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tnoignage, que des pamphlets étaient quelquefois répandus par son ordre, pour exciter une émeute, qu’il exploitait ensuite à son profit. Le Pont-Neuf était comme chamarro de ces brochures, qui couraient aussi les rues de Paria. Naudé rapporte qu’on les criait le matin, au sortir de la presse, comme les petits pâtés sortant du four, « à la même heure ■ qu’anciennement on vendait à Rome le déjeûner des petits enfants. »

De cette nuée de pamphlets se distinguent quelques bonnes pièces historiques et politiques : le Théologien d’Estât ; Advis aux grands âe la terre ; le Courtisan qui déclare ce gui est de l’autorité royale ; la France languissante ; Manuel du bon citoyen ; le Catéchisme royal, excellent ouvrage, écrit avec un Sens politique très-pratique et très-rare pour l’époque ; Si la voix du peuple est la voix de Dieu, etc. ; enfin, les fameuses Remontrances de François Paumier (pseudonyme) au roy, sur le pouvoir et autorité que S. M. a sur te temporel de testât ecclésiastique.

Le j>lus grand nombre de ces buvrages éphémères, écrits à plume levée, sur une table de cabaret ou dans une ruelle, sont plaisants, goguenards, et affectent, pour devenir populaires, le langage des halles et des carrefours. Citons, parmi ceux qui, malgré le cynisme et l’effronterie des expressions, portent la marque d’un véritable talent : le Ministre flambé ; la Custode de la reyne, pamphlet plein des révélations les plus curieuses et les plus malveillantes sur la vie intime de Marie de Médieis ; la Famine ou les Putains à c... ; Imprécations contre l’engin de Mazurin ; le Tempérament amphibologique des test de Mazarin ; la Bouteille cassée, attachée avec une fronde au c... de Mazarin. Un pamphlet surtout se fait remarquer par sa noirceur et sa perfidie : c’est lo Tarif du pria ; dont on est convenu dans une assemblée de notables, pour récompenser ceux qui délivreront la France de Mazarin (if.02).

Un recueil de pièces satiriques intitulé : Tableau du gouvernement de Richelieu, Mazarin, Fouquet et Colbert, et qui ne contient pas moins de 482 pages, se compose absolument de pièces écrites à. la mémoire, mais non en l’honneur de ces quatre ministres. Quant a Fouquet, la verve du pamphlétaire s’est trouvée désarmée. Les malheurs de l’homme ont fait oublier les fautes, on pourrait dire les crimes du ministre. Dans les nombreuses pièces du temps qui le concernent, on trouve toujours des plaintes sur son sort et des malédictions contre ses onnemis.

La corde de Fouquet est maintenant a. vendre.

Nous avons de quoi l’employer.

Colbert, Mazarin, Uerrier,

Saintc-Hélene, Pussort, Poncet, le chancelier :

Voilà bien des voleurs a pendre,

Voilà bien des fols à lier.

La majorité da Louis XIV vit naître surtout dés pamphlets frivoles, galants, romanesques. Les faiblesses amoureuses du jeune roi sont le texte ordinaire de ces indiscrétions, sorte de chronique secrète de l’époque : ce sont, par exemple, les Amours des Gaules et la Carte géographique de la cour (1G6S), de Bussy-Rabutin ; le Passe-temps royal ou les Amours de il/me de Fontange ; les Amours de Lupanie (Mme de Montespan).

Le roi avance en âge, sans renoncer pourtant à ses intrigues amoureuses, que l’habileté de M10° de Maintenon parvient enfin à lui faire régulariser. La médisance s’empare de tous ces petits secrets de cour et d’alcôve, ■médisance dont le but est surtout d’intéresser les lecteurs, et qui, souvent, touche de plus près au roman qu’au pamphlet. Si l’on trahit les secrets les plus intimes du cœur du grand roi, en revanche ses complices, même les plus charmantes, ne sont pas épargnées, et 1 honneur de toutes les daines de la cour passe par la plume maligne du pamphlétaire. On n’a, pour s’en convaincre, qu’à liro les titres des pamphlets de ce genre qui furent le plus en vogue : les Amours d’Anne d’Autriche (où Louis XiV est présenté comme un bâtard) ; les Intrigues amoureuses de la cour (1685) ; la France galante (1696) ; les Amours des dames de France (1696) ; les Amours de la cour de Saint - Germain ; les Conquêtes du grand Alexandre ; lo Passe-temps royal de Versailles ; le Louis d’or politique et galant ; le Taureau banal de Paris (1712) ; le Tombeau des amours de Louis le Grand (1695).

