Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 2, Path-Phel.djvu/10

Cette page n’a pas encore été corrigée

400

PATO

grossier et corrompu, tel que celui des paysans et du menu peuple. Patois avait encore une autre acception, il se prenait pour le ramage des oiseaux. Patsgrave le traduit en anglais par recordyng of byrdes. Patrois, pratois, patois dérivent de patrius, sous-entendu sermo, langage paternel ; l’expression latine désignait le langage du père, comme patria le pays du père. Nous disons en français la langue maternelle. C ependant, Diez voit dans ce mot une onomatopée ; il allègue le rouchi pali-pata, caquetage de deux femmes qui se querellent. Scheler, qui repousse cette explication aussi bien que les précédentes, demande si l’on est forcé de rejeter une conjecture qui verrait dans patois une altération de plalois et rattacherait ce mot à plat, langage du plat pays. Comparez l’allemand platt-deutsch et le latin sermo rusticus. L’élision du l dans le groupe initial pi ne serait pas un fait extraordinaire ; le bourguignon, s’il ne détruit

pas tout à fait cette liquide, le fait à peu prés en disant, à la façon des Italiens, piomb pour plomb, biei pour blé, etc. Scheler appelle aussi l’attention sur le provençal pâli, qui signifie pays et qui pourrait également avoir produit le mot patois. Enfin, d’autres étymologistes ont songé au mot pataoinitas, qui désignait te dialecte padouan, un véritable patois latin). Langage du peuple, des paysans ; idiome propre à une province : Le patois bourguignon. Le patois normand. Parler patois. Je n’entends pas son patois. (Acad.) Si le patois du Languedoc ou de la Gascogne était devenu la langue des Français, elle aurait été plus susceptible de musique et de poésie. (Griinm.) Nos pères avaient été trop loin en dédaignant comme de grossiers patois les anciens dialectes de notre langue. (Lenormant.) L’idiome du poète anglo-saxon Chaucer, amas hétérogène de patois divers, est devenu ta souche de l’anglais moderne. (Ph. Chasles.), Les patois sont les héritiers des anciens dialectes. (E. Littré.) Les idiomes, en tombant à l’état de PATors, s’altèrent et se décomposent. (A. Maury.) Les Arabes se figurent que leur langue seule a une grammaire, et que tous les autres idiomes ne sont que des patois grossiers. (Renan.)

— Façon particulière de s’exprimer, de s’énoncer :

L’Âne, qui goûtait fort l’autre façon d’aller, Sa plaint en son patois...

La Fontaine.

L’huissier a bien le droit d’écrire son protêt Dans un hideux patois que l’univers renie.

Ta. de Banviluî.

— Fam. Langage incorrect : Dans quel patois tout cela est écrit l

— Syn. Palais, ergot, baragouin. V. ARGOT.

— Encycl. Brunetto Latini dit que de son temps le mot patois signifiait l’idiome d’une province, distinct de la langue nationale. Il arriva bientôt que les dialectes provinciaux, de plus en plus délaissés par les classes supérieures de la société, instruites de la langue nationale, restèrent l’apanage des paysans et des ouvriers ; que ceux-ci même, en contact avec les habitants des villes, en perdirent l’usage, et qu’en fin de compte le patois fut relégué exclusivement dans les campagnes.

Quelle que soit l’origine que l’on adopte, le mot patois est consacré aujourd’hui à désigner les variations provinciales qui existent dans la langue française. Nous avons très-nettement déterminé, à l’article dialecte de ce dictionnaire, la différence qui sépare-ce mot de patois, et nous n’avons pas besoin d’y revenir ; il sera bon, cependant, de consulter les articles idiome et langue, qui embrassent l’universalité des langues, tandis que nous nous renfermons ici dans l’étude particulière des yatois.de la France.

La première question qui se présente à l’esprit, en abordant ce vaste champ d’étude, est celle de l’antiquité des patois.

