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Un de ses maîtres, Lebret, professeur au gymnase de Stuttgard, lui inspira un tel goût pour les sciences naturelles qu’il quitta, en 1817, le service actif pour se livrer à sa passion pour ce genre d’études et au désir de voyager qu’elle avait éveillé en lui. Après avoir parcouru les différentes parties de l’Europe, il se rendit en Amérique et, de 1822 à 1824, il y explora les bassins du Mississipi et du Missouri, ainsi que l’Île de Cuba. En 1827, il épousa la princesse Sophie de Tour-et-Taxis qui, l’année suivante, lui donna un fils, le prince Maximilien. Deux ans plus tard, il s’embarqua de nouveau pour l’Amérique et s’occupa, jusqu’en 1832, d’explorer le Mexique et d’étudier les restes de l’ancienne civilisation des Aztèques. De retour en Allemagne, le prince Paul s’occupa de mettre en ordre les nombreuses collections qu’il avait apportées. Il les plaça dans le château de Mergentheim, dans les dépendances duquel il introduisit la culture de la vigne et des plantes exotiques. De septembre 1839 au mois d’août 1840, il exécuta un voyage scientifique dans le bassin du Nil et, après avoir consacré les années suivantes soit à des études, soit à des voyages de courte durée à Alger, en Angleterre, en France, en Autriche, il entreprit, en 1840, un troisième voyage transatlantique qui dura jusque vers la fin de 1856. Il parcourut alors presque toute l’Amérique du Nord, le nord du Mexique, l’Amérique centrale, le Brésil, l’Uruguay, le Chili, etc., et revint par l’isthme de Panama dans le Canada, l’Orégon et la Floride. Vers la fin de 1857, il franchit une quatrième fois l’Océan, explora les régions du bas Mississipi, se rendit en Australie et revint en Allemagne en 1859, après avoir traversé Ceylan, l’Égypte et Trieste. On doit au duc Paul : Premier voyage dans l’Amérique du Nord (Stuttgard, 1835), ouvrage dans lequel il a raconté ses impressions d’une façon intéressante. La mort ne lui laissa pas le temps de publier les résultats de ses autres excursions, qu’il n’avait guère eu le loisir de coordonner pendant ses voyages presque continuels.


PAUL (Paul MERLHIOT, connu au théâtre sous le nom de), comédien français, né en 1797, mort à Paris en 1850. Il montra de bonne heure un goût décidé pour l’art dramatique. Après avoir joué en province, il vint à Paris et fut engagé au théâtre de Madame (Gymnase), où il débuta, avec succès, le 18 janvier 1826, par le rôle d’Alphonse de Luceval, dans la Demoiselle à marier, de Scribe. Paul avait un physique agréable, une certaine distinction de manières, un débit correct, et il chantait fort agréablement le couplet. Il devint un des favoris du public et remplit les rôles de premier amoureux jusqu’au moment où un embonpoint excessif le força à abandonner le Gymnase. Paul parut ensuite sur un théâtre de banlieue, mais il prit bientôt définitivement sa retraite. Parmi ses créations, nous citerons : lord Frédéric, dans Simple histoire ; Édouard de Brémont, dans le Mariage de raison ; Édouard, dans la Marraine ; Frédéric de Bury, dans la Reine de seize ans ; Derneval, dans Avant, pendant et après, de Scribe ; M. de Mulzen, dans Louise ou la Réparation, sa meilleure création ; Alphonse d’Auberive, dans Zoé ou l’Amant prêté ; Frédéric, dans Philippe, de Scribe, Mélesville et Bayard ; Ernest de Villevallier, dans une Faute, de Scribe ; le duc de Ferrare, dans le Bouffon du prince, par Mélesville et Saintine ; Ferdinand Dureuil, dans la Grande dame, de Bayard ; de Presle, dans le Chaperon, de Scribe ; Edgar Mandlebert, dans Camilla, de Scribe ; Henri, dans la Chanoinesse, de Scribe ; Bernard, dans Michel Perrin, de Mélesville et Duveyrier ; sir Arthur, dans la Lectrice, de Bayard ; Fernand, dans Être aimé ou mourir, de Scribe et Dumanoir; Anatole, dans la Pensionnaire mariée, de Scribe, etc.


