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m tentait d’ouvrir sa porte, grimpe, & l’exrieur de la maison, jusqu’à, l’étage indiqué

l’on

térieur

et se dispose à franchir le soubassement, lorsque la folle se précipite, comme elle en avait fait la menace. Vergues la saisit d’une main au passage, par les vêtements, et se retenant de l’autre main, tandis que ses pieds flottent sans appui, se maintient énergiquement dans cette position dangereuse jusqu’à l’arrivée d’un sapeur, qui le délivre. On verra plus tard ce même militaire, devenu adjudant, recevoir du ministre de la guerre et du commandant en chef de l’armée de Paris les plus Chaudes félicitations pour avoir, le 21 novembre 1851, dans un incendie ds la rue de la Vieille-Monnaie, pénétré dans les caves, malgré l’intensité de la fumée, et, comme dit le rapport, sans tenir compte du danger de l’asphyxie, dont moins que personne il ignorait la gravité, avoir eu le mérite d’y étouffer le feu. Un incendie considérable éclate dans une fabrique située au milieu du quartier du Marais. On informe le sergent Josset qu’une puissante machine à vapeur située dans les bâtiments incendiés ne peut pas tarder à faire explosion si l’on ne donne issue à la vapeur. Un grand désastre menace non-seulement la fabrique, mais tout le quartier qui l’entoure. D’un autre côté, la chaleur énorme qui règne autour de la machine a porté au dernier degré la tension de la vapeur. Josset ignore s il aura le temps de faire jouer le robinet d’où dépend le salut ; le devoir l’emporte, et bientôt un grondement imposant, produit par d’épaisses nuées de vapeur blanche qui envahissent l’édifice, annonce que l’acte de dévouement du brave sous-ofhcier a eu son plein effet. Un autre jour, c’est un malfaiteur poursuivi par les agents de la force publique et réfugié sur la toitured’une maison, d’où il menace de précipiter ceux qui s’approchent de lui. On a recours aux sapeurs-pompiers dont l’adresse et l’aplomb sur ce difficile terrain donnent d’excellentes garanties, et, en effet, malgré la nuit, malgré le froid, intense (on est au 20 janvier 1867), le caporal Piégat et les deux sapeurs Bonnet et Avoine abordent le malfaiteur et le ramènent en lieu sûr. Le 22 mai 1861, plusieurs ouvriers terrassiers sont ensevelis sous les décombres d’un égout en construction. Tous n’ont pas succombé ; l’on entend une voix plaintive qui appelle du secours. Le sergent Vautrin, appelé de la caserne de la rue de la Paix, se trouve en présence de difficultés extrêmes pour le sauvetage du survivant ; le moindre mouvement dans les matériaux écroulés peut provoquer un nouvel écroulement compromettant pour ceux que l’on veut sauver et pour le sauveteur lui-même. Vautrin fait appel à tout son courage, à toute son intelligence, et son opération est conduite avec tant d’habileté, qu’il parvient auprès du malheureux qui, seul, a survécu à ses camarades, et le ramène au jour, au milieu des félicitations de la foule. Le 29 janvier 1867, c’est un aliéné réfugié sur les toits qu’arrête courageusement le caporal Dubuyser. Le 9 août de la même année, le sapeur Varcq est violemment contusionné à la poitrine, en arrêtant avec intrépidité un cheval emporté. Cet acte lui vaut une médaille d’honneur. Le 28 août 1867, trois ouvriers tombent asphyxiés dans une fosse d’aisances ; les sapeurs Leclerc et Faure-Gignoux bravent l’asphyxie qui les menace et ramènent à l’air les trois ouvriers dont malheureusement un seul a survécu à l’accident. Le %i octobre 1862, un ouvrier couvreur travaillait sur une toiture de la rue du Vieux-Colombier, à la hauteur d’un sixième étage. La planche sur laquelle il s’était établi bascule ; le malheureux roule sur cette pente rapide et va se jeter sur le toit du corps de bâtiment situé vis-à-vis et moins élevé d’un étage. Là, il reste cramponné près de la gouttière, les jambes pendantes et n’osant faire le moindre mouvement de peur de faire fléchir la goûttière sous le poids de son corps. On s’empresse d’appeler les sapeurs de la caserne voisine. Le caporal Serais accourt, se rend compte, d’un coup d’œil, des mesures à prendre, se fait solidement amarrer par la ceinture ; des sapeurs et des ouvriers tiennent une extrémité de la corde au bout de laquelle Serais se suspend et glisse d’abord le long du toit, puis dans le vide. Arrivé » la même hauteur que l’homme en péril, mais séparé de lui par la largeur de la petite cour que forment les ailes du bâtiment, Serais, armé d’une corde dont l’anse est destinée à embrasser le couvreur, pousse du pied la muraille, finit, au bout de deux ou trois oscillations, par atteindre son homme, l’enlace de sa corde, puis le saisit à bras-le-corps et se fait ainsi ramener sur la crête, aux applaudissements des voisins. Le 15 juillet 1868, un chien enragé poursuivi par des habitants se réfugie sur le toit d’une maison où l’on n’ose se hasarder jusqu’à lui. Le caporal Thibaut et le sapeur Martin, qui sont de garde à la mairie de la rue Drouot, répondant à l’appel qui leur est fait, se portent sur le toit, munis de couvertures pour se préserver des atteintes de l’animal. Celui-ci, acculé par le3 deux braves militaires, se précipite sur eux à l’improviste, les mord au bras et à la main, mais est précipité sur le sol où il se tue. Des cautérisations pratiquées immédiatement conjurent tout danger ultérieur. Le caporal Thibaut n’était pas encore guéri de sa blessure lorsque, ayant demandé a reprendre son ser*

