de la chanoinesse Polier fut publié sous ce titre : Mythologie des Indous (Paris, 1809, 2 vol. in-8o). Le fils de Polier donna à la Bibliothèque de Paris quarante-deux manuscrits arabes, persans, indoustans et sanscrits. À son arrivée en France, Polier avait cédé, par échange, à Langlès le plus précieux de tous ces documents : les Institutes de l’empereur Akbar, connu sous le nom d’Aycen Akberg. — Son fils posthume, Pierre-Amédée-Charles-Guillaume-Adolphe Polier, né en 1795, mort à Saint-Pétersbourg en 1830, devint officier dans un régiment suisse au service de la France, fit la campagne de Russie et dut le titre de comte au roi Charles X en 1827. Après la révolution de 1830, il alla se fixer en Russie, où l’empereur le fit chambellan et maître des cérémonies. On lui attribue la découverte de gisements de diamant dans les monts Ourals.
POLIÈRE s. f. (po-liè-re). Nom des courroies
qui joignent la fauchère au bât des mulets de charge.
POLIFOLIA s. f. (po-li-fo-li-a — de polion,
et du lat. folium, feuille). Bot. Genre d’arbrisseaux,
de la famille des éricinées, tribu des andromédées, formé aux dépens des andromèdes, et dont l’espèce type croît dans les
régions arctiques.
POLIGNAC s. m. (po-li-gnak ; gn mll.).
Jeux. Sorte de jeu dans lequel le valet de trèfle est la carte dominante.
POLIGNAC, en latin Apolliniacum, bourg de France (Haute-Loire), cant., arrond. et à 4 kilom. N.-O. du Puy, au pied d’un rocher élevé ; pop. aggl., 587 hab. — pop. tot., 2, 274 hab. Fabrication de dentelles ; commerce
de grains et bestiaux. Sur le rocher
escarpé qui domine le bourg s’élèvent les
ruines de l’ancien château de Polignac. Ce
château, dont les ruines pittoresques occupent
la vaste plate-forme volcanique qui
domine le bourg, fut entièrement dévasté
à l’époque de la Révolution ; mais le donjon
carré, d’une épaisseur que ni le temps ni la
main des hommes n’ont pu entamer, a été intelligemment
réparé par les ordres de la famille
de Polignac. Peu de monuments offrent
à l’archéologue et à l’artiste des particularités
plus curieuses que ces ruines ; l’édifice fut
évidemment construit sur l’emplacement de
quelque colonie romaine ; dans l’une des salles
basses des tours se trouvent dix à douze
belles pierres antiques en grès blanc; l’une
d’elles porte une inscription latine abrégée
dont voici la traduction:« Tibère Claude,
César auguste, vainqueur des Germains,
grand pontife, dans sa cinquième puissance
tribunitienne, père de la patrie, consul pour
la quatrième fois. » Ce monument n’est autre
que celui qui consacrait jadis la présence
de l’empereur Claude, venu en grande pompe
de Lyon à Polignac pour consulter l’oracle
d’Apollon. Indépendamment de ces pierres, il
faut encore citer, parmi les antiquités romaines
du château, le masque ou bas-relief d’Apollon,
d’un travail large et achevé, et le
Puits des oracles, en granit. « Ce masque colossal,
dit le savant archéologue qui nous
fournit ces détails, a 1m, 28 de largeur sur
1 mètre de hauteur. L’ouverture de la bouche,
qu’on remarque au milieu d’une barbe
très-volumineuse, ne laisse apercevoir qu’un
trou ovale qui a dû servir à l’introduction
d’un tube. Le Puits des oracles est une excavation
de 7 mètres de profondeur surmontés
par un bloc de grès, imitant extérieurement
la forme d’un autel antique, évidé et
formant comme la margelle d’un puits. Sa
hauteur est de 0m, 65 ; il est orné extérieurement
de moulures d’une belle proportion. Le
masque d’Apollon s’appliquait exactement sur
cette sorte d’autel et fermait le puits. Le fait
est d’autant plus certain qu’on remarque des
restes d’agrafes de cuivre scellés dans le
masque et qui correspondent aux trous qu’on
voit sous l’autel. » On remarque encore au
château de Polignac les salles souterraines
dites du Puits de l’oracle ; le fond de ce puits
présente latéralement deux salles voûtées,
en rectangle de 7 mètres de longueur sur
3m, 25 de largeur, séparées par cinq arcades
à plein cintre que supportent d’énormes piliers
d’un seul bloc, hauts de 1 mètre et demi.