PAUL (Antoine-J.), surnommé l’Aérien, célèbre danseur français, né en 1797. Il s’adonna de bonne heure à l’art chorégraphique et débuta à l’Académie de musique le 11 mai 1813, par un pas dans la Caravane du Caire, opéra de Grétry. Il conquit rapidement la faveur du public et, dès 1817, il se plaça au premier rang. Sa légèreté sans pareille lui fit donner le surnom d Aérien. Paul, qui, au dire d’un de ses biographes, « ne touchait la terre que par complaisance, » contribua pendant vingt ans au succès de tous les ballets en vogue, puis il prit sa retraite. Ses principales créations sont : Esmin, d’Aline, reine de Golconde, ballet d’Aumer, musique de Gustave Dugazon ; Zéphire, de Mars et Vénus, ballet de Blache père, musique de Schneitzhoeffer, etc.


PAUL (saint Vincent DE), célèbre missionnaire et philanthrope. V. Vincent de Paul.


PAUL D’ALEXANDRIE, astrologue grec. Il vivait au ive siècle de notre ère. On ne sait rien sur sa vie, mais on a de lui un traité sur les astres, qui a paru avec le texte grec et une version latine, sous ce titre : Introductio in doctrinam de viribus et effectibus astrorum. (Wittemberg, 1586 et 1588).


PAUL DE BURGOS ou DE SAINTE-MARIE, théologien espagnol, né vers 1350, mort en 1435. Élevé dans le judaïsme, il se convertit au catholicisme avec ses trois fils en 1390, se fit recevoir docteur en théologie à Paris, puis devint évêque de Carthagène (1402), de Burgos (1415) et chancelier de Castille. On lui doit un traité intitulé : Scrutinium Scripturarum (Rome, 1470), destiné à la conversion des juifs. — Un de ses fils, Alvarez-Garcias, a composé une Coronice del rey Juan II (Logroño, 1517, in-fol.).


PAUL DE CASTRO, jurisconsulte italien. V. Castro.


PAUL DE LA CROIX (Paul-François Danei, plus connu sous le nom de), fondateur de l’ordre des Passionnistes, né à Ovada, État de Gênes, en 1694, mort à Rome en 1775. Ayant pris la résolution de fonder un ordre religieux pour travailler au salut des âmes, il se retira dans un ermitage (1720), s’y livra à d’austères mortifications, écrivit les règles destinées à sa congrégation, puis se rendit à Rome pour les faire approuver et fut ordonné prêtre par Benoit XIII (1727). Ce fut seulement en 1741 que le pape Benoît XIV approuva la Congrégation des clercs déchaussés de la croix et passion de N.-S. Jésus-Christ. Paul de la Croix, élu général, fonda un noviciat, puis douze maisons en Italie. Il a été béatifié en 1852.


PAUL DIACRE, appelé aussi Warnefride, historien, poëte latin du VIIIe siècle, né dans le Frioul en 740, mort au couvent du Mont-Cassin en 801. Il avait vécu à la cour de Didier, roi des Lombards, dont il était devenu secrétaire, puis à celle de Charlemagne, lorsqu’il alla se faire moine au monastère du Mont-Cassin, où il eut l’office de diacre. De toutes ses poésies, on ne cite plus que l’hymne pour la fête de saint Jean, Ut gueant laxis. C’est surtout comme historien qu’il est connu. On a de lui : Historia miscella, espèce de centon formé des lambeaux de différents auteurs ; De gestis Longobardorum. Cette histoire des Lombards commence à leur sortie de la Scandinavie et finit à la mort de Luitprand en 744 ; elle manque de critique et d’exactitude, mais est précieuse pour le grand nombre de faits importants que seule elle renferme. On cite encore de lui une Chronique du Mont-Cassin, des Homélies.


PAUL D’ÉGINE, célèbre chirurgien grec, né à Égine. Les historiens ont beaucoup varié sur l’époque de sa naissance : les uns la font remonter au IVe, Ve, VIe siècle ; d’autres la fixent au commencement du VIIe. On ne sait ni sous quel maître, ni dans quelle école il puisa les connaissances solides qui caractérisent ses écrits. Il vit celle d’Alexandrie, et c’est lui qui nous l’apprend ; mais à quelle époque de sa vie ? Est-ce comme disciple, comme maître, ou simplement comme voyageur ? C’est ce qu’on ne saurait dire.

