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m’ont valu dans toute ma vie. » Cette précieuse collection, réunie avec tant de soin, on le voit, qu’est-elle devenue ? On ne le sait. Il ne faut pas moins en savoir gré à M. de Maurepas de son intelligente tentative. C’est du reste à elle et à l’influence du puissant ministre qu’est dû sans doute le réveil du goût pour les patois qui signale la fin du xviji" siècle. En maint endroit, des citadins, des lettrés, médecins ou hommes de robe, mirent par écrit les chants ou les contes patois qui couraient dans les campagnes ; plus d’un même, pour fixer une langue près de se perdre, écrivit des poèmes dans son patois natal, et c’est à cette série d’essais philologiques que nous devons le petit chef-d’œuvre en patois lorrain intitulé : les Fiançailles de Jeannette, que Charles Nodier appelle l'Iliade du pays messin, et dont nous avons rendu compte à son ordre alphabétique.

La question des patois joua un rôle considérable sous la Révolution. Malgré ses tendances radicales à l’unité absolue en matière politique et administrative, la Constituante comprit sans doute que l’on pouvait former une même nation homogène et compacte, et parler des langues différentes ; l’expérience était faite depuis longtemps pour l’unité religieuse, à laquelle la variété des langues ne nuisit jamais. Le 14 janvier 1790, l’Assemblée constituante, imitant l’exemple des anciens conciles, décréta la traduction de ses lois en dialectes vulgaires, c’est-à-dire dans nos principaux pat ois. Mais le s pluviôse an H, la Convention, prenant une mesure générale pour l’unité officielle de la langue, décréta qu’il serait établi « des instituteurs primaires pour enseigner la langue française dans les départements où elle était le moins répandue, notamment dans ceux de la Bretagne et de l’Alsace. • Le 16 prairial, Grégoire présenta au comité de l’instruction publique un Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l usage de ta langue française. Le 2 thermidor an II, la Convention décréta qu’aucun acte public ne pourrait, dans quelque partie que ce fût de la France, être écrit autrement qu’en langue française, et ce décret punissait d’emprisonnement tout fonctionnaire qui eu emploierait une autre. Mais, sur le rapport du comité de législation qui démontra l’inanité de cette loi à cause des difficultés matérielles, la Convention en suspendit l’exécution. Enfin, le 27 prairial an II, le gouvernement consulaire imposa l’usage exclusif de la langue officielle à tous les repré-’ sentants de la puissance nationale, mais en les autorisant à transcrire en marge l’idiome de la province. Une cause plus efficace que toutes les dispositions législatives contribua puissamment à la fusion des patois dans le français à partir de 1789 : ce furent les levées en masse de la République et do l’Empire qui répandirent dans les moindres hameaux l’usage du français, contracté sous les drapeaux, par le soldat de retour dans ses foyers.

L’Empire voulut se donner le prestige d’avoir relevé l’étude de la langue nationale. En 1807, le ministre de l’intérieur adressa à tous les préfets une circulaire où il leur recommandait de faire traduire la parabole de l’Enfant prodigue dans tous les patois de leur département. Ce travail, commencé au bureau de statistique du ministère de l’intérieur, fut continué, après la suppression de ce bureau, par la Société des antiquaires de France, qui en a publié les résultats dans le tome VI de ses Mémoires. Dans le classement de ces matériaux, c’est l’ordre géographique qui a prévalu, avec raison. Viennent d’abord les patois du nord-est de la France ; puis ceux de l’est, appartenant, les uns et les autres, à la langue d’oil, et spécialement à la branche de cette langue que l’on désigne sous le nom de wallon. Viennent ensuite les différents patois de la langue romane ou langue d’oe.

Nous avons laissé de côté le bas-breton, le basque, le catalan, qui sont de véritables langues, et nous nous sommes borné aux patois proprement dits. Avant que nous transcrivions le résumé de cette enquête, une rapide énumération des patois trouvera ici sa place naturelle, et, sous les réserves exprimées plus haut, nous lui conserverons, pour plus de clarté, la division en langue d’oc et langue d’oïl adoptée jusqu’ici par tout le inonde.