Ces salles, lors de l’établissement du château
fort, furent converties en citernes pour les
besoins de la garnison. Enfin, à 10 mètres
environ du Puits de l’oracle, à l’ouest, on rencontre
le précipice, puits véritable, parfaitement
rond et taillé dans le roc. La tradition
rapporte qu’il y avait jadis au bas de ce puits,
creusé en forme de cône renversé, une communication
avec le Puits de l’oracle. Quant
au donjon dont nous avons parlé et qui
domine toute la contrée, c’est, grâce aux intelligentes
restaurations dont il a été l’objet,
un des plus curieux restes de l’architecture
militaire du moyen âge.
Les seigneurs de Polignac, comme tant de barons du moyen âge, furent pendant plusieurs siècles la terreur des habitants du voisinage. Ils organisaient de petites expéditions, pillaient et rançonnaient tout ce qui habitait ou passait à portée de leur repaire.
Pons de Polignac et Armand son fils détroussaient les passants ou les conservaient prisonniers, et se faisaient payer en argent ou en nature, selon leurs besoins du moment, n’épargnant ni clercs ni laïques. Associés à plusieurs brigands de leur espèce qui possédaient des manoirs voisins du leur, ils se livraient à cette lucrative industrie. De 1158 à 1163, l’évêque Pons II et après lui l’évêque Pierre IV, du Puy, cherchèrent à résister à ces déprédations, et, ne pouvant y parvenir, implorèrent le secours du roi de France. Louis XII vint assiéger Polignac en 1163 et s’en rendit maître ; mais il se montra clément pour les sires de Polignac et se contenta de leur faire jurer qu’ils renonceraient à leurs courses dans les montagnes. Ils tinrent leur serment aussi longtemps que l’armée du roi de France fut à portée de les châtier ; mais quand elle eut quitté la province, ils reprirent leur ancienne vie. Louis XII vint de nouveau les attaquer, les vainquit, les emmena prisonniers à Paris et mit garnison dans leur château. Alors seulement la province du Velay put trouver la paix à l’abri de l’imposante forteresse gardée par les soldats du roi.
POLIGNAC, l’une des plus anciennes familles nobles du Velay et dont l’origine remontait au delà du IVe siècle de notre ère. Elle se prétendait issue de la même race que Sidoine
Apollinaire; mais elle n’en vécut pas moins de longs siècles dans l’obscurité de la vie seigneuriale jusqu’au XVIIe siècle. À cette époque, le marquis Armand de Polignac, chevalier
des ordres du roi, mort en 1632, eut
deux fils : Scipion-Sidoine-Apollinaire-Gaspard,
vicomte de Polignac, qui devint lieutenant
général des armées du roi, gouverneur
du Puy et mourut en 1739, et le cardinal Melchior
de Polignac, qui jeta tout à coup un
grand éclat sur sa maison. (V. l’art. suivant.)
POLIGNAC (Melchior DE), cardinal, diplomate, orateur, poëte latin et écrivain français,
né au Puy-en-Velay en 1661, mort à
Paris en 1742. Son père, qui le destinait à la
carrière ecclésiastique, l’envoya à Paris, où
il fit de brillantes études. Dès sa philosophie,
Melchior donna la preuve de la vivacité et
de la souplesse de son intelligence en soutenant
en public, avec un égal succès, une
thèse en faveur du système de Descartes et
une autre en faveur de celui d’Aristote.