Faut-il admettre, avec un certain nombre d’érudits, que les divers patois de la France, et en général de toute l’Europe latine, ne sont que des décompositions du latin, ■ du latin défiguré, » comme dit le chevalier de Jaucourt, fidèle interprète des idées du xvme siècle ? De nos jours, de bons esprit» se sont refusés k accepter les yeux fermés cette opinion, misa en honneur par les latinistes et particulièrement par Ménage, dont la fausse science philologique a contribué à mutiler notre langue. Quelque*-uns même ont poussé la hardiesse jusqu’à renverser lu question et se demander si c’était bien dans les mots latins qu’il fallait chercher l’origine des mots patois, ou si ce ne serait pas plutôt dans les patois que l’on devrait chercher la forme et le sens primitif des mots latins analogues. Si la question était résolue dans ce sens, ce serait une révolution ; il faudrait considérer la langue latine, non plus comme étant la source de la plupart des idiomes de l’Europe, mais comme étant simplement leur résultat ; le latin perdrait tout son prestige, en même temps que s’évanouiraient sa prétendue antiquité et ses titres de noblesse comme langue mère. La thèse î-.udacieûse soutenue par les novateurs, etentievue dés le xvie siècle par de libres esprits, s’appuie, du reste, sur des arguments ingénieux, que nous soumettrons d’une façon rapide à nos lecteurs ; il s’agit en effet d un problème qui intéresse à la tois l’histoire de notre langue et celle de nos institutions.

PATO

Les principaux arguments sur lesquels s’appuient les philologues contemporains pour soutenir la coexistence des patois avec le latin, et parfois même leur antériorité, sont les suivants :

1» « La plus étrange idée que l’on ait pu concevoir, fait observer M. Granier de Cassagnac, c’est que les Romains aient imposé le latin aux Gaulois. Est-ce qu’il est au pouvoir de qui que ce soit d’imposer une langue à une nation ? Est-ce qu’une pareille entreprise est matériellement réalisable ? Que les Anglais aientjmposédes chausses aux Écossais, après la bataille de Culloden, cela est encore concevable. Pour prendre un vêtement, il suffit de vouloir le porter ; mais pour prendre une langue, il faut l’étudier longtemps et avoir assez d’intelligence pour la comprendre.

Pour enseigner le latin à nos enfants, il faut sept années d’études, et encore le savent-ils imparfaitement ; et, pour l’enseigner aux paysans, aux laboureurs, aux paires, aux servantes, à ces milliers de pauvres gens qui passent leur vie absorbés par les travaux rustiques, il aurait suffi (l’un édit publié kson de trompe dans toutes les Gaules ! En vérité, cela est d’un ridicule extrême.

2" Etrange contradiction I Le latin, qui n’a pu se conserver à Rome, se serait établi parmi nous ? Le peuple romain a laissé périr le latin, et les peuples de la Gaule l’auraient conservé ? Les Aquitains, les Auvergnats, les Catalans auraient quitté leur langue pour apprendre une langue oubliée aux lieux mêmes où elle se forma ? Nous ne croyons pas devoir discuter de semblables hypothèses. Le seul bon sens aurait’dû suffire à les renverser.

.. » 3° La persistance des patois est un fort argument en faveur de leur antiquité, et leur résistance invincible aux efforts de l’administration moderne nous porte k supposer

la même énergie de résistance contre la pression romaine et l’envahissement officiel de la langue latine. En effet, on ne peut disconvenir que lé" gouvernement français rayonne dans les provinces tout aussi puissamment que le gouvernement romain. Il les couvre de fonctionnaires de toute sorte et de tous grades ; tous ces fonctionnaires parlent et écrivent en français ; chaque commune est administrée en français ; chaque paysan parle k son juge de paix en français, et reçoit de son percepteur un bordereau d’impositions en français ; des livres et des journaux français inondent le pays, et cependant on parle toujours patois dans nos provinces. Le Languedoc est réuni à la couronne depuis 1271, la Guyenne depuis 1453, la Provence depuis 1-481, la Bretagne depuis 1532, le Roussillon depuis 1642 ; l’action du gouvernement français sur ces provinces a donc été aussi longue et beaucoup plus directe que celle du gouvernement romain sur les Gaules, et néanmoins, si la langue française a pénétré partout, elle n’a détruit les idiomes nationaux nulle part. On apprend le français, mais on ne désapprend pas la langue du. berceau, du foyer, de l’enfance, de la patrie locale.