À la langue d’oil se rattachent les patois suivants : le wallon, ?parlé sur le territoire de la Belgique, dans le voisinage des cantons où l’on parle le flamand, dialecte germanique ; le lorrain, messin ou austrasien, dont le triple titre indique suffisamment le domaine plus ou moins étendu selon le terme qu’on emploie, et dont quelques cantons des Vosges présentent des variétés intéressantes ; mais, dans d’autres parties de la Lorraine et de l’Alsace, on parle allemand ; le champenois, le franc-comtois et le bourguignon, qui se rapprochent beaucoup l’un de l’autre, mais desquels on détache, sous le nom de jurassien ou bressan, celui qui est en usage dans le département de l’Ain, ainsi que dans une partie de ceux de Saône-et-Loire et du Jura. La ressemblance de ces derniers patois a engagé M. de Bœcker à les désigner comme appartenant au bourguignon. Le picard, qui n’est guère que le français du moyen âge, était parlé dans l’Artois, les Flandres, le Hainaut, le bas Maine, la Thiérache, le Réthelois et une partie de l’Ile - de - France ; le normand, remarquable par son accent

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traînant, comprend, selon M. de Bœcker, les sous-dialectes parlés dans la haute Bretagne, le Perche, le Maine, l’Anjou, le Poitou et la Saintongo, mais d’autres écrivains en détachent plusieurs de ces dialectes ; le gailot, patois de la haute Bretagne, dans lequel se perpétuent les expressions du xv<= et du xvio siècle ; le poitevin, dont le saintongeois peut être regardé comme une variété • le berrichon, l’angevin et le manceau nont qu’un petit nombre d’expressions particulières. Dans quelques parties de la France, telles que l’Orléanais, la Touraine, l’Ile-de-France, il n’y a pas de patois proprement dit, quoique l’on donne souvent ce nom à, une certaine quantité d’expressions qui y sont en usage et qui n’appartiennent pas à la langue actuelle, ou de mots plus ou moins altérés par la prononciation.

À la langue d’oc se rattachent : l’auvergnat, patois à la prononciation rude et aux lourdes terminaisons, parlé dans l’Allier, in. Loire, la Haute-Loire, l’Ardèche, la Lozère, le Puy-de-Dôme et le Cantal ; le dauphinois, parié dans l’Isère ; le lyonnais, parlé dans le Rhône, l’Ain et la Saone-et-Loire ; le provençal, patois qui, il y a cinq siècles, fut une langue riche et gracieuse, parlé dans le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, les Hautes-Alpes, les Basses-Alpes et le Var : le languedocien, patois si brillant autrefois à Toulouse, parlé encore avec tant de douceur dans l’Aude et l’Hérault, et avec tant de pureté dans les Côvennes ;-il est encore en usage dans le Gard, l’Hérault, les Pyrénées-Orientales, l’Aude, l’Ariége, la Haute-Garonne, le Lot-et-Garonne, le Tarn, l’Aveyron, le Lot et le Tarn-et-Garonne ; le limousin, aux formes un peu lourdes, parlé dans la Corrèze, la Haute-Vienne, la Creuse, l’Indre, le Cher, la Vienne, la Dordogne, la Charente, la Charente-Inférieure et l’Indre-et-Loire ; le périgourdin, patois à la franche allure, parlé dans le Périgord ; eutin, le gascon, patois h l’ac cent vif et saccadé, qui, pour les Français du Nord, est le type detous espatoisdu Midi, et dont Montaigne disait : « Où le français ne peut atteindre, le gascony arrivesans peine ; • il est parlé dans la Gironde, les Landes, les Hautes-Pyrénées, les Basses-Pyrénées et le Gers.

Ce n’est là qu’une énumération sommaire, car la collection des traductions patoises que fit faire le ministre Chapta ! ne comprend pus moins de quatre-vingt-dix patois et, quelque intéressantes que soient ces études comparatives, nous serons forcé d’abréger la liste et de nous borner à de cours extraits. Le thème choisi pour la traduction était, nous l’avons dit plus haut, la parabole de Y Enfant prodigue ; nous reproduirons seulement le premier verset dont voici le texte français : « Un homme avait deux fils, dont le pius jeune dit à son père : Mon père, donnez-moi ce qui doit me revenir de votre bien. Et le père leur fit le partage de son bien. » ^ Patois de Liège : « In homme aveut deux fils. Li pus jône des deux ly dit : Père, diné m’ çou qui m’ vînt, et vola qu’ilz y fait leu pârtèche. »

Patois wallon, des environs de Malmedy : « Jun’ y aveve oun homme qu’aveva deux fils. Et l’pu jône des deuss dihaa toû s’ père : Père, duno me la part do l’héritegche qui in’ vint. Et i partiha s’ bin inte l’eux deuss. »