Grâce à la variété de ses connaissances, à
sa mémoire prodigieuse, au charme de ses
manières, le jeune et ambitieux abbé se vit
bientôt recherché des hommes les plus instruits,
et il venait à peine de terminer sa
théologie lorsqu’il fut emmené à Rome par le
cardinal de Bouillon, en 1689. Il prit part à
la négociation relative aux fameux articles
du clergé et contribua à la réconciliation du
saint-siège et de la cour de Versailles. On
raconte qu’Alexandre VIII, frappé du tact et
de l’habileté du jeune diplomate, lui dit un
jour : « Je ne sais comment vous faites ; vous
paraissez toujours être de mon avis, et c’est
moi qui finis par être du vôtre. » En 1692,
l’abbé de Polignac retourna à Rome avec le
cardinal de Bouillon, qui allait assister au
conclave où fut élu Innocent XII. Peu après
son retour en France, il fut chargé d’une
mission importante auprès de Jean Sobieski,
roi de Pologne (1693) et, après la mort de ce
roi, il parvint à faire élire à sa place le prince
de Conti (1696). Mais cette élection n’ayant
point eu son effet, par suite de la lenteur que
ce prince avait mise à se rendre en Pologne,
Louis XIV attribua cet insuccès à son ambassadeur,
le rappela en France (1698) et l’exila à l’abbaye de Bon-Port, où il resta quatre ans. Rappelé à la cour en 1702, il y
reparut avec un nouvel éclat, fut nommé auditeur
de rote en 1706, plénipotentiaire en
Hollande (1710-1713), prit part aux conférences
de Gertruydenberg et au congrès
d’Utrecht (1712) et répondit aux négociateurs
des Provinces-Unies, qui menaçaient les plénipotentiaires
français de les faire sortir de
leur pays : « Non, messieurs, nous ne sortirons
pas d’ici ; nous traiterons de vous, chez
vous et sans vous. » De retour à la cour, il
reçut, en 1713, le chapeau de cardinal, qu’avait
demandé pour lui Jacques Stuart, le titre
de maître de la chapelle royale et les abbayes
de Corbie et d’Anchin. Exilé pendant la Régence,
pour s’être mêlé aux intrigues des
princes légitimés, il fut rappelé en 1721,
chargé des affaires de France à Rome, où il
termina les différends suscités par la bulle
Unigenitus, assista aux conclaves où furent
nommés Innocent XIII, Benoît XIII et Clément XII, devint, en 1724, archevêque d’Auch
et fut nommé commandeur des ordres du roi
en 1728. En 1730, il quitta Rome et revint
jouir en France d’un repos qu’il avait si bien
mérité. Successeur de Bossuet à l’Académie
française (1704), admis à celle des sciences
(1711), et des inscriptions (1717), le cardinal
de Polignac ne se fit pas moins remarquer
par ses talents littéraires que par ses hautes
capacités diplomatiques. C’est de lui que Voltaire
a dit, dans le Temple du goût :
Le cardinal, oracle de la France…
Réunissant Virgile avec Platon,
Vengeur du ciel et vainqueur de Lucrèce.
Mme de Sévigné en fait aussi le plus grand éloge sous le rapport des qualités du cœur et de l’esprit : « C’est un des hommes du monde dont l’esprit me paraît le plus agréable, écrivait-elle à Coulanges le 18 mars 1690 ; il sait tout ; il parle de tout ; il a toute la douceur, la vivacité, la complaisance qu’on peut souhaiter dans le commerce. » Le plus célèbre de ses ouvrages est un poème latin, l’Ani-Lucrèce, dans lequel il s’attache à réfuter les idées philosophiques exprimées dans le poëme de Lucrèce : De natura rerum. Cet ouvrage, auquel on reproche d’être un peu diffus, lui donne cependant un rang distingué parmi les poëtes de la latinité moderne. Si le poète n’a pas toujours réfuté solidement les opinions de Lucrèce, s’il s’est trop souvent perdu dans les hypothèses de Descartes, il montre au moins de l’élégance et de la pureté. La mort le surprit avant qu’il eût achevé complètement son travail. L’abbé Rothelin et le professeur Lebeau se chargèrent de combler les lacunes du manuscrit, et ils le firent avec tant d’art que tout parut du même écrivain. L’ouvrage fut publié à Paris en 1745 (2 vol. in-8o). M. Bougainville en a donné une traduction française en prose en 1749. On a, en outre, du cardinal de Polignac, plusieurs discours latins, une lettre à Racine fils sur l’âme des bêtes, publiée dans le Journal des savants en 1747, et la collection de ses dépêches, laquelle est précieuse pour l’histoire du temps. Ce poëte, ce philosophe, ce politique était très-versé, en outre, dans la connaissance des sciences physiques et mathématiques et connaisseur éclairé en matière de beaux-arts. Il avait formé une belle collection de médailles, de statues et d’antiques que le roi de Prusse fit acheter après sa mort.
POLIGNAC (Jules, comte, puis duc DE), petit-neveu du précédent, mort à Saint-Pétersbourg
en 1817. Il épousa, en 1767, Gabrielle
de Polastron, et il était simple colonel lorsque,
grâce à la faveur dont sa femme jouissait
auprès de Marie-Antoinette, il obtint la
survivant de la charge de premier écuyer
de la reine, le titre de duc (1780), la surintendance
des postes (1782), des concessions
de terres, de péages, des traitements et pensions
qui s’élevaient à une somme scandaleuse.
Ayant émigré en 1789, il remplit le
rôle d’agent des frères du roi à la cour de
Vienne, passa en Russie après la mort de sa
femme, reçut de Catherine II une terre dans
l’Ukraine et mourut à Saint-Pétersbourg
sans avoir revu la France, dont la Restauration
lui avait ouvert les portes. Homme
sans valeur par lui-même, de la plus mince
capacité et d’une intelligence étroite, le duc
Jules de Polignac n’exista que par sa femme,
dont nous donnons la biographie dans l’article
suivant.
