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s’affaisse par pentes rapides vers l’Océan. Quelques ramifications de cette chaîne se prolongent bien avant vers l’O. et forment d’immenses campos et sertoes, ou plaines incultes. Le sol, généralement d’une excellente qualité et, dans quelques contrées, d’une fertilité extraordinaire, n’attend qu’une population laborieuse pour répandre l’abondance et la fertilité. L’éducation du bétail forme la branche la plus productive de l’économie rurale de cette province, qui se distingue surtout par l’éducation des mulets, couronnée du succès le plus heureux. D’immenses troupeaux de bœufs errent, à l’état sauvage, dans les prairies de l’O., où ils se multiplient d’une manière prodigieuse. La principale chaîne de montagnes de l’intérieur est la sierra Espinhaço ou sierra Mantiqueira, qui s’étend parallèlement à la sierra do Mar. » L’Océan forme, sur les côtes de cette province, plusieurs baies considérables, notamment celles de Fiamengo, Juquiriquéro, Toque-Toque, de Santos, Itanhaèn, Cacanea et Paranagua. Parmi les cours d’eau de la province de Saint-Paul, nous signalerons : le Parana, le rio Tieté, le Pardo, le Mugy, l’Aquapéhi, le San-Anastasio, le Parapanéma, l’Ivahy, le Piquiry, l’Iguassu, le rio de Pellotas, le Parahyba, l’Una, l’Iguapé, l’Ararapira, le Cubatao, le Cachoeira, le Nundiquara, le Gurgussu, le Guaratuba, etc. Les principales productions du sol sont : le café, le sucre, le coton, l’indigo, le blé, les légumes et le tabac. Cette province, très-riche sous le rapport minéralogique, fournit de l’or, de l’argent, du cuivre, du fer, des rubis, des pyrites, du soufre, de l’alun et de la terre à potier. Sous le rapport industriel, elle occupe un des premiers rangs parmi les provinces de l’empire brésilien. On y fabrique du sucre, de l’indigo, du rhum, de la poudre, du cuir, des toiles, des chapeaux, des ouvrages en fer et en acier, des cordes, des cibles, etc. La moitié de ces produits est exportée. Les principaux articles du commerce d’exportation sont : le sucre, le rhum, l’huile de baleine, le sel, le fer, les mulets, la farine, l’indigo, le tabac et les bois de construction. La province est divisée en trois comarcas : San-Paolo, Hitu et Paranagua-y-Corityba.


PAUL (SAINT), ville et port des États-Unis, capitale du Minnesota et ch.-l. du canton de Ramsey, sur la rive gauche du Mississipi, au-dessus des pittoresques chutes de Saint-Antoine, par 44° 52’ de latit. N. et 93° 5’ de longit. O. ; 20,000 hab. Belles maisons d’école, églises élégantes, vastes entrepôts de bois et autres productions de la contrée. Le principal édifice de la ville est le Capitole, siège du gouvernement. Commerce très-actif ; moulins, scieries mécaniques, etc.


PAUL (SAINT-) et AMSTERDAM, îles inhabitées du grand océan Indien, entre le cap de Bonne-Espérance et l’Australie, par 33° de latit. S. et 75° de longit. E. Établissement de pêcherie fondé en 1842.


PAUL-CAP-DE-JOUX (SAINT-), bourg de France (Tarn), ch.-l. de cant., arrond. et à 15 kilom. S.-E. de Lavaur, sur la rive gauche de l’Agout ; pop. aggl., 579 hab. — pop. tot., 1,231 hab. Vestiges de vieilles fortifications et débris d’anciens édifices.


PAUL-LEZ-DAX (SAINT-), bourg de France (Landes), cant., arrond. et à 2 kilom. N. de Dax, près de l’Adour ; pop. aggl., 297 hab. — pop. tot., 3,019 hab. Haut fourneau, forges, tanneries, minoterie, nombreux moulins. Commerce de vins, laines, charbons, résines, planches et jambons. Belle église paroissiale du XVe siècle, avec abside romane du XIIe siècle, ornée de peintures du XVe représentant des Scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament.


