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Pays

fami !le des Softenville. Un pat/son plus vrai et d’une rusticité plus grande n’aurait pas été souffert sous le grand roi, qui prenait pour des singes les paysans de Tôniers et disait : «Otezmoi ces magots I» Cependant, dans l’ancien théâtre et pour relever un peu ce rôle sacrifié, il était de règle que le rôle de paysan fût rempli dans les comédies par un chef d’emploi et principalement par l’acteur qui jouait les rois dans la tragédie. Montfleury excella ainsi dans les rois et les paysans.

Les paysans ne sont pas beaucoup plus vrais dans le théâtre du xvmésiècle que dans celui du siècle précédent ; Le Sage, Fuzelief, d’Orueval et Vadé, surnommé le Téniers de la poésie, leur donnèrent pourtant dans leurs comédies foraines un rôle prépondérant, moins fade que celui de l’éternel berger à culotte de satin, à houlette enrubannée, qui florissait à l’Opéra-Comique comme dans les toiles deWatteau. S’inspirant de Greuze, qui a su rendre le paysan dramatique et intéressant, Sedaine et les compositeurs qui collaboraient avec lui, Monsigny et Philidor, créèrent ce que l’on est convenu d’appeler te paysan d’opéra-comique, type qui fut faussé plus tard et rendu peu différent du berger, mais qui chez lui et qui chez quelques-uns de ses imitateurs est loin d’être tout a fait inoffensif. On voit au contraire dans le Bûcheron, de Guichard et Philidor, dans le Jardinier et son muitre, du même compositeur, un vif esprit d’opposition. Dans presque toutes les pièces de ce genre, c’est le paysan qui a le beau rôle et le grand seigneur, fourbe et libertin, lui est totalement sacrifié. Le paysan d’opéra-comique est resté à peu près à ce théâtre ce que l’avait fait Sedaine.

G. Sand a mis sur la scène des paysans d’une vérité relative plus grande dans quelques-unes de ses comédies : François le Champi, Cfauche, le Pressoir ; toutefois, ces types sont encore bien loin des rusés et terribles p«yians de Balzac.

— Iconog. Les gens de la campagne, les paysans, n’ont pas attiré l’attention des écoles de peinture et de sculpture vouées exclusivement a la représentation des divinités et des héros, comme était l’école grecque, et ne pouvaient intéresser davantage les artistes qui, comme ceux de la renaissance italienne, faisaient consister le beau dans l’association de l’idée catholique a la l’orme païenne. L’art noble, l’art qui cherche à tout idéaliser, n’a que faire des rustres qui peuplent les champs : De minimis non curâtpictor. Ces pauvres, ces déshérités ont trouvé, pourtant, dès la plus haute antiquité, des artistes qui ont représenté leurs travaux, leurs généreuses fatigues auxquelles la société doit, en somme, son existence matérielle ; des peintures découvertes dans les hypogées d’Égypte retracent des scènes agricoles, le Labourage, la Moisson, la Vendange, etc. Quelques petits bronzes et quelques fresques, trouvés à Pompéi et à Herculanum, nous offrent des types rustiques et confirment ce que Pline nous apprend des peintures de Ludius, où étaient figurées des scènes de la vie champêtre. Les auteurs de pareils tableaux étaient désignés sous le nom de rkyparographes (peintres de sujets vulgaires). Au moyen âge, les enlumineurs, dans les miniatures des manuscrits, et les sculpteurs, dans les bas-reliefs dont ils décoraient les portails des églises, ont fréquemment mis en scène des paysans.

Dans l’école italienne, il faut arriver jusqu’au Caravuge pour trouver un peintre qui ait daigné peindre des campagnards. Après lui, Manfredi et Michel-Ange Cerquozzi ont traité avec vigueur des sujets rustiques ; Lorenzi Lorenzo a gravé, d’après Cerquozzi, des Paysans et. bohémiens à la porte d’une auberge : on lui 4pit aussi une estampe, d’après A. Morinello, représentant un Pâtre italien tenant une flûte. Stefan© délia Bella, le Callot de l’école italienne, a gravé plusieurs sujets de ce genre, entre autres un Paysanportant sur son dos un panier dans lequel il y a des herbes. Fr. del Pedro a gravé, d’après F. Maggiotto, huit pièces représentant des Hixes de paysans et des intérieurs de cabaret. Le Bassan et ses fils ont peint avec talent des scènes rurales ; la Louvre a deux tableaux de Jacopo intitulés : les Travaux de la campagne pendant la moisson et les Travaux de la campagne pendant les vendanges. W. Baillie a gravé, d’après F. Zuecaro, un Vieux paysan tenant un panier.