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vice, il exécuta le sauvetage qui a rendu son nom si populaire et dont le récit servira de clôture au petit aperçu que nous venons de tracer. Bans la nuit du 8 au 9 août 186S, un incendie éclate rue Saint-Antoine, no 13J, au fond d’une cour, dans un corps de bâtiment dont l’escalier est tout en bois. Le feu parti d’un arrière-magasin envahit, en quelques minutes, tout l’escalier et coupe la retraite aux habitants de la maison. Lorsque les sapeurs-pompiers de la caserne de la rue Sévignè se présentent, des hommes, des femmes, des enfants affolés par la terreur implorent du secours, du haut de leurs fenêtres. Armé d’une échelle à crochets, le caporal Thibaut, aidé du sapeur Talbot, délivre d’abord les incendiés des étages inférieurs ; mais pour arriver a la fenêtre du cinquième étage, un obstacle sérieux se présente. Au bas de la fenêtre existe une corniche à surface plate et polie sur laquelle les crochets de l’échelle n’ont aucune prise et peuvent glisser au moindre faux mouvement. Thibaut ce calcule pas le danger qu’il peut courir ; il faut sauver une pauvre vieille femme qui^ l’appelle, et l’obstacle-est heureusement franchi. Il s’agit maintenant de redescendre, en portant sur son dos cette femme incapable de coopérer à son propre salut. L’échelle est accrochée sur l’appui de la fenêtre, mais au lieu de tomber le long du mur, elle fait avec celui-ci un angle d’environ 25« occasionné par la saillie de, la corniche. Thibaut se confie à cette chance incertaine de salut ; quoique paralysé en partie par l’étreinte de la femme qu’il porte, il descend le long de l’échelle qui bientôt s’areboute au-dessous de la corniche et menace de se rompre. Thibaut descend toujours, il arrive au bas de l’échelle ; ses pieds sont au niveau de la fenêtre de l’étage inférieur, mais l’éloignement de l’échelle ne permet pas au sauveteur de poser le pied sur cette fenêtre. Avec une audace qui fait frémir les spectateurs, Thibaut, suspendu par les deux bras et toujours embarrassé de son fardeau, se balance deux ou trois fois, prend son élan et vient tomber debout sur la fenêtre où le sapeur Talbot lui tend les bras. Neuf personnes turent sauvées dans cette circonstance ; il est juste de faire la part du caporal Bouvatier, à qui quatre incendiés durent une grande coopération à leur salut. Ce sauvetage, qui faisait le plus grand honneur au caporal Thibaut, déjà gratifié de la médaille militaire, pour un acte analogue, et récemment blessé par le chien enragé, lui a valu le brevet de chevalier de la Légion d’honneur, aux applaudissements de ses camarades, de la population parisienne et, en particulier, des voisins de la maison incendiée, qui avaient assisté à toutes les péripéties de ce drame. Les autres sauveteurs furent récompensés ou par des promotions en rapport avec les vacances existantes ou par des citations à l’ordre du corps, qui sont toujours une promesse pour l’avenir. Nous terminons ici notre notice, heureux si, par les détails quelquefois un peu arides que nous avons fournis, nous avons pu donner une idée suffisante des services utiles et dévoués que partout rendent les sapeurs-pompiers, des fatigues et des dangers

qu’ils bravent pour accomplir leur mission et des droits légitimes qu’ils acquièrent chaque jour à l’affection et à l’estime de leurs concitoyens.

