qui il donna un logement à Versailles avec un traitement de 20,000 livres. Lorsque, en 1696, après la mort de Croissy, son fils, le marquis de Torcy, lui succéda comme secrétaire d’Etat des affaires étrangères, Pomponne lui donna une de ses filles en mariage, devint son guide, le forma aux affaires et eut en réalité jusqu’à sa mort la direction de ce département. Cet homme d’Étatpossêdait uneconnaissance approfondie des affaires de l’Europe, des intérêts des cours et des peuples. Sa correspondance diplomatique atteste son discernement, son habileté, sa modération et sa sagesse. C’était en outre un excellent homme, qui était lié d’une étroite amitié avec les ducs de Beauvilliers et de Chevreuse,

Le caustique Saint-Simon, si peu enclin à la louange et d’une amitié si peu facile, parle de Pomponne, dans ses Mémoires, comme il a parlé de bien peu de ses contemporains, avec une bienveillance entière et une estime sans mélange. « C’étoit, dit-il, un homme qui exuelloit surtout par un sens droit, juste, exquis, qui pesoit tout et faisoit tout avec maturité, mais sans lenteur ; d’une modestie, d’une modération, d’une simplicité de mœurs admirables, et de la plus solide et la plus éclairée piété. Ses yeux montroient de la douceur et de l’esprit ; toute sa physionomie, de la sagesse et de la candeur ; une dextérité, un art, un talent singulier à prendre ses avantages en traitant ; une finesse, une souplesse sans ruse qui savoit parvenir à ses lins sans irriter ; une douceur et une patience qui charmoit dans les affaires ; et avec cela une fer- ’ meté et, quand il le falloit, une hauteur à soutenir les intérêts de l’État et la grandeur de la couronne que rien ne pouvoit entamer. Avec ces qualités, il se fit aimer de tous les ministres étrangers, comme il l’avoit été dans les divers pays où il avoit négocié. Poli, obligeant et jamais ministre qu’en traitant, il se tit adorer à la cour, où il mena une vie égale, unie et toujours éloignée du luxe et de l’épargne ; ne connoissant de délassement de

son grand travail qu’avec sa famille, ses amis et ses livres. La douceur et le sel de son commerce étoient charmants, et ses conversations, sans qu’il le voulût, infiniment instructives. • Pomponne a laissé d’intéressants mémoires, que M. Mavidal a publiés d’après un manuscrit de la Bibliothèque du Corps législatif, sous le titre de : Mémoires du marquis de Pomponne (Paris, 1861-1863, 2 vol. in-8<>). Nous leur consacrons un article particulier. Cet homme d’État eut trois fils : — Nicolas-Simon Ahnaole, marquis de Pomponne, né en 1683, mort à Paris en 1737, suivit la carrière des armes, devint brigadier des armées du roi, puis lieutenant général au gouvernement de l’Ile-de-France et remplit pendant quelque temps les fonctions d’envoyé extraordinaire auprès de l’électeur de Bavière. — Antoine-Joseph Arnauu>, chevalier db Pomponne, mort k Mons en 1693, entra dans l’ordre de Malte, devint colonel de dragons en 1689 et contribua au gain de la bataille de Fleurus *11690) en emportant deux redoutes élevées sur les bords de la Meuse. — Charles-Henri Arnauld de Pomponne, né à La Haye en 1669, mort à Paris sn 1756, entra dans les ordres, devint abbé de Saint-Maixent et de Saint-Médard à Soissons, aumônier par quartier, mais ne put parvenir à l’épiscopat, tant le nom qu’il portait entraînait avec lui le soupçon de jansénisme. L’abbé de Pomponne remplit diverses missionsdipiomatiques en Italie et à Venise (1704),

fut nommé conseiller d’État d’Église (1704), chancelier des ordres (1716) et devint membre de l’Académie des inscriptions (1743), bien qu’il n’eût rien écrit.

Pomponne (MÉMOIRES DU MARQUIS DE), ministre de Louis XIV (1860-1861, 2 vol. in-8°). Louis XIV passait encore pour avoir porté au plus haut point le prestige de la France au dehors, lorsqu’un témoin irrécusable est venu renverser ce préjugé historique. Ce témoin est le marquis de Pomponne, secrétaire d’Etat au département des affaires.étrangères ; c’était un des plus honnêtes hommes du siècle et le mieux placé sans contredit pour en bien connaître les événements publics. Ce qui augmente la valeur de son témoignage, c’est qu’il n’accuse p8°, ’ qu’il ne blâme pas, qu’il ne se plaint jamais. Il raconte, il cite, il reproduit les documents et les faits, sans récrimination d’aucune espèce ; il accepte même avec complaisance des actes véritablement odieux. Et ce n’est passa faute si le récit exact et fidèle des actes et des négociations de Louis XIV suffit a dépouiller le prétendu grand roi de la dernière auréole qu’un patriotisme aveugle avait placée sur sa tête. Les Mémoires du marquis de Pomponne embrassent une période d’environ dix années, de 1671 à 1680. Cette période est k peu près celle où la puissance de Louis XIV semble être k son apogée. On assiste aux préparatifs, aux diverses péripéties et h l’achèvement de la guerre de Hollande, la plus grande affaire militaire du règne. Louis travaille d’abord à isoler son ennemi ; toute l’Europe est à vendre, et il ruine la France pour l’acheter. Au grand électeur, il donne 800,000 livres, plus une pension de 30,000 écus par an ; au duc de Hanovre, d’abord 10,000 écus et, un peu plus tard, 40,000 écus par mois ; à l’évêque d’Osnabruck, une pension semblable de 5,000 écus ; au duo de Zell, 20,000 écus par an ; à l’électeur de Saxe, 50,000 livres par an ; 3,000 écus