Les célèbres Buveurs de Velazquez sont de véritables paysans qui fêtent un Bacchus rustique. Le musée du Belvédère a, du même maître, un Paysan qui tient une fleur et qui rit. Murillo a peint plusieurs fois des enfants de la campagne.

C’est chez les peintres du Nord que les paysans ont été le plus souvent et Je plus fidèlement représentés. Au xvic siècle, les plus grands maîtres de l’école allemande leur ont consacré des compositions pleines d’humour. Albert Durer a exécuté diverses estampes connues sous les titres suivants : les Trots paysans, le Paysan et sa femme, le Paysan au marché, lo Branle, le Joueur de cornemuse. Hans-Sebald Behum a peint, d’après co maître, un tableau qui est au musée du Belvédère, à Vienne, et où l’on voit des Paysans causant avec un soldat. Ou doit encore a. Beham les estampes suivantes : les Paysans gui se battent, le Paysan à ta fourcha, le Paysan gui a les mains liées derrière le dos, le paysan et la paysanne allant au mar-

pays

thé, le Paysan damant avec une nouvelle mariée, les Noces de village (une suite de douze pièces, datée de 1537, et une autre suite de dix pièces, datée de 1546et 1547), aMarchedes nouveaux mariés de village (suite de huit pièces), le Vendeur d’œufs, etc. Barthélémy Beham, l’oncle de Hans-Sebald, a gravé aussi des sujets du même genre. On a d’Holbein les pièces suivantes : Paysans poursuivant un renard gui a volé une oie. Paysans s’amusant à danser, l’Alphabet des paysans (suite de vingt-quatre pièces). Aldgrever, Théodore de Bry, Franz Brun, Hopfer ont gravé des Noces et des Danses villageoises. G. Kiliun a reproduit, dans une série de douze estampes, des compositions de P. Quast représentant la Vie des paysans.

Dans les Pays-Bas, Pierre Breughel le Vieux dutd’èti e appelé Boeren Breughel[Brei- ghel le Rustique) aux scènes villageoises, kermesses, noces, marchés, rixes, qu’il représentait avec une verve caricaturale des plus amusantes ; il poussa d’ailleurs l’humour jusqu’à décorer de titres bibliques des scènes de ce genre au milieu desquelles il introduisait sans scrupule le Christ et les saints. Il fut imité en ce genre par celui de ses fils que l’on a coutume d’appeler Breughel d’Enfer. Les deux Téniers peignirent les paysans avec non moins d’esprit et avec plus de sérieux ; ils ne cherchèrent pas h. embellir leurs modèles et ils les étudièrent le plus souvent dans les noces et les kermesses, tes tabagies, où apparaît le mieux la grossièreté de leurs mœurs ; mais ils les représentèrent quelquefois aussi dans le calme de la vie de famille. Adrien et Isaac Ostatîê, Brouwer, Craesbeke. Bega, Oornelis Dusait, Jan Steen, P. van Laar, Cornelis Sacbtleven, Berghem, liarel Du ÉJardin, J. van Hoogstraten, Kalf, Egbert van der Poel, ont aussi composé beaucoup de sujets rustiques.

Au xvme siècle, l’école française s’éprit d’une belle passion pour les mœurs villageoises i mais les Pastorales des W’atteau, des Boucher, des Lancret, des Vanloo, des Fragonard n’étaient pas plus rustiques, pas plus vraies que les Pastorales littéraires des Fontenelle et des Bernis et que les Pastorales mimées par la cour de la marquise de Pompadour. Les Paysanneries de Greuze étaient beaucoup moins maniérées ; mais elles péchaient par une certaine sentimentalité mélodramatique.