Outre la persistance des patois en plein xixo siècle, les partisans de cette thèse constatent 1 identité des idiomes nationaux d’autrefois avec ceux d’aujourd’hui. Deux mille ans ont k peine modifié la forme des mots, et, à ce sujet, les preuves abondent. Nous citerons d’abord, comme exemples, des mots donnés comme gaulois par des auteurs anciens, et qui se retrouvent encore en patois ou en français. Tel est le mot lance, la-pia, que Diodore de Sicile dit être un mot gaulois et Varron et Aulu-Gelle un mot espagnol, c’est-à-dire un mot celtique ; tel est encore le mot becco, que Suétone dit signifier « bec de coq » dans l’idiome de Toulouse ; tel est le mot marca, que les Gaulois qui pénétrèrent en Grèce donnaient au cheval ; bas-breton march, d’où maréchal. Citons encore l’alouette, que les Gaulois nommaient alauda, dit Pline. Les noms de lieux sont également restés immuables. Du temps de César et de Strabon, comme aujourd’hui, Paris s’appelait Paris, nifi ; ; Aueh s’appelait Ausk} Aura ; le Var, le Jura, Var et Jura ; la Garonne, Ù-arouna, raçoivn.

4° Un très-grand nombre de mots se trouvent à la fois dans le latin et dans les trois langues française, italienne et espagnole. Ces mots sont-ils passés du latin dans ces langues ou de ces différentes langues dans le latin ? C’est la question qui nous occupe, et nous allons l’éclairer d’un nouveau jour. Il est digne de remarque que la plupart des mots latins sont doubles ; ainsi chou se dit brassica et caulis ; champ, ager et campus ; pluie, imber etpluvia ; feu, ignis et focus ; chat, /élis et catus ; cheval, equus et cuballus, et cent autres mots qu’il strait superflu de citer ici. Or, de ces deux mots, l’un appartient toujours au fonds celtique ; et ce qui prouve que le latin ne l’a, pas fourni, c’est qu’il n’a pas fourni l’autre. De ces mots doubles pour un même sens, qui se rencontrent si fréquemment en latin, celui qui est identique eu latin et en patois vient donc, en toute apparence, du patois. De plus, nous ferons remarquer que lorsqu’une langue est imposée à un peuple ce peuple a déjà la sienne ; les idiomes k éléments doubles se trouvent donc chez les peuples qui ont subi une importation de langue, et non pas chez ceux qui l’ont faite. Or, c’est la langue latine qui a les éléments doubles, et ce sont les idiomes celtiques qui ont des éléments simples. C’est doue le latin qui a fait,

PATO

pour sa formation, de nombreuj emprunts aux dialectes celtiques, aux patois.

« 5° Enfin, une langue, en passant d’un peuple chez un autre, peut ne pas lui donner tout ce qu’elle a, mais en tout cas elle ne peut lui donner ce qu’elle n’a pas ; on ne peut donc expliquer comment le latin, qui n’a pas d’article, aurait pu le donner aux langues celtiques, tandis qu’il est facile d’expliquer comment la langue celtique, en contribuant k la formation du latin, ne lui a pas imposé toutes ses formes grammaticales et a très-bien pu, par conséquent, ne pas le contraindre à l’usage de l’article. »

Cette argumentation, toute piquante et ingénieuse qu’elle est, ne saurait entièrement prévaloir. Pour quelques mots gaulois, celtiques, catalans, conservés dans les patois, combien d’autres, loin d’être antérieurs au latin, sont postérieurs même au français, au français moderne, que l’on reconnaît aisément sous l’altération de la prononciation et de l’orthographe I Quelques mots gaulois ou celtiques se retrouvent latinisés par les écrivains de la décadence, et il faudrait en conclure que le latin dérive) du celtique et du gaulois 1 Us ont pu y pénétrer par un échange tout naturel, au moment de 1 énorme extension de la puissance romaine ; et d’ailleurs, est-ce que les récentes études sur les langues indo-européennes ne nous apprennent pas qu’elles ont toutes une origine commune, que des racines de vocables latins et de vocables celtiques peuvent être identiques, sans qu’il y ait eu emprunt d’une langue k l’autre ?