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par mois au duc de Neubourg ; à l’évêque de Munster, 20,000 écus par mois ; au roi de Pologne, 200,000 livres une fois payées et des subsides pour ses troupes ; au roi d’Angleterre, 3 millions par an, plus 2 millions une fois payés et plus tard une somme de 6 millions. Bien plus, il achète la Suisse et la Hongrie, et il paye des pensions aux ministres de Charles II, moyennant services secrets à rendre au roi de France. Toute l’Europe est achetée. Cependant, en quelques années, on voit tous ces princes alliés à la Hollande et ligués contre la France. Pourquoi ce revirement subit ? Serait-ce révolte de l’honneur, sentiment de la conscience outragée, remords du patriotisme ? Nullement. Aucun de ces princes ne se croit astreint aux règles de la morale vulgaire. S’ilsse détachent de Louis XIV, c’est que lui-même a rompu les chaînes d’or de leur vasselage, par son intolérable despotisme et sa mauvaise foi. Non - seulement Louis les trompe, les leurre, les abuse, en violant les conventions secrètes et les traités publics à peine conclus ou en voie de conclusion, en faussant ses promesses, mais encore il leur rend la position intenable dans leurs propres États, en y envoyant, en y maintenant, en y faisant passer des corps de troupes qui ravagent le pays, prélèvent de lourdes contributions, y vivent de désordres, forcent les habitants à construire des ponts et des routes, pillent les villages réfractaires, tandis que les généraux du roi attaquent et démolissent telle ville, et que l’un d’eux, Turenne, reçoit l’ordre de punir l’électeur de sa défection en brûlant cinq villes et vingt-cinq. villages du Palatinat. Ces princes, soldés, mais mal payés (dans le nombre figure l’électeur de Brandebourg), réclament, supplient en vain. Louis les assure toujours de sa bienveillance, à moins qu’il ne leur parle d’autorité, quitte à plier avec ceux qui ont le courage et la puissance de lui résister ; mais avant comme après, il envoie des instructions contraires k ses promesses. Cette duplicité, cette politique habile à violer ou k éluder les engagements les plus formels lui aliènent les peuples aussi bien que les princes. Les Suisses lui savent mauvais gré de sa mauvaise foi ; les Hongrois, soulevés contre la maison d’Autriche, sont a l’improviste abandonnés par Louis. Après avoir forcé Charles II à unir sa flotte à la nôtre, il trahit indignement l’Angleterre ; par deux fois, l’amiral d’Estrées se tint immobile et laissa écraser la flotte anglaise par les Hollandais. Il fut prouvé, et il reste démontré par les pièces originales, que d’Estrées avait ordre de trahir. Ainsi, toute cette habileté politique et diplomatique de Louis XIV consiste, pour l’intérieur, à épuiser, sans compter, toutes les ressources du royaume ; pour l’extérieur, à acheter k beaux deniers comptants l’appui ou la neutralité des souverains, avec l’intention arrêtée de violer tous ses engagements dès qu’il n’aurait plus besoin d’eux. Il résulta de ce double jeu que toutes les puissances étrangères se coalisèrent contre cette ambition sans foi et sans frein et finirent par réduire la France aux dernières extrémités. Une bien curieuse né fociation est celle qui se rapporte k l’alliance a la Suède avec la France, négociation de laquelle fut chargé M. de Pomponne, en qualité d’ambassadeur extraordinaire. L’entreprise était très-difficile. Ce sont ces difficultés oui font l’intérêt du récit. Pomponne entre dans les moindres détails. Il est instructif de suivre toutes ces marches et contre-marches des négociateurs, qui ne cherchent qu’à se tromper les uns les autres sur leurs véritables intentions^. On y voit mises en plein jour toutes les finesses et toutes les misères de la diplomatie.

À cette même époque, pour jouer pièce a l’Autriche, Louis XIV fit tomber du trône de Pologne le roi Michel et lui en fit substituer un autre, « attaché d’inclination à la France, » c’est-k-dire à son gré. Ce résultat, Louis XIV le dut à l’habileté de son miuistre, le marquis de Pomponne, dont la politique n’avait en vue que les intérêts de son maître. Malgré l’austérité de ses principes, le ministre français avoue que la diplomatie est l’art du mensonge ; il ne pense pas qu’il puisse y avoir la moindre honte à mentir pour le service du roi. Ce parfait honnête homme, selon la morale du 1 époque, ruse et ment sans la moindre hésitation, pour la plus grande gloire de son maître. Si, du moins, il était question des véritables intérêts des deux nations I Sans doute, cela touche à leur destinée, et l’une ou l’autre payera les fautes de son gouvernement ; mais ce qui préoccupe avant tout les négociateurs, ce sont des intérêts de coterie, d’égoïsme, de vanité, des calculs misérables et de petites passions, le succès du moment. Un grand nombre d’autres épisodes dramatiques coupent ce récit, par exemple la grande guerre maritimo de la Hollande et de l’Angleterre, avec ses gigantesques combats dd

quatre jours ; les détails concernant la reine Christine, k qui ses sujets conservent, en dépit d’elle, la gloire de son abdication, etc.

Lorsque de tels faits sont racontés, avec une vivacité toute française, par un homme qui en fut à la fois le témoin et l’acteur, on ressent k la lecture de ce récit un intérêt réel, et il eût été regrettable qu’ils fussent demeurés inconnus.

POMPONNE DE BELL1ÈVRE, chancelier do France. V. Bkluévke.