Patois de Namur.- « I nia ieu one fu on homme qui aveuve deux garçons. Et I’ pu djoonne di zels dit à s’ père : Père, donnezme li légitime qui m’ vint. Et i leus a fait leu paure, »

Dialecte de Cambrai.• • Inn hom avau deux fius. El pus josne di a sin père : Min père, doném chou ki peut m’revnir d’ vos bins. Et ch’ père lieus a fé 1’ partage d’sin bin. ■

Dialecte du canton d’Arras : « Ain homme avoiiail deux garcheins. L’pus jone dit a sain père : Main père, bailli m’ chou qui doiis me r’v’nir ed vous bien. Et leu père leu partit sain bien. »

Patois ardennais : « Ou n’oum avo deu s’afan, don l’pe jaun di a s’per : Mu per, bayo’m ç’ qui do m’ reveneu de vos bin. Et 1 per l’esy f gi 1’ partache de s’ bin. »

Patois lorrain ; « In home avo doux afans. Lo pus jogne deheu é so père : Mo père, beïom ci que me revenreu de vote bin. Et lo père les y fit lo partege de so bin. •

Patois de l’arrondissement d’Attkirch (Haut-Rhin) : ’ In hanne aivait doux fes. Et lo pu juene diait ai sou père : Bayce me lai pait du oins qui me revint. Et sou père y a bayé sai pait. »

Patois de Champagne ;/ (Haute-Saône) : « In homme avat dous boubes. Lo pu jûne diji à son père : Père, ballié me la pâ de bin que me vin. A li patngi son bin. »

Patois de Vesoul (Haute - Saône) : « In home èvoi dû guidions. Lou pu jeune dizit è son pare ; Pare, beillia-me las bin qu’i dtrt evoi peu mè paa. E lieux fzit lou peiteige d’ sâs bins. »

Patois du canton de Champlitte (arrond. de Gray) : « Ein homme aivot deux gassons. Le pu jeune dit ai son père : Baillai mai ce ■que do me revenin de votre bien. Et le père lo pataigeai son bien. »

Patois de Besançon : « N’houme aîva dou offunts, dont lou pu juêne diset ai sou père : Père, baillame ç’ qui me dait rev’ni de vouete bin (prononciation latine). Et lou père liou fit le paithiaige de son bin. •

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Patois du Morvan ; « Ein houme aivot deux renfans. Le pu zeune das deux die ai son père : Mon père, donnez-moi ce que me revent de voûte ben et qu’i m’en aile. Chitôt le père en fié le partaize et ly baillé sai part. •

Patois poitevin : « Un hom’ avie dou afan. Et la pus iaûne disse à son paire : Mon paire, baillais m la par deux bien qu’i seus dain 1’ cas de prétendre. E 1’ paire lour partagé son bien, >

Patois de Saintes.- à In houme avait deux fa.il. Et le pus jéne dicit à son père : Mon père, baillez me tout mon dret de voutre benn. Et le père leux partagit tout son benn. »

Gavache de Monségur (arrond. de la Réole) : ’ Un homme avait deu gouya, dou le pu jeune dissit à son père : Mon père, baillez me h ce que je dioui augere de voutre bien. Et le père les y partagit son bien. *

Patois périgourdin : « Un orné avo dou èfan. Et lou pu jauoné dassou doù disse à soun paï : Mon pal, baillame lo par daou bé que me rêvé. Et lou paï li partagé soun bé. »

Patois de Nontron (Dordogne) : « Un home avio doux lis. Dout lou pu djouné dicé a soun pay : Maoun pay, dounés mé la part daôu bé que mey à revenir. Et lou pay lour partadgé soun bé. »,

Patois limousin : ■ Y avio u n’haumé qu’avio doué éfan. E le pus jouné disset à soun paire : Moun paire, bailla mé la porclé deue be qu’i podé préteindré. Et le paire lourr partagé ! soun bé. ■

Dialecte limousin : ■ Un haumé oguet dous droleis. Lou pus jaune de iis disset au paï : Boillas mé lo part de denado que me revêt. Et au partiguet su besugno entre ïs. »

Patois du canton de Saint-Amand (Puy-de-Dôme) : « Ein home z’ayo dou garçon. Le pu dzone digue mey sou payre : Moun payre, beila me le bé que nie guioi^ revenir. Le payre partadze son bé entre y. »