Comme on le voit, les pompiers payent à la.société un large tribut de dévouement ; de jour, de nuit, sur quelque point que ce soit, ils sont toujours prêts. Il faut les voir, à la nouvelle d’un sinistre, s’élancer de leurs casernes en tenue de combat ; le casque sur la tète, la petite veste ronde serrée par la ceinture de sauvetage solidement bouclée. Attelés k leurs pompes, ils partent au pas gymnastique jusqu’au lieu du sinistre ; là, l’officier qui commande étudie rapidement le champ de bataille j le plus souvent un coup d’œil lui suffit, puis il prend ses dispositions d’attaque et donne ses ordres, aussitôt exécutés avec un entrain admirable. Les uns sont aux pompes, qu’ils font manœuvrer avec une infatigable énergie et dont le chef dirige le jet ; d’autres se précipitent pour arrêter le fléau ou lui fermer toutes les issues : sur les toits, sur des murs calcinés par la flamme et branlants, sous des dômes de feu, ils travaillent sans souci du danger, abattant à grands coups de hache tout ce qui peut fournir un aliment au feu, qu’ils semblent prendre corps à corps et qui ne réussit pas à les faire reculer, même quand il les asphyxie, même quand ses langues dévorantes menacent de les envelopper ; d’autres encore s’élancent aux fenêtres à l’aide d’échelles légères qui ploient sous le poids, s’emparent des femmes affolées, des enfants pleurants, des vieillards infirmes et les arrachent an fléau destructeur. Ah ! ce sont lit de nobles et glorieux trophées, plus nobles et plus glorieux cent fois que la conquête de tous les drapeaux d’une armée I Kux, du moins, ces braves entre tous, ne font pas verser une larme, si ce n’est celles qu’on répand a la vue de tant de courage et d’abnégation. Qui de nous ne se rappelle encore, lors des incendies allumés dans Paris à la suite des événements de la Commune, qui de nous ne se rappelle encore ces pompiers accourant de tous les coins de la France au secours de la capitale et faisant manœuvrer leurs pompes jour et nuit, sans relâche, au milieu des débris enflammés, au pied des hautes murailles noircies et menaçant de s’é POUP

crouler à chaque instant ! Et non-seulement les pompiers de France, mais ceux d’Angleterre ont franchi rapidement, avec tout leur attirail, la distance qui les séparait de nous et ont uni leurs efforts fraternels à ceux des nôtres ; c’est un souvenir qui ne s’effacera jamais du cœur de Paris.

Et cependant, pourquoi cette figure si sympathique du pompier a-t-elle prêté et pretet-elle encore à tant de coq-à-1’âne et de quolibets ? Pourquoi son casque semble-t-il jouir du privilège d’éveiller la gaieté ? Pourquoi ? c’est que le Français est né malin, c’est qu’il a la manie de rire de tout, et que les choses les plus respectables n’échappent pas à ses lardons. Mais le pompier est le premier à prendre sa part de cette gaieté ; car il sait bien que la plaisanterie n’est qu’à la surface, tandis que la sympathie est au fond. À Paris, où le pompier a un aspect et une allure plus militaires, il prête moins aux lazzi et il a d’ailleurs trop d’esprit pour se fâcher. Il n’ignore pas que, de tous les corps qui forment la garnison de Paris, c’est à lui qu’on réserve les marques les plus nombreuses de bienveillance affectueuse ; aussi s’élèvet-il par ses goûts et ses habitudes au-dessus des camarades de la ligne, de la cavalerie et même de l’artillerie. Ce n’est pas lui qui adresserait ses hommages à une vulgaire maritorne. ; il lui faut pour le moins une femme de chambre du faubourg Saint-Germain, et il n’est pas embarrassé du choix. Quelques-uns même ne craignent pas de former des entreprises sur les demoiselles de comptoir, et Dieu sait ce que cet ennemi du feu allume journellement d’incendies dans les coeurs sensibles des demoiselles de café ! La chronique prétend même qu’au théâtre il a embrasé plus d’un cœur parmi les nymphes de* la rampe.