Quoique Paul d’Égine ne puisse être classé parmi les auteurs originaux, il n’est point un simple copiste. Il a mis à profit Hippocrate, Celse, Galien, Arétée, mais en écrivain judicieux, qui fait toujours un bon choix, parce qu’il a toujours sa propre expérience pour guide. Quelquefois même il s’écarte de ses modèles et substitue à leur doctrine les résultats de ses propres travaux. Partout il discute, choisit, rédige ; il compile moins qu’il ne compose, d’après un plan qui n’est qu’à lui. C’est à peu près ainsi qu’il s’apprécie lui-même : « Ce n’est pas, dit-il, dans la vue de surpasser les anciens que j’ai pris la plume, mais pour resserrer dans un petit volume toute la discipline médicale, pour en former un épitome que le médecin puisse porter avec lui dans ses voyages, etc. Tel est le motif de cet ouvrage ; il a été pour moi une source d’études ; il pourra rappeler aux autres ce qu’ils ont lu dans des livres plus étendus ; enfin il soulagera la mémoire qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de charger à la fois des méthodes générales de guérir et des moyens particuliers. J’ai pris de chaque écrivain ce qu’il a de meilleur, et j’ai donné toute mon attention à n’omettre aucune des infirmités dont ils ont parlé. »

C’est surtout la partie chirurgicale de l’ouvrage de Paul d’Égine qui a eu de la célébrité et à juste titre, car nul autre ouvrage de l’antiquité ne présente l’art à un degré aussi avancé et n’en traite les divers points d’une manière aussi, complète.

Voici quelles sont les œuvres de Paul d’Égine : éditions grecques : Pauli Æginetæ de re medica Libri septem, græce (Venise, 1528, in-fol.) ; Pauli Æginetæ libri septem, græce, collatione vetustissimorum exemplarium emendati et restituti, necnon aliquot locis aucti (Bâle, 1538, in-fol.) ; éditions latines : Lat. vert. Albanus Torinus (Bâle, 1532, in-fol.) ; éditions partielles : Pauli Æginetæ præcepta salubria vert. G. Copus (Paris, 1510, in-4o) ; Pauli Æginetæ de febribus et iis quæ febribus superveniunt (Cologne, 1546, in-8o). Les œuvres de Paul d’Égine ont été insérées dans la collection des Artis medicæ principes, de Henri Estienne (Paris, 1567, in-fol.).


PAUL-ÉMILE (L. Æmilius Paulus), général romain, mort en 216 av. J.-C. Il était petit-fils de M.-Paul-Émile qui fut consul en 302 et battit le Lacédémonien Cléonyme. Nommé consul en 219, L.-Paul-Émile, dirigea, avec un plein succès une expédition contre les Illyriens, reçut, à son retour à Rome, les honneurs du triomphe et fut réélu pour la seconde fois consul en 216. Ce fut lui qui, avec Terentius Vairon, et contrairement à son propre avis, livra à Annibal la bataille de Cannes ; au moment de la déroute, il refusa de fuir et trouva la mort en combattant.


PAUL-ÉMILE le Macédonien (L. Æmilius Paulus Macedonicus), célèbre général romain, fils du précédent, né en 230 av. J.-C, mort en 160. Comme son père, il appartenait au parti aristocratique. Ses talents, son rare désintéressement, la pureté de ses mœurs le désignèrent à l’attention du peuple, qui le nomma édile curule en 192 et préteur en 191. Envoyé alors dans l’Espagne Ultérieure avec le titre de proconsul, il fit la guerre aux Lusitaniens, éprouva d’abord un échec, puis remporta sur l’ennemi une victoire éclatante et revint à Rome, où il fut élu consul en 182. La succès complet d’une expédition dirigée, en 181, contre des pirates liguriens lui valut les honneurs du triomphe. Paul-Émile s’occupa ensuite de l’éducation de ses enfants, à laquelle il apporta une attention toute particulière. Il avait soixante ans lorsque les Romains le nommèrent consul pour la seconde fois (168) pour qu’il mît un terme à la guerre engagée avec Persée. Après avoir battu les Illyriens, alliés du roi de Macédoine, il marcha contre ce dernier, le défit complètement à Pydna (168) et réduisit alors la Macédoine en province romaine. L’année suivante, d’après l’ordre du sénat, il livra au pillage soixante-dix villes de l’Épire et revint à Rome avec un énorme butin, qu’il versa dans le trésor public. On lui accorda les honneurs du triomphe, triomphe qui fut célébré pendant trois jours avec une magnificence extraordinaire. En 164, Paul-Émile devint censeur, et il mourut quatre ans plus tard. Deux de ses fils entrèrent par adoption dans les plus illustres maisons de Rome : c’étaient Q. Fabius Maximus Emilianus et P. Cornelius Scipion l’Africain.


PAUL JONES, marin américain. V. Jones.


PAUL JOVE, historien italien. V. Jove.


PAUL DE MIDDELBOURG, mathématicien allemand. V. Middelbourg.