Quant à l’argument de M. Granier de Cassagnacj qui consiste à dire que les Romains n’ont pu modifier la langue des Gaulois à l’aide d’un édit, il est sans valeur. Ce ne fut point, hélast un édit publié à son de trompe qui changea la face de la Gaule. Quand on songe qu après les sept campagnes de Jules César un million de Gaulois avait péri, qu’un autre avait été emmené en esclavage, que des milliers de nos aïeux suivirent César sur les champs de bataille de la guerre civile, en Italie, en Lycie, en Espagne, en Afrique ; que cette Gaule dévastée, dépeuplée, fut couverte par les Romains, avec la puissance d’expansion qui caractérisait ce grand peuple, de colonies et de municipes, on ne peut s’empêcher de trouver un peu fort ce paradoxe d un édit impuissant à modifier la langue. Il suffit du reste de lire les lettres de saint Jérôme pour voir combien, du ne au me siècle de l’ère chrétienne, la civilisation romaine, mœurs, langue, législation, avait profondément pénétré tautes les couches de la société en Gaule. Sous cette vaste alluvion latine, quelques mots de la langue originelle gardèrent leur sève et leur physionomie ; on les retrouve encore aujourd’hui dans les païois, mais c’est tout ce que l’on peut dire.

Ces idiomes, incessamment modifiés par les invasions, les annexions, les conquêtes, les fusions/le peuples, incertains dans leur origine, inconstants dans leurs formes, que ne fixèrent jamais ni un vocabulaire, ni même une orthographe reconnue par tous, possèdent donc des éléments de la plus haute antiquité, contemporains du latin ou même antérieurs à la conquête romaine ; on y peut chercher quelques vestiges du gaulois et de bien d’autres langues appartenant aux peuples qui ont traversé la Gaule, mais c’est le latin qui a laissé la plus profonde empreinte, surtout dans les patois méridionaux.

Après avoir établi l’antiquité de nos patois et leurs anciennes relations avec le latin, nous suivrons leur histoire à travers le moyen âge et les temps modernes. Tout d’abord, nous trouvons dans tous les écrivains ecclésiastiques des preuves de leur existence et du rôle très-important qu’ils remplissent sur une foule de points différents. À la fin du ve siècle, Sidoine Apollinaire écrivait k son beau-frère Excidius ; ■ Je ne dis pas que c’est à cause de ton enfance que l’on vit accourir da tous côtés ceux qui voulaient se livrer à l’étude des lettres ; que l’on fut redevable alors de ce que les nobles, pour déposer la rudesse du langage celtique, s^exerçaient tantôt dans le style oratoire, tantôt dans les modes poétiques. Une chose t’a gagné surtout l’affection générale, c’est que tu as empêché de devenir barbares ceux que tu forças autrefois à devenir latins. » (T. I, p. 255, traduction de MM. Grégoire et Collombet.) Partout, dans l’Église naissante, les prédicateurs de l’Evangile employèrent la langue vulgaire, de préférence à la langue officielle et à celle des lettrés. Saint Paul ne parla-t-il pas en latin rustique ? Les conciles n exigèrent-ils pas expressément que l’on parlât partout au peuple dans la langue qu’il entendait ? Dans nos contrées, sans chercher plus loin, le concile de Tours, en 813, ordonne aux évêques de traduire leurs homélies en langue vulgaire ; en 851, le concile d’Arles renouvelle les mêmes injonctions. Un passage des litanies Caroline ! cité par Raynouard prouve que déjà sous Charlemagne la langue d’oc était répandue dans toutes les contrées situées au nord de la Loire.

Du reste, cette délimitation toute fictive de nos patois, suivant qu’ils sont en usage en deçà ou au delà de la Loire, sont une des fictions philologiques’ qui ont le plus contribué k embrouiller leur histoire. Jamais, en effet, on n’a employé d’une manière générale et systématique oc au midi de la Loire et oil au nord pour signifier oui. De plus,

PATO

Cette classification des langues, reposant uniquement sur la forme de l’affirmation, est bien peu scientifique. Elle n’est due sans doute à aucune théorie expresse, mais simplement k la célébrité acquise au fameux vers du Dante, au xxxnie chant de l’Enfer  : « 0 Pise, opprobre de ces belles contrées où résonne le si. » C’est Dante qui le premier a essayé, de caractériser ainsi les langues néolatines, et c’est à l’exemple de la langue de si qu’on a voulu former la langue d’oc et la langue à’oït. La vérité est que la situation géographique ne peut fournir aucun indice précis pour la qualification des patois ; pour ne citer qu’un exemple, le mot oil, caractéristique des patois du Nord, se retrouve également dans le patois de Nîmes et en catalan.