C’est surtout en province que la physionomie du pompier offre matière à la raillerie ; mais le plus souvent ce n’est pas la faute de ce brave homme. Comment ne pas sourire, en effet, à la vue des bons pompiers du département de l’Eure, lorsquon se rappelle que M. Janvier de La Motte, l’homme aux virements, s’en est solennellement proclamé le père ! Sont-ils fiers de cet honneur ? il est permis d’en douter. Il faut compter aussi avec Ses incidents burlesques qui donnent parfois aux pompiers provinciaux un relief quelque peu drolatique, témoin cet arrêté prêté plaisamment à certain conseil municipal :

■... À l’unanimité ;

Art. 1er. La pompe à incendie est destinée k éteindre les incendies.

Art. 2. Tout habitant de cette commune est pompier en naissant.

« Art. 3. En cas d’incendie, la pompe ne sera délivrée qu’après une délibération du conseil, vue et légalisée par M. le maire ou l’un de ses adjoints.

Art. 4. La pompe à incendie doit être essayée la veille de tout incendie, afin d’être toujours maintenue en bon état. •

Ici, du moins, l’honorable corporation des pompiers n’est pas directement en cause ; ce n’est pas à elle qu’on.doit attribuer la rédaction de cet arrêté étonnant, qui forcera jusqu’à l’admiration de nos arrière-neveux. Mais parfois aussi ils prêtent le flanc d’eux-mêmes, ot leurs officiers débitent des harangues qui jetteraient dans la stupéfaction Démosthène et Cicéron. Un fabricant de bas et de gilets de flanelle, nouvellement élu capitaine, réunissait dans un banquet ses pompiers et, au dessert, les remerciait en ces termes de l’honneur que lui avaient décerné leurs suffrages :

« Gardes nationaux, et vous sapeurs-pompiers, mes chers concitoyens ! si, cé qu’à Dieu ne plaise, vous en auriez nommé un autre, que mon assentiment vous aurait accompagnés sous ce drapeau qui fait que nous sommes tous frères, et enfin qu’il ne peut pas être deux chefs d’un même corps d’armée ; mais vos accents me vont au cceur comme quoi le dévouement, toujours récompensé, engendre la sympathie entre les divers membres. C’est pourquoi, heureux et fier de vous voir réunis dans le giron de la mère patrie, autour de cette table civique, pour qui nous verserions tous ensemble notre dernière goutte, sur ce qu’il suffit qu’on soit Français et que l’honneur que vous me faites redouble mes convictions.

« Donc, plus de dissensions intestinales où le jour de gloire assombrit son soleil d’Austerlitz, et ça n’est pas ceux qui n’ont rien pour payer les pots cassés. On va nous apporter le café et le cognac : faisons un immense gloria, Ce que le latin traduit par le mot de gloire, et qui est français, nom de nom ! car nous serons aussi unis après que le cognac et le café, mêlés l’un dans l’autre, qu’on ne pourrait pas reconnaître celui-là d’avec le deuxième, si ce n’est que l’état général se ressent agréablement de ce mélange de frères.

Je vous remercie encore, gardes et sapeurs ! la giberne et la hache sont sœurs, par lesquelles il n’est que prospérité dans le pays, avec amortissement des maux d’un chacun et de tous qui sont l’État. Merci ! merci I » (Triple salve d’applaudissements et hourras frénétiques.)

Mentionnons encore le morceau d’éloquence commis par un autre capitaine, également fraîchement élu, dans une commune de Normandie. Le dimanche qui suivit son élection, il passa la revue de ses pompiers, orné d’é POMP

fiaulettes flamboyantes et d’un casque rutiant, puis, après s’être recueilli quelques instants, il fit entendre, d’une voix sonore, cette harangue mémorable :

« Sapeurs, mes concitoyens l II y a de la pomme cette année, et la vie est courte ; conséquemment je n abuserai pas de vos instants. Soyez tout d’abord assurés que je n’ai pas plus 1 intention que les moyens et le pouvoir de vous faire un discours, qui, en définitive, ne vous amuserait pas plus que moi. • Je me bornerai donc à vous dire :

Primo. Attention ! Qu’immédiatement après la revue, vous vous rendiez en bon ordre, la main à la couture de la culotte et l’oail à quinze pas, au Temple de ta consolation, où soixante pots de gros taire seront mis à votre disposition.

Secundo. Attention ! Que, ce soir, au même lieu, un modeste banquet nous réunira. Le menu est de ma façon : autant de pompiers, autant d’andouilles, venant d’Aire en droite ligne 1 Les autorités de la localité, tant civiques que religieuses, prendront part à ces agapes fraternelles.