Vers l’époque du grand mouvement romantique qui a transformé l’art moderne, Léopold Robert a mis’à peindre de simples paysans une sincérité relative, qui a obtenu un grand succès ; l’élégance d’attitudes qu’il a donnée à ses modèles est d’ailleurs justifiée, en grande partie, par le choix qu’il a fait de la belle race italienne. Ses Moissonneurs et ses Pécheurs ont une dignité, et nous dirions volontiers une noblesse qui n’a riea que de naturel. Ce maître a ouvert la voie aux nombreux artistes qui, de notre temps, ont étudié les types et les costumes des diverses contrées. Parmi ceux qui, comme lui, ont pris leurs modèles en Italie, il nous suffira de nommer Schnetz, Hébert (l’auteur de la Mal’aria), Bonnat, Lebel, Sain, Armand Leleux, Barrias, Reynaud, De Coninck, Santal ; parmi les orientalistes, Decamps, Marilhat, Théodore Frère, Delacroix, Dehodencq, Mouchot, Pavini, Fabius Brest, Landelle, Fromentin, V. Huguet, Belly, H. Regnault, Berchère, Guillaume !, G. Clairin ; parmi les peintres de l’Espagne, Giraud, Gustave Doré, Worms, Vibert, Dumas, G. Colin, etc. Les paysans des diverses provinces françaises ont eu aussi leurs peintres attitrés ; l’Alsace a inspiré Cb. Marchai, Brion, Pabst, Jundt, Schutzenberger ; la Bretagne, Adolphe Leleux, Pierre Billet, Luminais, Fischer, Eugène Le Roux, "Van Dargent, Iules Héreau, Eugène Feyen, Feyen-Perrin, etc. ; ta Béarn, Eugène Girauld, Emile Loubon, Landelle ; la Bourgogne, Ronot, Jolyet, Toutlion, etc.

Deux peintres doivent être cités entre tous ceux qui, de nos jours, se sont consacrés à la peinture des scènes rustiques : Jules Breton et François Millet. Le premier, qui a peint tour à tour des paysans bretons et des paysans picards, a atteint à la poésie et au style sans jamais cesser d’être vrai ; le second, qui s’est tixé à Barbison, près de Fontainebleau, a rendu, avec une sorte d’âpreté farouche, la tranquillité morne et la résignation pesante des travailleurs attachés à la terre.

— AJlus. hist. Poysnn ennuyé d’entendre Aristide Appelé lo Juiit, Allusion à une particularité curieuse de la vie d’Aristide.

V. JUSTE.

— Allus. littér. Le Pnjsml du Danube, ApO logue célèbre de La Fontaine, dans lequel le fabuliste, sortant du ton ordinaire de la Fable, flétrit éloquemment la corruption romaine, devant le sénat assemblé, par l’organe d’un paysan venu des bords du Danube. Voici

Le personnage en raccourci.

Son menton nourrissait une barbe touffue ;

Toute sa personne velue

Représentait un ours, mais un ours mal léché ; Sous un sourcil épais il avait l’œil caché, Le regard de travers, nez tortu, grosse lèvre, Portait sayoa de poils de chèvre, Et ceinture de joncs marins.

Les phrases suivantes font allusion au paysan du Danube, en tant qu’homme d’un extérieur grossier et d’une ^aneliise brutale :

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« M. Caussidière rappela les services des montagnards et de la garde républicaine si indignement récompensés. Un représentant, qui s’acharnait à lui demander ce qu’était devenu le cuisinier Flotte, l’embarrassa un peu. M. Caussidière avait fait relâcher Flotte, arrêté la veille au moment où il répandait la liste des membres du nouveau gouvernement. «Eh ! sacrebleal s’êcria-t-ilj je n’ai voulu « que la pacification. •

« L’Assemblée sourit et ne prit pas en mauvaise part cette éloquence du nouveau paysan du Danube. >

Hippolyte Castille.

« Je suis un homme peu iiimable, peu galant, peu poli, presque point civilisé, en un mot. Mes amis m’appellent le paysan du Danube. Je préfère en général les faubourgs à la ville, la Courtille au boulevard des Italiens, et le mélodrame à la tragédie. C’est pourquoi j’ai horreur des soirées, et surtout des soirées du grand monde. ■

Aug. Luchet.

« C’était un homme de haute taille, toujours vêtu avec négligence. La brusquerie de ses manières, la hardiesse militaire de ses paroles, sa physionomie singulière et presque sauvage, l’avaient fait surnommer dans le monde le paysan du Danube, i

Ecg. Sue.

« Il se trouvait parmi les membres de la société un ferblantier à la taille colossale, aux formes athlétiques, à la voix de Stentor, qui ne prenait jamais la parole que pour des motions d’ordre assez remarquables par leur concision énergique et par leur tour original. C’était le paysan du Danube de l’assemblée, »

Ch. Nodier.