A tour de rôle dénient les grandes dames, les princesses même. Ce sont les Amours de La Vallière, du dauphin, de la princesse do Conti, de M’le de Montpensier ; les Amours secrètes de Mino de Maintenon, épouse de Louis XIV, ou la Cassette ouverte à l’illustre créole ; las Aventures singulières de la cour de France ; l’Amour d la mode ; enfin, l’amour partout, mémo au couvent, témoin ce titre : les Intrigues monastiques et l’Amour encapuchonné.

Les ministres, les courtisans et les favoris sont traités par les pamphlétaires avec moins d’égard que les belles dames de la cour ; toujours le ton est mordant, les insinuations adroites et perfides ; souvent éclatent des injures brutales, ou bien le pamphlet prend la forma d’un dialogue, où les hommes d’État les plus dévoués au roi et les officiers généraux jouent un rôle indigne et sont exposés aux risées du peuple et de toutes les cours de l’Europe. C’est dans cet esprit de critique amère que sont dirigés contre Colbert : le3

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Mémoires pour servir à l’histoire de D. M. H. (c’est Colbert qui est désigné sous ces fausses initiales) ; la Bête insatiabte ou le Serpent écrasé, allusion à la couleuvre, coluber, qui figure dans ses armoiries (en vers, 1684) ;’ contre Louvois, la Peste du genre humain

Î16S8) ; le Marquis de Louvois sur la sellette 1695) ; contre Le Tellier, son frère, le Cochon mitre (ï&SQ), avec frontispice représentant un cochon ayant mitre en tète et tenant la crosse. Ce pamphlet contre Le Tellier, archevêque de Reims, frère de Louvois, coûta cher à Chavigny, son auteur, qui s’était réfugié en Hollande ; car, attiré par un émissaire du ministre sur les frontières do France, il fut arrêté, conduit an Mont-Saint-Michel et enfermé dans une cage de fer de i pieds de largeur sur 8 pieds de hauteur, lly passa trente ans. Le Père La Chaise s’attira à son tour : les Prévarications du Père La Chaise (1SS5) ; le Prince assis sur une chaise dangereuse ou le Moy Tris-Chrétien se confiant à un jésuite confesseur qui le trompe (1689), et la Confession réciproque entre Louis XIV et le Père La Chaise (IC94), dialogue plein d’esprit et de méchanceté.

Au milieu des insultes qui allaient droit au visage de ses plus fidèles serviteurs, la majesté du grand roi reçut de nombreuses éelaboussures. Il ne s’agit plus ici d’amourettes, mais de reproches graves, quelquefois sanglants, qui viennent le plus souvent de la Hollande, cette audacieuse, république qui la première humilia le roi-soleil, qui osa frapper une médaille où un bourgmestre d’Amsterdam regarde le soleil en face et lui adresse ces paroles : Sol, sia, et ne moveare (soleil arrête-toi, et ne bouge plus). La France et l’Europe entière auraient pu profiter, en lisant ces pamphlets, de plus d’un conseil utile mêlé aux divagations de la colère. Les plus remarquables de ces écrits sont : les Vrais intérêts des princes chrétiens, ouvrage d’une haute raison, auquel Louis XIV fit répondre par une réfutation intitulée : le Paravent de la France contre le vent du nord ; la France politique, sans bornes, toujours ambitieuse et toujours perfide, calomniatrice, intrigante, sorcière, démasquée, ruinée, où le pays est confondu dans une haine commune avec l’auteur de ses maux.

C’est à la personne seule de Louis XIV que s’adressent : l'Almanach royal, commençant par l’année 1705, où est parfaitement observé le cours du soleil d’injustice (en vers, avec 8 caricatures contre Louis XIV) ; Appendice de VAlmanach royal ou l’Année victorieuse des alliés, de 1706, contre le soleil éclipsé et couchant, par le nouveau Josué hollandais ; VAlcoran de Louis XIV, où est justement flétri le despotisme de ce prince ; le Partage du Lion de ta fable, vérifié par celui du roi ’Très-Chrétien (1700^-1701) ; l’Oraison funèbre de très-haute et très-puissante Monarchie universelle (1704).

