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Places fortes en Allemagne. Après avoir longuement parlé des places fortes en France, il ne nous parait point inutile de donner quelques renseignements sur les places fortes en Allemagne et, plus particulièrement, sur les améliorations que cette puissance a cru devoir introduire dans son système de défense. Nos lecteurs verront, par ce qui va suivre, que nos ennemis, bien que vainqueurs, n’ont point perdu leur temps et prennent leurs précautions en cas d’une attaque qui viendrait de notre côté.

Au lendemain de la signature du traité de paix entre la France et 1 Allemagne, le roi de Prusse demandait à la commission de la défense nationale son avis concernant les transformations et les améliorations auxquelles il convenait de soumettre le système de défense allemand. Cette commission, qui siège d’une manière permanente sous la présidence du prince royal de Prusse et se compose du chef de l’état-major général de l’armée allemande, des inspecteurs généraux d’artillerie et du corps du génie, ainsi que de quelques généraux nommés par l’empereur, se mit immédiatement à l’œuvre et produisit le travail qii a servi de motifs à la loi que le Reichstag a votée en IS78.

La commission s’était montrée d’avis qu’il

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fallait créer quelques plus grandes places de guerre, mais, cette condition remplie, supprimer certaines forteresses de peu d’importance et améliorer, agrandir et considérablement fortifier celles dont l’intérêt de la défense exigeait la conservation.

Cette manière de voir fut adoptée par l’empereur, qui n’eut rien de plus pressé que de l’appliquer à la frontière occidentale de l’empire. En juin 1878, le Reichstag accordait au fouvernement fédéral la somme assez consiérabh de 147,191,062 francs pour la réparation, l’achèvement et l’armement des forteresses de Strasbourg, de Neuf-Brisach, de Thionville et dq. Metz, ainsi que pour la construction et l’ameublement d un certain nombre de casernes, d’hôpitaux et d’autres établissements de ce genre.

Dans le premier semestre de 1874, la Reichstag accorda au gouvernement fédéral deux nouveaux crédits, l’un de 134,058,938 fr. pour les autres forteresses de l’empire, l’autre de 93/750,000 franes pour la sûreté des côtes, des ports et stations militaires et de l’embouchure des grands fleuves. Les sommes votées dans la but de la défense territoriale, et qui, toutes, ont été distraites des 5 milliards d indemnité, s’élèvent donc au chiffre respectable de 37E> millions de francs, soit 100 millions

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do thalers, dont 33,5 pour 100 serviront ou ont en partie servi à fortifier la frontière du sud et de l’ouest de l’Allemagne, 26,5 pour 100 & fortifier les côtes et l’embouchure de quelques fleuves, depuis Même ! jusqu’à Wilhelmshaven, 25,2 pour 100 à fortifier la frontière du côté de la Russie, 10,4 pour 100 à protéger la seconde ligne de défense (Mayence, Coblentz et Cologne) du côté de la France, et 4,4 pour 100 à fortifier Spandau et ses environs.

Les remaniements doivent porter, selon le projet dont il est parlé ci-dessus, sur les villes et forteresses de Rastadt, Mayence, Cologne, Coblentz, Ulm, Ingolstadt, Spandau, Kustrin, Posen, Thorn, Dantzig, Kœnigsberg, Neisse, Memel, Pillau, Kolberg, Stralsund, Sonderbourg-Duppel, Wilhelmsbaven et Kiel. Seront également fortifiées les embouchures de l’Elbe, du Weser et de l’Ems.

Tracé des fortifications. À l’article fortification, nous «vons fait l’historique de l’emploi des places fortes dans l’antiquité, au moyen âge et jusqu’à nos jours ; nous venons de donner tout-à-l’heure la nomenclature complète des places fortes françaises et de fournir quelques renseignements sur les modifications apportées à notre système de dé PLAC

fense ; il nous reste maintenant à parler du tracé des places fortes. C’est ce que noua allons faire ici.

Avant d’entrer en matière, il est utile cependant de bien définir ce qu’on entend par un tracé de fortification. Un tracé n’est point l’ensemble des constructions détaillées d’un front, avec tous ses dehors, tous ses retranchements intérieurs ; ce n’est point le dessin noir des projections de toutes les lignes du parapet et des communications. Un tracé, le tracé de Vauban, par exemple, est l’ensemble des ouvrages créés ou modifiés par Vauban, ouvrages représentés généralement par leurs seules magistrales ou par la projlection d’une crête quelconque du parapet. Il n’est point question de profil, de relief dans un tracé, et les tracés sont toujours exécutés, dans le cas d’un terrain horizontal, sur une place fictive, ayant la forme d’un polygone régulier, dont on fait varier le nombre des côtés. Malgré toutes ces hypothèses, il est certain que les tracés caractérisent parfaitement la manière des ingénieurs et qu’il n’y a qu’un pas à faire ensuite pour arriver à l’étude d’une fortification d’un système quelconque, si compliquée qu’elle soit des considérations de défilement et de commandement auxquelles on veut plier cette fortification.