PAUL DE VENISE (Paolo Nicoletti, dit), philosophe italien, né à Udine, mort en 1429. Après avoir suivi les cours de l’université d’Oxford et de celle de Padoue, où il se fit recevoir docteur en philosophie et en théologie, il enseigna la philosophie à Padoue et à Sienne, puis se rendit à Rome, où il contribua beaucoup à la justification de Bernard de Sienne. Paul de Venise était fort instruit, mais il avait autant de vanité que d’érudition. Parmi ses nombreux ouvrages, nous nous bornerons à citer ses Commentaires sur Aristote et ses Logicæ institutiones (1472, in-4o), qui ont pendant plus d’un siècle servi à l’enseignement en Italie.


PAUL VÉRONÈSE, célèbre peintre italien. V. VÉRONÈSE.


PAUL DE SAMOSATE, patriarche d’Antioche, célèbre hérésiarque du IIIe siècle, protégé pur la fameuse Zénobie, reine de Palmyre. Il renouvela la doctrine de Sabellius, nia la divinité de Jésus-Christ ainsi que la Trinité. Condamné par le pape saint Félix et par le concile d’Antioche (270), il fut déposé. Sa secte subsista plus d’un siècle après lui.


Paul et Virginie, roman, par Bernardin de Saint-Pierre (Paris, 1788). Cette production, qui est non-seulement le chef-d’œuvre de l’auteur, mais encore un des chefs-d’œuvre de notre langue, cette pastorale, d’une forme si neuve, fut inspirée, dit-on, à l’auteur par une anecdote recueillie à l’île de France ; mais cette anecdote n’offrait rien du charme que Bernardin a répandu dans son récit. C’est lui qui a créé les deux figures de Paul et de Virginie, qu’on n’oubliera jamais, qui a imaginé cette vie si simple et si pure, et qui, réalisant les rêves de la jeunesse, a peint le bonheur de la vertu et de l’innocence dans une pauvre famille, rejetée loin de l’Europe par l’infortune et par le préjugé.

« Ce ne fut pas sans surprise, dit M. de Barante, qu’on vit, au milieu d’un siècle si éloigné de la simplicité des sentiments et de la peinture naïve de la nature, apparaître comme par phénomène un écrit revêtu de ces couleurs, dont l’usage paraissait perdu. La postérité aura peine à croire que Paul et Virginie ait été composé à la fin du XVIIIe siècle. Sans doute, elle devinera qu’un esprit amoureux de la solitude et de la méditation, inspiré par le spectacle d’une nature encore sauvage et presque vierge, pouvait seul tracer ce tableau. »

« D’où vient, dit M. Patin, ce charme secret qui nous pénètre à la lecture de Paul et Virginie ? Ce n’est sans doute ni du rang des personnages, ni de l’éclat de leur vie, ni de la singularité de leurs aventures. Deux pauvres femmes exilées, qui n’ont plus d’autre bien que leurs enfants ; deux jeunes gens simples et ignorants ; deux vieux serviteurs ; un ami dans le voisinage, voilà tous les membres de cette petite société. C’est dans une île presque déserte (l’île de France), dans une gorge de montagnes, au milieu des rochers, qu’ils se sont retirés tous pour y cacher leur infortune. Ils y habitent des chaumières élevées par leurs mains, décorées pour tout ornement des instruments de leurs travaux, et qu’entourent quelques faibles cultures qui soutiennent leur existence… Jamais, j’ose le dire, des images plus ravissantes de bonheur et de vertu ne s’étaient trouvées réunies, dans un même ouvrage, à une peinture plus vraie de la vie commune et vulgaire ; c’est l’expression fidèle de ces mœurs simples et rustiques qui nous rend si vraisemblable la perfection presque idéale de cette morale évangélique. C’est cette vérité de mœurs qui fait à mon sens le premier mérite de Paul et Virginie, et je trouve l’éloge le plus complet de l’ouvrage dans cette exclamation naïve du gouverneur, lorsqu’il s’écrie, charmé du spectacle de ces familles fortunées : « Il n’y a ici que des meubles de bois ; mais on y trouve des visages sereins, et des cœurs d’or. »