La mort même de Louis XIV ne désarme pas les railleurs, et a la suite de cet événement parait en Hollande un pamphlet intitulé : Vers sur la mort de Louis te Grand, que Brunet appelle simplement, avec l’indifférence d’un savant en matière politique, « un recueil piquant et rare. »

« 11 est a remarquer, dit un autre bibliographe entiché de royalisme, que tous ces pamphlets politiques Ou prétendus galants nous viennent de la Hollande et des Pays-Bas. Les réfugiés y ont beaucoup de part. Les presses françaises sont innocentes île la presque totalité des libelles dirigés contre un cle nos plus grands rois : on n’en compte pas un sur vingt qui ait été fabriqué en France.» En effet, la Bastille et le Mont-Saint-Michel, avec ses cages de fer, étaient là pour paralyser la verve indignée de tous les gens de bien.

Rachetons l’énumération un peu sèche que l’on a lue plus haut, par des citations îirces du plus spirituel et du plus méchant de tous ces écrits, la Géographie de ta cour, par Bussy-Rabutin. Ce sanglant pamphlet est écrit sous forme de description, comme l’indique son titre. Les principales dames de la cour ont chacune une notice qui leur est consacrée, et qui est écrite du même style que s’il s’agissait réellement d’une ville.

Exemple :

« Pont-sur-Carogne (Mme de Pons). Il y a eu longtemps dans cette place deux gouverneurs de fort différente condition en même temps (le duc de Guise et Malicorne, son écuyer). La fonction de l’un était de pourvoir à la subsistance de la ville, et. celle de l’autre de pourvoir^ son plaisir. Le premier y a presque ruiné sa maison, et l’autre y a fort altéré sa santé. Cette place a eu depuis grand commerce et est maintenant en république. •

« Olonne (M"» d’Olonne). C’est un chemin fort passant. On y donne le couvert à tous ceux qui le demandent, à la charge d’autant. Il y faut bien payer de sa personne ou payeur de sa bourse. »

« Séoiijny (Mmo de Sévigné, la propre cousine de Bussy-Rabutin). La situation en est fort agréable. Elle a été autrefois marchande (on dit que M""0 de Sévigné vendit ses faveurs il Fouquet). Montmoron (le marquis de Montmoron, cousin du marquis de Sévigné), proche parent du Coruute (M. de Sévigné, le mari), en fut gouverneur ; mais il en fut chassé par un comte angevin (le comte, plus tard duc du Lude), qui la gouverna paisible PAMP

ment longtemps, lequel partageait le gouvernement avec un autre comte bourguignon (Bussy-Rabutin lui-même, et il faut avouer que, dans l’histoire des amants indiscrets, on pourrait citer peu d’exemples d’une pareille impudence). •

En dehors de ? pamphlétaires proprement dits perçaient, çîiet là, dans les ouvrages des écrivains et des hommes d’État, des maximes nouvelles et hardies ou des plaintes sur les misères du peuple. Fénelon osait rêver une société nouvelle dans le Télémaque ; Racine lui-même, dans son Mémoire au roi, exposait la douloureuse situation de la France ; Vauban proposait l’impôt territorial. Et à ce sujet, « Vatiban, a dit Linguet, ce guerrier citoyen qui devait sa fortune et sa réputation à sa supériorité dans l’art d’exterminer les hommes, semble avoir voulu expier ses tristes succès par des recherches profondes et presque perpétuelles, mais malheureusement restées sans usage, sur les moyens de les gouverner avec douceur. •.