PAUL-DE-FENOUILLET (SAINT-), gros bourg de France (Pyrénées-Orientales), ch.-l. de cant. arrond, et à 41 kilom. N.-O. de Perpignan, sur une petite éminence de la rive gauche de l’Agly ; pop. aggl., 2,105 hab. — pop. tot., 2,173 hab. Commerce de laiton, cuirs, peaux et laines. Deux sources d’eaux minérales, l’une chaude (23°), l’autre froide. Beau pont sur l’Agly. Sur la rive gauche de cette rivière, à 4 kilom, N. du bourg, s’élève un rocher pyramidal dans lequel s’ouvre la grotte de Saint-Antoine-de-Galamus, où l’on monte par un escalier de vingt-cinq degrés. Cette grotte, qui renferme deux autels de marbre, attire, le jour de la Pentecôte, une affluence considérable de pèlerins. Près du bourg, les eaux réunies de l’Agly et de la Boulsane se sont creusé un lit à travers une chaîne calcaire ; des deux côtés, les parois sont coupées perpendiculairement comme par un ciseau. Un pont hardi fait communiquer les chemins taillés de part et d’autre au pied du rocher. Tout près du pont jaillit la source saline de la Fonn (fontaine), dont l’eau est reçue dans un bassin de pierre.


PAUL-EN-JARRÊT (SAINT-) bourg de France (Loire), cant. de Rive-de-Gier, arrond. et à 18 kilom. N.-E. de Saint-Étienne, sur la petite rivière de Dourney ; pop. aggl., 1,714 hab. — pop. tot. 3,305 hab. Forges très-importantes, livrant annuellement au commerce près de 1,500,000 kilogr. de fer de toute espèce.


PAUL-TROIS-CHÂTEAUX (SAINT-), ville de France (Drôme), ch.-l. de cant, arrond. et à 29 kilom. de Montélimar ; pop. aggl. 1,025 hab. — pop. tot., 2,315 hab. Exploitation de carrières de pierres de taille.

Histoire. Saint-Paul-Trois-Châteaux n’est autre chose que l’ancienne cité des Tricastins, dont le pays avait reçu une sorte de célébrité, dès l’an 153 de Rome, du séjour qu’y fit Bellovèse. Plus tard (536), Annibal y passa, si l’on en croit du moins une tradition contestée par M. V. Roussillon. Auguste y établit une colonie romaine appelée Augusta Tricastinorum. Ce nom de Tricastins prenait naissance de trois tours ou citadelles (castellum, castrum), défendant à cette époque les entrées du territoire. La ville avait alors trois portes : l’une d’elle subsiste, encore sous le nom de Fan-jou, corruption de Fanum Jovis, dû sans doute à ce qu’elle était voisine d’un temple dédié à Jupiter. On a, en effet, trouvé à peu de distance de ce monticule, jadis couvert d’une forêt épaisse, des restes de mosaïques justifiant cette étymologie. L’antique cité romaine, dévastée en 260 par les Vandales et en 730 par les Sarrasins, prit, au milieu du Ve siècle, le nom d’un de ses premiers êvêques ; quant à son surnom de Trois-Châteaux, elle le dut vraisemblablement aux trois forteresses ou châteaux dont nous avons déjà parlé ci-dessus (Tricastins). On voit donc qu’au fond son nom moderne diffère moins de son nom primitif qu’il ne le semble au premier abord. Les évêques de Saint-Paul-Trois-Châteaux se maintinrent dans le gouvernement temporel de la ville pendant tout le moyen âge. Au XVIe siècle, la ville embrassa le parti de la Réforme, qui y régna pendant quarante-quatre ans ; le culte catholique n’y fut rétabli qu’en 1599. Depuis cette époque, aucun incident remarquable n’est venu signaler Saint-Paul-Trois-Châteaux à l’attention de l’histoire.

Monuments et curiosités. Il reste encore des vestiges fort reconnaissables des trois châteaux forts auxquels Saint-Paul doit sa dénomination actuelle : le premier, nommé Arx Vallis (fort de la vallée), était situé au débouché de la vallée qui communiquait avec les Voconces ; le second, dit aujourd’hui tour Magne (Turus magna), regardait la frontière des Sigalauniens ; le troisième, connu sous le nom de Barri, était tourné du côté des Cavarros. On remarque dans ce dernier quartier les ruines d’un grand édifice, dont les alentours fournissent depuis longtemps aux antiquaires des médailles en or, en argent et en bronze. Les dimensions de cet édifice devaient être assez étendues, car la portion de mur qui existe encore a trente pas de longueur. Saint-Paul possède encore quelques autres débris de sa splendeur ancienne ; au nord et sous les murs de l’ancien évêché se trouvent les restes d’un monument qu’on croit avoir été un amphithéâtre. Enfin, dit M. Delacroix dans sa Statistique des départements de la Drôme : « Dans le quartier de la ville appelé Saint-Jean, on aperçoit des vestiges d’un monument et une portion de muraille qui porte des colonnes d’un goût exquis, le tout bâti de très-grosses pierres où l’on ne voit aucune trace de ciment ni de mortier. Contre cette muraille, on a bâti des maisons dans les caves desquelles on trouve des mosaïques et des carrés de pierre où sont délicatement sculptées des guirlandes d’où pendent des grenades, fruit dédié au dieu Priape. »