Tracé d’Errard. Supposons que le polygone à fortifier soit un hexagone et que AB soit l’un des côtés de cet hexagone (v. la figure). AC et BD sont les rayons allant des sommets A et B au centre du polygone à fortifier.

On obtient la direction des ligues de défense en menant les droites AG et BF, inclinées à 45° sur AC et BD ; on termine ces lignes à leurs intersections avec les bissectrices AF et BG des angles CAG et DBF. La courtine FGse trouve ainsi déterminée. Pour avoir les flancs des bastions, il suffit d’abaisser les perpendiculaires FÊ et GH sur les lignes de défense. En faisant les mêmes opérations sur chacun des côtés de l’hexagone, cet hexagone sera fortifié à la manière d’Errard.

Cet ingénieur emploie parfois des orillons qu’il trace de la façon suivante. Il prend FK égale au tiers du flanc EF et mène KL pa Flg. 1.

rallèle à la courtine FG et mesurant 3 à 4 toises. Par l’extrémité L, il tire LM parallèle au flanc ÈF jusqu’à sa rencontre avec la ligne de défense AG en M. L’orillon à pan coupé KLME est ainsi complètement déterminé. Pour avoir un orillon arrondi, il suffit de décrire un demi-cercle sur LM comme diamètre et de remplacer ce diamètre par le demi-cercle.

La construction du fossé est des plus simples. Avec un rayon égal à la longueur des flancs FE et GH, on décrit des arcs de cercle, dos points A et B comme centres, et l’on mène à ces arcs des tangentes RN et NS, parallèles aux lignes de défense AG et BF.

On peut remarquer que, dans ce tracé, les données sont les angles des bastions ou le nombre des côtés du polygone à fortifier ; c’est la grandeur du flanc qui détermine toutes les autres parties de la fortification. Errard donne 16 toises aux flancs d’un hexagone,

19 toises aux flancs d’un heptagone et Si toises dans l’octogone.

Errard fait peu de cas des demi-lunes, qu’on nommait alors ravelins. Il n’en place que devant les portes. Ses chemins couverts ou corridors ont 5 à 6 toises et ne présentent pas de traverses.

On voit que les principes de l’ingénieur de Bar-le-Duc sont : 1° que l’angle flanqué de bastions doit Ôtre droit ; 2° que les lignes de défense ne doivent pas dépasser 100 à 120 toises de longueur ; 30 que, dans un front quelconque, les deux flancs doivent se découvrir l’un 1 autre ; 4° que la longueur et l’épaisseur des flancs doivent dépendre de la grandeur de la place.

Le système d’Errard a été appliqué à Sedan, à Doullens et aux citadelles d’Amiens et de Verdun.

Tracés de Marolois. Marolols, ingénieur hollandais, contemporain d’Errard de Bar-le Duc, décrit, dans ses ouvrages, plusieurs tracés qui méritent souvent la préférence sur ceux de l’ingénieur français.

Comme Errard, Marolois adopte pour angles flanqués des angles droits ; mais les flancs sont perpendiculaires à la courtine, au lieu d’être perpendiculaires aux faces des bastions. Ses constructions s’appliquent spécialement à des places en terre ; son enceinte a deux étages de parapets, dont le moins élevé est au niveau du sol naturel. Un large fossé, plein d’eau, entoure l’enceinte fortifiée ; ce fossé est précédé d’un chemin couvert sans traverses.

Marolois était partisan des demi-lunes et des contregardes sur les saillants des bastions.

Tracé du chevalier de Ville. Le chevalier de Ville trace son front parle côté intérieur, qu’il fait varier entre 125 et 150 toises.

Soient AB le côté d’un hexagone à fortifier et AA’ et BB’ les droites qui joignent les sommets À et B au centre du polygone. On prend AC et BD, égaux tous les deux au sixième du côté AB, et l’on a les demi-gorges des bastions. Les flancs CE et DF sont perpendiculaires à la courtine CD, précé demment déterminée. Ces flancs ont une longuuur égale à celles des demi-gorges.

Pour avoir les faces desbastions, on abaisse les perpendiculaires EO et FH sur AA’ et BB’. On prend GA’ = GE et HB’ = FH. Les lignes A’E et B’F sont les faces des bastions.

Le chevalier de Ville construit parfois un

épautement ou un orillon. On obtient l’épaulement en joignant le point I, situé au tiers du flanc DF, à partir de D, avec le saillant A’ et en prenant IJ = Df. D’autre part, on prolonge la face B’F jusqu’à sa rencontre en K avec A’I, et, du point K comme centre, avec K.J pour rayon, on décrit un arc de cercle

qui coupe en L la face B’F. La figure IJLF est l’èpaulement.

L’orillon diffère de l’épaulement en ce qu’il est arrondi ; voici comment on a l’arrondissement. Des points J et L on élève des perÎiendiculaires sur les lignes A’K et B’K et, de eur rencontre M, on décrit l’arc de cercle JL.