Patois d’Aurillac (Cantal) : ■ Un honime ôbio dous fils. Lou pu ziouve li diguet : Mon païre, dounamme lo par del be que me diou reveni. Lou paire lour partexeit lou be. »

Patois de Montauban : « Un ome abio dous fils. Lou pu joube delis digue al païre : Moun pero, dounas ma la pourciou de be que. me reben. Lou païre lour partagée lou be. >

Patois de la ville de La Réole ; « Un homme agut dus gouyatz. Lou pu june dissut à soun pay : Moun pay, baillé mé la pourtioun de boste bien que me rébén. Et les y partaget soun bien. >

Patois gascon du département du Gers : ■ Un home qu’aougouc dus hils. Lou caddet qu’eou digouc : Pay, baillats ma la pourtioun qui’emrebencq s’eou ben. E lou pay eous partagée lou ben. ■

Patois du département de la Boule-Garonne : » Un home abio dous fils. Lé pus jouené d gue è à soun payré : Moùn pay ré, dounats mé so que mé diou rébéni de bostre bé. Et le payré lour fec le partagé de soun bé. »

Patois de l’arrondissement de Foix {Aiiêgej : « Un certain home ageg dous gougeats. Et le pus joube d’guèc à son payre : Dounax me la pourtiou des bé que me pertoquo. Et le paire les lour debiseg. »

Patois catalan du déparlement des Pyrétiëes-Orientales : « Un home tingue dos Jills. Y digue lo mes jove de ells al pare : Pare, dait me la part de be que me pertoca. Y lis dividi lo be. •

Patois de Carcassotme (Aude) : ■ Un homme abio dous mainachés. Et le pus joubé diguec à soun païré : Moùn païré, dounatz-mé la paitido dal bé que mé rébén. Et le païré dibisée le bé entré sous dous mainachés. »

Patois du déparlement du Tarn ; • Un home abié dous fils, dount lou pus joubé diguet à soun païré : Moun païré, tlounas mé la part de bostre bé que mé dou rébéni. Et iou païré d’aqueles éfans lour faguet lour partaxé de soun bé..«

Patois de Lodève (Hérault) : « Un home abio dous éfans. Lous pus jouine diguet à soun péra : Moun péra, donna me la part de bostre bianda que me coumpeta. Et lou péra ye partaget sa bianda. »

Patois de Montpellier.• ■ Un homme aviés dous eufans. Lou pu jouiné diguet à soun pèra : Moun pèra, donna mé lou bén que mé déou révéni per ma par. E el yé faguet lou partagé dé soun bén. »

Patois de la Lozère : • Un omé abio dous fils. Lou pu geouve d’aquélec diguet à soun péro : Moun péro, douno roi la part dol bé che (prononcez que, à l’italienne) roi déou véni. Ensi lou péro li divisét soun bé, »

Patois des environs du Puy (Haute-Loire) : « Y aviot un homme qu’avio dons garçous. Lou plu djoueine diguet à sou païre : Païre, beila me ma part daquo que diou me revegnir. Et lou païre partadget soun bé à sous éfons. »

Patois de Privas (Ardèche) : « Un home avio dous fis. Doun lou pagieuine diguet o soun pèro : Moun pèro, douna mé lou bé que mé déou révéni per ma par. E liour fague lou partagé de soun bé. »

Patois de Nîmes (Gard) : « Un home avié dous garçouns. Et lou cadé dighé à soun péro : Moun péro, beïla-mé la par que deou nie révéni de vaste ben. Et lou péro yé partagé soun ben. »

Dialecte de Marseille (Rhône) : « Un homo avié dous eufans. Lou plus jouiné diguet à soun péro : Moun péro, douna roi ce que deou

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mé revenir de vouestre ben. Et lou péro faguet lou partagi de soun ben. »

Patois provençal du département du Var t « Un home avie dous eufans. Lou plus pichoun diguet à soun païré : Moun païré, dounas roi ce que roi reven de vouastre ben. Lou païré faguet lou partagé de tout ce que poussedavo. »

Patois génois ; « Un homou aveva doui fanti. Dounderou chu jouve diché à so par ; Pa, dai mé ce qui mé po revegnir drou vostrou ben. Et cou par gué fé cou partajou drou so ben. >

Patois du canton de Seyne (Basses-Alpes) : « Un homme avie dous eufans, drount lou pu jouva dise à soun père : Douna mB lu part dou ben que deou mô revenir. Et lou pèrfi lour fasë lou partagi de soun ben. »