POLIGNAC (Yolande-Martine-Gabrielle DE Polastron, dame DE), femme du précédent,
née vers 1749, morte à Vienne (Autriche)
en décembre 1793. Elle mérite une place
à part dans la galerie des favorites. Elle était
gracieuse, spirituelle, et les scandaleuses dilapidations
auxquelles elle poussa Marie-Antoinette
paraissent avoir été moins son propre
fait que celui de son entourage et de sa
famille, une des plus avides qui se soient
acharnées sur une proie royale. Elle végétait
avec son mari à Claye, dans la Brie, vivant
maigrement de 5,000 ou 6,000 livres de
rente, ne venant que rarement à Versailles,
où il lui était impossible de faire figure, lorsque
Marie-Antoinette la remarqua dans un
bal. La reine s’étonnant de ne pas l’avoir vue
aux fêtes de son mariage, la comtesse ne lui
cacha pas que son dénûment était la principale
cause de son éloignement de la cour,
et Marie-Antoinette voulut aussitôt réparer
l’injustice du sort. Pour la retenir près d’elle,
elle lui donna un appartement à Versailles,
fit enlever au comte de Tesse la charge de
grand écuyer et de directeur des haras pour
en gratifier son mari, la nomma gouvernante
des enfants de France et lui fit allouer une
pension de 80,000 livres, outre les appointements
attachés aux charges précédentes, etc.
La publication du Livre rouge, en 1790, montra
que, si l’on excepte le comte d’Artois, les
Polignac étaient les mieux rentés de tous
ceux qui approchaient le roi ou la reine.
Louis XVI, excédé des incessantes demandes
de Marie-Antoinette pour sa favorite, fit encore
du comte de Polignac un duc héréditaire
(1780), lui donna la grande maîtrise des relais
de France, mais refusa de lui donner en
même temps la poste aux lettres, ce qui fut
considéré par la famille comme un sanglant
affront, nomma la comtesse Diane de Polignac,
belle-sœur de la nouvelle duchesse,
dame d’honneur de Mme Élisabeth, envoya
le beau-père de la favorite, homme tout à
fait nul, au poste d’ambassadeur en Suisse ;
enfin, pour comble de scandale, il fit présent
au duc et à la duchesse de Polignac du comté
de Fénestrange. Ce dernier cadeau dépassait
tellement toutes les bornes, à une époque où
le trésor public était horriblement endetté,
que Louis XVI dissimula l’opération par un
véritable faux ; il feignit de vendre le comté
pour une somme de 1,200,000 livres au duc
de Polignac qui, de son côté, paya par une
ordonnance au porteur de la même somme.
Cette manœuvre frauduleuse, inscrite au Livre rouge, exaspéra les bons citoyens lorsqu’elle
fut découverte. « De deux choses l’une,
écrivit alors l’honnête Loustalot dans ses
Révolutions de Paris, le roi regardait ou que
le trésor lui appartenait ou qu’il n’en était
que l’administrateur. Dans le premier cas,
cette ordonnance gratuite donnée à son débiteur
pour qu’il pût se libérer envers lui
était une puérilité ; dans le second cas, c’était
un vol fait au peuple. On voit dans le
dépouillement de la liste des pensions que les
Polignac, à tous les degrés possibles, avaient
des pensions de toutes les sortes ; que ce sieur
Polignac avait, outre le département des
haras, une pension de 80,000 livres réversible
à son épouse, et voici encore la jouissance
d’un comté qui leur est donnée à titre gratuit.
Quels étaient donc les services des Polignac ?
Toute la France sait qu’ils n’en ont
point rendu de publics ; or, quels services
privés ont-ils pu rendre qui exigeassent qu’on
les abreuvât du plus pur sang des malheureux
Français ? Le mari n’avait ni talent ni emploi ;
la femme était l’amie ou la favorite de
la reine. Mais, quelle que fût l’intimité qui
régnait entre la reine et la dame Polignac,
on ne conçoit pas quelle peut être la cause
des dons scandaleux qu’on prodiguait à cette
famille. » Loustalot faisait allusion, dans ce
passage, sans y appuyer plus qu’il ne faut,
aux secrets d’alcôve que l’on donnait tout
bas comme le fin mot de la haute faveur de
la duchesse. On en a dit autant de l’intimité
singulière de Marie-Antoinette et de la princesse
de Lamballe. Nous ne nous ferons pas
l’écho de ces bruits plus ou moins fondés,
mais nous devons noter que ce ne fut pas le
peuple qui les mit en circulation ; ce furent
les courtisans envieux les uns des autres et
le comte de Provence (depuis Louis XVIII)
plus que tout autre. Il n’y a pas un paragraphe
de l’acte d’accusation de la reine, tant
reproché à Fouquier-Tinville et à Hébert,
qu’on ne retrouve en germe dans des couplets
faits à Versailles et quelques-uns par l’entourage
même de la duchesse de Polignac. Quoique
gorgée d’honneurs et d’argent (on a calculé
que les pensions servies aux Polignac
montaient, en 1789, à la somme de 7,500,000 fr.),
cette famille faisait la dédaigneuse. La reine
ne put jamais obtenir de sa favorite qu’elle
éloignât de son appartement, lorsqu’elle devait
y venir, les gens qui lui déplaisaient.