On a déterré, il y a quelques années, soit dans Saint-Paul-Trois-Châteaux, soit dans la campagne environnante, plusieurs statues en pierre, en marbre ou en bronze, un grand nombre de débris de mosaïques, d’aqueducs, des tombeaux, des urnes, des instruments de mécanique, des nécessaires en or, en argent et en bronze, des lampes sépulcrales, des coupes, des soucoupes en verre et en bronze, des lacrymatoires, des inscriptions mortuaires, etc. Nous mentionnerons encore, parmi les objets alors découverts, deux très-remarquables bas-reliefs représentant, l’un la Force vaincue par l’Amour, l’autre une Visite de Jupiter à son fils Bacchus ; une statue qui fait aujourd’hui partie du musée fondé à Avignon par M. Calvet, et représentant un personnage inconnu, vêtu d’une espèce de tunique grecque et d’une peau de loup. « Cette statue, dit M. Delacroix qui la considère comme un des plus beaux morceaux de l’antiquité, tient dans ses mains, élevée à la hauteur de la tête, une cassolette où brûla l’encens. Est-ce un attribut de la divinité ou une offrande qu’on lui présente ? » Un autre objet, non moins précieux, découvert à Saint-Paul en 1770, est une agate onyx, gravée en relief, mesurant six lignes dans sa plus grande dimension, quatre dans la moindre, et d’un dessin aussi fin que pur. Suivant l’abbé Barthélémy, ce dessin représente la Pudeur abandonnant la terre pour se retirer au ciel avec sa compagne Astrée.

La cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux, aujourd’hui classée au nombre des monuments historiques, passe aux yeux de certains historiens pour avoir été fondée par Charlemagne ; mais sa construction ne paraît par remonter au delà du XIIe siècle. L’abside principale est décorée de huit colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens ; de plus, dans chacun des bras de la croisée il existe une autre abside demi-circulaire, orientée comme celle du chœur. L’intérieur de la grande nef, d’une élévation très-considérable, est orné de deux ordres dont les entablements à profil grave et sévère sont d’un grand effet et exécutés avec une rare perfection. Le portail, ouvert sur la façade occidentale, est un des meilleurs morceaux d’architecture de l’édifice. La tour du clocher appartient à plusieurs époques. On voit encore l’ancien fronton à consoles, et, jusqu’à la hauteur de l’église, les pilastres, chapiteaux et corniches portent le caractère de l’antiquité. À l’intérieur de la cathédrale, et sous le triforium aveugle des deuxième et troisième travées, s’étend une longue draperie sculptée assez semblable à celles qu’on rencontre dans quelques églises postérieures, notamment dans la cathédrale de Metz. Citons enfin quelques peintures assez curieuses.

La carrière de pierres de taille qui est la source principale de l’industrie de Saint-Paul-Trois-Châteaux était déjà connue du temps des Romains. Elle occupe aujourd’hui environ 300 ouvriers et produit annuellement plus de 20,000 mètres cubes d’une pierre tendre, du grain le plus fin et résistant bien à la gelée. L’exploitation actuelle s’étend sur une longueur de 400 à 500 mètres, et sur 11 mètres de hauteur ; le banc de pierre a environ 22 mètres d’épaisseur sur une superficie totale de 2,000 mètres carrés.

Saint-Paul-Trois-Châteaux a vu naître Raymond des Agyles, historien de la première croisade.


PAUL-SUR-UBAYE (SAINT-), village de France (Basses-Alpes), ch.-l. de cant., arrond. et à 23 kilom. N.-E. de Barcelonnette ; pop. aggl., 218 hab. — pop. tot, 1,538 hab., dont une partie s’expatrie pendant l’hiver. Carrière de marbre. Sources d’eaux minérales non utilisées. L’église, surmontée d’une élégante flèche octogonale, offre un joli portail, dont on remarque surtout la rosace. Aux environs, citadelle établie dans l’enceinte d’un camp romain.