Quelquefois aussi, dans les allusions que l’on fait au paysan du Danube, il ne s’agit plus que d’une grossièreté apparente, à laquelle se mêlent de la finesse, du calcul.

« On appréhende M. Dtipin aux Tuileries plus qu’on ne l’y aime ; on l’y tolèrej>lus qu’on ne l’y attire ; car il est brusque dans ses manières et âpre dans son langage. C’est une espèce de paysan du Danube qui a chaussé les talons rouges. Regardez derrière la porte du salon de Diane, et vous verrez les souliers ferrés qu’il y a laissés en entrant. C’est le plus rustre des courtisans et le plus courtisan des rustres. •

Cormenin.

« Béranger leur dit : «Je veux rester pauvre, pour être plus grand que vous par l’ab-» négation de vos richesses. Je veux rester « peuple, pour vivre et mourir plus près du « peuple 1» Ces hommes, peu accoutumés à, tant de vertu, crurent que cette vertu n’était qu’une affiche, que tant d’abnégation n’était qu’une prétention plus habile et plus haute, et qu’au jour des rétributions le désintéressement de ce chansonnier du Danube céderait comme tant d’autres à la séduction du pouvoir et aux caresses de la fortune. >

Lamartine.

« Franklin, parlant ainsi devant le Parlement de la vieille Angleterre, était un peu comme le paysan du Danube, un paysan très-fin à la fois et très-digne d’être docteur en droit dans l’université d’Écosse, libre pourtant et à la parole fière comme un Pensylvanien. »

Sainte-Beuve.

PajtaaB (grande guerre des). C’est le nom

âué porte dans l’histoire de l’Allemagne un es plus formidables mouvements révolutionnaires qu’ait enfantés l’oppression féodale. Cette insurrection du peuple des campagnes contre la noblesse fut un contre-coup du mouvement d’émancipation religieuse commencé par Luther ; cependant, leréformateur combattit avec acharnement cette tentative de réalisation dans la société civile des principes qu’il avait proclamés dans l’ordre spirituel. « Maintenez les corvées, écrivait-il au comte Henri d’Binsiedel, maintenez cette^servitudo ; il est dans l’ordre que l’homme commun soit grevé de charges de peur qu’il ne regimbe. » Plus tard, encourageant de toutes ses forces la noblesse à lu guerre à outrance, il s’écriait : « Pas de grâce pour ces rustres I qu’ils soient exterminés 1 Ils sont dans le ban de Dieu ! qu’ils soient traités comme des chiens enragés 1... •

Depuis plusieurs années le sol tremblait dans toute l’Allemagne ; Frank de Sikingen et Ulric de Hutten avaient échoué dans une première tentative de soulèvement. Des sociétés secrètes se formaient, de vastes conspirations se tramaient parmi les habitants des différentes régions de fa forêt Noire, de la Suisse et de l’Alsace. Déjà en 1512, une de ces associations, le Bundschuh, conduite par un mendiant, Joss Frits, s’était insurgée et avait été défaite. Elle ressuscita en Souabe sous le nom de Pauvre Conrad ; cette ligue, victorieuse un moment, fut dispersée par |

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la duc tflric de "Wurtemberg, qui exerça d’effroyables vengeances. Les manants ne sa découragèrent pas et, sous le nom de Confédération émngélioue, ils organisèrent une nouvelle société qui compta bientôt des milliers de membres dans toutes les provinces de l’Allemagne. L’insurrection éclata en août 1524, dans la forêt Noire, et gagna les contrées avoisinantes avec rapidité. Les seigneurs, ducs et évêques, dans leurs châteaux, dépourvus de troupes, se trouvèrent soudain enveloppés d’un ouragan de flammes et de fer.

Il y avait sept cohortes principales, sous différents chefs ; mais la véritable tête, le chef Spirituel de la révolution, était le fougueux et enthousiaste prédicateur Thomas Munzer ; ce fut, sinon sous sa dictée, au moins sous son influence que fut rédigé le manifeste que tous les paysans d’Allemngne prirent pour leur charte et ultimatum ; ce manifeste, divisé en douze articles, demandait en substance l’abolition du servage et des dîmes ; le droit, pour les communes, de se gouverner et de s’administrer librement ; l’abolition des justices seigneuriales, le jugement par les pairs ; le droit de chasse ; le droit de nommer et de déposer les curés et les baillis ; la réduction de l’intérêt sur les terres à 5 pour 100 ; la rentrée dans la propriété communale des forêts, des eaux et des terres que les seigneurs s’étaient injusteibent appropriées ; le tout appuyé de force citations de la Bible.