« Je pense, lui dit un jour la duchesse, que,
parce que Votre Majesté veut bien venir dans
mon salon, ce n’est pas une raison pour
qu’elle prétende en exclure mes amis. » Fatiguée
de ces hauteurs qu’elle avait cru s’épargner
en donnant à pleines mains, Marie-Antoinette
choisit une nouvelle amie, la comtesse
d’Ossun, et alors on la chansonna d’importance
dans le salon des Polignac. Ce fut tout ce qu’elle recueillit.
Aux premiers signes de l’orage révolutionnaire, les Polignac quittèrent Versailles et la France ; ils figurèrent parmi l’avant-garde de l’émigration. Un raccommodement avait eu lieu entre la reine et sa favorite. Le 16 juillet 1789, deux jours après la prise de la Bastille, prévoyant que les Polignac, si justement impopulaires, allaient être inquiétés, Marie-Antoinette envoya chercher la duchesse et son mari. Elle les conjura de partir dans la nuit même. Mme de Polignac, il faut lui rendre cette justice, refusa d’abord ; elle ne voulait abandonner ni la reine ni les enfants dont elle avait l’éducation ; mais la reine fut inébranlable dans son insistance. « Le roi, lui dit-elle, va demain à Paris ; peut-être lui demandera-t-on votre exil : n’attendez pas, je crains tout. Au nom de notre amitié, partez. » En ce moment le roi entra : « Venez, sire, lui dit la reine, persuader à ces honnêtes gens, à ces fidèles amis qu’ils doivent nous quitter. » Alors le roi s’approcha du duc et de la duchesse de Polignac : « Mon cruel destin, leur dit-il, me force d’éloigner de moi tous ceux que j’estime et que j’aime. Je viens d’ordonner au comte d’Artois de partir ; je vous donne le même ordre ; plaignez-moi, mais ne perdez pas un seul instant. Emmenez votre famille ; comptez sur moi dans tous les temps ; je vous conserve vos charges. »
On se sépara en pleurant et, à minuit, la duchesse de Polignac reçut ce dernier billet de la reine : « Adieu, la plus tendre des amies ! adieu ! Que ce mot est affreux ! mais il est nécessaire. Adieu ! je n’ai que la force de vous embrasser. » Ce billet reçu, M. et Mme de Polignac, la comtesse Diane de Polignac et Mlle de Polignac, depuis duchesse de Guiche, prirent la route de Bâle, où ils arrivèrent au bout de trois jours. Ils y trouvèrent M. Necker, qui s’y était rendu de Bruxelles et qui ignorait encore les événements de Paris. Ce fut par eux que le ministre en connut la première nouvelle. De Bruxelles, les fugitifs gagnèrent l’Autriche et allèrent se fixer à Vienne, où mourut Mme de Polignac, à l’âge de quarante-quatre ans.
POLIGNAC (Armand-Jules-Marie-Héraclius, comte, puis duc DE), fils aîné des précédents, né en 1771, mort en 1847. Il était officier de hussards au moment de la Révolution ;
ayant émigré avec ses parents, il servit
dans l’armée de Condé, puis passa avec sa femme en Russie, où il reçut de Catherine II des domaines dans l’Ukraine, de
Paul Ier une terre en Lithuanie, et fut naturalisé
par l’empereur Alexandre. En 1802, sa
femme, riche Hollandaise de Batavia, qui s’était
trouvée ruinée parla Révolution, se rendit
à Paris dans l’espoir de recouvrer des
débris de son immense fortune. Quant à lui,
ne pouvant revenir ouvertement en France,
il passa en Angleterre avec son frère Jules
et sa sœur, la duchesse de Guiche. Quelque
temps après, le duc Armand, toujours suivi
de son frère, se rendit secrètement à Paris,
prit part à la conspiration de Cadoudal et de Pichegru (1804), et fut arrêté avec Jules.
Condamné à mort, il obtint, par les démarches
de sa femme auprès de Joséphine, une
commutation de cette peine en une détention