Patois de Valence : «Un homme aguetdous garçons. Et lou plus jeune diguet à sou pèret : Pèret, bêla met ta part de bien che met revint. Et lou pèret lour diviset sou bien. »

Patois dû département de la Drame : « Ero un homme qu’ovio doux éfans. Lou plus dzuéné doou doux li dciét : Moun péré, beilé mé ce que pouo mé révéni doou bien. Et lou péré loa fogué lou portadzé. »

Patois de Saint-Maurice, canton du Valais ; • On n’omo aveive dou meniots, dou le pie dzouveno a det à son père : Mon père, baillé mey le bin que me dey venir por mon drey. Et é lieu z’a partadgia son bin. •

L’étude de ces patois révèle plusieurs faits curieux ; ainsi, dans le nord-est de la France, nous voyons, par suite des anciens rapports politiques, les paysans du voisinage de Nancy et ceux des environs de Bouillon parler un patois presque identique, quoique ces deux villes soient à 160 kilomètres de distance, tandis que Metz, éloigné de quelques kilomètres seulement de Nancy, parle un patois fort différent. Dans le Midi et dans d’autres parties de la France, il n’est pas rare de voir deux villages voisins avoir chacun un patois distinct. Dans la Marne, le bourg de Courtisols, près de Châlons, est remarquable par les points de ressemblance qu’offre son patois particulier avec certains dialectes populaires de la Prusse rhénane ; dans la Gironde, le petit pays connu sous le nom deGovacherie, et enclavé dans les arrondissements de Libourne et de La Réole, conserve encore le langage des colons saintongeois qui sont venus s’y établir au xve et au xvte siècle.

La tentative dont nous venons de soumettre les résultats à nos lecteurs ne devait pas être perdue ni isolée ; de toutes parts naquirent » sa suite d’utiles publications sur les patois, glossaires, grammaires, anthologies, signés des noms les plus autorisés de la science, Raynouard, Oberlin, Champollion-Figeac. L’Allemagne même s’occupait de notre ancienne littérature et M. Dietz publiait ses admirables travaux sur la recherche des étymologies françaises dans les patois.

L’hostilité raisonnée contre 1 usage pratique des patois n’en est pas restée moins vive. On veut bien laisser aux érudits le soin de colliger nos vieux mots et de publier, pour un cercle restreint d’amateurs, des gauloiseries plus ou moins intéressantes ; mais les esprits qui sont vraiment de leur temps veulent, dans l’usage de la vie, l’unité de langue et l’emploi de celle qui est commune à tous les Français. D’assez nombreux comités se sont fondés dans ce but, et nous allons reproduire la délibération de l’un d’eux, précédée de l’exposé des motifs.

« Le comité, considérant la funeste influence que l’usage des patois exerce sur la prononciation de la langue française et sur sa pureté ; considérant que l’unité politique et administrative du royaume réclame impérieusement l’unité du langage dans toutes ses parties ; considérant que les dialectes méridionaux, quelque respectables qu’ils nous paraissent comme héritage de nos aïeux, n’ont pu s’élever au rang des langues écrites ; qu’ils n’ont pas su formuler une grammaire, ni fixer une orthographe ; qu’ils n’ont produit aucun ouvrage remarquable et que leur usage habituel a été signalé par de bons esprits comme une des principales causes de la supériorité du nord de la France sur le midi ; considérant que ces dialectes, dont la variété est infinie, rendent souvent difficiles les opérations judiciaires et notamment les débats des cours d’assises où figurent de nombreux témoins,

A arrêté les dispositions suivantes :

« Article l«r. Le dialecte patois est interdit dans les écoles primaires de l’arrondissement de Cahors. Les instituteurs ne l’emploieront jamais et veilleront sévèrement à ce que les élèves n’en fassent pas usage.

Art. 2. Les inspecteurs qui visiteront les écoles seront tenus de faire un rapport spé- • cial sur cet objet.

Art. 3. Les instituteurs coupables d’infraction au présent seront poursuivis et punis des peines de discipline conformément à la loi.

Art. 4. Les comités locaux de surveillance sont chargés de faire exécuter le présent dans leurs communes respectives.

Art. 5. M. le préfet est prié de vouloir bien le faire insérer dans le recueil des actes administratifs et d’en adresser un exemplaire à tous les instituteurs de l’arrondissement. »

—« Bibliogr. Aekermann, Des formes grammaticales dé la langue française et de ses dia-