La Bruyère, enfin, dans un élan de pitié, écrivait ces lignes effrayantes sur le sort réservé aux misérables habitants des campagnes : « On voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus dans la campagne, noirs, livides, nus et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et remuent avec une opiniâtreté invincible. Ils ont comme une voix articulée, et. quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et, en effet, ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines. Ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé, »

Par une étrange rencontre, Milton prenait part à la vie politique et littéraire de la France, et écrivait sa Défense du peuple anglais (1651), en réponse à. l’insolent libelle de Saumaise, commandé par Charles II au vénal écrivain. Le pamphlet royaliste débutait ainsi : « L’horrible nouvelle du parricide commis en Angleterre a blessé depuis peu notre oreille. 1 Le républicain lui répond : « Il faut que les oreilles hollandaises soient singulièrement longues pour que le coup porté à Londres ait blessé K La Haye. »

Dumoulin s’étant jeté dans la lutte, Milton publie une Seconde défense, souvent admirable. Morus ose attaquer à son tour le grand puritain, et Milton l’écrase par un dernier pamphlet intitulé : Défense personnelle (1655).-Chateaubriand juge ainsi ces différents

écrits politiques :

« Milton a remué d’une main puissante toutes les idées agitées dans notre siècle. Ces idées ont dormi pendant cent cinquante années, et se sont réveillées en 1789. •

Pendant la durée du grand siècle, des querelles littéraires et religieuses, bien enterrées aujourd’hui, avaient un tout autre retentissement que les discussions politiques ; on peut citer la grande querelle pour ou contre le parti des précieuses, celle, non moins fameuse, des anciens et des modernes, et l’éternelle question du jansénisme, qui devait entasser libelles sur libelles, jusque sur le seuil de la Révolution, mais qui, du moins, a produit le grand Arnauld et les Provinciales, « ces feuilles légères qui accablent le grand corps des jésuites, colosse craint des rois et des peuples, qu’un pamphlétaire mit en bas en se jouant. »

À Louis XIV succédèrent la Régence et le règne de Louis XV ; le tuteur et le pupille ont bien des peccadilles sur la conscience, aussi ne se montrent-ils pas trop sévères poulles quelques esprits moroses qui viennent leur chercher chicane à propos de politique, de finances et d’amours.

Law fut plus attaqué que le régent ; contre Philippe d’Orléans, on ne trouve guère à noter que les Philippiques de Lagrange-Chancel. Il est vrai que jamais pamphlet plus sanglant ne fut inspiré par la haine de parti. En voici le début :

Vous, dont l’éloquence rapide

Contre deux tyrans inhumains

But jadis l’audace intrépide

D’armer les Grecs et les Itomains, Contre un monstre encore plus farouche Mettez votre fiel dau3 ma bouche : Je brûle de suivre vos pas,

Et je vais tenter cet ouvrage,

Plus charme de votre courage

Qu’effrayé do voire trépas.

À peine ouvrit-il (Philippe d’Orléans) lespaupières Que, tel qu’il se montre aujourd’hui, It fut indigné des barrières

Qu’il vit entre le trône et lui ; Dans ces détestables idées,

De l’art des Circés, des Médées, Il fit ses-uniques plaisirs :

Il crut cette voie infernale

Digne de remplir l’intervalle

Qui s’opposait & ses désirs.

Nocher des ondes infernales.

Prépare-toi, sans l’effrayer,

A passer les ombres royales

Que Philippe va l’envoyer.

O disgrâces toujours récentes ! O pertes toujours renaissantes !

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Ainsi, les fils (les ducs de Berry et de Bourgogne), pleurant leur père (le dauphin),

Tombent frappés des mêmes coups ; Le frère est suivi par le frère (les deux priaces nommés plus haut). L’épouse (la duchesse de Bourgogne) devance l’époux ;

Mais, o coups toujours plus funrstes, Sur deux fils, nos uniques rester, La faulx de la Parque s’étend.

Le premier est joint à sa race (le duc doBretagne), L’autre, dont la couleur s’efface (Louis XV, fort délicat), Penche vers son dernier instant.

Après ces odieuses accusations d’empoisonnement, qui arrachent, dit-on, au régent, des larmes d’indignation, Lagrange-Chancel, flétrit avec plus de raison les débordements de Philippe et de ses filles. Le poète s’adresse à Vénus :

Suis-les, dit-il, dans cette autre Caprée, Où, non loin des yeux de Paris, Tu te vois bien mieux célébrée

Que dans i’île que tu chéris.

Vers cet impudique Tibère

Conduis Sabran et l’arabere,

Rivales sans dissensions ;

Et, pour achever l’allégresse.