PAUL (saint), surnommé l’Apôtre des gentils, l’un des premiers et des plus illustres propagateurs du christianisme, né à Tarse, en Cilicie, l’an 10 ou 12 de l’ère moderne, mort à Rome, suivant une tradition très-contestable, de l’an 64 à l’an 70. Son véritable nom était Saul ; il prit après sa conversion et lors de ses voyages celui de Paul qui, offrant la même consonnance, était plus familier aux Grecs et aux Romains avec lesquels il se trouvait en rapport. Son père, Juif d’origine et appartenant à la secte des pharisiens, possédait, on ne sait à quel titre, le droit de citoyen romain ; il avait fui de Giscala, sa patrie, après la prise de cette ville, et s’était réfugié à Tarse, où il avait également obtenu droit de cité. Paul fut élève à Jérusalem, où il avait une sœur mariée, et suivit les leçons de Gamaliel, un des principaux membres du sanhédrin. Il apprit en même temps le métier de tisserand, suivant le précepte juif, qui voulait que tout docteur de la loi sût un métier pour gagner sa vie, précepte que les pharisiens, rigides observateurs des traditions, s’efforçaient de maintenir dans son intégrité. Dès sa jeunesse, le futur apôtre montra un caractère fougueux et se mêla activement aux ardentes querelles de la Synagogue. La lutte commençait entre les Juifs restés fidèles à la loi mosaïque et ce que les auteurs ecclésiastiques appellent l’Église naissante ; ce n’étaient que des réunions presque secrètes de prosélytes encore en petit nombre, observant toutes les prescriptions de l’ancienne loi, mais vivant dans une espèce de communauté. Les prédications publiques de Stephanus ou Étienne, l’un d’eux, firent éclater l’orage ; mené devant le sanhédrin, il y confessa que Jésus était venu pour briser la loi mosaïque, reprocha sa mort aux juges et, entraîné aussitôt par le peuple, fut immédiatement lapidé (30 ou 37 de l’ère moderne) ; Saul, qui avait assisté à la dispute, assista aussi au massacre ; il gardait les habits de ceux qui lapidèrent le blasphémateur : Deposuerunt vestimenta sua secus pedes adolescentis qui vocabatur Saul, disent les Actes des apôtres, et dans la persécution qui suivit il se montra l’un des plus acharnés contre les suspects de christianisme. Muni d’un ordre des prêtres, il fouillait leurs maisons, les arrachait de force à leurs foyers, hommes ou femmes, et les faisait traîner en prison et battre de verges. Il obtint même la mission d’aller à Damas rechercher dans les synagogues les fauteurs de la secte nouvelle et c’est à ce moment que se place dans sa vie l’événement connu dans l’histoire ecclésiastique sous le nom de vision du chemin de Damas, qui décida de la conversion du persécuteur. Il partit accompagné de Juifs et de soldats. Comme il approchait de la ville (Actes, IX, 3 et seq.), il se vit tout à coup enveloppé d’une vive lueur et étant tombé la face contre terre il entendit une voix qui lui dit : « Saul, Saul. pourquoi me persécutes-tu ? » Il s’écria : « Qui êtes-vous ? » et la voix répondit : « Je suis Jésus, que tu persécutes ; lève-toi, entre dans la ville et là on te dira ce qu’il faut faire. » Ceux qui l’entouraient étaient frappés de stupeur d’entendre une voix et de ne voir personne ; Stabant stupefacti audientes quidem vocem, neminem autem videntes. Au contraire, suivant la propre version de Paul (Actes, XII, 9), ceux qui l’entouraient virent la lueur, mais n’entendirent pas la voix ; Et qui mecum erant lumen quidem viderunt, vocem autem non audierunt. Les contradictions sont inévitables dans ces sortes de récits. Si l’on veut croire à cette vision, il faut y voir une hallucination causée par un soleil ardent, la fatigue de la route et surtout par le tempérament passionné de l’apôtre. D’ailleurs, le récit des miracles, des apparitions de Jésus-Christ après sa mort troublait toutes les têtes, et le surnaturel a encore une grande puissance sur les Orientaux. Étant donné que Paul se fit instruire à cette époque dans la foi de ceux qu’il avait jusqu’alors plus qu’un autre cruellement maltraités, il n’est pas impossible d’admettre que cette conversion subite fut déterminée par une crise mentale, peut-être par un simple coup de soleil qui lui causa un transport au cerveau, Conduit par ses compagnons à Damas, il resta comme aveuglé pendant plusieurs jours, en proie à la fièvre et au délire. Un chrétien, du nom d’Ananias, fut appelé près de lui, le baptisa, lui apprit les signes auxquels les chrétiens se reconnaissaient entre eux. C’était à peu près tout ce qui composait alors la doctrine chrétienne, et aussitôt Paul se rendit à la synagogue prêcher les frères avec la même ardeur qu’il aurait mise, sans la vision du chemin de Damas, à les faire garrotter et fouetter. Il n’avait fait que changer de fanatisme (an 38 ou environ).