Terminons par cet autre jugement de Chateaubriand : « Le charme de Paul et Virginie consiste en une certaine morale mélancolique, qui brille dans l’ouvrage, et qu’où pourrait comparer à cet éclat uniforme que la lune répand sur une solitude parée de fleurs. Les personnages sont aussi simples que l’intrigue : ce sont deux beaux enfanta dont on aperçoit le berceau et la tombe, deux fidèles esclaves et deux pieuses maîtresses. Ces honnêtes gens ont un écrivain digne de leur vie : un vieillard demeuré seul dans la montagne, et qui survit à ce qu’il aima, raconte à un voyageur les malheurs de ses amis sur les débris de leurs cabanes… Cette pastorale ne ressemble ni aux idylles de Théocrite, ni aux églogues de Virgile, ni tout à fait aux grandes scènes rustiques d’Hésiode, d’Homère et de la Bible ; mais elle rappelle quelque chose d’ineffable, comme la parabole du Bon Pasteur. » Le roman de Paul et Virginie a eu un nombre considérable d’éditions et il a été traduit dans la plupart des langues. Dans son roman de Graziella, Lamartine a fait une admirable analyse du chef-d’œuvre de Bernardin de Saint-Pierre.


Paul et Virginie, opéra en trois actes, paroles de Favières, musique de Kreutzer ; représenté à la Comédie-Italienne la 15 janvier 1791, Le poëme n’est qu’une faible imitation de quelques épisodes du célèbre roman de Bernardin de Saint-Pierre, et encore le dénoûment est-il complètement de l’invention de Favières. La tempête a lieu au départ de Virginie. Paul, monté sur un rocher, aperçoit le naufrage du vaisseau, il se jette a la mer, sauve Virginie et l’apporte dans ses bras sur le rivage. Ce troisième acte se passe presque tout entier en pantomime. La musique de Paul et Virginie a obtenu un grand succès. On y remarque une couleur locale assez remarquable pour l’époque et des airs gracieux. L’ouverture, en ut, débute par un motif très-simple et un peu monotone ; mais la seconde partie se distingue par de beaux développements pleins de chaleur. Nous citerons encore la romance dialoguée de Paul et de Virginie : De ta main tu cueilles le fruit, et la chanson nègre : Quand toi s’en va de la case, dont l’accompagnement est assez piquant. La scène de l’orage se distingue par une bonne harmonie et des effets d’orchestration assez dramatiques. Cet opéra a été repris en 1846, sans grand succès.


Paul et Virginie ou le Triomphe de la vertu, drame lyrique en trois actes, paroles de Dubreuil, musique de Lesueur ; représenté sur le théâtre Feydeau le 13 janvier 1794. Le roman de Bernardin de Saint-Pierre n’a guère fourni que son titre à cet ouvrage, car les épisodes sont tout différents. Ainsi Virginie ne quitte pas l’île ; elle est arrachée des mains du capitaine par des insulaires, qui font sauter le vaisseau. Quant à la musique, elle offre, à un degré plus marqué que dans les autres opéras, les défauts et les qualités de Lesueur : de la grandeur et de la monotonie ; de la froideur dans le récitatif et la mélodie, mais aussi un rhythme qui s’impose magistralement à l’auditoire ; enfin de la puissance dans l’harmonie des chœurs.

Lesueur a eu le malheur de devancer son temps. Doué d’une grande originalité, d’un sentiment très-élevé de l’art et d’une puissance de travail extraordinaire, il n’a jamais rien écrit sans se proposer d’atteindre à un idéal que l’état du théâtre de son temps ne comportait pas. C’est ce qui explique le peu de succès de la plupart de ses opéras. Trente années plus tard, lorsque l’école romantique eut mis à la mode ce qu’on appelle la couleur locale, son génie, puissamment aidé des conquêtes que l’art musical avait faites pendant cet intervalle, aurait enfanté des chefs-d’œuvre. Les modulations hardies, l’indépendance de son style, les sonorités étranges de son orchestre, qui avaient autrefois motivé l’opposition et la critique souvent excessive des musiciens, auraient alors été prônées comme autant de qualités. Les idées, les intentions abondent dans ses partitions ; mais la grâce et la vigueur font défaut. C’est un génie incomplet, il est vrai, mais sa place restera marquée à côté de Méhul, de Spontini et de Cherubini.

L’ouverture de Paul et Virginie annonce le lever du jour, et l’acte premier débute par un hymne des sauvages indiens au soleil levant : Divin soleil, âme du monde. C’est un chœur d’un beau caractère. Le duo de Paul et de Virginie : Quel air pur, quel beau jour ! a pour accompagnement des gammes ascendantes et descendantes qui lui donnent de la suavité. La romance du bon nègre Domingo, languissante et sans esprit, est tout à fait manquée, et celle de la négresse Sara ne vaut guère mieux. Dans le second acte, on remarque un