En dépit du ton évangélique de ces proclamations, la guerre fut épouvantable et sans merci, aussi Dieu de la part des paysans que de la part des nobles. Les principaux chefs de l’insurrection-furent, outre Thomas Munzer, l’aubergiste George Mectzîer, Jaeob "VVeher. le prédicateur Carlstadt, l’impitoyable Jacquet Rohrbaeh, la sorcière Hofmann.puis quelques nobles : l’héroïque Ftorian Geyer, le rusé Wohdel Hipler et Gœtz de Berliehingen, qui, iiprès avoir essayé de modérer lo mouvement, finit par trahir la cause révolutionnaire. Incendies de monastères et de châteaux, sac des villes, massacres, viols, tortures, vengeances horribles, orgies sanglantes, tels furent les épisodes quotidiens de cette jacquérie dont la Souabe, ta Thuringe et la Fianconie furent les trois grands foyers, mais qui s’étendit aussi dans le Tyrol et dans l’Alsace. Ces armées de paysans, qui traînaient avec elles les femmes et les enfants, rappelaient les invasions barbares ; on pouvait dire d’elles comme du roi des Huns, que là où elles avaient passé, l’herbe ne repoussait plus. Quelquefois tes révoltés épargnaient la vie des nobles, mais c’était pour tes soumettre à des traitements effroyables : leur attachant un licou, ils les forçaient de marcher à quatre pattes comme des bêtes, les fouettaient à tour de bras et ne les nourrissaient que île morceaux qu’ils leur jetaient de la table en sotipant, comme à des chiens. Vainqueurs au commencement, ils finirent par être écrasés àBoeblingen etaFraukenhausen, où Munzer fut fait prisonnier ; il périt dans les supplices ; sa femme fut violée et tuée par les soldats. D’autres bandes continuèrent encore la lutte ; le dernier chef qui resta debout fut Florian Geyer, à la tête de la horde Noire ; il fut battu et tué par son propre beau-frère, Guillaume de Grumbach. En Alsace, les insurgés, au nombre de 100,000 hommes, avaient à leur tète Érasme Gerber ; le duc de Lorraine et le duc de Guise marchèrent contre eux avec 50,000 hommes de troupes régulières. Gerber ayant envoyé un parlementaire aux ducs, ils le firent pendre. À quelques jours de là, un chevalier ami du duc de Lorraine étant tombé au pouvoir de Gerber, il le renvoya sain et sauf, malgré les murmures de ses lieutenants, en disant qu’il fallaitmontier aux ennemis quelle différence il y avait entre un chef évangélique et un prince catholique. Les paysans, battus à Saverne, demandèrent à traiter ; on leur accorda la vie sauve et ils mirent bas les armes ; après quoi, on les massacra. Le carnage qui en fut fait est demeuré sans exemple dans l’histoire des cruautés humaines. Nul ne put, de trois jours, marcher par les rues de Saverne, tant elles étaient inondées de sang ; 24,000 personnes, hommes, femmes, enfants, furent égorgées par les bandits des princes lorrains. Aucune maison de la ville n’échappa au pillage, même celles des nobles et des serviteurs de l’évéque. Toutes les femmes, de l’aveu même de 1 historien Rappolstein, qui exalte cette victoire, furent enlevées, traînées au camp et violées en présence de leurs maris et de leurs parents, que l’on massacra ensuite (Al. "Weill, Histoire de la grande guerre des paysans).

« Beaucoup de sang a été versé dans cetle guerre, dit le chroniqueur Franck, plus de cinquante mille hommes ont été tués ; mais dans aucune guerre on n’a bu et versé autant de vin que dans celle-ci. Le Rhin, depuis Bàle jusqu’à Cologne, ne roule pus autant d’eau. Hélas ! pour que le cultivateur boive du vin, il faut qu’avant et après il boive le sang des grands et des riches : quel monde ! •

Pavunn» (HISTOIRE DE I.À GRANDE GUISKRB

des), par Alexandre Weill (1860, l vol. in-lî, Zo édit.). L’histoire de cette guerre était peu connue en France avant l’ouvrage de M.Weill, qui nous en a retracé les préliminaires, les causes, les péripéties dans un récit plein d’exactitude et d intérêt. La’guerre des paysans avait été, en Allemagne, l’objet d’un-