Mène Priape à la princesse (Mt’cdeBcrry), Sous laûgure de Riom (le duc do Lauzuu). Que parmi les lascives troupes

De tes sujets les plus zélés,

Le vin se verse a. pleines coupes, Par la main des enfants ailés.

Que la nature, sans nuages,

Montre en eux tous ses avantagea, Comme dans nos premiers ateux ; Qu’ils tournent leurs mains irritées Contre des modes inventées

Pour le supplice de leurs yeux. Quelques années après la publication de cet infernal libelle, Lagrange-Chancel, enfermé aux lies Marguerite, adressait à ce même Philippe d’Orléans une ode pleine d’éloges, qui lui valait quelques adoucissements dans sa captivité. Une fois réfugié en Hollande, son premier soin fut de publier uno quatrième Philippique ; il saluait encore, par une cinquième, la mort du régent.

Sous le long règne de Louis XV, on no peut citer que quelques pamphlets dans le genre des chroniques secrètes : le Gazelier cuirassé ou Anecdotes scandaleuses de la cour de France, imprimé à cent lieues de ta Sastille, à l’enseigne de la Liberté (1771) ; Mélanges confus sur des matières fort claires, imprimé sous le soleil ; le Philosophe cynique, imprimé dans une île qui fait trembler la terre ferme.

Les vrais pamphlétaires se nomment Voltaire, leur roi à tous, J.-J. Rousseau, Montesquieu, Diderot, d’Alembert, d’Holbach, Helvétius, Beaumarchais ; quelques voix discordantes, Gilbert, qui fait, aux gages de l’archevêque de Paris, des vers contre les philosophes, et qui meurt à l’hôpital des bienfaits du clergé ; Palissot, l’auteur des Petites lettres contre les grands philosophes., et quelques pamphlétaires affamés de réputation et da pain, les Nonotte, les Fréron, les La Baumelle, toute la clique des bas insulteurs.

Les idées semées germent, les cerveaux travaillent, le pamphlet, qui était déjà devepu un instrument philosophique, joue un rôle plu3 important encore : c’est la forme la plus vive de l’idée moderne.

La lutte du parlement contre la royauté, qui servit de préliminaire à la Révolution, lait pousser les pamphlets par milliers, comme ces champignons hâtifs que fait naître uno pluie d’orage. Ce sont : les Abeilles de la Seine ; la Conférence entre un ministre et un conseiller ; l’Avis au tiers état de la part des solitaires de Passy ; la Lettre de Hobin, roi des’îles Sainte-M urtjuerite, petites maisons et mers adjacentes, à Louis XVf, roi de France ; mille autre productions éphémères de l’esprit français, dont le titre seul mérite aujourd’hui d’être cité, et le Catéchisme des parlements, le seul que sa vive allure, cachant uno certaine profondeur politique, ait rendu popufaire. On y lit, sous forme de dialogue : Demande. « Pour diviser les peuples et les aveugler, comment vous y prendrez-vous ?» Réponse. « Eh 1 n’avons-nous pas à nos ordres les suppôts du palais, les cours des aides, les chambres des comptes, des juges partout répandus, tous les gens dérobes ?» Demande. « Dans un siècle aussi éclairé que celui-ci, il est bien difficile de faire illusion à la nation l » Réponse. « Si nous ne pouvons pas tromper, nous pouvons faire trembler. On sait assez que nos vengeances sont implacables. Nous brûlons les écrits, nous décrétons les auteurs, nous intimidons les citoyens par le pouvoir île les accuser sous le nom de notre procureur général, par le pouvoir de les poursuivre, de les juger, et, dans les vingt-quatre heures^ de les pendre. «

La révolution approche ; le pamphlet seul pouvait la produire, et il la produisît. Des brochures vives, piquantes, d une tournure populaire, ne visant qu’au bon sens, deviennent la monnaie courante des écrits savants, profonds, mais trop volumineux et d’une forme trop abstraite, des philosophes et des économistes du xvjne siècle. Les principes dès Rousseau, des Mably, des Raynal, des Diderot, des Condillac sont ce que l’on appellerait de nos jours vulgarisés. Une nuée debrochures inonde la France : lesdiscussions les plus importantes sur lesdroitsde la nation