Après le banquet, il y aura répartition de demoiselles aux hommes de tous grades de la compagnie, suivant les principes sacrés de la hiérarchie. À chaque sapeur, sa demoiselle. Les sous-officiers, en auront deux, et messieurs les officiers trois, ainsi que môssieure le tambour, Les ceux qui voudront s’en payer de supplément feront mettre leurs demoiselles sur leur compte propre. Il sera délivré un cigare par demoiselle. (Kn Normandie, un petit verre d’eau-de-vie s’appelle une demoiselle.)

l’ertio. Attention ! Que, comme dit le proverbe et M. le conseiller général, il n’y a pas de bonne fête sans lendemain, il y aura demain, sur la grand’place du marché aux cochons, auprès de la perche, jusqu’à la mare, une course solennelle aux bourris, avec distribution de rafraîchissements gratis, et mirlitons pour les rosières.

Les étrangers y seront généralement admis et la mare sera illuminée. Sapeurs ! je vous invite tous à concourir à ce carrousel, avec la permission de môssieure le maire, que le bon Dieu ait en sa sainte garde.

Tambours, roulez ! Sapeurs, par file à gauche, pas accéléré... Arche !, .

Rompez ! »

Ce qui achève de donner au pompier provincial une physionomie qui appelle le sourire, c’est sa tournure empruntée, son embonpoint en révolte ouverte avec l’uniforme, son casque aux formes archaïques, ses traits complètement étrangers aux aspirations belliqueuses dont Mars anime la figure de ses favoris. C’est un brave homme, un citoyen dévoué, toujours prêt à se porter au danger ; qu’on ne lui demande rien de plus, et il nous semble que c’est bien assez. Son abnégation est admirable, ses services prêts, à toute heure. Voilà un brave ouvrier ou un petit commerçant qui, sa journée faite, va se mettre à table ; la soupe fume ; une suave odeur de choux ou de ragoût fait irruption de la cuisine dans la modeste salle à manger, et puis, comme contraste, au dehors il gèle, il pleut, il vente, il fait sombre ; quel plaisir de se mettre à table en face d’une petite femme bien-aimée, entouré d’enfants qui vous font des risettes et vous cajolent à l’envi ! Mais tout à coup le tocsin sonne, la générale bat dans les rues, et les cris : An feu ! retentissent de toutes parts... Alors le pompier repousse son assiette, se lève d’un bond, endosse son uniforme et le voilà parti, quelquefois à une lieue, deux lieues, trois lieues, et rien ne ralentit son pas gymnastique. Mais la malice du caractère français, tout en tenant compte du dévouement, ne veut pas faire grâce du petit côté amusant qui s’attache à ce nom de pompier ; elle s’acharne sur ce malheureux casque, sur cette bedaine qui fait craquer l’uniforme, et avant tout sur cette figure débonnaire qui forme, il faut bien le reconnaître, un si plaisant contraste avec l’air coquet et l’allure dégagée du pompier parisien.

Mais, parmi tous les pompiers de province qui ont le privilège d’éveiller la gaieté, il n’y en a pas qui puisse disputer la palme à ceux de Nanterre, ville où. fleurissent les rosières par-dessus, le marché. Une chansonnette que tout le monde connaît a mis le comble à leur popularité. Dernièrement, un de ces braves pompiers, en uniforme des’ pieds à la tête, s’avisa de grimper sur l’impériale d’un des omnibus qui font le service de la Madeleine à la Bastille. Ce fut une traînée de fou rire sur toute la ligne des boulevards. Le cri : Ohé ! le pompier de Nanlerre ! partait de tous les côtés, et le pauvre homme ahuri ne savait à quel motif attribuer cette ovation. La plus curieux, c’est qu’en effet il était de Nttnterre. Et c’était réellement quelque chose de plaisant que cette placide rotondité surmontée d’un énorme casque et perchée au-dessus d’un omnibus.

On a tracé bien des fois la physiologie du pompier ; nous avons sous les yeux une brochure qui leur est consacrée : les Pompiers peints par eux-mêmes, par. un écrivain plein d’humour que nous ne nommerons pas, puisque lui-même a gardé la modestie de l’anonyme, brochure à laquelle nous allons faire quelques emprunts en terminant.

L’auteur prétend et prouve à sa maniera que le pompier est antérieur à la création, et