La seconde moitié de la vie de Paul, à partir de sa conversion, fut tout entière absorbée par son ardeur de prosélytisme, par les missions qu’il se confia et par les voyages, vraiment énormes pour l’époque, qu’il entreprit afin de gagner le plus grand nombre d’âmes à la foi nouvelle. Ce qui lui donne une physionomie spéciale, c’est que, ayant reçu sa révélation particulière, étant apôtre « par commission directe de Jésus, » dit Renan, Paul prétendit n’être soumis à aucun des autres apôtres et avoir toute liberté d’action. Aussi n’alla-t-il pas immédiatement à Jérusalem s’entendre avec les chefs de la communauté ; il n’avait pas besoin d’eux et il entendait le christianisme autrement qu’eux. Cette petite société de pauvres, qui croyait, suivant la promesse de l’Évangile, que la fin du monde était proche, était bien loin de chercher à rallier à elle le monde entier ; il leur suffisait de convertir à la hâte leurs amis et leurs proches pour qu’ils eussent part au royaume de Dieu. « Sûrement, dit Renan, si le christianisme fût resté entre les mains de ces bonnes gens, renfermé dans un conventicule d’illuminés menant la vie commune, il se fût éteint comme l’essénisme sans presque laisser de souvenir. » Ce fut Paul qui le propagea et qui en fit une religion, aidé par un petit nombre de disciples qu’il entraîna.

Paul resta trois ans à Damas et dans le Hauran (38-41), séjournant surtout à Damas, où il y avait beaucoup de Juifs, et prêchant dans leurs synagogues. Il ne faut pas prendre à la lettre le nom d’Apôtre des gentils qu’il se donna ; il ne pouvait s’adresser qu’aux Juifs et son subit revirement de doctrine n’était pas fait pour lui attirer beaucoup de confiance. Il était de mine chétive, laid, de courte taille, épais et voûté ; dans ses Épîtres, il fait sans cesse allusion à sa mauvaise santé et à des infirmités corporelles qui étaient « comme autant de pointes enfoncées en sa chair. » Sa parole n’avait rien de persuasif ; sa prédication se bornait au reste à peu de chose, à affirmer que Jésus était bien le Christ, fils de Dieu, mis à mort par les prêtres. Son audace et sa singularité, le souvenir de ses violences passées inspiraient une sorte d’effroi ; plus qu’elles ne lui conciliaient les gens ; même les convertis s’écartaient de lui comme d’un frère indocile à la règle, insoumis aux chefs. Au bout de trois ans, en 41, à la suite de quelques scènes violentes qui l’obligèrent à quitter Damas, il se rendit à Jérusalem ; les Juifs non convertis avaient obtenu une sentence contre lui et il fut obligé de s’échapper la nuit, au moyen d’un panier, par la fenêtre d’une maison qui surplombait le rempart. À Jérusalem, la raideur de son caractère lui fit autant d’ennemis qu’il y avait d’apôtres et de disciples ; sans Barnabé, qui fit taire toutes les défiances et servit de trait d’union, une scission était imminente. Paul ne resta dans la ville qu’une quinzaine de jours, se rendit de là à Césarée, puis à Tarse, où il resta, fort découragé à ce qu’il semble, car il y vécut au moins un ou deux ans sans faire parler de lui. Barnabé vint l’arracher à cette retraite prématurée et l’emmener à Antioche, un des grands centres littéraires et religieux de l’Orient et où déjà existait une petite communauté chrétienne (43). Ils y fondèrent à eux deux une Église rivale de celle de Jérusalem, mais à principes plus larges, acceptant tout le monde, Juifs et gentils. De là, ils se dirigèrent vers Séleucie pour s’y embarquer. Ils emmenaient avec eux un troisième compagnon, Jean-Marc (45). Le premier point qu’ils touchèrent fut Chypre et Néo-Paphos, la nouvelle métropole de l’île, vieux centre sémitique où les Juifs abondaient. Les Actes des apôtres placent en ce lieu la conversion par Paul du proconsul de Chypre, Sergius Paulus, qu’il opéra par un miracle ; il le frappa de cécité, puis lui fit recouvrer la vue. Non-seulement le miracle est un conte, mais la conversion n’a jamais eu lieu ; les Romains étaient des gens trop sensés pour se laisser toucher par une jonglerie et surtout pour se convertir à une religion spéciale, eux qui les admettaient toutes avec la plus grande impartialité. D’ailleurs, la conversion d’un proconsul, à cette époque, eût fait du bruit et se trouverait rapportée par les historiens sérieux. De Chypre, Paul revint avec Barnabé dans l’Asie Mineure et parcourut la région géographique qu’il désigne assez va-