L’erreur des érudits qui ont imaginé la division de nos patois en deux grandes familles, la langue i’oïl et la langue d oc, avec la Loire pour ligne de démarcation, en a entraîné une autre plus grave encore et qui est une des plaies de la philologie française, l’hypothèse gratuite de l’existence d’une langue romane : c’est ainsi que les savants sont convenus d’appeler la langue employée par les poètes provençaux et périgourdins du XIe et du xu» siècle, connus sous le nom de troubadours.

Au lieu d’être un idiome spécial, comme on l’a prétendu, la langue des troubadours n’est que le patois natal de chacun d’eux, épuré, régularisé, élevé à une certaine hauteur littéraire par les exigences de la poésie et par le goût du poète ; si bien que les troubadours ont embelli des langues déjà existantes, et nullement créé une langue nouvelle. C’est ce que confirme Dante, chant xxvi du Purgatoire, lorsque, parlant d’Arnaud Daniel, troubadour provençal, auteur de Lancelot du Lac, il dit que « c’est lui qui travailla le mieux sa langue maternelle : »

Tu miglior fabbro del parlar materno.

C’est ainsi que Goudouli a écrit en languedocien, Despourrins en béarnais, Jasmin an agenais, employant l’idiome natal, et lui donnant plus de pureté par le choix des mots et plus de noblesse par la tournure des phrases.

D’un autre côté, dit M. Granier de Cassagnac, l’usage général au xi" et au xn9 siècle était d’appeler roman ou langue romane tous les patois sans distinction, par opposition au latin, qui était resté la langue officielle de l’administration, de la justice et de l’Église. Ainsi, parler roman ou parier la langue romane, c’était, dans toutes les parties de la France, au nord comme au midi, employer l’idiome local, le patois, quel qu’il fût d’ailleurs, provençal, auvergnat, lorrain ou wallon. Les preuves de ce fait abondent.

Jean de Mandeville, dans son Voyage en Orient, s’exprime ainsi : « Et sachiez que j’eusse ceat livres mis en latin, pour plus brièvement deviser ; mais, pour ce que plusieurs entendent mieux roumani que latin, je l’ai mis en roumani. • Voilà donc du roumani qui est du français tout pur,

Join ville, dans son Histoire de saint Louis, parle en ces termes : « Il avoit gens illec qui sçavoient la sarrazinois, et le françois, que l’on appelle drugements qui enrornançoient le sarrazinois au comte Perron. » Ce comte Perron était chambellan de saint Louis, elles drogmans en romança j’en/, c’est-à-dire, traduisaient en français pour lui le sarrazinois ou l’arabe.

Du Cange cite, au mot lingua ramana, un passage de la Chronique latine du monastère de Saint-Trudm, où il est dit : « Il n’avait pas» pour langue maternelle l’allemand, mais celle que, par corruption, nous appelonsro-mane, ou bien, ea allemand, wallone.

■ Nous terminerons par un dernier exemple emprunté au Roman de Mou, écrit au xiie siècle par Wace, en patois normand de Jersey ; Si l’on demande fei ço dist,

Ki ceste istoire en romans mist, Jo di e dirai ke jo sui

■Wace, de l’isle de Geraui.

Ainsi, un usa«e général du xiie au xive siècle, en France, désignait sous le nom de roman ou de langue romane, non pas la langue littéraire des troubadours ou même les patois du Midi, mais tous les idiomes nationaux sans distinction, y compris le français -wallon, et même le type le plus direct du irançais actuel, c’est-à-dire îa langue parlée par saint Louis et par les dignitaires de sa cour. »

Toutefois, après avoir prémuni le lecteur contre ce qu’a de vague et de confus la division de nos anciens patois en langue ti’oït et d’oc, et particulièrement l’emploi du mot roman pour désigner spécialement la langue littéraire du Midi, nous serons forcés de recourir, dans la suite de cet article, k ces dénominations maintenant reconnues erronées, tant est tyrannique une erreur passée dans les idées et dans le langage, et nous désignerons, conformément aux habitudes reçues, les patois du Nord sous le nom général de langue d’oïl et ceux du Midi sous le nom de langue d’oc, langue romane ou roman.

Les deux faits les plus remarquables de l’histoire des patois, durant le moyen âge, sont d’abord la lutte de la langue du Nord avec cette du Midi et son triomphe définitif, et parallèlement à cette lutte celle de la lan* gue vulgaire contre le latin, qui aboutit également au triomphe complet des dialectes nationaux, ou plutôt de leur ensemble, qui constitue la langue française.

C’est de Cnarlemagne que datent les eava-